La route de la libération
Ne trouvez-vous pas qu’il est toujours difficile de revenir au quotidien et à ses rythmes inchangés après les grandes expériences spirituelles ? La semaine de Pessa’h s’éloigne à pas rapides. Certes, nous avançons avec le compte de l’Omer et son déroulement des jours plein d’espoir. Mais, en dépit de tout cela, n’est-il pas naturel de percevoir en soi comme une forme de nostalgie ? Cette période, à présent écoulée, était grande, porteuse d’une immense élévation et nous voici revenus à des temps si visiblement prévisibles… Sortis de l’épopée, sommes-nous donc rendus sans recours au train-train de l’existence ?
Une question ici nous taraude : face à cela, que faire et comment ? Comme bien souvent, la première démarche est sans doute celle de la réflexion et de l’analyse. Car, finalement, à quoi sommes-nous confrontés après la parenthèse de Pessa’h ? N’est-ce pas à une certaine impureté du monde ? De fait, nous avons sauté de Chabbat en jours de fête et nous avons, en quelque sorte, pris à la fois goût et habitude à cette réalité plus essentielle. Et puis, brutalement, tout cela a cessé et les préoccupations anciennes ont repris toute leur place, comme s’il s’agissait d’une chose bien naturelle. Or, justement, il dépend de chacun de nous de repousser cette invasion nouvelle. Il dépend de chacun de dire au monde que notre regard a décidément changé et que nous saurons le reléguer au second plan.
Cela ne signifie pas qu’il ne compte pas ou que nous nous en retirons pour mieux le délaisser mais simplement qu’il n’est plus le décideur. Nous sommes encore peu après la fête et l’aventure spirituelle chante dans notre esprit et dans notre cœur, tout nous invite à nous saisir de cette puissance renouvelée et à changer profondément notre vie, les choses qui nous entourent. Nous sommes sortis, également spirituellement, d’Egypte, nous connaissons la route à suivre. L’étude de la Torah, la pratique de ses commandements en sont les jalons. Pour cela, cette route-là est libératrice et il n’est sans doute pas de plus belle volonté et d’ambition plus justifiée que celle de cette authentique liberté.
La raison de l’attente
Dans le Michné Torah (Hil’hot Mela’him, chap. 12, Hala’ha 4), Maïmonide décrit la réponse par laquelle les Sages ont, de tous temps, tant désiré la venue de Machia’h. Il précise alors : « Ils ne l’ont désiré que pour être libres pour se consacrer à la Torah ».
Cette formulation permet de comprendre un enseignement important : pour les Sages, la nouvelle ère n’est pas une simple récompense pour l’œuvre spirituelle accomplie pendant la période de l’exil. Bien au contraire, elle est la poursuite et l’aboutissement de ce long effort. C’est ainsi que la seule raison réelle de l’attente impatiente et ardente de Machia’h est la volonté d’atteindre alors une telle perfection et non de recevoir la récompense pour des actes passés.
Ce désir est, dès lors, un élément indissociable de l’effort présent.
(d’après Séfer Hasi’hot 5748, vol.I, p. 80)
Tazrya
La Paracha continue la discussion concernant les lois de Touma véTahara, les lois d’impureté et de pureté spirituelles, qui incluent l’immersion dans un Mikvé (bassin d’eau naturelle) et les offrandes dans le Saint Temple. Tous les bébés garçons doivent être circoncis le huitième jour de leur vie.
Tsaraat (que l’on traduit parfois, de façon erronée, par « lèpre ») est une plaie surnaturelle qui peut également infecter les vêtements. Si des taches roses ou blanches apparaissent sur la peau d’une personne (rouge foncé ou vert sur les vêtements), l’on convoque un Cohen. S’appuyant sur différents signes, comme l’augmentation de la surface de la zone infectée, après une mise en quarantaine de sept jours, le Cohen déclare si la tache est Tamée (impure) ou Tahor (pure).
La personne affligée de la Tsaraat doit résider seule, à l’extérieur du campement (ou de la ville) jusqu’à sa guérison. La partie infectée d’un vêtement est enlevée. Si la Tsaraat s’étend ou réapparaît, tout l’habit doit être brûlé.
Est-ce votre choix ou bien avez-vous été forcé ?
