Lettre n° 3026

Par la grâce de D.ieu,
13 Mar’hechvan 5715,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu et
se consacre aux besoins communautaires, aux
multiples connaissances, le Rav C. Y.(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je viens de recevoir votre lettre de la veille du Chabbat Le’h Le’ha et, il y a quelques jours, j’ai reçu la précédente. Enfin, hier, m’est parvenu le premier tome de la Concordance talmudique(2).

A première vue, cet ouvrage révèle, en différents points, une approche superficielle et uniquement technique, qui n’aborde pas la dimension profonde. On y trouve également des affirmations, à propos de la racine des mots et de leur sens, qui sont contestées, sans que ce fait ne soit signalé.

Peut-être l’auteur fait-il état de tout cela dans les tomes précédents de la Concordance, portant sur la Michna et la Tossefta, que je n’ai pas vus. Mais, il est clair que cela ne suffit pas. De tout temps, et encore plus à notre époque, on ne peut compter sur le fait que l’on recherchera des explications dans d’autres livres, lorsque l’on sera confronté à une difficulté. Et, vous connaissez le principe selon lequel ceux qui prennent la parole en derniers doivent expliciter leurs propos.

Bien évidemment, la présente intervention a uniquement pour objet de demander pourquoi l’on n’a pas cherché à produire une réalisation plus parfaite. En revanche, si l’on cherche un manuel usuel pour découvrir le sens d’un mot ou d’une expression de nos Sages, une telle approche présente effectivement une qualité particulière. En effet, celui qui effectue une telle recherche ne possède pas toujours des connaissances profondes. De nos jours, on peut même ne pas savoir ce que signifie un mot et ne connaître qu’une combinaison de lettres.

En tout état de cause, je vous remercie beaucoup d’avoir pris la peine d’acheter ce livre et de me l’adresser. Il est dit que “ le vin appartient à son propriétaire, mais l’on remercie celui qui le sert ”. Vous consulterez, à ce sujet, le troisième chapitre de la Mitsva de la circoncision, dans le Séfer Hamitsvot(3) du Tséma’h Tsédek.

Ceci me conduit à aborder un autre point, en liaison avec le précédent. Je me permets de formuler la requête suivante. Vous savez sans doute ce qui a été arrêté avec le Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu et se consacre aux besoins communautaires, Rav B. E. Gorodetski(4), concernant l’envoi(5) des livres édités par l’institut Rav Kook. Jusqu’à ce jour, cet accord n’a pas été suivi d’effet, bien que le Rav B. E. G. m’ait dit avoir écrit à son interlocuteur pour déterminer de quelle manière ce qui avait été décidé pouvait être mis en pratique.

Certes, on a écrit à mon proche parent, le Rav A. Z. Slonim(6), pour lui demander s’il pouvait se charger de confectionner les paquets(7) et de payer les frais d’envoi, que je rembourserai, bien évidemment, avec l’expression de toute ma gratitude. Néanmoins, “ il y a entre ici et le fleuve Gui’hon, de nombreux accusateurs ”. J’espère que vous trouverez un moyen d’appliquer tout cela concrètement et, d’avance, je vous en remercie beaucoup.

Vous me dites que les membres de la famille du Rav Elyahou Yossef de Drivin désirent publier ses écrits qui sont encore inédits(8) et j’en suis satisfait. Il est évident que cela est une bonne initiative. Ils feront également en sorte que cet ouvrage soit esthétique. Tout d’abord, il est dit : “ C’est mon D.ieu et je veux Le parer : Rends-toi beau devant Lui…(9) ”. De plus, les vicissitudes de l’époque font que c’est là le seul moyen d’attirer certaines personnes à consulter un livre et à méditer à son contenu. A quelqu’un comme vous, il est sûrement inutile d’en dire plus.

Bien évidemment, lorsque j’évoque l’esthétique, je ne fais pas uniquement allusion à l’aspect le plus extérieur, c’est-à-dire à la qualité de l’imprimerie et du papier, mais également aux “ anses permettant de saisir la coupe ”, c’est-à-dire aux mises en parallèle, aux références, autrement dit à l’aspect profond de ce qui est extérieur.

Il semble que l’on sollicite votre conseil, à ce propos et que l’on tienne compte de votre avis. Vous pourrez donc obtenir qu’il en soit ainsi. J’ajoute que son livre Ohaleï Yossef est épuisé depuis bien longtemps. Il sera aisé de le rééditer en le dupliquant. Il serait donc judicieux que l’on publie également ce livre(10).

Les membres de la famille du Rav E. Y. possèdent sûrement le manuscrit original. Il y a quelques semaines, quelqu’un de Terre Sainte m’a offert une feuille de ce manuscrit, en me précisant qu’il a été rédigé par l’auteur du Ohaleï Yossef. Je lui ai demandé comment il l’a obtenu et il m’a dit l’avoir acheté chez un libraire, il y a quelques années. Il ne se rappelle plus des détails.

Concernant la Yechiva Torat Emet(11), vous me dites que la situation est meilleure et j’en suis satisfait. Il en est de même, dans le domaine spirituel, pour ce qui concerne l’étude de la Torah, la prière et la crainte de D.ieu.

