Lettre n° 2322
Par la grâce de D.ieu,
28 Kislev 5714,
Brooklyn,
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre et vous voudrez bien m’excuser d’y répondre avec retard, du fait de mes nombreuses occupations.
Vous m’écrivez au sujet de votre fils, qui désire poursuivre ses études à la Yechiva. Me basant sur l'enseignement de nos Sages selon lequel il convient de s’exiler en un lieu de Torah, j’ai accepté le principe de son voyage pour se rendre à la Yechiva. Mais, vous-même n’êtes pas du même avis, du fait de son état de santé, d’autant, faites-vous remarquer, qu’il peut recevoir une bonne éducation également quand il se trouve à la maison.
Il est sûrement inutile de rappeler à quelqu’un comme vous les raisons et les explications qui sont données dans la Michna, précédemment citée. Celle-ci affirme qu’il convient de s’exiler en un lieu de Torah. Et, tout d’abord, la raison de cette disposition, qu’on la comprenne ou non, n’apparaît pas clairement dans la Michna. Nous devons donc nous en tenir à l’affirmation qu’elle énonce. Bien évidemment, celle-ci ne contrevient pas au respect dû aux parents ou ne leur manifeste pas un manque de confiance, surtout après que son auteur, Rabbi Nehoraï, nom qui désigne, en fait, Rabbi Eléazar Ben Ara’h, ait lui même donné l’exemple, en ce sens, comme le dit le traité Chabbat 147b.
Vous évoquez le maintien de sa santé. Il est clair que celui-ci est nécessaire, dans l’endroit où il se rendra. Que ce soit aux Etats Unis ou en Terre Sainte, vous pourrez trouver des connaissances et des amis qui prendront soin de votre fils, dans toute la mesure du possible. Bien plus, vous savez que la santé du corps dépend, pour une large part, de la satisfaction de celle de l’âme. Lorsque votre fils se trouvera en compagnie d’amis qu’il appréciera, sa santé physique s’en trouvera raffermie. Il n’en sera pas de même quand il se trouvera seul et, très souvent, insatisfait.
A ce sujet, je voudrais souligner également un autre point, qui concerne l’étude de la ‘Hassidout. On peut lire entre les lignes, dans votre lettre, que vous n’en êtes pas pleinement satisfait(1). Me basant sur ce que j’ai entendu, à de nombreuses reprises, de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, je vous adresse les quelques lignes qui suivent :
Vous savez qu’auparavant, il y avait plusieurs conceptions de la manière de transmettre l’enseignement(2) à la jeunesse. Selon la première, on se limitait au Talmud, aux premiers et aux derniers Sages, aux Décisionnaires. Pour la seconde, on devait adjoindre à ces textes l’étude du Moussar, de l’Ethique juive ou de la ‘Hassidout. Comme vous le savez, les érudits des Yechivot lituaniennes s’opposaient énergiquement, il y a soixante ou soixante dix ans, également au Moussar(3), avançant que l’étude du Talmud et des Décisionnaires était suffisante, que la Torah protège et sauve(4).
En effet, il est dit, à propos de celui qui s’est écarté du droit chemin, que “ le luminaire qu’elle(5) contient le ramène vers le bien ”. Pour autant, quelques décennies plus tard, la pratique concrète a fait la preuve de la nécessité d’une étude traitant, de manière directe, du comportement de l’homme, de ses sentiments, de ses obligations morales. Et, les plus grands érudits lituaniens ont convenu qu’il devait bien en être ainsi. Ils ont donné leur accord pour étudier le Moussar, en lui consacrant un temps plus ou moins important.
