Rambam 3 Chapitres

Notons que bon nombre de ces lois ne sont pas la halakha, c'est-à-dire la pratique observée dans les communautés juives. Elles ne sauraient donc en aucun cas être prises comme référence. Veuillez noter également que cette version est un premier essai qui fera l'objet de corrections ultérieures.

4 Nissan 5782 / 04.05.2022

Lois du créancier et du débiteur : Chapitre Quatre

1. [Les termes] usure [lit. : morsure] et profit [mentionnés dans la Thora] désigne la même chose, ainsi qu’il est dit : « ton argent, tu ne lui donneras pas avec usure et contre profit tu ne donneras pas ta nourriture ». Plus loin, il est dit : « ni usure d’argent, ni usure par la nourriture, ni usure de toute chose par laquelle il fera usure ». Pourquoi [l’intérêt] est-il désigné comme usure [lit. une morsure] ? Parce qu’il [le créancier] mord, fait souffrir son ami et consume sa chair. Pourquoi le verset a-t-il distingué [les deux termes « usure » et « profit », qui désignent le même commandement négatif] ? Pour [rendre coupable le contrevenant à ce commandement d’]une double transgression.

2. De même qu’il est défendu de prêter [à intérêt], ainsi, il est défendu d’emprunter à intérêt, comme il est dit : « tu n’amèneras pas ton frère à faire de l’usure [lit. une morsure] » ; par tradition orale, ils [les sages] ont appris que ceci est une mise en garde pour l’emprunteur, en d’autres termes, « tu ne te feras pas mordre par ton frère ». Et de même, il est défendu d’être impliqué dans un prêt à intérêt entre l’emprunteur et le prêteur ; celui qui est garant, scribe, ou témoin entre eux transgresse un commandement négatif, ainsi qu’il est dit : « ne lui imposez pas d’usure » ; ce [verset, au pluriel] est une mise en garde même pour les témoins, le garant et le scribe. Tu apprends donc que celui qui prête à intérêt transgresse six interdictions : « ne sois pas comme un créancier à son égard », « ton argent, tu ne lui donneras pas avec usure », « contre profit tu ne donneras pas ta nourriture », « ne prends pas de lui d’usure et de profit », « ne lui imposez pas d’usure », « tu ne placeras point d’embûche devant l’aveugle », et l’emprunteur transgresse deux [interdictions] : « tu n’amèneras pas ton frère à faire de l’usure » et « tu ne placeras pas d’embûche devant l’aveugle ». Le garant, les témoins et les personnes [ayant des fonctions] semblables ne transgressent que [l’interdiction] « ne lui imposez pas d’usure ». Et celui qui est un intermédiaire entre eux, prête concours à l’un d’eux, ou lui donne des instructions transgresse [l’interdiction] : « tu ne placeras pas d’embûche devant l’aveugle ».

3. Bien que le prêteur et l’emprunteur transgressent toutes ces interdictions [susmentionnées], ils ne sont pas flagellés, parce qu’il [l’intérêt] doit être restitué ; en effet, quand quelqu’un prête à intérêt, si l’intérêt est fixé [à l’avance], ce qui est défendu par la Thora, [les intérêts] sont récupérés par les juges [le tribunal], qui obligent le prêteur à rembourser [les intérêts], et restituent [l’argent] à l’emprunteur. Et si le prêteur décède, on n’exige pas des enfants [héritiers] de restituer [cette somme].

4. Si un père [défunt] a laissé [aux héritiers] une somme d’argent provenant d’intérêt [perçu indûment], même s’ils savent qu’elle [cette somme] provient d’intérêt, ils ne sont pas tenus de la rendre. S’il leur a laissé une vache, un vêtement, ou tout objet reconnaissable provenant d’intérêt [ayant des signes distinctifs et reconnu comme ayant été indûment pris par leur père à telle personne], ils sont tenus de les rendre pour l’honneur de leur père. Dans quel cas cela s’applique-t-il ? S’il [le père] s’est repenti [de sa faute] mais est décédé avant d’avoir eu le temps de rendre [l’objet]. Mais s’il ne s’est pas repenti, ils n’ont pas à tenir compte de son honneur, et ne sont pas tenus de rendre même un objet reconnaissable.

5. Quand des brigands ou prêteurs à intérêt viennent rendre [ce qu’ils ont indûment pris], on n’accepte pas [on leur pardonne], afin de leur donner accès au chemin du repentir [c’est-à-dire leur faciliter le repentir]. Les sages voient d’un mauvais œil celui qui accepte [la restitution d’un objet pris indûment] de leur part. [Toutefois] si l’objet volé est intact, ou [l’objet pris indûment par] intérêt est un objet reconnaissable, et est tel [qu’auparavant], on peut l’accepter.

