Une lumière plus grande

Alors que, jour après jour, l’Omer déroule son décompte, alors que, du fait de l’histoire, cette période reste marquée par une certaine retenue, soulignée par l’abstention de célébrations joyeuses telles que mariages etc., voici qu’une journée pareille à nulle autre projette son éclat. Et cet éclat est, sans ambiguïté, insurpassable. C’est de Lag Baomer qu’il s’agit, le 33ème jour de l’Omer et c’est, en soi, tout un programme. A l’époque de l’occupation romaine en Israël, vivait un grand Sage : Rabbi Chimon Bar Yo’haï. Le 33ème jour de l’Omer est celui où il quitta ce monde, sa Hilloula ainsi qu’il le qualifia lui-même, comme pour dire son absolue élévation. Nous le célébrons cette semaine et c’est un jour d’une profondeur différente.

De fait, on s’interroge souvent sur cette idée : marquer avec tant de ferveur, avec une joie et un bonheur surprenants, le moment où un de nos plus grands Sages, par qui le Zohar apparut, quitta ce monde matériel ? C’est que cette date est loin d’être une fin ; elle est, au contraire, un commencement. Le jour de Lag Baomer est essentiellement celui de Rabbi Chimon et c’est pour cela que sa lumière ne cesse de grandir. Lumière de la Sagesse Divine, lumière de la connaissance profonde, lumière du lien avec D.ieu : elle pénètre tout, révèle le potentiel, anime l’existant et les fait vivre.

Traditionnellement, Lag Baomer est une fête en laquelle les enfants se reconnaissent. De fait, la coutume est ancienne de les y associer pleinement et de les emmener jouer, en ce jour, dans les bois comme un souvenir du temps, celui de Rabbi Chimon, où ils devaient se cacher pour étudier la Torah. Là encore, l’image a de quoi surprendre : quel rapport réel peut-il y avoir entre la plus profonde sagesse, incarnée par Rabbi Chimon, et des enfants enthousiastes et rieurs ? Pourtant tout en atteste. « Rabbi Chimon descend en ce jour parmi eux » va-t-on jusqu’à dire. La pureté, la sincérité, l’intégrité de l’enfant sont des choses précieuses. Elles le rattachent aux plus hauts des degrés. Son enthousiasme n’est pas un vain mot, il est une clé qui ouvre toutes les portes, celles du Ciel comprises.

Alors que Lag Baomer occupe, par nature, notre conscience, il faut savoir le célébrer – et, mieux encore, le vivre : avec grandeur. Jour d’infini, il est celui où palpite déjà la Sagesse ultime que Machia’h nous révélera.


 Lag Baomer et l’amour du prochain

Rabbi Chimon Bar Yo’haï déclara que ses qualités « viennent de celle de Rabbi Akiva », son maître. Il est donc clair que, puisque ce dernier mit l’accent sur l’amour du prochain, Rabbi Chimon en fut également imprégné.

Cette idée est soulignée de manière encore plus éclatante quand des enfants se rassemblent à l’occasion de Lag Baomer, la fête de Rabbi Chimon, et manifestent ainsi leur amour et leur unité. Cela amène l’unité et la paix dans le monde entier, parmi toutes les nations jusqu’à la paix complète et absolue que Machia’h apportera, lorsque tous les peuples se rendront « à la Maison de D.ieu, à Jérusalem » et y proclameront « qu’il est bon et agréable que des frères demeurent ensemble ».

(d’après des enseignements du Rabbi de Loubavitch,Lag Baomer 5747, 5750)


 Emor

La Paracha Emor (« Dis ») commence avec les lois particulières relatives aux Cohanim (les prêtres), au Cohen Gadol (Grand Prêtre) et au service du Temple. Un Cohen n’a pas le droit de se rendre rituellement impur par le contact avec un corps mort, sauf lors de la mort d’un parent proche. Un Cohen ne peut épouser une femme divorcée ou une femme au passé léger. Un Cohen Gadol ne peut se marier qu’avec une jeune-fille qui n’a jamais été mariée. Un Cohen atteint d’une difformité ne peut servir dans le Temple, pas plus qu’un animal difforme ne peut être apporté en offrande.

Un veau, un chevreau ou un agneau nouveaux-nés doivent être laissés auprès de leur mère pendant sept jours avant de pouvoir servir d’offrande. On n’a pas le droit d’abattre le même jour un animal et ses petits.

La seconde partie d’Emor fait la liste des célébrations de sainteté annuelles : les fêtes du calendrier juif, le Chabbat hebdomadaire, l’offrande de l’agneau pascal, le 14 Nissan, la fête des sept jours de Pessa’h commençant le 15 Nissan, l’offrande du Omer de la première récolte d’orge, à partir du deuxième jour de Pessa’h, et le commencement, en ce même jour, des 49 jours du décompte du Omer, culminant avec la fête de Chavouot, le cinquantième jour ; un « rappel du son du Choffar », le premier Tichri ; un jeûne solennel, le 10 Tichri ; la fête de Souccot durant laquelle nous devons résider sept jours dans des Cabanes et prendre les « Quatre Espèces », à partir du 15 Tichri et la fête qui suit immédiatement, « le huitième jour » de Souccot (Chemini Atsérèt).

La Torah évoque ensuite l’allumage de la Menorah dans le Temple et les « pains de proposition » (Lé’hèm Hapanim), placés chaque semaine sur une table qui s’y trouvait.

Emor se conclut avec l’exécution d’un homme pour blasphème et les punitions relatives au meurtre et aux blessures infligées à quelqu’un ou à la destruction de sa propriété (compensation pécuniaire).

La Paracha commence par le commandement adressé aux Cohanim (les Prêtres) de se préserver, ainsi que leurs enfants, de tout contact avec un mort. Un commandement, mettant l’accent sur l’importance de l’éducation des enfants, est répété à trois reprises dans la Torah : lors de l’interdiction de consommer du sang, lors de l’interdiction de consommer des insectes et une troisième fois, ici, lors de l’interdiction d’entrer en contact avec un mort. C’est de cette répétition que nous déduisons la Mitsva revenant aux parents de préserver leurs enfants de toute transgression des Mitsvot de la Torah.

Cependant, ce commandement peut être envisagé dans un sens plus large, comme nous l’enseigne le précédent Rabbi de Loubavitch : l’âge ne se définit pas seulement par ce qui est inscrit sur le passeport. Une personne peut être considérée comme un enfant dans le domaine de ses connaissances et de son observance de la Torah. C’est pourquoi, non seulement les enfants ont-ils besoin d’éducation mais tous ceux à qui il manque une expérience suffisante du Judaïsme.

Pourquoi la Torah répète-t-elle ce commandement par trois fois, dans trois passages différents ?

En fait, chacun de ces passages comporte une approche particulière et différente pour nous enseigner la manière d’éduquer.

Quelle leçon pouvons-nous tirer sur nos aptitudes à éduquer dans l’interdiction de consommer du sang ?

Nos Sages rapportent que dans les temps anciens, il était courant que les gens consomment du sang et qu’ils en étaient très avides. C’était considéré comme une boisson extrêmement raffinée et l’on s’y adonnait tout le temps.

La Torah vient donc nous dire : « ne pensez pas que sous prétexte que quelque chose est désirable, que ce désir est accessible et coutumier, cela signifie pour autant que l’on ne puisse éduquer la personne à y renoncer. C’est pourquoi la Torah donne l’exemple de la consommation du sang. Bien qu’elle soit attirante, accessible et coutumière, il n’en reste pas moins que le commandement insiste sur le fait que l’on doive s’en abstenir et que nous avons les capacités de convaincre les gens de ne pas consommer de sang, de ne pas s’adonner à ce à quoi ils sont accoutumés, à ce pour quoi ils ont un immense désir.

Le second exemple concerne l’interdiction de consommer des insectes. La situation, ici est différente. Un individu, nous dit la Torah, n’a pas de désir naturel de consommer des insectes.

Celui qui le fait peut être mû par la volonté d’exhiber sa nature animale grossière, au point qu’on le considère à peine comme adoptant un comportement humain normal. Pourtant, même dans ce cas, la Torah affirme qu’on peut l’éduquer et nous avons le commandement de le convaincre de ne pas manger d’insectes.

