Lettre n° 2136
Par la grâce de D.ieu,
18 Sivan 5713,
Brooklyn,
Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Tsvi(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre, de même que, ces jours-ci, votre livre qui est une biographie de la famille du Maskil Leeïtan. Je vous remercie pour cet ouvrage.
Vous commencez votre lettre en disant que vous souhaitez vous lier à moi, sans toutefois être un ‘Hassid, car vous êtes issu d’une famille qui n’est pas ‘hassidique.
Vous savez sûrement que le Gaon de Vilna était lui-même qualifié de ‘Hassid. Bien évidemment, je ne veux pas dire qu’il était le ‘Hassid d’une certaine personne, pas même celui du plus grand responsable communautaire. En fait, je fais référence au dicton(2) suivant de l’auteur du Tanya.
Quelqu’un lui demanda, une fois, ce qu’était un ‘Hassid. Il répondit que celui-ci était une personne sachant renoncer à son propre intérêt, bien plus prête à se causer du tort pour faire du bien aux autres. A l’époque, la controverse(3) était au plus fort et l’homme formula donc différemment sa question, précisant qu’il souhaitait une réponse issue de la partie révélée de la Torah et non de son enseignement caché. L’Admour Hazaken lui expliqua que la définition qu’il venait de formuler était clairement exprimée par la Guemara. Le traité Nidda 17a dit, en effet, que: “ celui qui brûle ses ongles est un ‘Hassid, puisqu’en agissant de la sorte, il se cause du tort à lui-même(4) ”. Vous consulterez l’explication que donnent les Tossafot, à ce sujet.
Le lien avec la ‘Hassidout et ses pratiques est bien évident. Le Choul’han Arou’h énonce le principe suivant: “ Comment peux-tu imaginer que ton sang soit plus rouge que celui des autres(5)? ”. Et, l’on peut envisager également la formulation opposée: “ Comment peux-tu imaginer que le sang des autres soit plus rouge que le tien? ”. A l’opposé, la ‘Hassidout met l’accent sur le fait que le début du service de D.ieu transcende toute logique, tout échafaudage intellectuel. Elle souligne qu’il n’est pas d’autre moyen de mettre en pratique la Torah et les Mitsvot de la manière qui convient.
Celui qui fait abstraction de la logique s’intéresse donc d’abord à l’intérêt de son prochain. Il le fera d’autant plus scrupuleusement qu’il comprendra pourquoi le service de D.ieu ne peut pas être basé sur la raison. En effet, le Saint béni soit-Il agit toujours “ mesure pour mesure ” et celui dont le comportement est toujours réfléchi, même s’il inscrit son raisonnement dans le domaine de la sainteté, devra rendre des comptes sur ses actes et même sur ses paroles et ses pensées. Or, il est dit que “ la pensée de la faute est plus grave que la faute elle-même ”. Il est clair que nul n’a intérêt qu’il en soit ainsi pour lui.
Une question est bien connue(6). Si l’étude de la ‘Hassidout est à ce point nécessaire, que firent donc les premières générations(7)? Et, à notre époque, n’y a-t-il pas des personnes qui ne connaissent pas la ‘Hassidout et, néanmoins, sont intègres et craignent D.ieu?
La réponse à ces interrogations est très simple. Le monde n’est pas livré au hasard, ce qu’à D.ieu ne plaise. La Providence de D.ieu en règle le moindre détail. On peut le vérifier chez les animaux. De nombreuses espèces possèdent un membre sans lequel elles ne pourraient vivre, alors que les autres espèces n’en ont pas l’équivalent, car celui-ci ne leur est pas indispensable. Et, ce qui est vrai des animaux l’est, a fortiori, du genre humain.
Certains n’ont pas eu connaissance, jusqu’à maintenant, de la ‘Hassidout. D’autres appartenaient aux anciennes générations et, à l’époque, ces notions étaient réservées à une élite. C’est là la preuve qu’ils peuvent mener leur existence et surmonter les épreuves auxquelles ils sont confrontés sans disposer nécessairement de ces connaissances. Mais, il n’en est pas de même pour ceux qui savent que la ‘Hassidout existe.
