Lettre n° 5427

Par la grâce de D.ieu,
4 Iyar 5717,
Brooklyn,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Avraham Its’hak(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre, dans laquelle vous faites référence à l’envoi de deux livres, parus récemment, que je viens effectivement de recevoir.

Je vous remercie d’avoir pensé à me les adresser. Sans doute maintiendrez-vous, à l’avenir, cette pratique positive.

Comme vous me le demandez, des ouvrages publiés par les éditions Kehot vous seront adressés. Pour l’heure, le second tome des mémoires de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, n’est pas encore paru.

Le jeune Mena’hem Ha Lévi Hilevitch va bien et sans doute vous écrira-t-il lui-même personnellement.

Je saisis cette opportunité pour vous féliciter, à l’occasion de la publication des “ biographies des maîtres de la ‘Hassidout ”. Notre époque, en particulier, a besoin de tels livres. En effet, la confusion des esprits et les idées perverses, qui n’hésitent pas à falsifier la vérité, imposent que l’on proclame encore et encore ce qui, auparavant, était bien évident, c’est-à-dire qui sont les grands et les chefs d’Israël, guidant le peuple, en tout ce qui le concerne, par leur lumière, laquelle se maintient encore à l’heure actuelle, malgré les difficultés et les vagues.

J’ai déjà expliqué, par ailleurs(2), la raison pour laquelle nos Sages nous ont fait savoir qu’en la génération du talon du Machia’h(3), “ il n’est pas de jour dont la malédiction ne soit pas plus importante…(4) ”. En effet, les Sages sont animés par l’amour du prochain et ils n’ont donc pas pour objectif d’effrayer et d’inspirer la terreur gratuitement, ce qu’à D.ieu ne plaise. En fait, ils délivrent cet enseignement pour deux raisons :

A) Quand arrivent les jours d’obscurité profonde et intense et que se réalise l’affirmation selon laquelle “ il n’est pas de jour dont… ”, un cœur juif ne doit pas se décourager. Bien au contraire, il lui faut prendre conscience qu’il s’agit là des douleurs de l’enfantement du Machia’h.

B) Quand les forces de “ l’autre côté ” raffermissent leur emprise, il est évident qu’un ajout est nécessaire, du côté de la sainteté et de la bénédiction. Il faut alors écarter l’idée et la conception selon lesquelles on peut se contenter de la bonne situation, dans la santé, que l’on avait déjà ce matin, hier ou avant-hier. En effet, “ l’autre côté ” est plus fort. Dès lors, on ne peut maintenir la lutte qu’en accroissant le bien.

On peut ainsi comprendre pourquoi, d’une génération à l’autre, notre sainte Torah est de plus en plus clairement révélée. Nos Sages disent que “ ce qui est dévoilé par l’érudit fut déjà donné à Moché sur le mont Sinaï ”. De ce fait, chaque époque a eu son apport spécifique, en plus de ce qui fut alors donné, même si l’on peut se demander dans quelle mesure cette génération est apte à recevoir une telle révélation.

Ceci permet de réfuter l’argument suivant, qui est bien connu. S’il est tellement nécessaire d’avoir recours à la ‘Hassidout pour mettre en pratique la Torah et les Mitsvot de la manière qui convient, avec lumière et chaleur, pourquoi n’a-t-elle pas été pleinement révélée dans les générations précédentes ?

Cette objection peut être comparée à la fameuse question soulevée contre plusieurs pratiques de la Torah et des Mitsvot, introduites par les derniers Sages, que l’on souhaite ne pas adopter. Parfois même, on met en cause les dispositions des premiers Sages et toujours avec le même argument.

La réponse globale à tout cela est la suivante. D.ieu fait passer la guérison avant la plaie. Pour autant, la guérison doit se manifester peu avant la plaie, comme le montrent les preuves citées par nos Sages, à ce propos.

En fonction de tout cela, la publication de biographies des véritables Grands d’Israël répond également à ce double objectif. Elle sert non seulement à faire le bien, à établir la vérité, mais aussi à s’écarter du mal, à exclure la volonté de lire les livres qui falsifient l’histoire du peuple d’Israël.

Ce second objectif implique que ce qui semble accessoire, par rapport à l’essentiel, doit également figurer dans les biographies des Grands d’Israël. En effet, on est habitué à ces points relativement secondaires et, si on les supprimait, le nombre de lecteurs manifestant leur intérêt s’en trouverait diminué ou bien, aux yeux de beaucoup d’entre eux, la fiabilité de l’ouvrage en serait remise en cause. En évoquant ce qui est accessoire, je fais allusion, en particulier aux photographies, aux photocopies de manuscrits, aux tableaux des dates importantes de la vie de telle personne, afin qu’il ne soit pas nécessaire de les rechercher à travers les chapitres du livre.

Plusieurs de ces points manquent dans vos livres et, dans certains, ils sont même totalement absents. Si vous acceptez la présente remarque, vous procéderez de cette façon, dans vos prochains livres. Il serait bon de revoir également ceux qui sont déjà parus, à l’occasion d’une seconde édition, ou bien de publier un fascicule, présentant brièvement la vie de tous ceux dont vous avez rédigé la biographie. En tout état de cause, un tel fascicule aura, par lui-même, de la valeur.

Avec mes respects et ma bénédiction,

N. B. : Conformément à l’affirmation bien connue de la Michna, selon laquelle il faut être “ bienveillant envers les autres et envers soi-même ”, j’ai bon espoir que vous fixez, chaque jour, un temps pour l’étude de la ‘Hassidout.

A ce propos, dans votre livre “ Le bon Juif de Gostinin ”, à la page 87, vous citez l’explication qu’il donne du verset : “ Qui dira les réalisations grandioses de D.ieu ”. Néanmoins, dans l’un des manuscrits de la ‘Hassidout ‘Habad(5), rédigé, me semble-t-il, par un ‘Hassid, encore du vivant de l’Admour Hazaken, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h, cette explication est citée au nom du Baal Chem Tov. De plus, celle-ci doit être rectifiée, puisque Yemalel est traduit, non pas par “ dira ”, mais par “ fera des bottes, brisera ”. Et, même si chaque idée de la Torah reçoit soixante dix interprétations, il semble qu’en l’occurrence, c’est celle-ci qui doit être retenue et non le sens de couper ou de déchirer, qui est présenté par le livre. En effet, différents textes du Zohar et de la ‘Hassidout parlent, à ce propos, de faire des bottes. Vous consulterez le Zohar, tome 1, page 249a, tome 2, page 83a, les Biyoureï Ha Zohar de l’Admour Haémtsahi, Parchat Vaye’hi, à cette référence et le commentaire du Tséma’h Tsédek sur les Tehilim, 106, 2.

Notes

(1) Le Rav A. I. Bromberg, de Jérusalem.
(2) Voir les lettres n°5395, 5457 et 5479.
(3) A proximité immédiate de sa venue.
(4) Que celle de la veille.
(5) Imprimé dans le Séfer Ha Maamarim Admour Hazaken, Ketouvim, tome 1, page 95.

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