Lettre n° 6715
Par la grâce de D.ieu,
7 Adar Richon 5719,
Brooklyn, New York,
A l’attention de monsieur David Ben Gouryon,
chef du gouvernement,
Je vous salue et vous bénis,
Je vous ai adressé hier ma réponse officielle(1) à la question qui était posée sur l’inscription(2). Vous voudrez bien m’excuser de l’avoir différée jusqu’à maintenant, pour différentes raisons. Ce qui suit vous est transmis de manière officieuse et n’est même pas à moitié officiel. J’espère donc que vous me pardonnerez de vous écrire sans diplomatie. Peut-être même ma formulation ne convient-elle pas au protocole. En outre, j’introduirai mon propos par quelques lignes qui peuvent sembler d’une grande simplicité. Mais, dans notre monde, rien n’est simple, tout dépend des personnes et des conditions. Je saisis donc cette opportunité pour vous adresser ces quelques lignes, en votre qualité de responsable de ce problème de l’inscription, bien plus de quelqu’un qui joue un rôle déterminant sur le contexte de la vie, en notre Terre Sainte, cette question n’étant qu’un de ses aspects.
Il est sûrement inutile d’expliquer longuement le caractère troublé, matériellement et spirituellement, de la présente période, en particulier dans l’existence de notre peuple, les enfants d’Israël, partout où ils se trouvent. Comme ce fut toujours le cas dans l’histoire de notre peuple, l’impact de la spiritualité sur la situation matérielle est bien plus fort que l’effet inverse. Je n’ignore pas que cette idée s’écarte de la doctrine du matérialisme, mais cela n’a que peu de rapport avec ce qui suit. Bien entendu, en une telle période, la responsabilité incombant à chacun est largement accrue, beaucoup plus grande que dans les années passées. Combien plus est-ce le cas pour celle des personnes qui exercent une large influence, en différents domaines de la vie de notre peuple. Celle-ci est peut-être même bien plus déterminante que ne l’imaginent ces personnes elles-mêmes. Comme c’est systématiquement le cas, la responsabilité est à la mesure du mérite. Plus la première est grande, plus le second l’est également. Celui qui a une responsabilité et qui l’assume, ce qui n’est pas donné à tous, acquiert donc un grand mérite communautaire. Néanmoins, même quand on possède ce mérite, chaque moment n’est pas propice pour assumer sa mission et sa responsabilité.
Je fais bien allusion ici à votre propre responsabilité. Car, quelle que soit la manière officielle de caractériser la présente situation, c’est bien votre décision qui l’emporte, de manière concrète, en Terre Sainte, à l’heure actuelle, dans les domaines les plus primordiaux de la vie publique, certains d’entre eux ayant même une portée spirituelle. Je ne pose pas ici la question de savoir si le régime est démocratique ou non. Mon but n’est pas de polémiquer. Comme je l’ai dit, ma lettre n’est pas officielle et elle fait référence à l’action concrète. Or, d’après ce que je vois, c’est bien vous qui exercez la plus forte influence dans la conjoncture de notre pays, même si vous agissez parfois directement et, d’autres fois, de manière indirecte.
Dans les années passées, on avait coutume de dire, dans certains milieux, que les Juifs vivant hors de Terre Sainte doivent avoir recours à la foi juive et à tout ce qui la concerne afin de se préserver de l’assimilation. Ceux qui se sont protégés d’une autre façon, en particulier ceux qui se sont installés en Erets Israël avec leur propre organisation, ont considéré que l’environnement, la langue, la structure étaient tout à fait suffisants, qu’ils pouvaient se passer de la foi juive, ou bien, selon une formulation plus incisive, qu’ils ne s’imposeraient pas une telle “ corvée ” dans leur vie, une corvée quotidienne, conditionnant la réalisation la plus importante comme l’acte le plus banal. Néanmoins, l’avancement et le développement de la conjoncture en Erets Israël, pendant les sept ou huit dernières années, établissent clairement que la religion, aussi nécessaire qu’elle ait pu être auparavant, pour les Juifs des autres pays, est infiniment plus fondamentale pour ceux qui résident en Terre Sainte. L’une des raisons essentielles de ce constat est la suivante. Erets Israël est exposé à un danger : la seconde génération pourrait se forger une personnalité nouvelle, qui porterait le nom d’Israël, mais serait totalement étrangère au passé de notre peuple, à ses valeurs éternelles et immuables, qui lui serait même opposée par sa vision du monde, par sa culture, par le contenu de son existence quotidienne et qui manifesterait son opposition alors qu’elle s’exprime en hébreu, réside sur la terre des Patriarches et qu’elle est capable de s’enthousiasmer pour la Bible.