Ou bien alors, il arrive que celui s’y prête n’en ait pas un désir naturel particulier mais juste la volonté d’aller à l‘encontre de ce qui est interdit, poussé par une révolte ouverte contre son Créateur. C’est justement parce que cela est interdit qu’il le fait : pour montrer sa rébellion.

Et là encore, la Torah nous indique qu’il faut aller également vers une telle personne et chercher à la sensibiliser et à la rapprocher des voies de la Torah.

La troisième occurrence de ce commandement se trouve dans la Paracha de cette semaine et concerne donc l’interdiction faite aux Cohanim d’entrer en contact avec le corps d’un défunt, pour ne pas se rendre impurs. Toutes les lois concernant l’impureté et la pureté, entrent dans la catégorie des ‘Houkim, lois pour lesquelles ne nous sont données ni raisons ni explications.

L’on pourrait alors se dire qu’il est vrai que lorsqu’il s’agit d’une loi pour laquelle on a des raisons et des explications, il existe une possibilité pour que l’on puisse essayer de l’expliquer et d’influencer une autre personne, l’éduquer.

Mais, lorsqu’il est question d’une Mitsva totalement irrationnelle, pour laquelle il faut exclusivement faire appel à la Emouna, la foi, le désir d’accomplir un commandement pour le Créateur, comment peut-on espérer éduquer quelqu’un, avoir un impact sur lui ?

Mais encore une fois, la Torah vient nous contredire et nous commander d’éduquer les « enfants », ceux dont le passeport indique un âge plus avancé mais qui n’en restent pas moins à leurs débuts dans leurs connaissances et quand bien même il s’agit de sujets essentiellement basés sur la Emouna.

Maïmonide le stipule dans son Code des Lois : chaque Juif, quelle que soit sa situation, a le désir profond d’accomplir toutes les Mitsvot . Et même s’il affirme le contraire, il s’agit d’une manifestation de son Yetsèr Hara, son penchant vers le mal, qui domine et cache son véritable et essentiel désir de se conformer aux voies de la Torah et de se rapprocher de D.ieu par l’accomplissement de toutes les Mitsvot.

Si tout cela est vrai pour un adulte, combien l’est-ce encore davantage pour un enfant, même par le nombre réel de ses années, pas encore formé et aguerri à une véritable éducation, basée sur la Torah.

Il revient à chaque Juif de faire tout ce qu’il peut afin que chaque membre de notre peuple reçoive une éducation juive de la meilleure qualité.


 Quelles lois s’appliquent spécifiquement au Cohen ?

Celui qui est reconnu comme Cohen doit se conduire comme un digne descendant d’Aharon, frère de Moché (Moïse) qui fut le premier Grand-Prêtre du peuple juif.

- On respectera le Cohen, en lui accordant toujours la première place, par exemple en l’appelant en premier pour lire la Torah devant la communauté ou pour parler dans un cours ou une conférence.

- Il sera le premier à manger le pain lors d’un repas puis à prononcer le Birkat Hamazone (prière après le repas).

- On évite de demander à un Cohen d’accomplir un service quelconque – sauf s’il se propose ou accepte de rendre service.

- Le Cohen est appelé à bénir la communauté après la prière du matin : en Diaspora, seulement les jours de fête ; en Terre d’Israël, tous les jours.

En contrepartie, le Cohen a aussi des obligations :

- Il n’a pas le droit d’épouser une femme divorcée, convertie ou issue d’une union interdite à un Cohen.

- Il ne se rendra pas impur au contact d’un mort : il ne restera pas dans une maison où repose un mort et ne s’approchera pas d’un cimetière. Cependant, il se rendra impur pour ses proches (parents, frère, sœur non mariée, enfants, épouse). Un Cohen n’assiste pas aux enterrements (ou de très loin) mais peut rendre des visites de condoléances.

- Le Cohen a l’obligation d’enseigner ces lois à son fils dès son plus jeune âge. Sinon, la communauté doit veiller à préserver la pureté du Cohen.

 (d’après le Kitsour Choul’hane Arou’h)


 Rabbi ! Je veux des enfants !

Je viens d’une famille traditionaliste. Je me suis mariée et m’attendais à avoir bien vite une maison remplie d’enfants courant dans tous les sens. Mais une année passa puis une autre et la maison restait silencieuse. Huit années s’écoulèrent et la table n’était mise que pour deux…

Un Chabbat, je décidai de m’habiller dorénavant comme il convient pour une princesse, fille de Sarah, Rivka, Ra’hel et Léa. Mon mari n’en revenait pas mais pensa que ce serait une lubie passagère. Mais j’étais décidée et, le lendemain, je jetai sans regret tous mes vêtements qui n’étaient pas conformes à la Tsniout.

Puis je rencontrai ‘Hanna Abramowitz, émissaire du mouvement ‘Habad (« ‘Habad, c’est quoi ? » lui demandai-je, étonnée) qui me proposa de participer aux activités de Shifra OuPoua, pour aider les dames qui venaient de donner naissance. J’acceptai volontiers mais ce fut difficile, non pas physiquement mais émotionnellement : voir des bébés, des berceaux, des jouets… tout ceci me rappelait ma propre situation et augmentait ma peine. Partout, je remarquai la photo du Rabbi et, un jour, je me décidai : je devais aller le voir. Mon mari haussa les épaules mais j’insistai. Rav Diskin de Kyriat Ata me mit en contact avec le regretté Rav Eliézer Ceitlin de Safed qui organisait justement un voyage au 770 Eastern Parkway à Brooklyn en l’honneur de Lag Baomer. Quand je lui téléphonai, il regretta de m’annoncer qu’il n’avait plus de place disponible. Mais, quelques instants plus tard, il me rappela : une dame venait d’annuler sa participation et il avait maintenant une place. Pour le lendemain !

Je réfléchis à la vitesse de l’éclair : oui j’avais une valise, j’avais des vêtements prêts, j’avais un passeport valable mais… je n’avais pas de visa !

Le lendemain (le jour prévu pour le vol vers les États-Unis), je me rendis à la première heure au Consulat américain. L’employée fut très compréhensive et sympathique, prit mon passeport et… m’invita à revenir le récupérer dans trois jours ! Puis elle appela la personne suivante !

- Impossible, protestai-je de toutes mes forces (moi qui suis d’ordinaire si polie et obéissante !). Vous ne comprenez pas ? Je dois partir ce soir !

- Ce soir ? Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ? Je ne peux pas vous accorder un visa – sauf si vous m’apportez votre billet !

En larmes, je téléphonai à l’agence de voyage de Rav Ceitlin : le billet se trouvait à Safed et il avait été prévu de me le remettre le soir-même à l’aéroport (souvenez-vous, il n’y avait pas de smartphone à l’époque…). Finalement l’agence de Safed s’arrangea avec la compagnie Tower Air (dont les bureaux étaient situés à côté du Consulat) et me délivra un billet. Je me précipitai vers le Consulat mais les portes étaient maintenant hermétiquement fermées ! Je voyais cependant qu’il y avait encore des employés à l’intérieur et je m’étonnai une fois de plus quand je criai à en perdre la voix pour qu’on me laisse entrer ! Je réussis ! On m’ouvrit la porte et, une demi-heure plus tard, j’avais le précieux visa en poche !

Quand j’arrivai finalement au 770, je vécus comme sur un nuage : la synagogue, les prières avec le Rabbi, les réunions ‘hassidiques, des Juifs de toutes origines, les dollars (j’en amassai onze au final) que le Rabbi distribuait en de nombreuses occasions afin d’en remettre l’équivalent à la Tsedaka (charité), les préparatifs pour la grandiose parade de Lag Baomer… A un moment donné, j’entendis une conversation entre deux femmes :

- Tu n’as pas encore d’enfant, n’est-ce pas ?

- Exact !

- Aujourd’hui c’est Lag Baomer, un jour propice pour les bénédictions – surtout en ce qui concerne les enfants… Va attendre le Rabbi sur Union Street quand il sortira du Mikvé, avant qu’il n’aille prier au Ohel ! Maintenant !