6. Quand un contrat fait mention d’un intérêt, fixé à l’avance [et donc interdit par la Thora] ou [interdit] par ordre rabbinique, il [le créancier] peut percevoir le [paiement du] capital [de sa créance] mais non [le paiement de] l’intérêt. S’il [le créancier] perçoit toute [la somme, y compris les intérêts], il [le tribunal] l’oblige à rembourser l’intérêt fixé par avance. Toutefois, la « poussière d’intérêt » qui est [un intérêt interdit] par ordre rabbinique, il [le tribunal] n’exige pas de l’emprunteur [de payer cet intérêt] au prêteur, mais ne restitue pas [celle-ci] du prêteur à l’emprunteur [si le prêteur a perçu cette somme de l’emprunteur].

7. Quiconque rédige un acte [faisant mention] d’un intérêt est considéré comme écrivant et faisant attester des témoins qu’il nie l’Eterne-l, D.ieu d’Israël. Et de même, tous ceux qui empruntent et prêtent à intérêt en privé sont considérés comme s’ils niaient l’Eterne-l, D.ieu d’Israël, ainsi que la sortie d’Egypte [la Providence Divine qui s’est manifestée lors de la sortie d’Egypte], comme il est dit : « ton argent, tu ne donneras pas à usure, etc. Je suis l’Eterne-l votre D.ieu Qui vous a fait sortir de la terre d’Egypte ».

8. Un homme n’a pas le droit d’emprunter à intérêt [de l’argent] de ses enfants et des membres de sa maisonnée, bien qu’il ne soit [généralement] pas mesquin [dans sa conduite avec eux] et que cela soit [considéré pour lui comme] un don qu’il leur fait, cela est défendu, de crainte qu’il les habitue à cela.

9. [Dans le cas] des érudits qui se prêtent [de l’argent] mutuellement, s’il [l’emprunteur] rend [au prêteur] plus que ce qu’il lui a emprunté [sans qu’ils aient stipulé une telle condition au préalable], cela est permis, car il est évident qu’il ne donne [cet argent] qu’en don [et non en intérêt pour le prêt], car ils [les érudits] connaissent la gravité de l’interdiction du prêt à intérêt.

10. Quand quelqu’un prête [de l’argent] à un autre, et que le prêteur s’aperçoit qu’il y a plus [d’argent que convenu], (ou quand il [l’emprunteur] rembourse sa dette] et que le prêteur s’aperçoit qu’il y a plus [d’argent que prévu]), s’il s’agit manifestement d’une erreur [de compte], il est tenu de rendre [l’argent en trop]. Et sinon, [on présume que] c’est un don qu’il lui a fait, ou qu’il lui avait volé [une somme équivalente] et a inclus [discrètement celle-ci] dans le compte, ou qu’une tierce personne lui a demandé d’inclure [la somme d’argent qu’elle lui a volé]. Que peut-on considérer comme « une erreur manifeste » ? [Dans les cas suivants : il s’aperçoit qu’il y a] une [pièce en plus en comptant les pièces une par une], [ou s’aperçoit qu’il y a] deux [pièces en plus en comptant les pièces deux par deux], [ou s’aperçoit qu’il y a] cinq [pièces en plus en comptant les pièces cinq par cinq], [ou s’aperçoit qu’il y a] dix [pièces en plus en comptant les pièces dix par dix], de crainte qu’il [le prêteur ou emprunteur] ait compté [les pièces] cinq par cinq ou dix par dix. Et de même, s’il s’aperçoit qu’il y a une [pièce en plus] par groupe de cinq ou par groupe de dix [par exemple, il reçoit, à la place de 40 pièces, 44 pièces (4*10+4) ou 48 pièces (8*5+8)], il est tenu de restituer [l’excédant], de crainte que les pièces uniques avec lesquelles il comptait [les pièces] cinq [par cinq] ou dix [par dix] se sont mélangées avec celles-ci.