Puisse D.ieu faire que la situation continue à s’améliorer, que l’on connaisse l’avancement caractéristique du domaine de la Sainteté, ce qui apportera également la largesse dans le domaine matériel, comme nos Sages l’expliquent à propos de “ la terre du cerf ”(12), qui est, physiquement, Erets Israël. Or, la matière découle de l’esprit et il en est donc de même pour ce qui concerne la Torah, qui est l’Erets Israël spirituelle.

Vous évoquez le bloc religieux(13). Il est, en effet, particulièrement judicieux de le constituer. Vous dites ne pas y croire, mais peut-être la situation, en la matière, n’est-elle plus ce qu’elle était, il y a deux ans. A l’époque, les religieux eux-mêmes exerçaient des pressions sur leurs partis, de l’intérieur et leurs dirigeants ne voulaient pas en entendre parler. A l’heure actuelle, en revanche, les pressions viennent de l’extérieur, plus précisément des partis de gauche. Il est donc encore plus judicieux de renoncer à un profit hypothétique pour tel ou tel autre dirigeant, afin de ne pas remettre en cause la situation religieuse, en Terre Sainte.

Vous me dites que le sixième tome de l’Encyclopédie talmudique paraîtra bientôt et je vous adresse, à ce sujet, ma bénédiction de Mazal Tov. Que D.ieu vous accorde une grande réussite pour les tomes suivants. Le mérite de tous dépend de vous.

A ce propos, lors de la réunion ‘hassidique de Sim’hat Beth Hachoéva(14), cette année, j’ai consulté également ce que dit votre livre Moadim Be Hala’ha et les références que vous y indiquez, en particulier à propos des libations d’eau(15). J’ai observé que vous n’avez pas vu les responsa Avneï Nézer, tome 2, chapitre 495, qui divergent de l’explication du Gaon de Vilna et de la Tossefta.

Je suis pas convaincu de l’intérêt de ce que je vais écrire maintenant. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de le faire. Je citerai, au préalable, l’explication de nos Sages, que le Rambam retient pour la Hala’ha, selon laquelle il n’y a pas lieu de permettre trois pratiques, malgré l’avis que donne le tribunal, à ce sujet, comme le rapportent les traités Avoda Zara 37a et Mamrim, chapitre 2, Michna 8.

Or, en contradiction avec ce principe, il est un Rav qui, chaque fois qu’il écrit un article, même s’il ne le publie pas dans un périodique de Torah, y émet une permission, parfois même la plus surprenante. Je ne sais pas qui est susceptible d’exercer une influence sur lui, en ce domaine.

Même si l’on admet que ces permissions sont parfaitement établies, on peut leur opposer l’affirmation des Sages précédemment citée, qui fait bien allusion à un tribunal capable et compétent. Malgré cela, une telle pratique(16) est effectivement interdite. Entre deux permissions, on peut aussi avoir un avis plus rigoriste et prononcer une interdiction. Il est impossible qu’il n’y ait pas un domaine dans lequel ce Rav considère qu’il faut interdire. Beth Hillel lui-même adoptait un avis rigoriste, dans certaines situations.

De manière plaisante, je ferai remarquer que cette tendance systématique à la permission est poussée à l’extrême, au point d’autoriser les Cohanim à marcher entre les tombes des Justes, alors que le Maharil de Yanovitch(17) et, à ma connaissance, les maîtres de la ‘Hassidout polonaise n’ont trouvé aucune base à cette permission.

Avec ma bénédiction de réussite et en l’attente de bonnes nouvelles, dans tous ces domaines,

M. Schneerson,

Notes

(1) Le Rav Chlomo Yossef Zevin, de Jérusalem, auteur de l’Encyclopédie talmudique. Voir, à son sujet, les lettres n°2798, 3136, 3215 et 3368.
(2) Dictionnaire des mots du Talmud, par le Rav ‘Haïm Yochoua Kosovski.
(3) Le Dére’h Mitsvoté’ha.
(4) Le Rav Binyamin Elyahou Gorodetski, directeur du bureau européen d’aide aux réfugiés. Voir, à ce sujet, les lettres n°2826 et 2965.
(5) Au Rabbi.
(6) Le Rav Azryel Zelig Slonim, de Jérusalem. Voir, à son sujet, la lettre n°3105.
(7) Pour envoyer ces livres au Rabbi.
(8) Il s’agit du Ohaleï Yossef, un profond commentaire du Talmud par le Rav Elyahou Yossef Rivlin, paru à Jérusalem en 5716. Voir, à ce sujet, la lettre n°3215.
(9) En accomplissant les Mitsvot de la meilleure façon.
(10) Il fut édité en 5733-1973.
(11) De Jérusalem.
(12) La peau d’un cerf ne contient pas son corps et elle s’élargit donc pour qu’il puisse s’en vêtir. De même, Erets Israël “ s’élargit ” pour que tous les Juifs puissent s’y trouver.
(13) Constitué par tous les partis religieux de Terre Sainte. Voir, à ce sujet, la lettre n°926.
(14) ‘Hol Hamoed Soukkot.
(15) Spécifiques à la fête de Soukkot.
(16) La recherche systématique de la permission.
(17) Dans son livre Chéérit Yehouda, additifs, chapitre 14 et 35. Voir également le recueil Yagdil Torah, paru à New York, tome 1, page 22.