Je n’entendis pas la suite de cette conversation car je me précipitai vers Union Street. Il pleuvait à torrent, mes pieds s’enfonçaient dans des flaques de boue mais j’arrivai devant le Mikvé, tremblante de froid et d’émotion et, surprise, je m’entendis crier : « Rabbi, je veux des enfants ! ». Le Rabbi me sourit, me bénit et, en extase malgré la pluie battante, je retournai sur Eastern Parkway où la parade allait commencer. A peine le Rabbi sortit pour prendre place sur l’estrade que le soleil réapparut, la pluie s’arrêta comme si les gouttes d’eau étaient restées suspendues dans l’air. L’orchestre, les chars décorés, les élèves des écoles défilant dans un ordre parfait et même un groupe de femmes dont je fis partie qui passa devant le Rabbi avec la même requête : un enfant ! Chacune de ces femmes reçut deux dollars du Rabbi, j’en reçus quatre !

Quelqu’un me suggéra de concrétiser d’ores et déjà la bénédiction du Rabbi. Comment, demandai-je, étonnée ? En achetant une poussette ! répondit-elle. Non, je ne me voyais pas acheter aux États-Unis une poussette à rapporter dans mes bagages en Israël ! Mais j’achetai quelques vêtements de bébé que je pus glisser dans ma valise.

A mon retour en Israël, je décrivis tout ce qui s’était passé et, comme je l’avais tant souhaité, même mon mari se remit à espérer. Il accepta que nous achetions une poussette mais sans que personne ne le sache.

Chaque nuit, pendant un an, je regardai la poussette en priant. Puis le miracle se produisit…

La grossesse fut difficile. Quand le médecin effectua la première échographie, il appela mon mari. J’étais si anxieuse que je ne parvenais pas à respirer. Il s’éclaircit la gorge puis, après un instant qui me sembla une éternité, annonça : « Je comprends pourquoi la grossesse est si difficile : ce sont des jumeaux ! ». Soudain je me souvins que le Rabbi ne m’avait pas donné deux dollars comme aux autres femmes mais quatre !

Par la suite, le docteur ne cacha pas son angoisse : il n’entendait plus qu’un cœur. On m’hospitalisa en catastrophe et mon mari envoya un fax en urgence au bureau du Rabbi. Quelques instants plus tard, un autre docteur m’examina et ne comprit pas pourquoi on m’avait hospitalisée : « Qui a prétendu qu’un seul cœur battait ? On entend parfaitement le second ! ». De mon lit, j’expliquai, soulagée : « Effectivement il n’en avait entendu qu’un mais le Rabbi de Loubavitch a prié pour nous ! ».

Malgré les difficultés, la grossesse se poursuivit et je mis au monde deux beaux bébés, un garçon et une fille. La Brit Mila de mon fils eut lieu le 10 Chevat, le jour anniversaire de la prise de fonction officielle du Rabbi.

Penina Salhov

Traduite par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Des envies de guérison ?

Le mois d’Iyar, déjà presque en son cœur, déroule sa puissance devant nous. Et il convient véritablement de parler ici de puissance car il en porte la marque dans son nom même. Les commentateurs relèvent que les lettres qui le composent en hébreu sont les initiales des mots du verset : « Je suis l’Eternel Qui te guéris. » Cette guérison doit s’entendre dans tous les sens. Matérielle, spirituelle, morale, elle recouvre tous les domaines que connaissent les hommes. Et elle ne se réalise pas seulement au niveau individuel mais bien également pour le monde entier, justement en un temps où, sous de nombreux aspects, il a véritablement besoin de guérison !

C’est qu’il existe une différence essentielle entre la guérison accomplie par D.ieu et celle réalisée par un médecin. Ce dernier ne peut que combattre la maladie une fois qu’elle a été constatée et son rôle consiste uniquement à rétablir de bonnes conditions pour l’avenir, ce qui peut laisser en place les traces du passé. D.ieu, dit le texte biblique, anéantit la maladie rétroactivement de sorte qu’elle est comme n’ayant jamais existé. La guérison est si pleine et entière que rien ne subsiste des éléments négatifs anciens.

C’est précisément cette guérison du deuxième type qu’incarne le mois d’Iyar. Cela doit-il se lire – et se vivre – de façon purement symbolique ? En d’autres termes, y a-t-il une réalité concrète derrière les mots ? Dans la vision juive, le déroulement du temps n’est pas un événement automatique et anodin et le passage des mois au fil du calendrier n’est pas qu’une convention sociale. Chaque étape temporelle correspond à une révélation différente du Nom Divin, créateur de l’univers. C’est dire que le mois porte une lumière spirituelle particulière qu’il transmet au monde. En quelque sorte, son nom en est le vecteur. Cela signifie que le mois d’Iyar possède la force décrite ici et qu’il est possible de s’en saisir.

De fait, l’homme moderne sait de quelle manière et dans quelle mesure notre époque est malade. L’oubli de son humanité, la perte des repères, la destruction de notre environnement font partie des symptômes. Le mois d’Iyar apporte des ressources nouvelles pour retrouver une essence, pas aussi éloignée qu’on le croit.


 Une attente juive

Un jour, à l’époque où le Tséma’h Tsédek, le troisième Rabbi de Loubavitch, était encore un jeune homme, il se trouvait avec un groupe de Hassidim. La discussion s’engagea entre les présents sur le thème: “Qui sait quand Machia’h viendra?”

Le Tséma’h Tsédek commenta: “Ce type de conversation rappelle le style du prophète non-juif, Bilaam. Celui-ci dit, à propos de la venue de Machia’h (Bamidbar 24: 17): “Je le vois mais pas maintenant: je le contemple mais il n’et pas proche”. Il décrit la Rédemption comme lointaine. En revanche, un Juif doit espérer ardemment et attendre chaque jour que Machia’h vienne ce jour-là”.


 A’haré

Après la mort de Nadav et Avihou, D.ieu donne un avertissement interdisant l’entrée non autorisée « dans le Saint des Saints ». Une seule personne, le Cohen Gadol (« le Grand Prêtre ») peut, une seule fois dans l’année, à Yom Kippour, pénétrer dans la pièce la plus intérieure du Sanctuaire pour y offrir à D.ieu le sacrifice des Ketorèt (« encens »).

Une des autres caractéristiques du service du Jour du Pardon est le « tirage au sort » exercé sur deux boucs, pour déterminer lequel sera offert à D.ieu et lequel sera envoyé dans le désert, chargé des péchés du Peuple d’Israël.

La Paracha A’haré avertit également contre le fait de n’apporter des Korbanot (offrandes animales ou alimentaires) nulle part ailleurs que dans le Saint Temple, interdit la consommation du sang et détaille les lois prohibant l’inceste et d’autres relations déviantes.

Kedochim

La Paracha Kedochim commence par le statut : « Vous serez saints car Moi, l’Eternel votre D.ieu, Je suis saint ». S’ensuivent des dizaines de Mitsvot (commandements divins) par l’intermédiaire desquels le Juif se sanctifie et se lie à la sainteté de D.ieu.

Elles comprennent : l’interdiction d’idolâtrie, la Mitsva de la charité, le principe d’égalité devant la loi, le Chabbat, la moralité, l’honnêteté dans les affaires, l’honneur et la crainte de ses parents et le respect de la valeur sacrée de la vie.

On peut également lire dans Kedochim la célèbre sentence, qualifiée par le grand Sage, Rabbi Akiba, de principe cardinal de la Torah, et dont Hillel disait : « Voilà toute la Torah, tout le reste n’est que commentaire », « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Ce Chabbat est lié à deux sections de la Torah : A’haré et Kedochim , jointes cette année en une seule section qu’on lit le matin et à Emor qu’on lit lors du service de Min’ha, l’après-midi du Chabbat. Puisque tout ce qui se produit est dirigé par la Providence Divine, et ce principe s’applique a fortiori aux lectures publiques de la Torah, nous pouvons en déduire que ces trois Parachiot partagent un facteur commun et que chacune apporte une contribution à l’autre.

Il s’agit en fait de l’expression de la relation entre la sainteté du Nom de D.ieu (la Mitsva de sanctifier le Nom de D.ieu) et la sainteté du Peuple juif.