L’enseignement du Baal Chem Tov, de ses disciples et des disciples de ses disciples qui lui ont succédé, ont mis en application, dans la vie courante, l’injonction du Ari Zal selon laquelle, à notre époque, “ il est une Mitsva de révéler cette sagesse ”, c’est-à-dire l’enseignement profond de la Torah. Bien plus, lorsque le Baal Chem Tov demanda quand viendrait le Machia’h, on lui répondit : “ Lorsque tes sources se répandront à l’extérieur ”. A n’en pas douter, ceux qui ont eu le mérite d’avoir accès à la clarté de l’enseignement des élèves du Baal Chem Tov considèrent que celui-ci est une nécessité.
Néanmoins, dans la génération précédente, il était concevable qu’une telle étude soit réduite au strict minimum. On savait, en effet, qu’un garçon ou un jeune homme n’aurait pas l’occasion d’étudier la philosophie, que personne ne l’interrogerait sur ses sentiments, sur sa foi. A notre époque, en revanche, en particulier ces dernières années, les persécutions et les souffrances ont troublé le monde entier. Les jeunes gens sont confrontés à des épreuves particulièrement fortes. Il est malheureusement inévitable que certains ne remettent pas en cause tout ce qui est sacré et même les fondements de la foi. En conséquence, il est indispensable que l’on ait connaissance de l’enseignement du Baal Chem Tov et des disciples de ses disciples, lequel est partie intégrante de notre sainte Torah. Nos Sages disent, en effet, que “ tout ce qui est enseigné par les érudits de la Torah fut déjà révélé, sur le mont Sinaï ”. C’est de cette façon que l’on peut se préserver de ce qui est dit par les autres.
Quelqu’un pourrait prétendre, contredisant ainsi l’enseignement de nos Sages selon lequel “ tu ne dois pas répondre de toi-même ”, qu’il a la certitude que son fils ou son proche parent ne rencontrera jamais des personnes n’ayant pas la crainte de D.ieu ou manquant d’intégrité. Mais, la pratique concrète a fait la preuve que le contraire est vrai. De plus, celui qui avance pareille affirmation ne peut pas nier qu’un doute subsiste. Or, dans une situation de danger, il est permis de transgresser le Chabbat(6), dès lors qu’il y a le moindre doute(7).
Tous reconnaissent que la ‘Hassidout est bien une partie de notre sainte Torah. Même si quelqu’un, à titre personnel, préfère en étudier une partie plutôt qu’une autre, il doit concéder que son rôle, quand une autre personne formule devant lui le désir d’avoir accès à un enseignement révélé par D.ieu, à Moché, sur le mont Sinaï, est bien de l’encourager à le faire, de redoubler d’ardeur en cette étude. Bien plus, c’est par référence à cet enseignement que l’on formule la question suivante : “ As-tu ajouté une mesure de sel(8) ? ”. Si on ne le pas fait, ce qu’à D.ieu ne plaise, il est préférable de ne pas conserver la récolte, conformément à l’expression de nos Sages, au traité Chabbat 31a.
A mon sens, vous devriez remercier D.ieu d’avoir inspiré à votre fils un esprit de pureté. En effet, celui-ci est animé du désir d’étudier l’enseignement profond de la Torah qui en est l’âme, selon l’expression du Zohar, tome 3, page 153a, que vous consulterez. L’âme vivifie le corps et, de la même manière, l’enseignement profond de la Torah insuffle l’enthousiasme dans l’étude de sa partie révélée. J’ai bon espoir qu’il vous procurera beaucoup de satisfaction.
Avec ma bénédiction de réussite dans votre mission sacrée et dans l’attente de vos bonnes nouvelles,
Notes
(1) Du désir de l’étudier, exprimé par le fils du destinataire de cette lettre.
(2) De la Torah.
(3) Et non uniquement à la ‘Hassidout.
(4) Contre les épreuves que l’on doit affronter, dans le monde.
(5) La Torah.
(6) Pour sauver la personne qui est en danger.
(7) Que cette personne puisse être sauvée de cette façon.
(8) Qui conserve la récolte et l’empêche de se gâter. De même, l’étude de la ‘Hassidout préserve les autres parties de la Torah. Voir, à ce sujet, le Likouteï Torah Vaykra, page 6a.