11. [Dans les deux suivants : a)] quelqu’un fait un prêt à un autre suivant une monnaie [c’est-à-dire fait un prêt d’argent ou de produits en fixant une somme d’argent pour le remboursement] , et de même, [b)] quelqu’un fait mention dans le contrat de mariage [que la somme d’argent sera payée] à sa femme en une monnaie connue, et précise le poids [de cette monnaie], s’ils [les autorités] augmentent le poids [de cette monnaie], et que le prix de la marchandise diminue du fait de cette réévaluation [de la monnaie], il diminue [dans le paiement] la proportion de l’ajout [décidé par les autorités], même si cet ajout est minime. Et si le prix [de la marchandise] ne diminue pas du fait de cette réévaluation, il ne déduit rien [dans le paiement] et lui paye en la monnaie qui a cours à ce moment. Dans quel cas cela s’applique-t-il ? S’ils [les autorités] augmentent jusqu’à un cinquième [de la valeur initiale de la monnaie], par exemple, si le poids [de la pièce de monnaie] était de quatre [unités] et qu’ils [les autorités] ont décidé [que son poids serait de] cinq [unités]. Par contre, s’ils ont augmenté [le poids de la monnaie] de plus d’un cinquième [de son poids initial], il déduit tout l’ajout, même si le prix de la marchandise n’a pas diminué. Et identique est la loi pour quelqu’un qui prête [une somme d’argent en mentionnant] une monnaie [de remboursement] et [son poids] est diminué.

12. Quand quelqu’un fait un prêt à un autre suivant une monnaie [cf. note] et que celle-ci est invalidée [par les autorités et n’est donc plus en vigueur au moment du remboursement], si elle a cours dans un autre pays et qu’il lui est possible de se rendre dans ce pays, il [le débiteur] paye [son créancier] dans cette monnaie et lui dit : « va, dépense-la à tel endroit ». Et s’il n’y a pas de moyen de se rendre à cet endroit, il lui paie dans la monnaie qui a cours en ce moment. Et de même pour [le paiement du] contrat de mariage.

13. Certains guéonim ont donné comme directive que lorsque l’emprunteur fait grâce au prêteur de l’intérêt qu’il lui a [indûment] pris ou qu’il lui prendra, même si un kiniane par lequel [l’emprunteur] entérine qu’il renonce [à l’intérêt] ou lui en fait don [au prêteur] est effectué, cela est sans effet. En effet, tout intérêt [donné au prêteur] est un renoncement [de la part de l’emprunteur à ses droits], mais la Thora, elle, n’a pas accepté ce renoncement et l’a interdit. C’est pourquoi, le renoncement à l’intérêt est sans effet, même dans un cas d’intérêt par ordre rabbinique. Il me semble que cette directive est incorrecte ; plutôt, dès lors que l’on demande au prêteur de restituer [à l’emprunteur l’intérêt] et que le prêteur est conscient que ce qu’il a fait est interdit et qu’il [l’emprunteur] est en droit de lui reprendre [cet intérêt], il [l’emprunteur] peut y renoncer s’il désire, de même qu’il peut renoncer [à la restitution d’]un objet volé. Les sages ont dit explicitement que l’on ne doit pas accepter le remboursement des brigands et des prêteurs à intérêt [cf. § 5 supra], ce qui montre donc que le renoncement est effectif.

14. Les biens des orphelins, il est permis de les donner à un homme digne de confiance qui possède de bons biens [terres de très bonne qualité] avec plus de chances de profit que de risques de perte. Comment cela s’applique-t-il ? Il [le tuteur] lui dit [au gérant :] « fais des affaires avec [ces biens], s’il y a un bénéfice, donne-leur leur part du bénéfice. Et s’il y a une perte, tu y contribueras tout seul », ceci étant de la « poussière d’intérêt ». Or, la « poussière d’intérêt » n’est interdite que par ordre rabbinique, et pour les biens des orphelins, ils [les sages] n’ont pas appliqué de décret.

Lois du créancier et du débiteur : Chapitre Cinq

1. Le païen et l’étranger résident, on leur emprunte et on leur prête à intérêt, ainsi qu’il est dit : « tu n’amèneras pas ton frère à faire de l’usure », [avec] « ton frère » [seulement] cela est défendu, mais avec les autres personnes [païens et étrangers résidents], cela est permis. Et il est un commandement positif de prêter à un païen avec intérêt, ainsi qu’il est dit : « à l’étranger tu feras de l’usure » ; par tradition orale, ils [les sages] ont appris que cela est un commandement positif, telle est la loi de la Thora.