Ce concept est communiqué dans A’haré qui commence avec une référence à la mort des fils d’Aharon, quand « ils se sont approchés de D.ieu ». Dans son commentaire du verset « Je sanctifierai ceux qui sont proches de Moi », Rachi explique : « Moché dit à Aharon : ‘Je savais que le Sanctuaire serait consacré par la mort de ceux qui sont proches de D.ieu’ ». La Paracha se poursuit sur un thème similaire, mentionnant le service du Grand Prêtre dans le Sanctuaire et dans le Saint des Saints, lors de Yom Kippour, le jour le plus saint de l’année.

De la même façon, comme cela est impliqué par son nom, Kedochim (« saints ») reflète ce concept de la sanctification du Nom de D.ieu. Cette Paracha renferme plusieurs commandements incitant les Juifs à se sanctifier. Et la fin de la Paracha conclut : « Et vous serez saints parce que Je suis saint ».

Nos Sages apportent sur ce verset le commentaire suivant : « Le Saint Béni soit-Il, dit à Israël : ‘Je suis sanctifié grâce à vous comme il est écrit, ‘…Israël, par lequel Je serai loué’ et vous serez sanctifiés grâce à Moi… Si vous vous sanctifiez, Je le considérerai comme si vous M’aviez sanctifié’ ».

Dans la même veine, la Paracha Emor inclut le verset : « Et Je serai sanctifié au sein des Enfants d’Israël ». Nos Sages en déduisent le commandement de sanctifier le Nom de D.ieu.

La même idée émerge du nom de la Paracha qui peut être interprété comme signifiant : « accorde des louanges et de la distinction », comme dans les versets « Tu as accordé de la louange et de la distinction à D.ieu, en ce jour… et D.ieu t’a accordé de la louange et de la distinction ».

Telle est la fonction du Peuple juif : louer le Nom de D.ieu en révélant Son unité à travers tout l’univers.

Tentons d’expliquer plus profondément ces concepts.

La mort des fils d’Aharon, mentionnée au début de la Paracha, est problématique. Dans une compréhension simple du récit de la Torah, il apparaît que leur mort venait en punition d’un péché. Et pourtant, cela est difficile à admettre : ils étaient d’un niveau spirituel extraordinaire, ce qui ressort de manière évidente, puisqu’ils étaient ces individus « proches de D.ieu », que D.ieu choisit pour consacrer le Sanctuaire. En fait, après leur mort, Moché dit à Aharon : « Maintenant je vois que leur niveau a surpassé le nôtre ». Il est sûr que ce n’était pas par humilité que Moché fit une telle déclaration mais plutôt selon une juste appréciation de leur niveau spirituel.

Le Or Ha’hayim tente de résoudre cette difficulté en expliquant que la mort des fils d’Aharon était le résultat d’un extraordinaire attachement à D.ieu.

Ils parvinrent à une extrême lumière d’amour saint et en moururent. C’est le mystérieux secret du baiser (de D.ieu) par lequel meurent les Justes… Bien qu’ils sentirent qu’ils en mourraient, ils ne se retinrent pas de s’approcher de ce doux (lien d’) amour… au point que leur âme quitta leur corps.

Ainsi leur péché (‘hèt en hébreu signifie également « manque ») consistait-il dans le fait qu’ils ne contrôlèrent pas leur attachement à D.ieu, s’autorisant consciemment à atteindre le point où leur âme quitta leur corps.

Cela n’est pas désirable parce qu’un Juif doit pouvoir ressentir une grande aspiration à s’approcher de D.ieu, un grand amour pour Lui mais il doit également se consacrer à accomplir Sa volonté dans ce monde et de le transformer en une résidence pour Lui.

C’est pourquoi la mort des fils d’Aharon peut être comparée à un sacrifice dans lequel ils renoncèrent à leur vie pour s’attacher à D.ieu. Et c’est ainsi qu’ils sanctifièrent Son Nom et consacrèrent le Sanctuaire.

C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre une interprétation positive du verset : « et ils apportèrent à D.ieu un feu étranger qui ne leur avait pas été commandé ». L’amour pour D.ieu des fils d’Aharon était « un feu étranger », qui sortait de l’ordinaire, « qui ne leur avait pas été commandé », c’est-à-dire dépassant les limites de ce qui pouvait être ordonné au Peuple juif. En fait, c’était le premier exemple de Juifs renonçant à leur vie par amour pour D.ieu (Kiddouch Hachem).

Cette expression infinie d’amour pour D.ieu donna au Peuple juif le potentiel de sanctifier le Nom de D.ieu, par le biais d’une vie dans ce monde, dans toutes les générations qui allaient suivre. C’est pour cela que ce passage a été choisi pour introduire la partie qui décrit le service de Yom Kippour. La sanctification du Nom de D.ieu par les fils d’Aharon généra le potentiel pour Aharon, et à sa suite pour tous les Grands Prêtres, d’accomplir le service de Yom Kippour.

C’est sur cette base que nous pouvons comprendre le lien entre la Paracha A‘haré et celles qui suivent. Kedochim contient le commandement de nous sanctifier, un service qui peut être accompli grâce à l’influence du service des fils d’Aharon. Et par la suite, Emor exprime le commandement de sanctifier le Nom de D.ieu et de révéler Son unité dans le monde.

Ces trois portions peuvent ainsi être comprises pour exprimer trois différentes phases dans ce service de sanctification :

Tout d’abord, il s’agit de sanctifier le Nom de D.ieu à travers un service qui appartient au domaine de ce qui est saint.

Ensuite, sanctifier le Nom de D.ieu en se coupant des influences négatives du monde.

Enfin, se sanctifier soi-même par le biais des éléments matériels du monde, en les utilisant pour une sainte finalité.


 Qu’est-ce que Lag Baomer (cette année jeudi 3 mai 2018) ?

Le 33ème jour du compte de l’Omer rappelle la Hiloula (décès) de Rabbi Chimone Bar Yo’haï qui avait demandé que cette date soit célébrée comme un jour de joie (puisqu’il y avait achevé de façon parfaite sa mission sur terre). Ce jour marque une pause dans la période de deuil instituée à cause d’une terrible épidémie qui avait frappé les disciples de Rabbi Akiba).

- On ne récite pas les prières de Ta’hanoune (supplications), même pas la veille (mercredi après-midi 2 mai 2018).

- Nombre de gens ont la coutume de se rendre sur le tombeau de Rabbi Chimone Bar Yo’haï à Meron, près de Tibériade en Galilée ; on y procède à la première coupe de cheveux des garçons qui ont atteint l’âge de 3 ans depuis Pessa’h.

- On organise des réunions ‘hassidiques joyeuses.

- On a la coutume de manger des caroubes, en souvenir de ces fruits dont se nourrissaient Rabbi Chimone et son fils Rabbi Eléazar quand ils se cachaient dans une grotte à cause des Romains. Certains ont aussi la coutume de manger des œufs durs dont la coquille serait devenue marron durant la cuisson.

- On donne davantage de Tsedaka (charité).

- Les enfants sortent et défilent tous ensemble fièrement dans la rue avec des drapeaux et des pancartes les encourageant à étudier la Torah et accomplir les Mitsvot : le but de la descente de l’âme dans le corps est de « marcher », d’avancer dans la vie. Ces défilés donnent chaleur et vitalité à l’étude formelle et prolongent l’enthousiasme des enfants dans leur éducation.

- Lag Baomer est un moment propice pour prier pour la naissance d’enfants et leur bonne éducation.

 (d’après Hamitsvaïm Kehala’ha)


 Cadeau d’anniversaire…

On était en été 1981 et Rav H., directeur de plusieurs institutions scolaires en Israël, reçut une lettre recommandée de la banque : on le mettait en demeure de rembourser une somme considérable d’ici trente jours sous peine de mesures légales drastiques.

Réalisant que la banque était sérieuse et soupirant qu’effectivement, il n’était pas raisonnable de dépasser presque constamment le découvert autorisé, Rav H. décida à contrecœur qu’il n’avait d’autre choix que de se rendre pour un mois aux États-Unis afin de ramasser des fonds auprès de la communauté juive américaine réputée pour sa générosité. Il téléphona à quelques amis à New York en leur demandant de l’aider à sauver les institutions dont dépendaient tant de personnes.