Nous évoquons ici votre Judaïsme, le fait d’être un Juif dans le monde d’aujourd’hui et de porter toutes ces lois et ces traditions. Est-ce quelque chose que vous avez choisi ? En avez-vous réellement le choix ?
Comme à de nombreuses questions, les enseignements du Judaïsme apportent au moins deux réponses. Tout d’abord, une réponse affirmative, c’est votre choix. Puis une seconde réponse, différente celle-là : en effet vous êtes né dans votre Judaïsme, c’est ce que vous êtes et vous ne pouvez y échapper… Comment ces deux réponses peuvent-elles être toutes deux justes ? Pour pouvoir répondre à cette interrogation, observons la Paracha de cette semaine ainsi que les Pirké Avot (Maximes de nos Pères).
La Torah nous parle d’ « une femme qui conçoit et donne naissance à un fils ». Il est intéressant d’observer que le texte commence avec la femme plutôt qu’avec un homme et une femme qui se marient. Il n’est pas dit : « un homme qui épouse une femme et elle donne naissance à un garçon ». L’accent est donc mis ici sur la femme elle-même. La ‘Hassidout enseigne que cette femme de notre Paracha représente le Peuple juif ou l’individu juif que nos prophètes décrivent comme « la femme » ou « la promise » de D.ieu. La Torah parle donc d’une personne qui progresse d’un pas dans sa vie juive, de son propre gré. Le choix a été fait et cela a pour résultat positif la naissance d’un fils, ce qui, ici, fait allusion à l’accomplissement et au succès.
Selon cette optique, ce qui est vraiment important est notre propre choix. Si l’on prend comme option d’exprimer son Judaïsme de son propre chef plutôt que d’y être forcé, l’effet en sera positif et durable.
Les Pirké Avot évoquent la même idée. Le premier chapitre commence par « Moché reçut la Torah sur le mont Sinaï… » Le deuxième chapitre débute en posant la question : « quel chemin l’homme devrait-il choisir ? ». Le Rabbi souligne que le premier chapitre commence par quelque chose qui a été imposé d’En Haut : Moché reçut la Torah de D.ieu au Sinaï et la transmit aux générations futures de Sages et de dirigeants. Le résultat en est que si quelqu’un est élevé dans un environnement juif traditionnel, il mémorise une bonne quantité de pratiques et d’enseignements juifs pour sa vie quotidienne. Cela vient « d’En Haut », il ne les a pas choisis lui-même.
Par contre, poursuit le Rabbi, le second chapitre commence par l’idée du choix. Les hommes choisissent d’eux-mêmes et cela leur donne une relation plus profonde avec leur identité juive.
En fait, nous avons besoin de ces deux aspects. Nous avons besoin d’être enrichis le plus possible par la chaîne de traditions, par l’environnement juif, l’ambiance familiale et l’éducation qui font de nous un modèle juif. Puis vient la seconde étape, celle de notre propre choix, de la reconnaissance personnelle de notre identité et de notre relation avec la Torah.
On peut se demander si cette prise de conscience survient toujours. Chaque Juif trouve-t-il obligatoirement sa véritable identité dans le Judaïsme ? Le commentaire du Talmud sur l’ouverture de notre Paracha, à propos de la grossesse et de la naissance, nous éclaire sur ce point.
Le Talmud affirme que lorsqu’une femme est enceinte, l’enfant à naître étudie toute la Torah. Quand il naît, « un ange frappe l’enfant sur sa lèvre supérieure » afin qu’il oublie tout. Cela signifie que très loin dans les profondeurs de sa conscience, l’enfant garde enfouie en lui toute la Torah.
Chaque Juif, homme ou femme, possède ce niveau profond de connaissance et de reconnaissance. La vie est un processus de « souvenir » et les modèles imposés d’En haut, nous « forçant » à pénétrer dans le mode de vie juive suscitent en fait notre reconnaissance profonde et notre propre choix d’être un Juif vivant.
La naissance et la renaissance
Les deux thèmes de la Paracha, la naissance et la renaissance correspondent également à la période de notre calendrier juif.
Nous l’avons vu, la Paracha commence par les lois concernant une femme qui a conçu et donné naissance à un enfant. Les cérémonies entourant cet événement important et l’idée que la Brit Mila, l’Alliance de la circoncision, conduit l’enfant dans son lien particulier avec D.ieu, y sont ici expliquées. Nos Sages nous disent qu’une fille est considérée comme étant née circoncise. Ainsi chaque Juif apparaît-il au monde avec une responsabilité et un lien particulier avec D.ieu.