2. Les sages ont interdit qu’un juif prête [de l’argent] à un non juif avec un intérêt fixé à l’avance, à moins que cela soit pour son minimum vital ; ceci est un décret, de crainte qu’il s’inspire de ses actions [du non juif] à force d’être en sa compagnie. C’est pourquoi, il est permis d’emprunter d’un non juif avec intérêt, car [ainsi] il [le juif] fuit [ainsi le non juif pour ne pas qu’il lui réclame sa dette] et n’est pas fréquemment auprès de lui. Quant à l’érudit, qui n’a pas coutume d’être [en compagnie des non juifs] pour qu’il s’inspire de ses actions, il lui est permis de prêter [de l’argent] à intérêt à un non juif, même pour faire un bénéfice [et non que cela est nécessaire à son minimum vital]. Et la « poussière d’intérêt » avec un non juif est permise à tout le monde.

3. Quand un juif emprunte de l’argent à intérêt à un non juif, et cherche à le lui restituer, si un autre juif le rencontre et lui dit : « donne-moi [cet argent] et je te paierai [ou je paierai l’intérêt] que tu dois payer au non juif », cela est [considéré comme] un intérêt fixé par avance, même s’il [le premier] amène [le second] chez le non juif [il apporte l’argent chez le non juif, et, sous l’instruction de celui-ci, le donne à l’autre] ; il faut que le non juif reprenne son argent, puis le donne au second juif.

4. Quand un non juif emprunte de l’argent à intérêt à un juif et cherche à lui rembourser, s’il rencontre un autre juif qui lui dit : « donne-moi [cet argent], et je te paierai [l’intérêt] que tu dois payer au juif », cela est permis. Et s’il [le non juif] amène [le second juif] chez [son créancier] juif, même si le non juif remet l’argent dans la main du [second emprunteur] juif, étant donné qu’il donne [cet argent au second] avec l’approbation du [prêteur] juif, cela est [considéré comme] un intérêt fixé par avance.

5. Il est défendu à un juif de confier son argent à un non juif afin qu’il le prête à intérêt à un juif. Quand un non juif prête de l’argent à un juif avec intérêt, il est défendu à un autre juif de se porter garant, car étant donné que leur législation [des non juifs] veut que l’on réclame [une créance] directement au garant, le garant réclamera au juif [débiteur] l’intérêt qu’il a l’obligation [de payer] au non juif. C’est pourquoi, si le non juif s’engage à ne pas réclamer [la créance] directement au garant, cela est permis.

6. Quand un juif emprunte de l’argent à intérêt à un non juif, et que celui-ci inscrit [l’intérêt confondu avec le capital, écrivant : « je dois telle somme à untel »], puis se convertit, [la règle suivante est appliquée :] s’il a inscrit [l’intérêt confondu avec le capital] avant de se convertir, il [ce converti] peut percevoir le capital et l’intérêt. [Toutefois,] s’il a fondu le capital [avec les intérêts] après sa conversion, il peut percevoir le capital mais non l’intérêt. Par contre, quand un non juif emprunte à intérêt [de l’argent] à un juif, et que celui-ci fond [l’intérêt avec le capital], même s’il fond [l’intérêt avec le capital] après la conversion [de son débiteur], il peut percevoir le capital ainsi que l’intérêt pour que l’on ne dise pas qu’il [le débiteur] s’est converti pour [préserver] son argent [ne pas avoir à payer l’intérêt]. Le juif perçoit après sa conversion [du débiteur] tout l’intérêt qu’il a eu l’obligation de payer alors qu’il était un non juif.

7. Il est une mitsva de donner priorité au prêt à un juif sans intérêt sur le prêt à un non juif avec intérêt.

8. Il est défendu à un homme de confier [la gérance de] son argent à des conditions augmentant les chances de bénéfices et réduisant les risques de pertes [c’est-à-dire que l’investisseur reçoit une part des bénéfices sans assumer les pertes éventuelles, ou même encore (cf. § 9 et lois sur les mandataires et les associés, ch. 6), que le taux de bénéfices de l’investisseur est plus important que le pourcentage des pertes éventuelles qu’il assume], car cela est de la « poussière d’intérêt », et celui qui agit ainsi est appelé un méchant. S’il donne [de l’argent à autrui sans clause spécifique], ils doivent partager les bénéfices et les pertes conformément aux lois du contrat de gérance [cf. lois sur les mandataires et les associés, ch. 6]. Celui qui prête de l’argent dans des conditions augmentant les risques de perte et réduisant les chances de bénéfice [c’est-à-dire que l’investisseur reçoit moins d’un tiers du bénéfice] est un homme pieux.

