Source des Jardins, puits des eaux vives et celles qui s'écoulent du Levanon.
Un maamar (dissertation hassidique) de Rabbi Yossef Its'hak, le Rabbi Précédent.
CHAPITRE 1
Le Midrach rapporte, à propos de ce verset, l'interprétation de Rabbi Yo'hanan, selon laquelle les "eaux vives" font allusion à la Torah. Le Matanot Kehouna souligne que l'on trouve quarante huit fois le mot "puits" dans la Torah. Il voit là une allusion aux quarante huit qualités permettant d'acquérir la Torah, définies par le dernier chapitre des Maximes de nos Pères.
Le présent verset définit trois origines de ces eaux, la source, le puits et l'écoulement du Levanon. Dans une première analyse, ces trois éléments semblent indépendants l'un de l'autre. Ils ne sont, en fait, que les trois aspects d'une seule et même entité.
Il est en effet différentes sortes de liquides, D.ieu ayant donné à chacune des propriétés spécifiques. Tout liquide a sa qualité propre, que l'on ne retrouve pas chez les autres. Certains sont précieux, de grande valeur. C'est le cas d'une huile bonne et pure, d'un vin vieux qui est parfumé et fortifie le corps. D'autres liquides sont plus simples, mais ont néanmoins une propriété que l'on ne retrouve pas dans la bonne huile ou le vin vieux. A l'eau, par exemple, D.ieu a donné le pouvoir de faire pousser les plantes, de rafraîchir les créatures appartenant aux quatres règnes de la création, minéraux, végétaux, animaux et humains.
En effet, chaque créature, de la plus infime à la plus importante, pour se développer et se désaltérer, a besoin d'eau. Bien plus, celle-ci est encore plus indispensable que le pain. Tout d'abord, elle seule permet de parvenir à la satiété. C'est la raison pour laquelle il convient de boire après avoir mangé. Interprétant le verset "tu mangeras, tu te rassasieras et tu béniras l'Eternel", nos Sages expliquent: "tu mangeras: il s'agit de la nourriture; tu te rassasieras: il s'agit de la boisson." De plus, la soif est plus douloureuse que la faim. C'est la raison pour laquelle D.ieu, qui subvient aux besoins de toutes Ses créatures, créa des points d'eau en tout endroit habité, de sorte qu'elle soit disponible, sans même devoir être achetée.
Tel est le sens du verset "source des jardins, puits d'eaux vives et celles qui s'écoulent du Lévanon". Il y a là trois niveaux, source, puits et écoulement. Tous expriment la merveilleuse et divine qualité de l'eau. De plus, chaque catégorie introduit un concept particulier.
RESUME:
L'eau est obtenue par une source, un puits ou un écoulement, trois aspects qui forment un tout. Tous les liquides, des plus précieux, comme l'huile ou le vin, aux plus simples, comme l'eau, ont leur importance et leur apport spécifique pour toutes les créatures. Ainsi, D.ieu a accordé à l'eau le pouvoir de faire pousser et de rafraîchir.
CHAPITRE 2
Il convient de définir plus précisément la signification de la source des jardins, du puits des eaux vives et de l'écoulement du Levanon dans l'existence de l'homme.
Les jardins font allusion au Gan Eden, là où l'homme reçoit la récompense pour les Mitsvot accomplies et les bons sentiments éprouvés dans le monde. On y distingue de nombreux niveaux, tous différents l'un de l'autre. De façon générale, on en définit cependant deux, le Gan Eden Inférieur et le Gan Eden supérieur. C'est pour cela que l'on parle ici de "jardins", au pluriel.
La source fait allusion à l'âme. Celle-ci est en effet une source de vie, confiée à l'homme par D.ieu. La vitalité spirituelle et divine qui en découle anime le corps. "La source des jardins", les "jardins célestes" que sont les deux niveaux du Gan Eden sont à l'origine de l'âme. D'eux jaillit un considérable dévoilement de Lumière, qui illumine la partie de l'âme s'introduisant dans le corps physique.