La joie d’une naissance s’exprime par le fait qu’à l’époque du Temple, l’heureuse mère apportait une offrande en guise de remerciement pour D.ieu.
Cette lecture de la Torah convient particulièrement à la période dans laquelle nous sommes, à proximité du mois de Nissan, un mois joyeux, inextricablement lié à Pessa’h et la rédemption d’Egypte. Cet événement constitue la véritable naissance du Peuple juif. L’Exode est d’ailleurs décrit en ces termes par le Prophète Yé’hézkiel. Il utilise la métaphore de la naissance pour décrire l’expérience du Peuple juif quittant l’Egypte, errant dans le désert, tout en mettant toute sa confiance en D.ieu, et le développement qui s’en suivit pour en faire une nation mûrie, servant D.ieu par la Torah et les Mitsvot.
Des enseignements de la Torah comparent également notre expérience de l’exil présent à un état de grossesse. L’enfant à naître est complètement formé mais il ne fonctionne pas encore comme un être humain autonome. Il possède des yeux et des oreilles mais il ne peut ni voir ni entendre réellement. De la même façon, nous, le Peuple juif, ne pouvons fonctionner correctement, dans toute notre force et notre sensibilité spirituelles. Encore en Egypte, nous accomplissons avec espoir les Mitsvot mais nous ne sommes pas entièrement conscients de leur importance. C’est pour cette raison, que bon nombre d’entre nous ne s’acquitte pas encore des Mitsvot comme ils le devraient. Si nous possédions la pleine conscience d’un être complètement mûri, nous nous y attèlerions avec empressement !
Comme dans le cas d’une mère qui attend incessamment la naissance de son bébé, nous attendons avec impatience la renaissance ultime du Peuple juif et du monde avec la venue de Machia’h. Le chemin qui nous y mène est celui des Mitsvot, de l’étude de la Torah et tout particulièrement de l’amour pour notre prochain. C’est ainsi que nous parviendrons à la fois à la naissance et à la renaissance, pour le bien de toute l’humanité.
Metsora
La Paracha Tazrya décrivait les signes du Metsora (malade de la peau), terme désignant une personne affligée d’une maladie spirituelle qui la mettait en état d’impureté rituelle. La lecture de la Paracha Metsora commence par donner les détails de la manière dont le Metsora guéri est purifié par le Cohen (prêtre), selon une procédure particulière utilisant deux oiseaux, de l’eau de source dans un ustensile en terre, un morceau de bois de cèdre, un fil écarlate et une branche d’hysope.
Une maison peut être également atteinte de Tsaraat, lors de l’apparition de taches vertes ou rouges foncé sur les murs. Dans un processus s’étendant sur dix-neuf jours, un Cohen détermine si la maison peut être purifiée ou si elle doit être démolie.
L’impureté rituelle est aussi engendrée par des pertes masculines ou féminines, ce qui nécessite l’immersion dans un Mikvé.
Remonter à la cause
La lecture de la Paracha de cette semaine expose les lois de Tsaraat (la « lèpre » biblique). Pourquoi cette maladie de peau était-elle si importante au point d’être l’objet de lois particulières de la Torah ?
Le Midrach enseigne qu’il arrivait que des affections physiques soient les conséquences des actions de l’homme et que cette « lèpre » très spéciale était un résultat de la médisance.
La maison, les habits et la peau
La « lèpre » pouvait apparaître sur la peau, sur les habits voire même sur les murs de la maison. Le Midrach enseigne que la « lèpre » sur les murs était le premier signe d’une faute. Si l’on ignorait ce signe et que l’on continuait à pécher, la « lèpre » gagnait les vêtements. Et en cas d’occultation de ce second symptôme, la « lèpre » devenait alors une maladie dermatologique.
Une question de choix
Un examen attentif de la Paracha met à jour un point intéressant. Alors qu’elle évoque l’apparition de la « lèpre » sur les murs, la Torah dit : « Il se rendra chez le Cohen ». L’implication en est que, lorsqu’un malaise spirituel est négligé et qu’on le laisse s’envenimer, l’on peut s’y habituer et on finit par l’ignorer. C’est par leur propre volonté que ces « patients » ne se rendaient pas chez le Cohen. Il fallait que des amis attentionnés les y conduisent.