Tous acceptèrent : chacun contacta des amis et connaissances et l’agenda de Rav H. se remplit de rendez-vous. Comme prévu, les contributions furent généreuses : il avait réussi à ramasser 64 000 dollars, ce qui était appréciable mais, trois jours avant son retour en Israël, il manquait encore une somme importante. Il partagea sa préoccupation avec son hôte qui l’avait si gentiment hébergé jusque-là et celui-ci réfléchit :

- Si j’étais à ta place, j’irais demander un conseil et une bénédiction au Rabbi de Loubavitch !

- Comment ? Mais je n’ai aucun lien avec le Rabbi ! Je n’ai rien contre son mouvement mais tu le sais bien, je suis d’origine marocaine alors que les Loubavitch sont ashkénazes etc. Nous avons nos propres coutumes et institutions…

- Moi non plus je ne suis pas Loubavitch et d’ailleurs je ne suis pas non plus marocain. Mais je sais que le Rabbi a aidé de nombreuses institutions en crise – quelles que soient leur orientation. Je vais t’arranger un rendez-vous.

Rav H. se sentait très gêné : mais avait-il le choix ? Il avait épuisé toutes les solutions et, de plus, cet ami l’avait tellement aidé jusque-là qu’il ne pouvait se permettre de rejeter son conseil. Il écrivit au Rabbi, décrivit les institutions qui dépendaient du succès de sa mission, entra dans le bureau et annonça combien il avait réussi à récolter mais aussi combien il lui manquait.

Le Rabbi lui souhaita de réussir dans sa mission et ajouta qu’il devait se rendre à Montréal !

Quand il rejoignit son ami devant la synagogue du 770 Eastern Parkway, Rav H. ne cacha pas sa déception : « Le Rabbi m’a dit d’aller à Montréal ! Pourquoi ? Chez qui ? Dois-je rester assis là-bas dans l’aéroport et attendre les bras croisés ? Je ne comprends pas ! ».

L’ami le rassura : « Si le Rabbi t’a parlé clairement de Montréal, je te paie le billet pour y aller. Connais-tu quelqu’un là-bas ? »

Oui, il connaissait Rav David Cohen, un Loubavitch d’origine marocaine. Il lui téléphona, lui raconta son histoire et Rav Cohen accepta tout de suite de l’héberger pour ces deux jours et de l’aider. Pendant que Rav H. voyageait, Rav Cohen réfléchit : il était Sofer (scribe) et se souvenait qu’un Juif avait une fois évoqué la possibilité de commander l’écriture d’un Séfer Torah mais n’avait pas donné suite à cette idée. C’était peut-être le moment de le contacter et de lui demander s’il ne voulait pas, plutôt, soulager financièrement ce directeur d’institution.

Effectivement, le « client » éventuel du Sofer se montra intéressé et proposa à Rav Cohen et son invité de venir le rencontrer à son domicile. Arrivé sur place, Rav H. décrivit ses activités en Israël, soulignant combien elles étaient indispensables à la collectivité et ajouta qu’il s’était rendu au Canada à la demande du Rabbi de Loubavitch – bien qu’il n’en comprenne pas la raison.

L’hôte écouta attentivement puis ouvrit son tiroir et signa plusieurs chèques. Il les tendit à Rav H. en précisant qu’il pouvait encaisser immédiatement le premier d’un montant de 8000 dollars et les trois suivants aux dates indiquées. Il précisa qu’il était persuadé qu’en présentant ces trois chèques à d’autres personnes, il obtiendrait qu’on lui fasse confiance et qu’on lui prête la somme manquante.

Rav H. était plus que soulagé de la tournure des événements ! Cet inconnu lui avait donné l’argent dont il avait désespérément besoin sans qu’il ait dû insister – et tout cela grâce au fait qu’il avait suivi exactement la consigne incompréhensible du Rabbi !

- Il me reste une question si je puis me permettre, demanda-t-il respectueusement après un premier moment de sidération. Il est évident que vous ne disposez pas actuellement de toute cette somme : alors pourquoi vous engagez-vous pour des institutions à l’étranger que vous ne connaissez même pas ?

- Aujourd’hui, déclara l’homme après une profonde respiration, c’est mon 36ème anniversaire. Vous m’avez précisé que le Rabbi vous avait envoyé à Montréal alors que vous n’y connaissez personne à part Rav Cohen. Or celui-ci n’est ni un notable ni un collecteur de fonds et je ne pense pas qu’il connaisse beaucoup de donateurs potentiels. Donc j’ai compris que le Rabbi vous avait dirigé vers moi, le jour de mon 36ème anniversaire pour que je vous aide justement avec 36 000 dollars. J’ai décidé d’accéder à la demande muette du Tsadik en entier et je suis persuadé qu’il me bénira afin que je puisse accomplir ma promesse dans la largesse et ainsi vivre de mon mieux cette trente-sixième année !

Rav Avtzon – Jewish News - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Le livre de l’été

Avec la hausse des températures, réelle ou attendue, une lecture revient. Ce n’est guère surprenant dans la tradition, le retour rituel n’en est-il pas une constante ? Pourtant, ici, quelque chose de subtilement différent est introduit. Il s’agit moins d’une lecture à caractère quasi liturgique que du livre qui doit accompagner la saison qui commence. Il porte le beau nom de « Pirkei Avot – Maximes des pères » et ce nom n’en exprime qu’imparfaitement la grandeur. Il est étudié chaque Chabbat de la période et, bien plus qu’une morale à laquelle il est souvent assimilé, il définit un chemin du meilleur service de D.ieu. La route peut sembler parfois difficile mais elle fait partie de ces voies balisées qui mènent à bon port avec certitude.

Cette étude en ce moment ne constitue pas un hasard mais une volonté déterminée. C’est à présent le temps du renouveau des forces de la nature. Le monde semble comme plus présent et il offre des ouvertures aux sens qui, bien souvent, ne sont que des impasses. Limitées à elles-mêmes, elles ne mènent qu’à l’oubli. Certes, le monde autour de nous, création Divine, ne doit pas être rejeté. Le judaïsme ne prône pas une quelconque forme d’ascétisme et une vie séparée du monde n’est pas son idéal. Mais le danger existe que cela ne soit dévoyé en une recherche constante et effrénée des plaisirs offerts, en particulier en notre époque si friande des choses éphémères et des satisfactions individualistes. C’est ici qu’interviennent les Maximes des pères. Elles nous invitent à aller plus loin que nous aurions pu l’envisager, à découvrir en nous des ressources insoupçonnées. Constitué d’enseignements de sages du Talmud, l’ouvrage nous fait entrer dans un monde où l’homme révèle en lui ce qu’il a de meilleur, son essence Divine.

A l’ainsi nommée « belle saison », la pratique sociale est de déclarer un texte « livre de l’été », comme pour dire qu’il est l’indispensable de ce temps. La mode veut que cela change d’année en année, ce qui est la logique même puisque, dans l’esprit de tous, il ne s’agit que d’un indispensable temporaire. Nous voici en face d’un indispensable éternel car l’homme et le monde présentent des constantes dont les évolutions ne se produisent souvent qu’en surface. Les Maximes des pères sont le guide d’une actualité profonde. Bien plus qu’un livre en fin de compte : une manière de vivre.


 La raison de l’attente

Dans le Michné Torah (Hil’hot Mela’him, chap. 12, Hala’ha 4), Maïmonide décrit la réponse par laquelle les Sages ont, de tous temps, tant désiré la venue de Machia’h. Il précise alors : “Ils ne l’ont désiré que pour être libres pour se consacrer à la Torah”.

Cette formulation permet de comprendre un enseignement important : pour les Sages, la nouvelle ère n’est pas une simple récompense pour l’œuvre spirituelle accomplie pendant la période de l’exil. Bien au contraire, elle est la poursuite et l’aboutissement de ce long effort. C’est ainsi que la seule raison réelle de l’attente impatiente et ardente de Machia’h est la volonté d’atteindre alors une telle perfection et non de recevoir la récompense pour des actes passés.

Ce désir est, dès lors, un élément indissociable de l’effort présent.

(d’après Séfer Hasi’hot 5748, vol.I, p. 80)


 Tazrya Metsora

Dans le livre de Vayikra, la Torah parle de la Tsaraat, maladie qui se déclarait aux temps bibliques et que l’on traduit (souvent inadéquatement) par « lèpre ». Cette maladie n’affligeait pas seulement les êtres humains mais également les objets inanimés, y compris les murs des maisons.

