« Ne reste pas impassible devant le sang de ton prochain. » (Vayikra 19 :16)

« Ne reste pas impassible devant le sang de ton prochain pour le voir mourir et tu peux le sauver ; par exemple s’il se noie dans une rivière ou qu’une bête ou des voleurs s’approchent de lui. » (Rachi, ad loc.)

L’une des pierres angulaires des enseignements de Rabbi Israël Baal Chem Tov, le fondateur du mouvement ‘hassidique, est la doctrine de la Hachga’ha Pratit, « la Providence Divine particulière ». La Providence particulière signifie que non seulement D.ieu surveille et détermine tout ce qui se produit dans le monde, mais qu’également chaque détail et chaque aspect de chaque événement exprime un projet divin. Si une feuille est arrachée de sa branche par un vent qui souffle dans une forêt distante, nous enseigne le Baal Chem Tov, et est ballotée, d’une manière spécifique, avant de venir se poser dans un lieu précis, c’est que cela a été ordonné par D.ieu et que cela répond à un but bien défini.

Le Baal Chem Tov déclare également que « de tout ce qu’une personne entend ou voit, elle devrait en tirer une leçon à appliquer dans son service divin. »

Ces deux enseignements sont très liés et, de fait, le second dérive du premier. Si quelque chose se passe et que vous en soyez le témoin ou que vous en entendiez parler, alors, les deux circonstances, l’événement lui-même et le fait que vous en ayez eu connaissance, émanent de la Providence divine. L’événement aurait pu se produire sans que vous le sachiez. Mais puisque vous en avez été informé, cela même est significatif. Cela doit vous inciter à comprendre quelque chose ou à faire quelque chose. Sinon, votre prise de conscience n’aurait aucune raison d’être.

C’est ici que réside le sens profond du passage relevé par Rachi qui explique le sens du verset : « Ne reste pas impassible devant le sang de ton prochain » en ajoutant les mots « pour le voir mourir et tu peux le sauver ». Mais les termes : « et tu peux le sauver » ressemblent davantage à l’affirmation d’un fait qu’à une hypothèse. Pour la clarté du propos, il aurait été préférable que Rachi écrive : « si tu peux le sauver » ou bien « alors que tu peux le sauver ». Mais en réalité, le fait-même d’être le témoin de la situation délicate de son prochain doit nous indiquer que nous sommes capables de lui venir en aide. Rachi veut donc dire : « ne te hâte pas de conclure qu’il n’y a rien que tu puisses faire face à la détresse de ton frère. Car si cela avait réellement été le cas, dans quel but D.ieu aurait-Il fait en sorte que tu en sois le spectateur ? »

La dimension spirituelle

Aujourd’hui, nous sommes douloureusement conscients que bon nombre de nos frères et de nos sœurs sont menacés d’extinction spirituelle, à D.ieu ne plaise ! Nous les voyons sombrer dans l’assimilation, nous les voyons dévorés par une société qui a perdu son D.ieu et ses ancrages moraux.

Cette prise de conscience implique un devoir et une responsabilité : « Ne reste pas impassible devant le sang de ton prochain » s’applique aux dangers spirituels au même titre qu’aux menaces physiques. Elle porte aussi la garantie divine : le fait-même que tu aies pu avoir l’occasion de connaître la souffrance de ton prochain signifie que tu es capable de faire quelque chose pour lui.

La fausseté de la colère

« Ne hais pas ton frère dans ton cœur… Ne te venge pas, ne garde pas rancune… (Vayikra 19 :17-18)

« Ne hais pas ton frère dans ton cœur » commande la Torah. Mais qu’en est-il si votre frère le mérite ? Comment agir si quelqu’un vous a réellement causé du tort ? Votre colère et votre animosité à l’égard de cette personne ne sont-elles pas justifiées ?

Un D.ieu

La base-même de la foi est la croyance en Un D.ieu.

Considérer le spectacle du monde comme un champ de bataille entre un dieu du bien et un dieu, tout aussi puissant, du mal est de toute évidence contraire à cette croyance.

Croire en un dieu extrêmement puissant qui triomphe (presque) toujours sur un satan plus faible, signifie pareillement se détourner du principe d’une déité une et unique.

Dire qu’il y a un dieu qui est éternel et tout-puissant mais qu’il existe également un caillou dans l’univers qui possède une existence indépendante de ce dieu équivaut à croire en deux dieux. Il est vrai que ce dieu hypothétique peut créer et soutenir d’innombrables univers, alors que le caillou ne peut faire qu’une seule chose : exister. Cependant, ils sont tous deux des dieux dans le sens où chacun a l’aptitude de faire quelque chose, une force autonome.

« Un D.ieu » signifie qu’il n’y a qu’une et unique force déterminante dans l’existence.

Aussi, la Torah statue-t-elle sans équivoque : « Il n’y a rien en dehors de Lui. » Rien d’autre. Les forces sans nombre et les entités que nous identifions comme constituant notre univers n’existent pas « en dehors de Lui. » Elles sont complètement dépendantes de leur Créateur Qui, dans chaque fraction de temps, garantit leur être et leur vie.

Un choix et non une cause

Ainsi si quelqu’un agit mal à votre égard et que vous le méprisez pour cela, vous lui donnez bien trop d’importance. En fait, vous êtes en train de dire qu’il est un dieu et que c’est parce qu’il a choisi de vous faire du mal que vous avez été atteint. Mais un Juif croit qu’il n’y a qu’un D.ieu, un D.ieu responsable de tout ce qui arrive dans l’univers. Ainsi c’est D.ieu Qui a décidé que, pour quelque raison que ce soit, vous alliez souffrir d’une perte ou d’une humiliation infligée par cette personne.

Cet homme est responsable devant D.ieu, et devant vous, pour le mal qu’il a choisi de faire. Le choix de vous faire du mal était entièrement sien, car D.ieu a accordé à tout un chacun la liberté de choisir entre le bien et le mal. Mais ne pensez pas que si cette personne-là ne l’avait pas décidé, vous auriez été épargné de ce qui vous est arrivé.

En d’autres termes, votre colère à l’égard de l’instrument humain de la Volonté de D.ieu est simplement mal orientée. Selon les paroles de nos Sages : « Celui qui se met en colère est comparable à celui qui a servi un dieu étranger. »