Quand apparaissait la « lèpre », un Juif devait rechercher le Cohen et non un dermatologue. Il est vrai que les médecins sont exercés à avoir accès aux forces curatives de D.ieu et peuvent guérir l’affection de la peau. Mais il s’agit pour eux de soigner les symptômes. Ils ne peuvent soigner la cause. Le Cohen conseillait et guidait selon les enseignements de la Torah. La cause était traitée et automatiquement une guérison totale en résultait.
Pour réfléchir
Aujourd’hui, nous n’observons plus les lois de cette « lèpre » puisque nous ne possédons plus le Temple ni la prêtrise. Les symptômes de la « lèpre » ne sont plus fréquents mais sa cause reste toujours présente. Encourager son ami à ne pas proférer de médisance et accepter un tel conseil de nos propres amis est une tâche délicate. Et pourtant le but en vaut la peine, la cause est cruciale et nous ne devons pas la négliger.
Les mots et les pierres
A Médziboch, la ville natale de Rabbi Israël Baal Chem Tov (fondateur du ‘hassidisme, 1698-1760), deux hommes se prirent d’une violente querelle. Un jour, alors qu’ils criaient avec colère l’un contre l’autre, l’un des deux s’écria : « Je vais te couper en pièces de mes propres mains ! »
Le Baal Chem Tov, qui était à la synagogue à ce moment-là, demanda à ses disciples de former un cercle, chacun tenant la main de son voisin, et de fermer les yeux. Rabbi Israël en fit de même et plaça ses mains sur les épaules de ses deux voisins, à sa gauche et à sa droite. Soudain, les disciples poussèrent un cri de terreur : derrière leurs yeux fermés ils voyaient l’homme en colère déchirer réellement en morceaux celui qu’il avait menacé de ces mots.
« Les mots sont comme des flèches », dit le Psalmiste, « et comme des charbons ardents. » Comme des flèches, explique le Midrach, car l’homme reste au même endroit et ses mots dévastent la vie de quelqu’un d’autre, à des milliers de kilomètres. Et comme un charbon ardent dont la surface extérieure est à demi éteinte mais dont l’extérieur reste enflammé. Ainsi les mots malveillants continuent-ils à endommager bien après que l’effet extérieur s’est éteint.
Les mots tuent de plusieurs manières. Parfois, ils mettent en marche une chaîne d’événements qui peuvent se réaliser comme une véritable prophétie. Parfois ils dévient de la cible du venin pour frapper un témoin innocent. Et parfois, ils reviennent, comme un boomerang, et s’abattent sur celui qui les a prononcés. Mais quelle que soit la route qu’ils empruntent, les mots de haine débouchent inévitablement sur des actions détestables, quelquefois des années voire des générations après qu’ils aient été prononcés. La nature humaine est telle que les pensées luttent pour s’exprimer verbalement et les mots cherchent leur réalisation dans des actions, souvent empruntant des chemins complexes que celui qui les a proférés n’aurait pas désirés ni anticipés.
Mais la force des mots va plus loin que son potentiel à les traduire en actions. Même si ce potentiel ne se réalise jamais, même si les mots prononcés ne se matérialisent pas dans ce « monde de l’action », ils continuent quand même à exister dans le plus spirituel « monde de la parole ». Car l’homme n’est pas un simple corps, il possède également une âme ; il n’est pas seulement un être physique, il est également une créature spirituelle. Au plan physique, les mots prononcés ne peuvent signifier que des actions potentielles, virtuelles. Mais dans la réalité de l’âme, elles sont réelles.
C’était ce que le Baal Chem Tov désirait montrer à ses disciples en leur permettant un regard furtif jeté dans le monde des mots habité par les âmes des deux protagonistes. Il voulait qu’ils comprennent que chaque mot que nous prononçons est réel, qu’il s’accomplisse ou non dans le « monde de l’action » où réside notre être physique. A un plan plus élevé, plus spirituel de la réalité, une réalité aussi vraie que l’est pour notre corps la réalité physique, chacune de nos paroles, bonne ou mauvaise, se réalise.
Il en va de même, bien sûr, au sens positif : une parole de louange, une parole d’encouragement est aussi bonne que si elle était réalisée, dans la réalité spirituelle de l’âme. Avant même qu’une bonne parole ait donné lieu à une bonne action, elle a déjà opéré un effet profond et durable sur l’intériorité de notre être et de notre monde.