Une honnêteté personnelle rigoureuse

« Et le prêtre observera la région affectée » (Vayikra :13,3)

Si l’on pensait avoir contracté cette maladie, il fallait subir un examen effectué par un Cohen qui se prononçait en déclarant le cas pur ou impur. Quelle que fut la décision du Cohen, elle s’imposait.

L’interprétation traditionnelle de cette loi a trait à un cas où la personne concernée est elle-même un Cohen. L’on pose la question suivante : peut-il lui-même analyser sa propre condition ? La réponse sans ambiguïté est qu’il ne le peut pas. Il doit être examiné par quelqu’un d’autre pour savoir si son affection est un symptôme de la maladie suspectée ou celui d’une autre maladie.

Dans les termes de notre développement spirituel, nous pouvons appliquer la même loi à tous types de maladies spirituelles. Nous ne sommes pas ceux qui posons le diagnostic final sur nos propres fautes ou manquements. Notre subjectivité ne nous permet pas d’émettre le jugement adéquat et jusqu’à ce que nous nous laissions examiner par un « prêtre », un guide spirituel ou un mentor de confiance, nous n’avons aucun moyen fiable de connaître la véritable nature du problème. Bien plus encore, en règle générale, l’orgueil et l’amour de soi rendent impossible un jugement sur soi objectif. C’est également pour cette raison qu’il est impératif que nous montrions les signes de notre maladie spirituelle à quelqu’un d’autre.

Notre voyage vers la guérison demande une honnêteté personnelle rigoureuse. Nous devons nous forcer à un face-à-face avec nous-mêmes tel que nous n’en avons jamais fait. Toutefois, notre introspection n’est pas suffisante pour nous préserver. Nous devons également admettre devant une personne extérieure la nature exacte de nos erreurs.

Parler à quelqu’un d’autre, généralement à notre guide spirituel, n’est pas seulement le moyen de nous soulager après avoir admis nos erreurs. C’est en fait la manière de réaliser concrètement tout un processus. Si nous devions ne jamais nous présenter à l’examen d’autrui, notre mise au point personnelle ne serait pas suffisante pour nous permettre d’avancer et guérir les défauts de notre caractère. En parler, nous ouvrir, montrer notre âme nue nous permet réellement de vérifier nos découvertes et avoir une image entièrement vraie de ce que nous sommes. Nous risquons de déclarer pur ce qui ne l’est pas et, ce qui est aussi dommageable, impur ce qui est pur.

Enfin, il est tout à fait possible qu’en parlant à notre mentor, ce dernier nous aide à découvrir certaines vérités qui nous ont échappé lors de notre examen personnel.

Comme dans les jours passés, où la déclaration du prêtre était suivie de moyens de traitement et de guérison, nous sommes également immédiatement engagés sur le chemin de l’amélioration de nos défauts et de notre personne.

Des trésors cachés

« Quand tu pénétreras en terre de Canaan que Je te donne en possession et que J’infligerai un cas de Tsaraat dans une maison… » (Vayikra 14 :34)

Comme nous l’avons dit précédemment, la maladie de la Tsaraat pouvait également toucher les murs de la maison. Lorsque ce cas se présentait, toute la partie atteinte devait être enlevée, ce qui impliquait de grosses dépenses pour le propriétaire.

Cette maladie étrange n’était pas une maladie physique ou concrète mais plutôt une manifestation physique ou concrète d’une maladie spirituelle. Quand une personne était spirituellement malade, D.ieu l’alertait de son état en touchant d’abord ses possessions puis son corps, pour qu’elle soit incitée à opérer un changement dans son comportement et faire ainsi Techouva (un retour vers D.ieu).

Cependant, très souvent, un homme qui n’avait rien fait de mal découvrait que les murs de sa maison étaient infectés. Pourquoi les innocents souffraient-ils également ?

La réponse à cette question est que de nombreux Juifs vivaient dans des maisons qui avaient été construites par les Cananéens, occupants précédents de la terre. Nombreux parmi eux étaient ceux qui avaient caché leurs trésors dans les murs de leurs maisons. Si bien que lorsqu’une maison d’un Hébreu se trouvait envahie par la Tsaraat, il lui fallait démolir les murs et il trouvait le trésor caché.

Ce qui donc avait paru être un mauvais coup du sort ou une punition injustifiée d’En Haut s’avérait être une grande bénédiction.

Quand nous jetons un regard sur tous les soucis qui se sont présentés dans notre vie, il n’est parfois pas difficile de prendre son parti des problèmes qui se sont solutionnés. Nous réalisons que D.ieu nous a envoyé des signes visibles pour nous forcer à prendre conscience de nos véritables manquements d’alors. Mais qu’en est-il lorsque la vie nous frappe en pleine face, même lorsque nous sommes innocents, même lorsque nous faisons ce qui se doit ? Quand cela arrive, nous nous demandons ce que nous avons fait pour mériter de tels problèmes.

Ce dont nous prenons conscience est que les trésors cachés de la vie ne sont parfois découverts qu’à travers des difficultés et les pertes. Ces difficultés que nous jugeons si vite comme un signe que D.ieu nous donne du « fil à retordre » peuvent être, en fait, Sa manière de nous envoyer des cadeaux qui vont au-delà de nos rêves. Nous pouvons maudire nos soucis et ignorer totalement le trésor qui a été prévu pour nous, bien plus abondant que le montant de notre perte. Bien sûr, si seulement nous savions ce qui se cache derrière le mur, nous serions heureux de le détruire. Mais nous ne le savons pas. Et c’est là qu’intervient la foi, pour se sentir serein, en sécurité, reconnaissant et heureux même quand nous ignorons ce qui arrive. Quand nous craignons les difficultés et les changements, non seulement manquons-nous de foi mais inconsciemment, nous renonçons aux grandes bénédictions qui nous attendent juste de l’autre côté de nos ennuis.


 Quelques lois sur l’obligation d’éduquer son enfant

- Il est recommandé que l’enfant voit le parent accomplir une Mitsva (commandement de la Torah). Le parent doit habituer l’enfant à accomplir des Mitsvot et à maîtriser son caractère.

- Si la Torah recommande au père d’éduquer son enfant, il est évident que la mère – du fait qu’elle peut avoir une influence plus grande sur l’enfant – peut et donc doit elle aussi s’occuper de l’éducation de l’enfant.

- Même un enfant handicapé a droit à une éducation juive dans la mesure du possible.

- On habituera le garçon, même tout petit, à garder la tête couverte. On ne donnera que des aliments cachères à l’enfant car leur effet est bénéfique tout au long de la vie. On veillera à ce que chaque enfant se lave les mains rituellement le matin.

- Le père a l’obligation d’enseigner la Torah à son fils. S’il n’en a pas le temps ou les compétences, il peut payer des professeurs qui seront ses émissaires pour cela.

- Dès que l’enfant peut parler, on lui apprendra à répéter le verset : « Torah Tsiva Lanou Moché, Moracha Kehilat Yaakov » (« La Torah que Moïse nous a ordonnée est un héritage pour tous les descendants de Jacob » - Devarim – Deutéronome 33 : 4).

- Dès la naissance de l’enfant, garçon ou fille, on lui procurera ses propres livres de Torah : Siddour (livre de prières), Houmach (Bible), Tehilim (Psaumes), Tanya, Ma’hzor (prières pour les fêtes) et Haggadah (pour Pessa’h). On lui apprendra à respecter les livres saints et on l’emmènera à la synagogue pour qu’il embrasse le Séfer Torah.

(d’après Hamivtsaïm Kehil’hatam - Rav Shmuel Bistritzky)


 Le charretier et l’étranger

C’était un riche homme d’affaires, un ‘Hassid du Rabbi Tséma’h Tsédek. Avant d’entreprendre quoi que ce soit, il recherchait le conseil et la bénédiction de son Rabbi. D’expérience, il avait appris à écouter attentivement ses directives et évita ainsi de contracter des affaires prometteuses qui se révélaient ensuite décevantes et même ruineuses.

Un jour, à la fin d’une entrevue, le Rabbi demanda : « La prochaine fois, amenez donc votre charretier ! » en citant le prénom de l’homme qu’il désirait rencontrer.