En effet, chaque âme est constituée de cinq parties, ayant chacune un rôle spécifique dans la personnalité de l'homme.
Ces cinq parties s'appellent Néfechl(1), Roua'h(2), Nechama(3),
'Haya(4) et Ye'hida(s). Les quatres premières assurent une fonction précise dans les domaines physiques comme dans la vie morale.
Néfech est le niveau le plus bas. D.ieu lui confie le rôle d'assurer la vie végétative. Roua'h vivifie les sentiments de l'homme. Néchama est à l'origine de la compréhension, ainsi qu'il est dit "L'âme (Nechama) de D.ieu les conduira à la compréhension". 'Haya provoque le plaisir et la volonté de l'homme. Ye'hida est la partie la plus élevée de l'âme, liée au Créateur Unique.
En fait, Ye'hida, la cinquième partie de l'âme, permet la vie des quatre premiers et renforce ainsi leur apport respectif. Chacun peut accomplir sa mission divine avec précision et détermination, de sorte que l'homme parvienne à la plus grande perfection, adopte de bons sentiments basés sur la Torah, qu'il étudiera et dont il accomplira les Commandements avec enthousiasme. C'est grâce à cela qu'il adoptera une pratique pleine d'enthousiasme et ne se contentera pas de pratiques mécaniques.
Pour parvenir à une telle perfection, une effort considérable est nécessaire. C'est le sens de ce "puits d'eaux vives". L'influence exercée par "la source des jardins" de l'âme permet de bâtir ce puits, grâce à l'effort de l'homme et à sa crainte
de D.ieu.
RESUME:
La traduction de ce verset dans le service de D.ieu est expliquée ici. "Les jardins " font allusion au Gan Eden Inférieur et au Gan Eden Supérieur. L'âme compte cinq niveaux. Les quatre premiers apportent la vie au corps, aux sentiments, à l'intellect, à la volonté et au plaisir. La Ye'hida, partie la plus haute de cette âme, en assure la cohésion et l'union au Créateur. Elle apporte ainsi son influence aux quatre niveaux qui la précède. En servant D.ieu de la façon qui est illustrée par' le puits, l'homme parvient à la plus haute perfection.
CHAPITRE 3
C'est précisément notre père Its'hak, qui assuma le service de D.ieu correspondant au "puits", dans son acceptation spirituelle. Par son accomplissement scrupuleux du Précepte de la dîme(6), il put accumuler une grande richesse. Dès lors, les Pelichtim le jalousèrent. La source spirituelle, à l'origine de l'existence de ce peuple, est en effet une force du mal dont le but est de se dresser contre la crainte de D.ieu.
Concrètement, une ruelle fermée par un portail est protégée des attaques des voleurs. Celle qui est ouverte, en revanche, peut être le lieu du larcin et du crime. Il en va de même dans la dimension spirituelle. La crainte de D.ieu est le verrou qui protège l'homme de la chute, dans l'objet de ses émotions comme dans ses comportements liés à la Torah et aux Mitsvot.
La crainte de D.ieu fut la qualité d'Its'hak, dont l'âme était liée à Guevoura(7 , l'attribut de sévérité, qui lui permettait de décupler son ardeur dans l'accomplissement de la Torah, des Mitsvot et, de façon générale, dans toutes les attitudes positives.
Les Pelichtim voulurent détourner à leur profit la vitalité de la Sainteté. Dès lors, Its'hak abandonna Grar. Or, "les actions des pères sont des signes pour les fils". Les agissements des Patriarches ne furent pas seulement des réalisations positives dans le domaine de la Sainteté, mais constituent aussi des indications pour leurs descendants, des enseignements soulignant le comportement qu'il convient d'adopter en pareil cas.
Ainsi, Avraham s'employa à faire connaître l'existence du Créateur, à expliquer qu'Il est à l'origine du monde, le dirige, apporte la vie à Ses créatures et leur accorde Sa divine Providence. Avraham fit savoir que D.ieu existait, qu'Il était Un. Il est dit que "Kouch enfanta Nemrod". Nemrod reçut son nom, comme l'indique, en Hébreu, sa racine étymologique, précisément parce qu'il conduisit le monde à se révolter contre la Divinité. Le Targoum Yonathan Ben Ouzyel explique qu'il entendait convaincre les hommes de rejeter les Préceptes divins et d'adopter ses propres décisions.