Je ne souhaite pas du tout développer cette idée douloureuse, pour des raisons bien évidentes, d’autant que je n’en vois pas l’utilité. L’une des raisons pour laquelle je veux croire que le malheur ne se manifestera pas une seconde fois est la suivante. Au final, certains, appartenant à cette génération, mettront en garde, à voix haute, contre ce danger. Et, l’on entendra cet appel, qui fera son effet, de sorte que l’on se préservera du malheur pendant qu’il en est encore temps. Ces dernières années, on ressent un grand soubresaut, en diaspora comme en Erets Israël, demandant, exigeant que l’on donne un contenu spirituel à la vie. Et, si l’on analyse profondément cette situation, on peut s’apercevoir que cette soif transcende l’intellect de l’homme.
Il est clair que l’on n’assouvira pas cette soif des jeunes de notre peuple éternel par les explications et les conceptions que leur apportent les personnalités contemporaines, dont le sort sera le même que celui des idées introduites hier, lesquelles ont disparu d’entre les vivants. C’est ici qu’intervient la foi de Moché et d’Israël, la Loi écrite et la Loi orale, nos valeurs immuables depuis le jour où le peuple d’Israël s’est tenu devant l’Eternel notre D.ieu, à ‘Horev(3), où il a entendu une grande voix, sans écho, proclamant : “ Je suis l’Eternel ton D.ieu… Tu n’auras pas d’autres dieux… ”, une Injonction et un enseignement, mais que l’on peut aussi interpréter comme une assurance donnée.
Bien entendu, je ne me réfère pas ici à la théorie religieuse uniquement comme une vision profonde du monde ou bien comme un thème de conférence à aborder pendant les fêtes. Je fais allusion à un mode de vie effectif et concret, adopté également pendant la semaine, y compris dans des domaines que tous qualifient de profanes. De fait, notre religion privilégie l’action concrète. Or, la présente période est propice, comme cela n’a jamais été le cas auparavant, pour incliner et orienter le contexte de la vie, en notre Terre Sainte, jusque dans le moindre détail, dans la direction qui vient d’être définie. En l’occurrence, ce moment propice frappe maintenant à votre porte. Vous avez la possibilité et le mérite de vous en servir de la manière la plus efficace. Et, cette opportunité n’est pas accordée à tous. On n’a pas trouvé l’équivalent de cela depuis de nombreuses décennies.
Ces quelques lignes susciteront sûrement votre surprise. Pensé-je vraiment, par ma lettre, modifier et influencer une vision du monde que vous avez adoptée depuis plusieurs dizaines d’années, d’autant que, bien plus, vous avez pu observer le fruit de vos efforts(4) ? Néanmoins, à mon sens, la situation en Erets Israël correspond bien à ce que j’ai décrit. Certes, vous avez sûrement dû réfléchir vous-même, à plusieurs reprises, à une telle situation, à la vérité intangible qui se trouve dans cette idée. Malgré cela, j’ai pensé que je n’avais pas le droit de taire mon propos, alors que je vous écris à propos de l’inscription, qui est un élément de tout ce contexte. Je me suis dit qu’il était de mon devoir de vous souligner tout cela, au moins dans le cadre d’une lettre qui vous est adressée à titre personnel.
A cette occasion, et en vous demandant de m’excuser pour mon retard, je vous remercie de m’avoir envoyé, en son temps, la brochure que vous avez publiée. De fait, je m’appuie, pour ce qui est dit dans la présente lettre, sur ce que rapporte cette brochure, en mentionnant Erets Israël, c’est-à-dire l’expression : “ Terre Sainte ”. Or, l’adjectif “ saint ”, au même titre que le nom “ juif ” ont des significations qui ont été sanctifiées par de nombreuses générations de notre peuple, depuis le don de la Torah. C’est lors de cet événement que nous avons été qualifiés de “ nation de prêtres et peuple saint ”. Alors, le peuple d’Israël a reçu “ la Terre Sainte, en toutes ses frontières ”, “ le pays du cananéen, le Liban, jusqu’au grand fleuve, l’Euphrate ”. Et, il en est encore ainsi de nos jours. Avec mes respects et ma bénédiction,
Mena’hem Mendel Schneerson,
Notes
(1) Il s’agit de la lettre précédente.
(2) Des enfants des couples mixtes, conformément à la question : “ qui est juif ? ”. Voir la lettre précédente.
(3) Le mont Sinaï.