Le Rambam précise que chaque lettre de la Torah et, à plus forte raison, toute une partie de son enseignement, a la même sainteté que le Chema Israël. Il est clair que cela est également vrai pour la ‘Hassidout.
De ce point de vue, la différence qui existe entre l’animal et le Juif est la suivante. D.ieu voulut accorder le bien véritable à ce dernier et Il ne souhaita donc pas qu’il agisse sous la contrainte. Il lui offrit donc le libre arbitre. Bien plus, Il créa le mauvais penchant, qui suggère à l’homme de nombreuses explications, différents raisonnements, afin de l’écarter du droit chemin. Si ce mauvais penchant s’adresse à un homme qui craint D.ieu, il saura également s’exprimer selon les termes du Choul’han Arou’h. Pour quelqu’un comme vous, il est sûrement inutile d’en dire plus.
Vous me demandez s’il y a ici des personnes qui résidaient auparavant à Yekatrinoslav(8). Je n’en ai pas connaissance. Pour ce qui est de ma mère, la Rabbanit, à laquelle D.ieu accordera longue vie, il serait bon que vous lui écriviez directement. Elle vous racontera sûrement ce qu’elle sait. Vous pouvez lui écrire dans la langue que vous voulez.
Comme vous me le demandez, je vous adresse un extrait de ce qui a été imprimé ici, lors du décès de mon père.
Vous m’avez accordé une bénédiction et je vous en donnerai une également. Vous avez été chargé de me transmettre les salutations du grand Rav R. Kats. Vous voudrez bien lui signifier les miennes. Je vous en remercie.
Que D.ieu vous confère la réussite. Vous et votre épouse conduirez votre fils Yehouda Leïb vers la Torah, le dais nuptial et les bonnes actions, avec largesse d’esprit. Vous redoublerez d’ardeur dans la diffusion de la Lumière du Judaïsme, dans votre entourage. Que D.ieu fasse que vous y parveniez avec toute la chaleur ‘hassidique.
Avec mes respects et ma bénédiction de réussite,
N. B. : Dans la liste figurant à la fin de votre livre, j’ai vu que vous avez publié plusieurs ouvrages sur la relation entre la science et la religion. Si vous pouviez les transmettre à ma bibliothèque, je vous en serai reconnaissant.
En effet, il est douloureux de constater de quelle manière cette question est traitée. Ainsi, les plus orthodoxes, lorsqu’ils se penchent sur ce problème, concluent, au final, que de nombreux Sages d’Israël possédaient de profondes connaissances scientifiques, que celles-ci sont importantes pour mieux comprendre la Torah d’Israël, afin d’établir les calculs astronomiques nécessaires à l’établissement du calendrier ou de déterminer le caractère Taref d’un animal.
En réalité, il aurait fallu adopter l’approche opposée, dire que la science est dénuée de tout fondement pour celui qui n’a pas la foi, que de nombreux scientifiques, s’ils n’étaient pas croyants, se seraient totalement fourvoyés, dans leur existence.
Notes
(1) Le Rav T. Harkavi. Voir, à son sujet, la lettre n°2078.
(2) Voir, à ce sujet, la lettre n°2187.
(3) Entre les ‘Hassidim et leurs opposants.
(4) En effet, brûler un membre du corps peut nuire aux autres membres. Mais, le ‘Hassid préfère se causer du tort à lui-même, plutôt que risquer de provoquer une fausse couche à une femme enceinte qui marcherait sur ses ongles.
(5) Pourquoi aurais-tu plus de droits qu’eux?
(6) Voir, à ce propos, les lettres n°2150 et 2230.
(7) Qui n’en disposaient pas.
(8) Ville de Russie dans laquelle le Rabbi passa son enfance et dont son père était le Rav.
