Question de sens
Les hommes ont toujours éprouvé le besoin de reconnaître le sens des choses. Certes, l’ensemble de la création forme un tout cohérent et, en son sein, chaque élément a sa place. Cependant, sans direction claire, sans une vision du déroulement de l’Histoire, le monde ne peut que tâtonner dans une obscurité d’autant plus épaisse qu’elle est produite par l’homme lui-même et son absence de choix. C’est là, du reste, une des révolutions intellectuelles introduites par le judaïsme : à la conception antique d’un temps cyclique, et donc dénué de progrès, il a su substituer celle d’un temps dynamique quittant son point de départ pour parvenir à un objectif supérieur grâce à l’œuvre humaine. Apparaît ici, comme un filigrane, une idée essentielle : chacun est chargé par le Créateur d’une mission à accomplir.
Le grand mot est lancé : une mission. Le terme « mission » a toujours de quoi surprendre. Il renvoie à tant d’images et de mondes différents. Ici, il a la plus grande et la plus noble des significations. Il implique que nous concrétisions l’attente de D.ieu : être Ses associés dans l’œuvre de la création. Cela peut sans doute paraître bien immodeste. Nous, qui sommes de si petites créatures, serions dans une telle position ? Il y a là comme un privilège et celui-ci ne va pas de soi. Mais, dans Sa bonté, le Créateur donne une place à l’homme, plus encore à chacun. Il nous reste à la remplir.
Accomplir les commandements de D.ieu, étudier Sa Torah, plus largement avoir une conduite générale digne de l’être humain, ce sont les grands axes le long desquels se déroule la mission confiée. Et celle-ci est, au sens strict, révolutionnaire : elle transforme le monde. De ce niveau de l’existence si obscur, elle fait un lieu de lumière. Elle réorganise les choses en leur assignant un sens. La vie cesse alors d’être une sorte de terrain vague des expériences humaines pour devenir un espace promis aux plus belles récoltes. Sur la nature, nous fondons la culture. Pénétrés de cette conscience, nous avançons sur ce nouveau chemin. Et cette avancée est plus légère car, justement, elle fait sens.
Its’hak notre Père
Le Talmud (Chabbat 89b sur Isaïe 63 : 16) enseigne : « Dans les temps à venir… (le peuple juif) dira (à Its’hak) : ‘Car tu es notre père’. » C’est dire qu’il y a un lien particulier entre notre Patriarche Its’hak et le « temps à venir », celui de Machia’h.
En fait, le mot « Its’hak » renvoie, en hébreu, à l’idée de «rire» et donc de délice. Dans cette nouvelle époque, quand toutes les étincelles divines présentes dans le monde matériel auront été élevées par l’effort spirituel de chacun, le « délice » de D.ieu devant la tâche accomplie apparaîtra aux yeux de tous.
(d’après Torah Or, Vayétsé, p. 21c)
« Telle mère, telle belle-fille »
Après que le serviteur d’Avraham, Eliézer, eut ramené avec lui Rivkah, afin qu’elle épouse Its’hak, « Its’hak conduisit (Rivkah) dans la tente de Sarah, sa mère et il l’épousa », Rachi cite les mots « dans la tente de Sarah, sa mère » et commente :
« Il la conduisit ‘dans la tente’ et voici, elle était ‘Sarah, sa mère’ ». Cela veut dire qu’il se produisit exactement (avec Rivkah) ce qui avait eu lieu avec Sarah, sa mère. Car du vivant de Sarah, les lumières (de Chabbat) restaient allumées d’une veille de Chabbat à l’autre, la bénédiction se trouvait dans la pâte et une nuée planait au-dessus de la tente. A la mort de Sarah, ces manifestations s’interrompirent ; à l’arrivée de Rivkah, elles réapparurent.
Cependant, le Midrach, dont le texte sert de source à Rachi, mentionne ces trois miracles dans un ordre différent : « une nuée planait sur la tente, la bénédiction se trouvait dans la pâte, les lumières (de Chabbat) restaient allumées d’une veille de Chabbat à l’autre ».
Qu’a donc poussé Rachi à inverser cet ordre ?
En fait, Rachi répond ainsi à une difficulté concernant les mots « dans la tente de Sarah, sa mère ». La Torah vient de relater que dès son arrivée, avant même qu’il ne pénètre dans la tente, Eliézer raconta à Its’hak toutes les merveilles qui avaient eu lieu, à propos de Rivkah, au cours du voyage. Et ensuite, Its’hak épousa Rivkah. Le verset aurait donc dû simplement déclarer que « Its’hak fit venir à lui Rivkah et la prit pour épouse ». Que gagnons-nous des mots supplémentaires : « dans la tente de Sarah, sa mère » ?
Il est bien évident qu’ils ajoutent un point relatif à la conclusion du passage « Its’hak fit venir à lui Rivkah et la prit pour épouse ». En d’autres termes, si Its’hak n’avait pas auparavant conduit Rivkah « dans la tente de sa mère », l’issue n’aurait pas du tout été garantie.