Notre père Avraham, cependant, n'entra pas en conflit avec Nemrod, l'impie, ne lui fit pas la guerre. Il assuma sa propre mission, diffusa la Divinité dans le monde, sans se soucier des agissements de Nemrod. Celui-ci était un roi, disposait de moyens considérables. Avraham n'en tint aucun compte, poursuivit son oeuvre sacrée, expliqua à chacun l'Unité de D.ieu et Sa divine Providence. Même lorsque Nemrod l'impie retourna ses forces contre lui, le fit enfermer, pendant une dizaine d'années, dans les infâmes forteresses de Kouta et de Kardo, Avraham poursuivit ses réalisations et propagea la Divinité autour de lui. Nemrod prit ensuite la décision de le faire brûler vif.
On peut déduire de tout cela à quel point il convient d'éviter tout contact avec les impies, qui se moquent de D.ieu et de Sa Torah. Il faut repousser tout conflit avec eux. On doit simplement les ignorer, même s'ils sont puissants. Même si l'on endure les souffrances les plus considérables, on ne peut pour autant rejeter la mission que l'on a reçue.
Du comportement d'Its'hak, on peut déduire que, lorsque les forces du mal cherchent à se rapprocher d'un juif, celui-ci doit les fuir. Its'hak abandonna la ville de Grar et s'installa à proximité de celle-ci, près du fleuve de Grar. Là, il creusa un puits. Mais, les bergers de Grar se disputèrent avec ceux d'Its'hak et prétendirent que ses eaux leur appartenaient. Its'hak appela ce puits "Essek", qui signifie dispute. Les serviteurs d'Its'hak creusèrent alors un second puits, qui entraîna également des controverses. Its'hak l'appela "Sitna", qui signifie gêne, puis, il quitta cet endroit, où il avait creusé deux puits. Parvenu à sa nouvelle destination, il creusa un troisième puits, à propos duquel il n'y eut aucune dispute. Il l'appela "Re'hovot", largesse.
RESUME:
Les Pelichtim représentent une force du mal s'opposant à la crainte de D.ieu, qui est le niveau d'Its'hak. Ceux-ci le détestaient, mais, lorsqu'il devint riche, ils voulurent tirer profit de lui. Avraham ne tint aucun compte de Nemrod et poursuivit sa tâche, même lorsqu'il fut emprisonné. Its'hak nous enseigne qu'il convient de s'éloigner d'un impie.
CHAPITRE 4
Le Ramban explique que les trois puits d'Its'hak correspondent aux trois Temples, les deux premiers qui furent détruits et le troisième, qui sera bâti lorsque le Machia'h viendra, très bientôt et très prochainement. Tel est donc le sens de ce verset, "puits des eaux vives". L'expression "eaux vives" désigne le Temple. Lorsque D.ieu demanda pour la première fois que Lui soit bâti un Sanctuaire, Il dit dans la Torah: "Ils Me feront un Temple (un Lieu saint) et je résiderai parmi eux". Nos Sages remarquent que le verset aurait du dire "J'y résiderai". En fait, D.ieu entend demeurer à l'intérieur de chacun. En d'autres termes, chaque Juif peut faire de sa tête et de son coeur un Sanctuaire pour D.ieu. Tel est le sens profond du verset "Ils Me feront un Temple et je résiderai parmi eux".
Le Temple est appelé "puits" car, dans le service de D.ieu, il fait allusion à un mouvement d'élévation du bas vers le hautffl1. Il est en effet deux façons de servir D.ieu. La première
est un dévoilement ici-bas de ce qui se trouve là-haut. C'est, par exemple, le cas de la Torah, dont la lumière éclaire tous les objets matériels(91. Celui-ci qui base sur elle son comportement la dévoilera dans le monde. La Torah est, en effet, la Sagesse et la Volonté de D.ieu, telles qu'elles se trouvent là-haut, qui viennent éclairer ici-bas, ainsi qu'il est dit "la Torah est une lumière". Lorsque le comportement des hommes est conforme à la Torah, celle-ci apporte l'illumination au monde.