9. On ne doit pas installer [donner des fruits à vendre à] un commerçant [en échange de] la moitié du bénéfice [c’est-à-dire partager également les bénéfices et les pertes], ni lui donner de l’argent pour acheter des produits [en échange de] la moitié du bénéfice, ni [donner] des œufs [au fermier] pour qu’il les fasse couver par ses poules [et les fasse éclore, en échange de] la moitié du bénéfice, ni faire évaluer [le prix] des veaux et des ânons pour [les confier à un éleveur chargé de] les engraisser [en échange de] la moitié du bénéfice, à moins de lui payer son salaire pour sa peine et la nourriture [des animaux], comme nous l’avons expliqué concernant l’association [lois des mandataires et des associés, ch. 8 § 1].

10. Quand quelqu’un s’associe avec un autre sur une somme d’argent ou sur un bien immeuble, ou lui donne la gérance [d’un portefeuille], il ne doit pas inscrire [le montant total de la créance :] le bénéfice estimé avec le capital confondus [dans le titre de créance], de crainte qu’il n’y ait pas de bénéfice et qu’ils en viennent à un intérêt [l’investisseur ne croira pas le gérant et percevra le capital avec le bénéfice estimé, donc intérêt]. Et de même, une personne ne doit pas donner [à un autre] une somme d’argent à gérer ou pour s’associer, et rédiger [un titre de créance] comme s’il s’agissait d’un prêt, de crainte qu’il [l’investisseur ou associé] décède et que le titre de créance soit en la possession d’un héritier qui percevra les intérêts [c’est-à-dire qui percevra tout le capital comme mentionné dans le titre de créance, même en cas de perte, ignorant qu’il ne s’agit pas d’un prêt mais d’un contrat de gérance, l’investisseur devant également contribuer en cas de perte].

11. Il est défendu de donner des intérêts [même] anticipés [avant le prêt] ou tardifs [après remboursement du prêt]. Quel est le cas ? S’il [une personne] a l’intention d’emprunter [à un autre de l’argent], et lui envoie des cadeaux pour qu’il accepte de lui prêter [de l’argent], cela est [considéré comme] intérêts anticipés. S’il [une personne] emprunte [à un autre] de l’argent et lui rend son argent, puis, lui envoie des cadeaux pour son argent resté sans activité auprès de lui, cela est [considéré comme] des intérêts tardifs. Et s’il [une personne] transgresse et fait cela, cela est de la « poussière d’intérêts ».

12. Quand quelqu’un emprunte [de l’argent] à un autre, s’il n’avait pas l’habitude de le saluer, n’a pas le droit de le faire, et inutile de mentionner qu’il ne doit pas lui faire de louanges ou se présenter à sa porte [pour s’enquérir de son bien-être], ainsi qu’il est dit : « usure de toute chose » ; même les paroles [en plus] sont interdites. Et de même, il [l’emprunteur] n’a pas le droit d’enseigner au prêteur la Thora écrite ou orale s’il n’en avait pas l’habitude auparavant tant qu’il a en sa possession l’argent [du prêteur], ainsi qu’il est dit : « usure de toute chose ».

13. Quand quelqu’un prête [de l’argent] à un autre, il ne doit pas lui dire : « informe-toi si untel vient de tel endroit », (c’est-à-dire) « honore-le, offre-lui à manger et à boire comme il sied ». Et de même pour tout cas semblable.

14. Certaines pratiques ressemblent à des intérêts mais sont permises. Quel est le cas ? Une personne peut acheter des titres de créances à un autre pour moins [que le montant de la créance qui y est mentionné] sans craindre [de transgresser l’interdiction du prêt à intérêt]. Une personne a le droit de donner un dinar à un autre afin qu’il prête cent dinar à une tierce personne, car la Thora n’a interdit que les intérêts [payé par] un débiteur à son créancier. Et de même, une personne peut dire à un autre : « voici pour toi ce dinar et dis à untel qu’il me prête [de l’argent] », car cela n’est un salaire que pour son message.