Le visiteur en fut très surpris : jusqu’à présent, son Rabbi ne s’était jamais mêlé de sujets aussi triviaux que le prénom de son charretier qui n’avait d’ailleurs rien de spécial. Mais il savait qu’on ne pose pas de question au Rabbi.

Les mois passèrent et il retourna à Loubavitch. Le Rabbi lui demanda d’amener son conducteur. L’homme se précipita vers l’auberge où son cocher se reposait et lui annonça la bonne nouvelle :

- Qui suis-je pour mériter d’entrer dans le bureau du Rabbi ? s’étonna-t-il.

- Peu importe si mérite il y a ou non ! Viens sinon je prendrai quelqu’un d’autre pour le retour !

Craignant de perdre sa place, l’homme le suivit. Le Rabbi l’accueillit chaleureusement :

- Chalom Alé’hem ! La paix soit sur vous ! sourit le Rabbi.

Le cocher était surpris ; mais il le fut encore davantage quand le respectable Rabbi l’invita à dîner chez lui le lendemain.

Quand le visiteur sortit, le Rabbi se tourna vers son épouse, la Rabbanit ‘Haya Mouchka et lui demanda de préparer pour le lendemain un repas plus élaboré que d’habitude en l’honneur de l’invité !

Entretemps, la nouvelle s’était répandue parmi les ‘Hassidim et des jeunes gens plus audacieux que d’autres entourèrent le cocher pour apprendre ce qui lui valait un tel honneur :

- Je ne sais pas ! Je ne suis ni un Rabbi ni un saint !

- Essayez néanmoins de vous rappeler un incident marquant…

- Ah oui, peut-être… Et il raconta :

« Durant mes nombreux voyages, il m’arrive de me rendre dans des villages éloignés où réside parfois une seule famille juive. Plus d’une fois, on m’a demandé si je connaissais un Mohel parce qu’un petit garçon venait de naître et personne n’était capable de circoncire l’enfant le huitième jour. J’ai donc décidé d’apprendre les lois et la pratique sous l’autorité d’un expert. Où que j’aille, j’emporte toujours avec moi mon matériel et il m’est effectivement arrivé d’effectuer un certain nombre de circoncisions.

Il y a quelques mois, je me trouvais dans une forêt et j’ai perdu mon chemin. Soudain, j’ai entendu des pleurs à fendre l’âme. Je me suis approché et suis arrivé dans une cabane appartenant à un forestier juif. Sa femme m’apprit qu’il était tombé malade et était incapable de bouger de son lit. Il avait été supposé voyager dans la ville la plus proche pour chercher un Mohel car leur fils venait d’avoir huit jours.

- Ne pleurez pas, Madame, lui dis-je : je suis Mohel !

Vous auriez dû voir comment elle parut soulagée !

Mais il fallait maintenant trouver un Sandak pour tenir le nourrisson car le père était trop faible pour tenir ce rôle. Je me rendis sur la grande route dans l’espoir fou de trouver un Juif dans cette région déserte. Et soudain, alors que le soleil allait se coucher, j’ai aperçu un Juif ! Vous n’imaginez pas combien je fus heureux et, quand il refusa d’abord de m’aider, je le suppliais : « Un enfant juif attend d’entrer dans l’alliance de notre père Avraham ! Son père a déjà un pied dans le Monde de Vérité et sa mère pleure ! Comment pouvez-vous être insensible à cette situation ? ».

J’avais trouvé l’argument et il accepta. Après la circoncision, je proposai à l’homme de participer au repas de fête traditionnel. Mais il n’y avait rien à manger dans cette maison délabrée. Je pris du pain et du fromage dans ma besace et nous avons partagé ce « festin » avec la maman. Ensuite le Sandak suggéra que j’appelle le père de l’enfant pour procéder au Zimoun qu’on récite quand trois hommes participent à un repas. Je le regardais avec incrédulité : le père était presque dans l’autre monde ! Mais l’invité se rendit au chevet du malade et, une minute plus tard, celui-ci se leva et prit part à la Mitsva ! Je n’en croyais pas mes yeux !

Quand nous avons achevé la prière après le repas, je me suis rendu dehors pour prendre quelque chose dans mon charriot et, quand je revins, le Sandak avait disparu !

C’est toute mon histoire ! soupira le cocher.

Le lendemain, il se rendit à la table du Rabbi et se régala d’un repas de fête. Un des fils du Rabbi raconta alors l’épisode extraordinaire qu’il avait entendu et le Rabbi conclut : « Moi aussi je voulais manger avec un Juif qui a mérité de manger à la même table qu’Avraham notre père… ».

Rav Zalman Ruderman (Ben Daguim Lizmirot) - Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018
 icon enfant  Nos garants
Lorsqu'un enfant entre à l'école pour commencer son étude de la Torah, on organise effectivement une célébration joyeuse. Or, à Chavouot, tous les Juifs se rendirent à l'école pour la première fois et ils reçurent la Torah. 
 icon sinai  Un mariage en deux mouvements
«D.ieu regarda dans la Torah et créa le monde». C'est pourquoi la nature binaire de la Création reflète la division de la Torah en règnes positif et négatif. «Je suis l'Eternel ton D.ieu », et «tu n'auras pas d'autres dieux que Moi »
 icon torah  La Torah un cadeau de D.ieu
Il y a bien là une particularité, parmi les trois fêtes de pèlerinage. Car, la fête des Matsot et celle de Soukkot reçoivent, dans la Torah, une date précise, alors que Chavouot est uniquement défini comme le cinquantième jour de ce compte.
 icon david  Deux anniversaires
La fête de Chavouot est aussi l’anniversaire du départ de ce monde du Baal Chem Tov, le fondateur du ‘Hassidisme, le 6 Sivan, et du roi David, le lendemain. 

 La longue marche

Oui, nous sommes libres ! Ce sont là des mots de joie, de gloire et de grandeur et ils apparaissent spontanément dans notre bouche alors que, la fête de Pessa’h passée, nous sommes brillamment sortis d’Egypte, « la main haute » comme disent les textes. Nous sommes libres, mais rien n’est terminé. D’une certaine façon, on pourrait même dire que tout commence. Car nous le savons : dans quelques semaines, nous serons au pied du Sinaï et, là, D.ieu parlera à Son peuple, donnant une morale et une conscience éternelles à toute l’humanité. De cet instant suspendu dans le temps, il faudra reparler. En attendant la longue route continue.

Cette route-là est longue car elle ne se limite pas à l’histoire antique des Hébreux et elle ne s’arrête pas au fil des siècles. La sortie d’Egypte n’est décidément pas que l’aventure d’une époque et le voyage qu’elle ouvre n’est pas simplement celui d’un peuple confiant dans l’appel de D.ieu. Depuis lors, le monde a bien changé et les hommes aussi. Les questions qui les agitent, apparemment plus complexes, sont restées fondamentalement les mêmes : le sens de la vie, les désirs de l’homme, le rapport avec l’autre, étranger ou proche, la violence à rejeter etc. Dans cette optique, le désert n’est plus seulement cette région aride, géographiquement identifiée. Il est le monde tout entier, nommé désert car le meilleur de l’humain peut s’y perdre, car c’est un lieu où règne la soif sans possibilité de l’apaiser – la soif du lien avec D.ieu.

C’est là que nous avançons, malgré tout, pas à pas. Malgré ceux qui veulent voir s’interrompre notre chemin, malgré ceux qui aspirent à un désert universel, nous progressons. Nous sommes libres a-t-on dit, et rien ne peut contraindre ceux que la Liberté conduit. Sans nous laisser impressionner par les difficultés du voyage ou par sa trop grande durée, nous continuer notre marche en avant. Nous savons que le monde tout entier a besoin de notre constance. Alors, pieds sur terre et tête au ciel, nous avançons. Le temps viendra de la Délivrance, elle est au bout de la route et déjà celle-ci se termine. Très bientôt, le désert ne sera que souvenir. La fête de Pessa’h est passée. Elle nous a laissés forts car elle nous accompagne. Où que nous soyons, nous sommes libres car libérés par D.ieu et attachés à Lui. A nous de le vivre avec toute l’évidence qu’impose la plus absolue des réalités.