Il est vrai qu’Eliézer avait déjà relaté les événements miraculeux qui lui avaient servi de signes, indiquant clairement que Rivkah était véritablement destinée à Its’hak. Cependant, ce dernier n’était pas encore sûr que Rivkah soit compatible avec sa famille, qu’elle en possède les mérites, les qualités, et tout particulièrement ceux de sa mère, afin qu’il puisse en faire sa femme.
Puisque la conclusion d’Its’hak, à savoir que Rivkah était indubitablement dotée de ces qualités, émergea quand il l’eut conduite dans la tente de Sarah, il apparaît clairement que les événements qui s’y produisirent constituèrent à ses yeux des preuves encore plus probantes que précédemment. Elle possédait bien les qualités qui lui firent comprendre qu’elle était véritablement comme sa mère et convenait parfaitement pour qu’il l’épousât.
Ces événements en question étaient les suivants : « les lumières (de Chabbat) restaient allumées, la bénédiction se trouvait dans la pâte et une nuée planait sur la tente ».
L’on peut désormais comprendre la raison pour laquelle Rachi change l’ordre du Midrach. Puisque ces événements avaient pour but de montrer que Rivkah était comme Sarah, plus ils étaient personnels et plus ils montraient leur similitude.
C’est ainsi que la première manifestation en fut les lumières de Chabbat, c’est-à-dire un miracle concernant l’une des mitsvot et des bonnes actions de Rivkah, mettant l’accent sur la droiture avec laquelle elle accomplissait une Mitsva. Puis vint « la bénédiction sur la pâte », quelque chose qui est également lié à ses actions mais ne constitue pas l’acte d’une Mitsva. Et enfin, Rachi cite un miracle qui n’était pas directement lié à ses actions : « une nuée planait au-dessus de la tente ».
De ce qui précède, il ressort clairement que Rivkah allumait les lumières de Chabbat avant même d’être mariée. Plus encore, selon Rachi, elle était âgée de trois ans au moment de son mariage, âge où elle n’avait pas encore l’obligation d’accomplir les mitsvot. Et pourtant, elle s’acquittait déjà de celle de l’allumage des lumières de Chabbat.
Cela nous apprend que, telles Rivkah, les jeunes-filles juives doivent allumer les lumières de Chabbat, avant même l’âge de la Bat Mitsva. Commençant à trois ans, si elles sont déjà capables d’en comprendre la signification, les filles juives doivent être éduquées à allumer les lumières de Chabbat.
Les commentateurs notent que « les lumières allumées, la pâte bénie et la nuée qui plane » sont relatives aux trois Mitsvot concernant très spécifiquement la femme juive : l’allumage des lumières de Chabbat, (le prélèvement de) la ‘Hallah et Niddah (la pureté familiale). Les lumières de Chabbat conduisent au fait que « la lumière reste allumée », prélever la ‘Hallah résulte en « la bénédiction dans la pâte » et la pureté familiale permet que « la nuée de la Présence Divine plane sur la tente (de la famille) ».
C’est également pour cette raison que Rachi choisit l’ordre des « lumières, pâte et bougies », dans la mesure où il symbolise l’ordre chronologique de ces trois Mitsvot.
Une petite fille en commence la pratique en allumant les lumières de Chabbat. Quand elle mûrit et commence à apporter son aide à la maison, elle s’occupe de la pâte. Enfin, elle se marie et accomplit la Mitsva de la Pureté Familiale.
De tout ce que nous venons de voir, il apparaît clairement la grandeur du mérite de voir chaque fille juive allumer, dès l’âge de trois ans, les lumières à la veille du Chabbat et de Yom Tov. Cela résulte dans le fait que D.ieu nous montre « les lumières de Tsion », avec l’arrivée rapide de Machia’h.
(Adapté des Likouté Si’hot, Vol. XV, pp. 163-173)
Comment se conduit-on entre les fiançailles et le mariage ?
La période précédant un mariage est considérée comme « Yakar Mikol Yakar », plus précieuse que tout ce qui est précieux. C’est la période où les fondations du nouveau foyer sont posées et il convient de veiller à leur solidité. C’est pourquoi on augmente en quantité et en qualité dans l’étude de la Torah, l’intensité de la prière et les bonnes actions.
Le fiancé comme la fiancée veillent à raffiner leur conduite, leurs paroles et leurs pensées : « Certainement D.ieu leur donnera les forces nécessaires pour cela s’ils manifestent leur volonté et leur détermination » (Lettres du Rabbi volume 14 page 307). Tous deux réfléchiront sérieusement à leur conduite passée et tenteront de réparer ce qui doit l’être (ce qu’on appelle Techouva). Il faut prévoir plusieurs cours de préparation aux lois du mariage (Taharat Hamichpa’ha, la pureté familiale) avec des personnes compétentes pour ces formations.
Les fiancés éviteront de se voir trop souvent (éventuellement seulement une fois par semaine) ; nombreux sont ceux qui préfèrent habiter dans deux villes différentes. Ils éviteront aussi de se parler trop souvent au téléphone. Ils ne se laisseront pas photographier seuls ensemble – sauf avec d’autres membres de leurs familles.