15. Certaines pratiques sont permises, mais il est défendu de les faire parce que c’est une forme déguisée de prêt à intérêt. Quel est le cas ? Il [une personne] dit [à un autre] : « prête-moi un mané », [celui-ci] lui répond : « je n’ai pas de mané, j’ai du blé pour [la valeur d’]un mané », et lui donne le blé pour un mané. Puis, il [le prêteur] lui rachète [le blé] pour quatre-vingt dix [zouz, alors que l’emprunteur est tenu de lui payer cent zouz], cela est permis, mais ils [les sages] ont interdit cela parce que c’est une forme déguisée d’intérêt. En effet, il [le prêteur] lui donne quatre-vingt dix [zouz] et lui reprend un mané. Et s’il transgresse et agit ainsi, il [le prêteur] peut exiger au tribunal les [le paiement des] cent [zouz], car cela n’est même pas considéré comme de la « poussière d’intérêt ». Et de même, quand quelqu’un a un champ en antichrèse, il ne doit pas le louer à son tour au propriétaire du champ, parce que c’est une forme déguisée d’intérêts. En effet, il [l’emprunteur] se tient alors dans son champ comme auparavant et lui donne un salaire mensuel pour l’argent qu’il lui a prêté.

16. Il est défendu de louer des dinar [c’est-à-dire qu’à la place de parler de prêt, les deux parties parlent de location de monnaie, comme la location d’un objet], car cela n’est pas comparable à la location d’un ustensile ; en effet, un ustensile est lui-même retourné [à son propriétaire], tandis que [dans le cas des dinar,] il [l’emprunteur] dépense ceux-ci [les dinar loués] et en apporte d’autres, et cela est considéré comme de la « poussière d’intérêt ».

17. Quand la législation d’un roi veut que quiconque paie la taxe sur la personne pour une personne qui ne l’a pas payée peut se servir de celle-ci comme esclave, s’il [une personne] paie un dinar pour un autre, même s’il le fait travailler pour plus d’un dinar, cela est permis. Et de même pour tout cas semblable.

Lois du créancier et du débiteur : Chapitre Six

1. Qui prête à un autre un séla pour cinq dinar [avec donc un dinar d’intérêt] ou [prête] deux séa de blé pour trois ou [prête] un séla pour un séla et un séa [de blé], ou [prête] trois séa [de blé] pour trois séa [de blé] et un dinar [est considéré comme ayant fait un prêt à intérêt]. Telle est la règle générale : tout prêt avec [stipulation d’]un ajout, quel qu’il soit, est un prêt à intérêt selon la Thora et les juges peuvent exiger [le remboursement des intérêts à l’emprunteur]. Et de même, quand quelqu’un prête de l’argent à un autre, et stipule qu’il pourra habiter gratuitement dans sa cour [de l’emprunteur] jusqu’à ce qu’il lui rembourse le prêt, ou la lui loue [sa cour au moment du prêt] a rabais et fixe que le loyer sera rabaissé jusqu’à ce qu’il lui rembourse le prêt, ou il [le prêteur] prend [au moment du prêt] en antichrèse un immeuble dont il peut jouir des fruits au moment du prêt, par exemple, prend en antichrèse sa cour pour y habiter gratuitement, cela est un prêt à intérêt [dont l’interdiction] relève de la Thora, et [dont le remboursement] peut être exigé par les juges. Et de même, si quelqu’un a vendu un champ ou une cour par une asmakhta [cf. § 4 infra], étant donné qu’il [l’acheteur] n’a pas acquis le bien, tout l’usufruit dont il a joui est [considéré comme] des intérêts, et il doit [donc] rendre ce [dont il a joui]. Et identique est la loi pour toute transaction qui n’est pas effective depuis le début, il [l’acheteur] doit restituer les fruits, parce que s’il a joui des fruits, cela est [considéré comme] des intérêts [interdits par] la Thora. Et toute [transaction] interdite en tant qu’intérêts, autre que celles-ci, est interdite par ordre rabbinique, comme décret, de crainte que l’on en vienne à des intérêts [interdits par] la Thora, et cela est appelé la « poussière d’intérêts », et ne peut pas être exigé [du prêteur] par les juges.

2. Quand quelqu’un prête [de l’argent] à un autre, il ne doit pas saisir son esclave [de l’emprunteur] afin de l’utiliser pour un travail, même si l’esclave est inoccupé, et il ne doit pas habiter dans sa cour gratuitement, même si la cour ne soit pas faite pour être louée, et qu’il ne soit pas dans l’habitude du propriétaire de louer. Et s’il [le prêteur transgresse et] y habite, il doit payer un loyer [à l’emprunteur]. Et s’il ne lui paye pas [de loyer], cela est [seulement] de la « poussière d’intérêt », parce qu’il n’a pas convenu [au préalable] avec lui qu’il lui prêterait [de l’argent] et pourrait habiter dans sa cour. C’est pourquoi, s’il [l’emprunteur] n’a pas encore remboursé sa dette, et désire déduire de la dette le loyer de la cour où il [le prêteur] a habité, et que le loyer est équivalent à la dette, il ne déduit pas l’intégralité [du loyer de la dette en étant ainsi dispensé de tout paiement], mais selon l’appréciation des sages. [La raison est que] si l’on suggère qu’il [l’emprunteur] expulse [le prêteur de sa cour] sans rien, cela est considéré comme s’il avait exigé [le paiement de cette « poussière d’intérêt »] par les juges, [ce qui n’est pas correct car nous avons pour principe que] la « poussière d’intérêt » ne peut pas être exigée par les juges.