28 Kislev 5714,
Brooklyn,
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre et vous voudrez bien m’excuser d’y répondre avec retard, du fait de mes nombreuses occupations.
Vous m’écrivez au sujet de votre fils, qui désire poursuivre ses études à la Yechiva. Me basant sur l'enseignement de nos Sages selon lequel il convient de s’exiler en un lieu de Torah, j’ai accepté le principe de son voyage pour se rendre à la Yechiva. Mais, vous-même n’êtes pas du même avis, du fait de son état de santé, d’autant, faites-vous remarquer, qu’il peut recevoir une bonne éducation également quand il se trouve à la maison.
Il est sûrement inutile de rappeler à quelqu’un comme vous les raisons et les explications qui sont données dans la Michna, précédemment citée. Celle-ci affirme qu’il convient de s’exiler en un lieu de Torah. Et, tout d’abord, la raison de cette disposition, qu’on la comprenne ou non, n’apparaît pas clairement dans la Michna. Nous devons donc nous en tenir à l’affirmation qu’elle énonce. Bien évidemment, celle-ci ne contrevient pas au respect dû aux parents ou ne leur manifeste pas un manque de confiance, surtout après que son auteur, Rabbi Nehoraï, nom qui désigne, en fait, Rabbi Eléazar Ben Ara’h, ait lui même donné l’exemple, en ce sens, comme le dit le traité Chabbat 147b.
Vous évoquez le maintien de sa santé. Il est clair que celui-ci est nécessaire, dans l’endroit où il se rendra. Que ce soit aux Etats Unis ou en Terre Sainte, vous pourrez trouver des connaissances et des amis qui prendront soin de votre fils, dans toute la mesure du possible. Bien plus, vous savez que la santé du corps dépend, pour une large part, de la satisfaction de celle de l’âme. Lorsque votre fils se trouvera en compagnie d’amis qu’il appréciera, sa santé physique s’en trouvera raffermie. Il n’en sera pas de même quand il se trouvera seul et, très souvent, insatisfait.
A ce sujet, je voudrais souligner également un autre point, qui concerne l’étude de la ‘Hassidout. On peut lire entre les lignes, dans votre lettre, que vous n’en êtes pas pleinement satisfait(1). Me basant sur ce que j’ai entendu, à de nombreuses reprises, de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, je vous adresse les quelques lignes qui suivent :
Vous savez qu’auparavant, il y avait plusieurs conceptions de la manière de transmettre l’enseignement(2) à la jeunesse. Selon la première, on se limitait au Talmud, aux premiers et aux derniers Sages, aux Décisionnaires. Pour la seconde, on devait adjoindre à ces textes l’étude du Moussar, de l’Ethique juive ou de la ‘Hassidout. Comme vous le savez, les érudits des Yechivot lituaniennes s’opposaient énergiquement, il y a soixante ou soixante dix ans, également au Moussar(3), avançant que l’étude du Talmud et des Décisionnaires était suffisante, que la Torah protège et sauve(4).
En effet, il est dit, à propos de celui qui s’est écarté du droit chemin, que “ le luminaire qu’elle(5) contient le ramène vers le bien ”. Pour autant, quelques décennies plus tard, la pratique concrète a fait la preuve de la nécessité d’une étude traitant, de manière directe, du comportement de l’homme, de ses sentiments, de ses obligations morales. Et, les plus grands érudits lituaniens ont convenu qu’il devait bien en être ainsi. Ils ont donné leur accord pour étudier le Moussar, en lui consacrant un temps plus ou moins important.
L’enseignement du Baal Chem Tov, de ses disciples et des disciples de ses disciples qui lui ont succédé, ont mis en application, dans la vie courante, l’injonction du Ari Zal selon laquelle, à notre époque, “ il est une Mitsva de révéler cette sagesse ”, c’est-à-dire l’enseignement profond de la Torah. Bien plus, lorsque le Baal Chem Tov demanda quand viendrait le Machia’h, on lui répondit : “ Lorsque tes sources se répandront à l’extérieur ”. A n’en pas douter, ceux qui ont eu le mérite d’avoir accès à la clarté de l’enseignement des élèves du Baal Chem Tov considèrent que celui-ci est une nécessité.