Pourquoi les endeuillés récitent-ils la prière du Kaddich ?
Au cours de la prière (du soir, du matin, de l’après-midi, des jours de semaines, du Chabbat et des fêtes), l’officiant récite plusieurs formes du Kaddich. Les endeuillés – durant les onze mois qui suivent le décès d’un proche – récitent plus particulièrement celui qui est appelé le « Kaddich des endeuillés » qui est aussi récité à chacune des prières du jour anniversaire hébraïque du décès.
S’il n’y a pas de fils qui puisse réciter le Kaddich, on dédommagera un homme – ou plusieurs – afin qu’il récite le Kaddich pour le repos de l’âme du défunt durant l’année.
Le Choul’hane Arou’h (code de lois juives) précise que le Kaddich n’est récité que trente jours pour une épouse, un frère, une sœur ou un enfant – que D.ieu nous en préserve !
Le Kaddich est rédigé en Araméen, qui était la langue parlée par la majorité des Juifs à l’époque talmudique.
La récitation du Kaddich par un proche parent est un grand mérite pour l’âme du défunt et il est réconfortant de savoir que nos actions (et nos prières) dans ce monde physique affectent positivement les âmes de ceux qui se trouvent dans le monde entièrement spirituel. En effet, cette prière évoque la grandeur de D.ieu ; il exprime notre croyance absolue dans le Tout Puissant et Ses capacités illimitées. Cette « réflexion » de la part de l’endeuillé prouve que ceux que le défunt a laissés dans ce monde reconnaissent que tout ce qui arrive est finalement pour le bien puisque tout vient de D.ieu.
Le plus beau souvenir que le défunt laisse ici-bas est une famille prête à se dévouer pour D.ieu et le Peuple juif, même dans les moments de peine.
Les mots du Kaddich prononcés par les endeuillés représentent un grand mérite pour l’âme au moment du jugement ; c’est aussi pour cette raison que nombreux sont ceux qui s’engagent à accomplir davantage de Mitsvot en l’honneur du défunt, en particulier en contribuant à des caisses de Tsedaka (charité) afin d’ajouter à la vie.
(d’après Yeruchem Eilfort – www.chabad.org)
Ivresse ou inspiration…
La vie en Union Soviétique n’était pas facile pour Yane Krichevsky. Comme son père était déterminé à ne pas travailler Chabbat, il devait se contenter de petits travaux au noir, ne sachant ainsi jamais d’où proviendraient ses prochains revenus. Souvent Yane allait manger chez des amis, les Belenitzsky : le père était comptable dans une usine et parvenait à ne pas travailler Chabbat car il restait tard le jeudi soir et se présentait tôt le dimanche matin. Enfant, jamais Yane n’entra dans une synagogue à cause du danger que cela représentait mais sa mère avait engagé un professeur particulier qui venait à la maison lui enseigner les bases du judaïsme. Elle le payait avec un peu de nourriture qu’elle parvenait à obtenir.
Par contre, Yane obtint de bons résultats dans ses études générales.
Comme il épousa une jeune fille juive de Samarkand, il apprit que la vie juive dans les républiques soviétiques d’Asie Centrale y était plus facile. Bien que les Juifs ne soient pas autorisés à pratiquer leur judaïsme en public, ils y couraient moins de dangers. Yane s’intégra bien vite dans le style de vie Loubavitch qui était chaleureux et organisé. Il aimait particulièrement les réunions ‘hassidiques, où les chants succédaient aux histoires, les explications profondes aux résolutions aussitôt mises en pratique… Pour la première fois, il rencontrait des Juifs dont toute l’existence était vouée au désir de mieux servir D.ieu. Pour eux, la prière était un moment privilégié, les mots n’étaient pas récités machinalement mais chacun avait une signification profonde et était murmuré avec ferveur, comme un joaillier enfile des perles.
Par ailleurs, Yane réussissait dans les affaires. Il possédait maintenant de nombreuses usines et y employait les Juifs désireux de ne pas travailler Chabbat. Comme les Belenitzsky, il ouvrit sa maison pour aider ceux qui étaient dans le besoin. Il y eut des époques où le sol de sa salle à manger était couvert de matelas… Son épouse préparait de la nourriture cachère pour les détenus dont le seul crime avait été de répandre le judaïsme en enseignant clandestinement la Torah.