3. Mes maîtres ont donné comme directive que quand quelqu’un prête [de l’argent] à un autre, et après un certain temps, réclame sa créance, et l’emprunteur lui dit : « habite dans ma cour jusqu’à ce que je te paye ta dette », cela est [seulement] de la « poussière d’intérêt » parce qu’il n’a pas fixé [l’intérêt] au moment du prêt, comme il est dit : « tu ne lui donneras pas avec usure » [pour être interdite par la Thora, l’usure doit être fixée au moment du prêt].

4. Quand quelqu’un prête [de l’argent] à son collègue [et désigne] un champ [en sûreté], et lui dit [au moment de lui donner l’argent] : « si tu ne me rends pas [cet argent] d’ici trois ans, il [le champ] m’appartient », il [le prêteur] n’acquiert pas [le champ, même après trois ans], parce que cela est une asmakhta. C’est pourquoi, il [le prêteur] doit déduire [du montant de la dette] tous les fruits dont il a joui, parce que cela est un intérêt [dont l’interdiction relève] de la Thora. Par contre, si le vendeur [l’emprunteur] dit [au prêteur, ou vice-versa] : « si je ne te rembourse pas d’ici trois, acquiers-le [rétroactivement] à partir de maintenant », s’il le rembourse [le prêteur] durant les trois [ans], il [ce dernier] n’a pas droit aux fruits. S’il le rembourse [l’argent] après trois [ans], tous les fruits appartiennent à l’acheteur.

5. Quand quelqu’un vend une maison ou un champ et dit à l’acheteur : « quand j’aurai de l’argent, tu me restitueras ma propriété », il [l’acheteur] n’acquiert pas [le champ], et tous les fruits dont il a joui sont [considérés comme] un intérêt fixé à l’avance, et [le remboursement des fruits] peut être exigé par les juges. Par contre, si l’acheteur lui dit de sa propre initiative : « quand tu auras de l’argent, je te rendrai cette terre », cela est permis, et l’acheteur peut jouir des fruits jusqu’à ce qu’il [le vendeur] lui rende son argent.

6. [Quelqu’un] vend un champ [à un autre] et [celui-ci lui] paye une partie du prix, [soit les quatre cas de figure suivants : a)] le vendeur dit à l’acheteur : « acquiers [une partie du champ qui correspond à] la somme d’argent [que tu m’as donnée] », chacun des deux peut jouir des fruits correspondants à sa part [du champ]. [b)] Le vendeur dit à l’acheteur : « quand tu apporteras le reste de l’argent, tu acquerras [tout le champ rétroactivement] à partir de maintenant », tous deux ont l’interdiction de jouir des fruits immédiatement : le vendeur n’y a pas droit, de crainte que l’acheteur apporte le reste de l’argent et le champ lui appartiendra [ainsi rétroactivement], le vendeur se trouvera alors avoir joui des fruits pour la créance qu’il avait sur l’acheteur. Et de même, l’acheteur n’y a pas droit, de crainte qu’il ne lui apporte pas [l’argent au vendeur], il se trouvera alors avoir joui [des fruits] pour la somme d’argent [prêtée] au vendeur. C’est pourquoi, les fruits sont confiés à une tierce personne jusqu’à ce qu’ils soient donnés à l’un d’eux. [c)] Le vendeur dit [à l’acheteur] : « lorsque tu apporteras le reste de l’argent, tu acquerras [le champ] », le vendeur peut jouir des fruits jusqu’à ce que l’acheteur apporte [le reste de l’argent]. Et si l’acheteur jouit [des fruits pendant ce temps], le remboursement [des fruits dont il a joui] lui est exigé. [d)] Le vendeur lui dit : « acquiers [le champ] à partir de maintenant, et le reste de l’argent est [considérée comme] une créance », l’acheteur peut jouir des fruits. Et si le vendeur jouit [des fruits à partir de ce moment], le remboursement de tous [les fruits] dont il a joui lui est exigé.