(4) L’efficacité d’une telle conception.
7 Adar Richon 5719,
Brooklyn, New York,
A l’attention de monsieur David Ben Gouryon,
chef du gouvernement,
Je vous salue et vous bénis,
Je vous ai adressé hier ma réponse officielle(1) à la question qui était posée sur l’inscription(2). Vous voudrez bien m’excuser de l’avoir différée jusqu’à maintenant, pour différentes raisons. Ce qui suit vous est transmis de manière officieuse et n’est même pas à moitié officiel. J’espère donc que vous me pardonnerez de vous écrire sans diplomatie. Peut-être même ma formulation ne convient-elle pas au protocole. En outre, j’introduirai mon propos par quelques lignes qui peuvent sembler d’une grande simplicité. Mais, dans notre monde, rien n’est simple, tout dépend des personnes et des conditions. Je saisis donc cette opportunité pour vous adresser ces quelques lignes, en votre qualité de responsable de ce problème de l’inscription, bien plus de quelqu’un qui joue un rôle déterminant sur le contexte de la vie, en notre Terre Sainte, cette question n’étant qu’un de ses aspects.
Il est sûrement inutile d’expliquer longuement le caractère troublé, matériellement et spirituellement, de la présente période, en particulier dans l’existence de notre peuple, les enfants d’Israël, partout où ils se trouvent. Comme ce fut toujours le cas dans l’histoire de notre peuple, l’impact de la spiritualité sur la situation matérielle est bien plus fort que l’effet inverse. Je n’ignore pas que cette idée s’écarte de la doctrine du matérialisme, mais cela n’a que peu de rapport avec ce qui suit. Bien entendu, en une telle période, la responsabilité incombant à chacun est largement accrue, beaucoup plus grande que dans les années passées. Combien plus est-ce le cas pour celle des personnes qui exercent une large influence, en différents domaines de la vie de notre peuple. Celle-ci est peut-être même bien plus déterminante que ne l’imaginent ces personnes elles-mêmes. Comme c’est systématiquement le cas, la responsabilité est à la mesure du mérite. Plus la première est grande, plus le second l’est également. Celui qui a une responsabilité et qui l’assume, ce qui n’est pas donné à tous, acquiert donc un grand mérite communautaire. Néanmoins, même quand on possède ce mérite, chaque moment n’est pas propice pour assumer sa mission et sa responsabilité.
Je fais bien allusion ici à votre propre responsabilité. Car, quelle que soit la manière officielle de caractériser la présente situation, c’est bien votre décision qui l’emporte, de manière concrète, en Terre Sainte, à l’heure actuelle, dans les domaines les plus primordiaux de la vie publique, certains d’entre eux ayant même une portée spirituelle. Je ne pose pas ici la question de savoir si le régime est démocratique ou non. Mon but n’est pas de polémiquer. Comme je l’ai dit, ma lettre n’est pas officielle et elle fait référence à l’action concrète. Or, d’après ce que je vois, c’est bien vous qui exercez la plus forte influence dans la conjoncture de notre pays, même si vous agissez parfois directement et, d’autres fois, de manière indirecte.
Dans les années passées, on avait coutume de dire, dans certains milieux, que les Juifs vivant hors de Terre Sainte doivent avoir recours à la foi juive et à tout ce qui la concerne afin de se préserver de l’assimilation. Ceux qui se sont protégés d’une autre façon, en particulier ceux qui se sont installés en Erets Israël avec leur propre organisation, ont considéré que l’environnement, la langue, la structure étaient tout à fait suffisants, qu’ils pouvaient se passer de la foi juive, ou bien, selon une formulation plus incisive, qu’ils ne s’imposeraient pas une telle “ corvée ” dans leur vie, une corvée quotidienne, conditionnant la réalisation la plus importante comme l’acte le plus banal. Néanmoins, l’avancement et le développement de la conjoncture en Erets Israël, pendant les sept ou huit dernières années, établissent clairement que la religion, aussi nécessaire qu’elle ait pu être auparavant, pour les Juifs des autres pays, est infiniment plus fondamentale pour ceux qui résident en Terre Sainte. L’une des raisons essentielles de ce constat est la suivante. Erets Israël est exposé à un danger : la seconde génération pourrait se forger une personnalité nouvelle, qui porterait le nom d’Israël, mais serait totalement étrangère au passé de notre peuple, à ses valeurs éternelles et immuables, qui lui serait même opposée par sa vision du monde, par sa culture, par le contenu de son existence quotidienne et qui manifesterait son opposition alors qu’elle s’exprime en hébreu, réside sur la terre des Patriarches et qu’elle est capable de s’enthousiasmer pour la Bible.