18 Sivan 5713,
Brooklyn,
Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Tsvi(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre, de même que, ces jours-ci, votre livre qui est une biographie de la famille du Maskil Leeïtan. Je vous remercie pour cet ouvrage.
Vous commencez votre lettre en disant que vous souhaitez vous lier à moi, sans toutefois être un ‘Hassid, car vous êtes issu d’une famille qui n’est pas ‘hassidique.
Vous savez sûrement que le Gaon de Vilna était lui-même qualifié de ‘Hassid. Bien évidemment, je ne veux pas dire qu’il était le ‘Hassid d’une certaine personne, pas même celui du plus grand responsable communautaire. En fait, je fais référence au dicton(2) suivant de l’auteur du Tanya.
Quelqu’un lui demanda, une fois, ce qu’était un ‘Hassid. Il répondit que celui-ci était une personne sachant renoncer à son propre intérêt, bien plus prête à se causer du tort pour faire du bien aux autres. A l’époque, la controverse(3) était au plus fort et l’homme formula donc différemment sa question, précisant qu’il souhaitait une réponse issue de la partie révélée de la Torah et non de son enseignement caché. L’Admour Hazaken lui expliqua que la définition qu’il venait de formuler était clairement exprimée par la Guemara. Le traité Nidda 17a dit, en effet, que: “ celui qui brûle ses ongles est un ‘Hassid, puisqu’en agissant de la sorte, il se cause du tort à lui-même(4) ”. Vous consulterez l’explication que donnent les Tossafot, à ce sujet.
Le lien avec la ‘Hassidout et ses pratiques est bien évident. Le Choul’han Arou’h énonce le principe suivant: “ Comment peux-tu imaginer que ton sang soit plus rouge que celui des autres(5)? ”. Et, l’on peut envisager également la formulation opposée: “ Comment peux-tu imaginer que le sang des autres soit plus rouge que le tien? ”. A l’opposé, la ‘Hassidout met l’accent sur le fait que le début du service de D.ieu transcende toute logique, tout échafaudage intellectuel. Elle souligne qu’il n’est pas d’autre moyen de mettre en pratique la Torah et les Mitsvot de la manière qui convient.
Celui qui fait abstraction de la logique s’intéresse donc d’abord à l’intérêt de son prochain. Il le fera d’autant plus scrupuleusement qu’il comprendra pourquoi le service de D.ieu ne peut pas être basé sur la raison. En effet, le Saint béni soit-Il agit toujours “ mesure pour mesure ” et celui dont le comportement est toujours réfléchi, même s’il inscrit son raisonnement dans le domaine de la sainteté, devra rendre des comptes sur ses actes et même sur ses paroles et ses pensées. Or, il est dit que “ la pensée de la faute est plus grave que la faute elle-même ”. Il est clair que nul n’a intérêt qu’il en soit ainsi pour lui.
Une question est bien connue(6). Si l’étude de la ‘Hassidout est à ce point nécessaire, que firent donc les premières générations(7)? Et, à notre époque, n’y a-t-il pas des personnes qui ne connaissent pas la ‘Hassidout et, néanmoins, sont intègres et craignent D.ieu?
La réponse à ces interrogations est très simple. Le monde n’est pas livré au hasard, ce qu’à D.ieu ne plaise. La Providence de D.ieu en règle le moindre détail. On peut le vérifier chez les animaux. De nombreuses espèces possèdent un membre sans lequel elles ne pourraient vivre, alors que les autres espèces n’en ont pas l’équivalent, car celui-ci ne leur est pas indispensable. Et, ce qui est vrai des animaux l’est, a fortiori, du genre humain.
Certains n’ont pas eu connaissance, jusqu’à maintenant, de la ‘Hassidout. D’autres appartenaient aux anciennes générations et, à l’époque, ces notions étaient réservées à une élite. C’est là la preuve qu’ils peuvent mener leur existence et surmonter les épreuves auxquelles ils sont confrontés sans disposer nécessairement de ces connaissances. Mais, il n’en est pas de même pour ceux qui savent que la ‘Hassidout existe.