7. Mes maîtres ont donné comme directive que quand quelqu’un prête [de l’argent] à un autre, et lui prend en antichrèse son champ pour jouir de l’usufruit durant toute la période de l’antichrèse, même s’il ne déduit pas [des fruits dont il jouit du montant la dette], cela est [seulement] de la « poussière d’intérêt », qui [dont le remboursement] ne peut pas être exigé par les juges. En effet, prendre en antichrèse un champ n’est pas comparable à prendre en antichrèse une maison, car le champ n’a pas d’usufruit disponible au moment du prêt, et il est possible qu’il [l’antichrésiste] fasse un bénéfice et qu’il y ait des fruits comme il est possible qu’il subisse une perte en semant et travaillant [la terre], c’est pourquoi, cela est [considéré comme] de la « poussière d’intérêt ». Et de même, l’antichrèse ne ressemble pas à une vente par asmakhta, car celui qui vend par asmakhta ne prend pas la résolution de céder son droit de propriété, tandis que [dans le cas d’une] antichrèse, il [le débiteur] prend la résolution de céder son droit de propriété sur le bien [à son créancier] pour les fruits ; telle est [la règle] qui me semble ressortir de la guemara [qui dit que] l’antichrèse est [seulement] de la « poussière d’intérêt », et [ce passage] ne peut se référer qu’au cas de l’antichrèse d’un champ, comme mes maîtres l’ont enseigné. Tu apprends donc qu’il y a trois types d’antichrèse : l’antichrèse qui est un intérêt fixé par avance, l’antichrèse qui est de la « poussière d’intérêts », et l’antichrèse qui est permise. Quel est le cas ? S’il [le créancier] prend en antichrèse un immeuble ayant toujours des fruits [civils dont il peut jouir], par exemple, une cour, un bain public, ou un magasin et qu’il [le créancier] jouit des fruits, cela [est considéré comme] des intérêts fixés par avance. S’il [le créancier] prend en antichrèse un champ ou ce qui est semblable, et qu’il [le champ] a des fruits dont il [le créancier] jouit, cela est de la « poussière d’intérêts ». Et de même, s’il prend en antichrèse une cour ou ce qui est semblable avec une réduction, cela est de la « poussière d’intérêt ». S’il prend en antichrèse un champ avec une réduction, cela est permis. Comment déduit-il ? Par exemple, s’il lui a prêté cent dinar, a pris en antichrèse sa cour ou son champ, et lui a dit : « je déduis un ma’a d’argent chaque année comme loyer de cette immeuble, afin que tous les fruits [civils] de la cour – ou ce qui est semblable – me reviennent », dans cas d’une cour ou ce qui est semblable, cela est interdit, et dans le cas d’un champ ou ce qui est semblable, cela est permis.

8. Certains guéonim ont donné comme directive que toute antichrèse qui ne comprend aucune réduction [sur le montant de la dette] est [considérée comme] un intérêt fixé par avance ; ils ne sont pas perçu le sens profond du sujet pour distinguer [les cas du] champ et [de la] cour, aussi les paroles des sages du talmud leur ont posé des difficultés de compréhension. Et de même, ils ont donné comme directive que toute antichrèse, même avec une réduction est interdite, pour une cour comme pour un champ, et seul ce type d’antichrèse est permis. Lequel ? Par exemple, une [personne] prête cent [dinar à un autre] et lui prend en antichrèse une maison ou un champ et convient avec lui qu’au bout de dix ans, cet immeuble sera rendu à son propriétaire [le débiteur] gratuitement, [dans ce cas seulement], il [le créancier] a le droit de jouir des fruits pendant dix ans, même si [d’ordinaire] le loyer aurait valu mille dinar par an, car cela est simplement considéré comme s’il avait loué [le champ] pour un loyer inférieur [au loyer ordinaire, ce qui est permis]. Et de même, si le propriétaire du champ [le débiteur] a convenu avec [le créancier] que lorsqu’il apportera l’argent [pour payer sa dette], il lui comptera [déduira] dix [zouz] par an [comme loyer] et [le créancier] quittera [le champ], cela est permis. Et de même [dans le cas d’une maison], si le débiteur stipule que lorsqu’il désirera, il pourra faire le compte [du loyer pour le temps] qu’il [le créancier] a habité, lui rendre le reste l’argent, et il [le créancier] se retirera, cela est permis, car cela est seulement considéré comme une location, et toute condition formulée dans une location est permise, comme nous l’avons expliqué.