Comme il dirigeait de nombreuses usines qui fonctionnaient bien – ce qui était rare sous le régime communiste – il avait beaucoup de relations haut placées. Mais il était aussi étroitement surveillé. En distribuant généreusement pots-de-vin et vodka de luxe, il parvenait à continuer ses activités plus ou moins légales.
A la naissance de son second fils, Yane fut immédiatement averti par les autorités locales : « Si tu fais circoncire ton fils, tu seras immédiatement envoyé en Sibérie pour dix ans ! »
Yane refusa de se laisser impressionner ; il affirma qu’il respecterait leur recommandation mais qu’il avait tout-à-fait le droit d’inviter parents et amis pour fêter la naissance. Avec son épouse Ra’hel, ils invitèrent famille et amis, tous membres de la communauté ‘hassidique. Pour ne pas éveiller de soupçons, ils invitèrent également M. Spiegel, un officier de haut rang du gouvernement ouzbek à Tachkent – qui se trouvait être juif.
Alors que la fête battait son plein, Yane servit à Spiegel un grand verre de vodka. Puis un serveur lui en proposa un autre et un des convives le défia d’en boire un troisième. Il ne lui en fallait pas plus pour s’écrouler, complètement ivre.
On put donc célébrer tranquillement la Brit Mila !
Les Krichevsky donnèrent à Rav Shmaya Marinovsky – un ‘Hassid remarquable par sa piété et tenu par tous en très haute estime – l’honneur d’être le Sandak, celui qui tenait le bébé sur ses genoux pendant la cérémonie. La longue barbe blanche de Rav Marinovsky était humide de larmes de joie pour cette immense Mitsva : un enfant juif entrant dans l’alliance d’Avraham grâce aux efforts et au dévouement de ses parents ! Si Spiegel reprenait ses esprits trop vite, Yane risquait d’être envoyé en exil pour longtemps.
Comme le veut l’usage, l’enfant reçut à cette occasion officiellement son prénom juif, en l’occurrence Matitiahou, en hommage au héros de l’histoire de ‘Hanouccah, le grand prêtre qui se leva contre l’oppresseur gréco-syrien et qui remporta la victoire.
Tandis que la foule se dispersait, Spiegel se réveilla soudain et demanda, en pointant du doigt Rav Marinovsky : « Qui est cet homme saint ? »
Inquiets que Spiegel ait soupçonné quelque chose, les convives expliquèrent qu’on avait l’habitude de demander à un homme âgé et respectable de tenir le bébé et de le bénir.
L’officier communiste déclara : « Je veux m’incliner devant lui et embrasser sa main ! » Rav Marinovsky trembla et pâlit, craignant le pire pour Yane et sa famille.
Nul n’osait imaginer les conséquences de cette « fête ».
Quelques temps plus tard, Yane se rendit au bureau de M. Spiegel à Tachkent. Il voulait en avoir le cœur net : Spiegel l’avait-il dénoncé aux autorités, ce qui aurait pour effet de mettre toute la communauté juive en danger ? Au cas où… Yane avait apporté quelques « menues marchandises » qui pourraient acheter les faveurs de n’importe quel officier corruptible.
Mais il n’y avait plus de pancarte au nom de Spiegel sur la porte de son bureau. Ni ailleurs dans tout le bâtiment. En Union Soviétique, ce genre d’incident signifiait que la personne avait probablement été arrêtée.
De plus en plus inquiet, Yane procéda à sa propre enquête : les autorités soviétiques avaient-elles découvert que Spiegel avait assisté à une circoncision rituelle ? Yane et sa famille seraient alors inquiétés bien vite.
Mais à sa grande surprise, il apprit que Spiegel avait pris sa retraite « pour raisons de santé».
Yane décida de lui rendre visite chez lui.
Quand Yane retrouva Spiegel, celui-ci lui expliqua qu’il avait été très impressionné par le fait que des Juifs soient prêts à tout pour maintenir vivace leur judaïsme et qu’il avait décidé de mettre un terme à sa carrière pourtant si prometteuse afin de retourner à ses racines juives.
David Zaklikowski
www.chabad.org - Acharei-Kedoshim 5769
traduit par Feiga Lubecki