Ils ne se rencontrent pas et ne communiquent pas ensemble (téléphone, mail, messages…) dans la semaine qui précède le mariage. Ils passeront par des intermédiaires. Ils ne restent pas seuls dans une maison et ne sortent qu’accompagnés.
La coutume est que la fiancée (ou ses parents) offre au jeune homme un Talit (châle de prière), un Chass (le Talmud de Babylone) et d’autres livres, de ‘Hassidout principalement. Le fiancé offre un bijou (mais pas de bague), des livres de loi juive ainsi qu’un livre de prières et des Psaumes.
(d’après Chéva’h Hanissouim – Rav Shmuel Hurwitz)
Qui a gagné ?
Imaginez mon excitation quand on me proposa de travailler pour une campagne présidentielle à Tampa, en Floride, il y a quelques années. Pour quelqu’un comme moi, passionné de politique et déterminé à établir une différence, on ne pouvait rêver d’une meilleure occasion d’utiliser ses capacités pour changer le monde. J’étais enchanté de pouvoir travailler au service d’un candidat que j’appréciais et de participer activement à cette élection que je savais très importante pour l’avenir des États-Unis et du monde tout entier.
Le seul problème était qu’il me fallait travailler Chabbat.
Dans le cadre de cette fonction, je devais en effet contribuer à bâtir une organisation qui encouragerait les citoyens à voter. Cela impliquait de conduire une voiture, téléphoner, envoyer des mails, préparer des réunions électorales – sept jours par semaine : je perdrais tout sens du Chabbat.
J’étais vraiment placé devant un choix cornélien. Après tout, il ne s’agissait que d’un contrat de trois mois, je pourrais recommencer à respecter le Chabbat après les élections. Je me disais que les élections étaient cruciales pour l’avenir du pays et l’importance de leur résultat justifiait que je mette Chabbat de côté. J’étais résolu à prendre une part active dans la politique de mon pays et, après tout, si on m’avait offert ce job, il devait bien y avoir une raison. J’acceptai donc.
Tandis que je bouclais mes valises tout en cherchant un vol pour la Floride, je me sentais devenir de plus en plus anxieux et confus : Chabbat est le sommet de ma semaine, la pile qui me donne de l’énergie pour les six jours qui suivent. Étais-je vraiment prêt à l’abandonner ? A quoi ressemblerait ma semaine sans la traditionnelle soupe de poulet du vendredi soir ? Mais surtout, pourquoi D.ieu me proposait-Il une offre aussi attrayante mais aussi contraire à mon observance du Chabbat ?
Silencieusement, je priais pour procéder au bon choix, je m’en remis même à « Rav Google » et surfais sur plusieurs sites pour me forger mon opinion. Et je finis par trouver.
Un dimanche dans les années 80, un jeune homme qui se fiançait avec une jeune fille non-juive se présenta devant le Rabbi de Loubavitch.
« Je vous envie ! » déclara le Rabbi au jeune homme stupéfait.
Tous ceux qui entendirent le Rabbi s’exprimer ainsi étaient eux aussi choqués. Mais le Rabbi continua : « Vous faites face à un énorme dilemme, à un test très difficile. La croissance spirituelle et morale que vous ressentirez si vous passez l’épreuve avec succès excède et de loin tout ce que je peux imaginer. Je vous envie d’avoir cette possibilité extraordinaire de prouver le potentiel de votre âme juive ! ».
Ce récit me fit complètement changer de perspective. Peut-être n’affrontai-je cette épreuve que pour prouver mon attachement au respect du Chabbat…
Quel privilège après tout !
C’est ainsi que ce vendredi d’été, j’informai les organisateurs de la campagne que je ne pouvais pas les rejoindre en Floride mais que je leur souhaitais bonne chance.
D’un côté, j’étais fier de moi, j’avais résisté à la tentation mais j’avais aussi fait l’impasse sur un travail qui me passionnait, qui aurait pu faire démarrer ma carrière professionnelle alors que ma situation financière n’était pas encore stabilisée.
Trois jours plus tard, je reçus un coup de téléphone de l’Iowa : on me proposait de travailler pour aider justement le candidat que j’admirais – dans cet état des États-Unis qui s’avérait déterminant pour le reste de la campagne. Sûr de moi et déterminé, je remerciais mes interlocuteurs pour leur confiance en mes capacités mais ajoutais dans le même souffle : « Je suis un Juif pratiquant, ce qui signifie que, le vendredi dès le coucher du soleil jusqu’au samedi soir, je ne travaille pas. Je suis prêt à me consacrer corps et âme à cette campagne les six autres jours de la semaine ! ».
Effectivement, je me suis installé pendant trois mois en Iowa. Avec l’aide des émissaires du Rabbi sur le campus de mon université, j’ai pu rencontrer d’autres émissaires et être chaleureusement accueilli par d’autres familles ‘Habad. On m’a aidé, on m’a fait passer des Chabbat inoubliables, j’ai pu progresser dans mon judaïsme tout en me battant pour mon candidat.
Un des ‘Hassidim de Postville remarqua à mon sujet : peu importe le résultat des élections, une victoire majeure a déjà eu lieu !
Michael Snow – Chabad.org
Traduit par Feiga Lubecki