La seconde façon de servir D.ieu est l'élévation du haut vers le bas. C'est le cas de l'effort de la prière, qui a pour but d'élever. la matière, de sorte qu'elle soit plus raffinée. C'est à cette dernière situation que correspond le puits, dont les eaux jaillissent du bas vers le haut, à l'image de la prière qui s'élève vers D.ieu. Bien que le puits illustre l'élévation, la prière se doit également d'être basée sur la Torah, tout comme la Torah est elle-même conforme à l'effort de la prière.
La prière implique humilité et modestie. Nos Sages disent que "l'on ne peut prier qu'en se pénétrant d'humilité". La prière est le moment de méditer à la grandeur de D.ieu. C'est ainsi que l'on perçoit l'élévation de la Torah, Sagesse et Volonté de D.ieu. De même, on étudiera la Torah avec soumission, ainsi qu'il est dit "que ma langue reproduise Ta parole", comme celui qui répéterait les propos de quelqu'un d'autre. Etudier la Torah est donc répéter la parole de D.ieu qui y est exprimée.
Tout cela dépend de l'effort réalisé pendant la prière. Celui-ci, à son tour, doit être basé sur la Torah. Tel est donc le sens du verset "source des jardins, puits des eaux vives". Grâce à l'effort portant sur le "puits des eaux vives", on peut mettre en évidence la "source des jardins" que chacun possède en son âme.
RESUME :
Les trois puits font allusion aux trois Temples. deux premiers furent détruits par nos fautes. C'est raison pour laquelle ils s'appellent "dispute" et "gêne "Largesse", en revanche, sera le troisième Temple, possédera l'éternité. Le service de D.ieu de la Torah réalise le dévoilement, alors que la prière est un processus d'élévation.
(1) Néfech est le stade le plus bas de l'âme juive, qui apporte la force vitale permettant d'exister et correspond à la manifestation végétative de la vie. I l
est lié à l'action concrète. Il réside dans le sang etappartientà l'âme animale. (2) Roua'h est la seconde partie de l'âme juive, lié aux sentiments et à la
parole. Il dévoile le message de l'esprit et correspond à l'expression émotionnelle de la vie. Il réside dans le coeur et appartient à l'âme animale.
(3) Nechama est la troisième partie de l'âme juive, lié à la réflexion et à la pensée. Il constitue l'essence de l'être et correspond à l'expression intellec
tuelle de la vie. Il réside dans le cerveau et appartient à l'âme divine.
(4) 'Haya est la quatrième partie de l'âme juive, qui ne se révèle que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lors du dévoilement prophétique. Il ne réside pas dans un membre particulier du corps, est plus
ressenti que compris. Il résulte d'un dévoilement divin et l'homme ne peut la faire apparaître par son propre effort. Il appartient à l'âme divine.
(5) Ye'hida est la cinquième partie de l'âme juive, liée à l'Essence divine et constitue, à proprement parler, la parcelle de Dieu résidant dans le corps de l'homme. Il se se trouve pas dans un membre particulier du corps, est plus ressenti que compris, apporte une réponse involontaire et immédiate. De lui
découle la foi intègre, enracinée dans le coeur de chaque Juif, même le plus simple. Il permet de sacrifier sa vie pour la Torah et les Mitsvot. Il apporte en particulier les forces de supporter les épreuves de cette dernière phase de l'exil, le "talon du Machia'h".
(6) Voir à ce propos les précisions apportées par le discours précédent.
(8) II est en effet nécessaire de puiser l'eau, c'est-à-dire d'élever au niveau du sol, l'eau cachée au fond de la terre.(9) Lors du don de la Torah, il y eut, en effet, un dévoilement divin dirigé du haut vers le bas, ainsi qu'il est dit "et D.ieu descendit sur le mont Sinaï".