Je ne souhaite pas du tout développer cette idée douloureuse, pour des raisons bien évidentes, d’autant que je n’en vois pas l’utilité. L’une des raisons pour laquelle je veux croire que le malheur ne se manifestera pas une seconde fois est la suivante. Au final, certains, appartenant à cette génération, mettront en garde, à voix haute, contre ce danger. Et, l’on entendra cet appel, qui fera son effet, de sorte que l’on se préservera du malheur pendant qu’il en est encore temps. Ces dernières années, on ressent un grand soubresaut, en diaspora comme en Erets Israël, demandant, exigeant que l’on donne un contenu spirituel à la vie. Et, si l’on analyse profondément cette situation, on peut s’apercevoir que cette soif transcende l’intellect de l’homme.
Il est clair que l’on n’assouvira pas cette soif des jeunes de notre peuple éternel par les explications et les conceptions que leur apportent les personnalités contemporaines, dont le sort sera le même que celui des idées introduites hier, lesquelles ont disparu d’entre les vivants. C’est ici qu’intervient la foi de Moché et d’Israël, la Loi écrite et la Loi orale, nos valeurs immuables depuis le jour où le peuple d’Israël s’est tenu devant l’Eternel notre D.ieu, à ‘Horev(3), où il a entendu une grande voix, sans écho, proclamant : “ Je suis l’Eternel ton D.ieu… Tu n’auras pas d’autres dieux… ”, une Injonction et un enseignement, mais que l’on peut aussi interpréter comme une assurance donnée.
Bien entendu, je ne me réfère pas ici à la théorie religieuse uniquement comme une vision profonde du monde ou bien comme un thème de conférence à aborder pendant les fêtes. Je fais allusion à un mode de vie effectif et concret, adopté également pendant la semaine, y compris dans des domaines que tous qualifient de profanes. De fait, notre religion privilégie l’action concrète. Or, la présente période est propice, comme cela n’a jamais été le cas auparavant, pour incliner et orienter le contexte de la vie, en notre Terre Sainte, jusque dans le moindre détail, dans la direction qui vient d’être définie. En l’occurrence, ce moment propice frappe maintenant à votre porte. Vous avez la possibilité et le mérite de vous en servir de la manière la plus efficace. Et, cette opportunité n’est pas accordée à tous. On n’a pas trouvé l’équivalent de cela depuis de nombreuses décennies.
Ces quelques lignes susciteront sûrement votre surprise. Pensé-je vraiment, par ma lettre, modifier et influencer une vision du monde que vous avez adoptée depuis plusieurs dizaines d’années, d’autant que, bien plus, vous avez pu observer le fruit de vos efforts(4) ? Néanmoins, à mon sens, la situation en Erets Israël correspond bien à ce que j’ai décrit. Certes, vous avez sûrement dû réfléchir vous-même, à plusieurs reprises, à une telle situation, à la vérité intangible qui se trouve dans cette idée. Malgré cela, j’ai pensé que je n’avais pas le droit de taire mon propos, alors que je vous écris à propos de l’inscription, qui est un élément de tout ce contexte. Je me suis dit qu’il était de mon devoir de vous souligner tout cela, au moins dans le cadre d’une lettre qui vous est adressée à titre personnel.
A cette occasion, et en vous demandant de m’excuser pour mon retard, je vous remercie de m’avoir envoyé, en son temps, la brochure que vous avez publiée. De fait, je m’appuie, pour ce qui est dit dans la présente lettre, sur ce que rapporte cette brochure, en mentionnant Erets Israël, c’est-à-dire l’expression : “ Terre Sainte ”. Or, l’adjectif “ saint ”, au même titre que le nom “ juif ” ont des significations qui ont été sanctifiées par de nombreuses générations de notre peuple, depuis le don de la Torah. C’est lors de cet événement que nous avons été qualifiés de “ nation de prêtres et peuple saint ”. Alors, le peuple d’Israël a reçu “ la Terre Sainte, en toutes ses frontières ”, “ le pays du cananéen, le Liban, jusqu’au grand fleuve, l’Euphrate ”. Et, il en est encore ainsi de nos jours. Avec mes respects et ma bénédiction,
Mena’hem Mendel Schneerson,
Notes
(1) Il s’agit de la lettre précédente.
(2) Des enfants des couples mixtes, conformément à la question : “ qui est juif ? ”. Voir la lettre précédente.
(3) Le mont Sinaï.
(4) L’efficacité d’une telle conception.