Néanmoins, dans la génération précédente, il était concevable qu’une telle étude soit réduite au strict minimum. On savait, en effet, qu’un garçon ou un jeune homme n’aurait pas l’occasion d’étudier la philosophie, que personne ne l’interrogerait sur ses sentiments, sur sa foi. A notre époque, en revanche, en particulier ces dernières années, les persécutions et les souffrances ont troublé le monde entier. Les jeunes gens sont confrontés à des épreuves particulièrement fortes. Il est malheureusement inévitable que certains ne remettent pas en cause tout ce qui est sacré et même les fondements de la foi. En conséquence, il est indispensable que l’on ait connaissance de l’enseignement du Baal Chem Tov et des disciples de ses disciples, lequel est partie intégrante de notre sainte Torah. Nos Sages disent, en effet, que “ tout ce qui est enseigné par les érudits de la Torah fut déjà révélé, sur le mont Sinaï ”. C’est de cette façon que l’on peut se préserver de ce qui est dit par les autres.
Quelqu’un pourrait prétendre, contredisant ainsi l’enseignement de nos Sages selon lequel “ tu ne dois pas répondre de toi-même ”, qu’il a la certitude que son fils ou son proche parent ne rencontrera jamais des personnes n’ayant pas la crainte de D.ieu ou manquant d’intégrité. Mais, la pratique concrète a fait la preuve que le contraire est vrai. De plus, celui qui avance pareille affirmation ne peut pas nier qu’un doute subsiste. Or, dans une situation de danger, il est permis de transgresser le Chabbat(6), dès lors qu’il y a le moindre doute(7).
Tous reconnaissent que la ‘Hassidout est bien une partie de notre sainte Torah. Même si quelqu’un, à titre personnel, préfère en étudier une partie plutôt qu’une autre, il doit concéder que son rôle, quand une autre personne formule devant lui le désir d’avoir accès à un enseignement révélé par D.ieu, à Moché, sur le mont Sinaï, est bien de l’encourager à le faire, de redoubler d’ardeur en cette étude. Bien plus, c’est par référence à cet enseignement que l’on formule la question suivante : “ As-tu ajouté une mesure de sel(8) ? ”. Si on ne le pas fait, ce qu’à D.ieu ne plaise, il est préférable de ne pas conserver la récolte, conformément à l’expression de nos Sages, au traité Chabbat 31a.
A mon sens, vous devriez remercier D.ieu d’avoir inspiré à votre fils un esprit de pureté. En effet, celui-ci est animé du désir d’étudier l’enseignement profond de la Torah qui en est l’âme, selon l’expression du Zohar, tome 3, page 153a, que vous consulterez. L’âme vivifie le corps et, de la même manière, l’enseignement profond de la Torah insuffle l’enthousiasme dans l’étude de sa partie révélée. J’ai bon espoir qu’il vous procurera beaucoup de satisfaction.
Avec ma bénédiction de réussite dans votre mission sacrée et dans l’attente de vos bonnes nouvelles,
Notes
(1) Du désir de l’étudier, exprimé par le fils du destinataire de cette lettre.
(2) De la Torah.
(3) Et non uniquement à la ‘Hassidout.
(4) Contre les épreuves que l’on doit affronter, dans le monde.
(5) La Torah.
(6) Pour sauver la personne qui est en danger.
(7) Que cette personne puisse être sauvée de cette façon.
(8) Qui conserve la récolte et l’empêche de se gâter. De même, l’étude de la ‘Hassidout préserve les autres parties de la Torah. Voir, à ce sujet, le Likouteï Torah Vaykra, page 6a.