Le Rambam précise que chaque lettre de la Torah et, à plus forte raison, toute une partie de son enseignement, a la même sainteté que le Chema Israël. Il est clair que cela est également vrai pour la ‘Hassidout.
De ce point de vue, la différence qui existe entre l’animal et le Juif est la suivante. D.ieu voulut accorder le bien véritable à ce dernier et Il ne souhaita donc pas qu’il agisse sous la contrainte. Il lui offrit donc le libre arbitre. Bien plus, Il créa le mauvais penchant, qui suggère à l’homme de nombreuses explications, différents raisonnements, afin de l’écarter du droit chemin. Si ce mauvais penchant s’adresse à un homme qui craint D.ieu, il saura également s’exprimer selon les termes du Choul’han Arou’h. Pour quelqu’un comme vous, il est sûrement inutile d’en dire plus.
Vous me demandez s’il y a ici des personnes qui résidaient auparavant à Yekatrinoslav(8). Je n’en ai pas connaissance. Pour ce qui est de ma mère, la Rabbanit, à laquelle D.ieu accordera longue vie, il serait bon que vous lui écriviez directement. Elle vous racontera sûrement ce qu’elle sait. Vous pouvez lui écrire dans la langue que vous voulez.
Comme vous me le demandez, je vous adresse un extrait de ce qui a été imprimé ici, lors du décès de mon père.
Vous m’avez accordé une bénédiction et je vous en donnerai une également. Vous avez été chargé de me transmettre les salutations du grand Rav R. Kats. Vous voudrez bien lui signifier les miennes. Je vous en remercie.
Que D.ieu vous confère la réussite. Vous et votre épouse conduirez votre fils Yehouda Leïb vers la Torah, le dais nuptial et les bonnes actions, avec largesse d’esprit. Vous redoublerez d’ardeur dans la diffusion de la Lumière du Judaïsme, dans votre entourage. Que D.ieu fasse que vous y parveniez avec toute la chaleur ‘hassidique.
Avec mes respects et ma bénédiction de réussite,
N. B. : Dans la liste figurant à la fin de votre livre, j’ai vu que vous avez publié plusieurs ouvrages sur la relation entre la science et la religion. Si vous pouviez les transmettre à ma bibliothèque, je vous en serai reconnaissant.
En effet, il est douloureux de constater de quelle manière cette question est traitée. Ainsi, les plus orthodoxes, lorsqu’ils se penchent sur ce problème, concluent, au final, que de nombreux Sages d’Israël possédaient de profondes connaissances scientifiques, que celles-ci sont importantes pour mieux comprendre la Torah d’Israël, afin d’établir les calculs astronomiques nécessaires à l’établissement du calendrier ou de déterminer le caractère Taref d’un animal.
En réalité, il aurait fallu adopter l’approche opposée, dire que la science est dénuée de tout fondement pour celui qui n’a pas la foi, que de nombreux scientifiques, s’ils n’étaient pas croyants, se seraient totalement fourvoyés, dans leur existence.
Notes
(1) Le Rav T. Harkavi. Voir, à son sujet, la lettre n°2078.
(2) Voir, à ce sujet, la lettre n°2187.
(3) Entre les ‘Hassidim et leurs opposants.
(4) En effet, brûler un membre du corps peut nuire aux autres membres. Mais, le ‘Hassid préfère se causer du tort à lui-même, plutôt que risquer de provoquer une fausse couche à une femme enceinte qui marcherait sur ses ongles.
(5) Pourquoi aurais-tu plus de droits qu’eux?
(6) Voir, à ce propos, les lettres n°2150 et 2230.
(7) Qui n’en disposaient pas.
(8) Ville de Russie dans laquelle le Rabbi passa son enfance et dont son père était le Rav.