 Le don de l’âme

« Et l’âme qui offrira un sacrifice de Min’ha pour D.ieu… ». C’est ainsi que la Torah (Lév. 2 : 1) introduit la description de cette offrande particulière. On relève ici l’emploi du mot « âme » pour désigner la personne qui offre ce sacrifice alors que, habituellement, on dit simplement « l’homme ». Rachi explique la raison de ce choix : « Qui offre le sacrifice de Min’ha ? Le pauvre. D.ieu dit : ‘Je le considère comme s’il avait offert son âme’. »

Cette idée est précieuse pour chacun de nous. En ce temps d’exil, nous sommes « pauvres » spirituellement. Pourtant il nous appartient d’offrir à D.ieu ce que nous avons de plus important : nous-mêmes. Cette offrande doit d’abord être celle de notre « âme animale », cet élément qui nous permet de vivre et que nous devons lier à Lui. Puisque « c’est à cause de nos fautes que nous avons été exilés de notre terre », cette démarche nous amènera à la construction du troisième Temple.

(D’après Likoutei Si’hot, vol. 27, Vayikra 2)


 Chemini

Le huitième jour, suivant les sept jours de leur initiation, Aharon et ses fils commencent leur service de Cohanim (prêtres). Un feu jaillit de D.ieu pour consumer les offrandes et la Présence Divine vient résider dans le Sanctuaire.

Les fils aînés d’Aharon offrent un « feu étranger devant D.ieu, qu’Il ne leur avait pas commandé » et ils meurent devant D.ieu. Aharon reste silencieux devant sa tragédie.

Moché et Aharon sont, par la suite, en désaccord sur un point de la loi concernant les offrandes mais Moché reconnaît qu’Aharon a raison.

D.ieu ordonne les lois de la Cacherout, identifiant les espèces animales permises et celles qui sont interdites à la consommation. Les animaux mammifères ne peuvent être consommés que s’ils ont le sabot fendu et ruminent. Les poissons doivent posséder des nageoires et des écailles. Une liste d’oiseaux non Cacher est établie ainsi qu’une liste d’insectes Cacher (quatre espèces de sauterelles).

Chemini comporte également certaines lois de pureté rituelle, y compris celles qui évoquent la nature purificatrice du Mikvé (un bassin d’eau construit selon certaines règles précises) et de la source. C’est ainsi que le peuple est enjoint de « faire la distinction entre l’impur et le pur ».

La Paracha Chemini dont le nom signifie « huitième » est ainsi nommée parce qu’à son commencement nous est relaté ce qui eut lieu le huitième jour suivant les sept jours de consécration d’Aharon et des autres Cohanim, ses fils.

Le Kli Yakar, commentateur biblique, s’interroge sur la terminologie employée ici et sur le fait que ce huitième jour ne soit pas ajouté à la série des sept jours précédents, qu’il en soit séparé. Quelle est la particularité de ce huitième jour ?

Le Kli Yakar explique que ce nom « huitième » vient précisément expliquer pourquoi en ce jour, on assista à une extraordinaire Révélation Divine. C’était en effet en ce jour que furent achevées les dernières tâches de la construction du Tabernacle, le Michkan, et que la Révélation Divine fut perceptible par tout un chacun.

Mais en quoi le mot « Chemini » porte-t-il cette idée ? Le commentateur explique que la séquence de la Création du monde s’exprime dans une série de 7. Ainsi les sept jours de la Création auxquels correspondent les sept jours de la semaine.

En fait, tout le domaine de la Création correspond au chiffre 7. La ‘Hassidout explique que les sept Sefirot, saintes émanations, sont également au nombre de 7, correspondant aux sept jours de la semaine.

C’est pour cette raison que l’on entoure les lanières des Tefilines sept fois, autour du bras, ce qui correspond à la fois aux sept Sefirot et aux sept qualités émotionnelles que possède toute personne.

Quelle est alors la signification du chiffre 8 ?

8 représente quelque chose qui est plus haut que le domaine de la nature, de celui de la Création.

Et c’est pour cette raison que nous pouvons observer que de nombreux commandements sont associés au chiffre 8.

La Brit Mila, la circoncision, se fait au huitième jour.

Pour qu’un animal puisse être offert en sacrifice, il faut qu’il soit âgé d’au moins huit jours.

Les lumières de ‘Hanoukah sont au nombre de 8.

Tous ces exemples évoquent la perspective de la Divinité qui transcende la Création.

Cependant, une question vient alors se poser. Pourquoi mettre l’emphase sur le fait que c’est le huitième. Le huitième ne peut se définir que par rapport aux sept qui l’ont précédé.

Dire que c’est le huitième jour signifie qu’il a un lien avec les sept précédents.

Comment pouvons-nous nous contredire en affirmant que huit est quelque chose complètement séparé des sept précédents et en même temps que huit se construit sur les sept précédents et en dépend.

La ‘Hassidout explique que le but ultime de la Création est ce monde matériel, que tous les mondes spirituels, toutes les émanations spirituelles, les anges, les sphères célestes ont été créés pour ce monde physique.

C’est pourquoi nous ne pouvons affirmer que les révélations les plus hautes, complètement séparées et transcendant ce monde matériel, doivent restées à l’écart de ce monde physique. Elles doivent également l’affecter et être utilisées.

En dernier ressort, bien qu’elles soient intrinsèquement supérieures au monde matériel, elles doivent pourtant s’y révéler.

Et tel est le sens de la Brit Mila. Elle s’accomplit sur un corps physique, malgré le fait qu’elle suscite une révélation spirituelle extraordinaire, bien au-delà des limites d’un environnement physique. Un membre physique devient un véhicule et un réceptacle pour cette révélation extraordinaire.

C’est également le concept de l’Ere Messianique où « la chair physique elle-même percevra et verra la bouche de D.ieu parler ». En d’autres termes, non seulement la Divinité sera-t-elle évidente pour nous au niveau spirituel, non seulement aurons-nous conscience que le spirituel dépasse le matériel, mais le monde matériel lui-même percevra la Divinité. Bien que D.ieu soit infiniment supérieur, le monde matériel véhiculera cette révélation.

Que cela se produise immédiatement et de nos jours !


 Pourquoi lit-on un chapitre de Pirké Avot, les « Maximes de nos Pères », chaque Chabbat après-midi, entre Pessa’h et Chavouot ?

Entre Pessa’h et Chavouot, nous nous préparons à revivre le don de la Torah au mont Sinaï. Pirké Avot est un traité talmudique qui contient des recommandations éthiques et morales. En lisant un chapitre par Chabbat, nous pouvons raffiner notre personnalité et notre comportement, de façon à mériter de recevoir la Torah.

Dans de nombreuses communautés, on continue la lecture de ces six chapitres tout au long de l’été jusqu’au Chabbat qui précède Roch Hachana. En effet, durant l’été, certains ont tendance à se montrer moins stricts dans leur observance des Mitsvot : il convient donc de se renforcer spirituellement pour éviter tout relâchement.


 Votre fils vivra !

Tout a commencé le 17 septembre 1963, quand j’avais trois ans et demi. Nous habitions dans le New Jersey ; mon père, Rav Gimpel Orimland possédait un élevage de poules et, en plus, servait de rabbin à la synagogue orthodoxe locale.

Mon père avait été élevé à Bné Brak, en Israël : il avait été le compagnon d’étude du célèbre Rav ‘Haïm Kanievsky, ses professeurs avaient été le ‘Hazone Ich et le Rav Steipler. En d’autres mots, il avait reçu une éducation proche du courant lituanien - bien éloigné du mouvement hassidique : ce qui arriva n’en est que plus remarquable.

Ce jour-là, ma grand-mère et son mari me ramenaient en voiture à la maison. Il pleuvait averse, la visibilité était très mauvaise et nous avons subi un terrible accident où plusieurs voitures étaient impliquées. Le journal Atlantic City Press rapporta cette collision en signalant que ma grand-mère et moi-même avions été projetés hors de la voiture en transperçant le pare-brise. Je suis tombé, le visage immergé dans une mare où je me noyais. Le mari de ma grand-mère décéda immédiatement mais ma grand-mère parvint à se dégager et à me sortir le visage hors de l’eau.

A l’hôpital, on constata que mon cerveau subissait une importante hémorragie qu’on ne parvenait pas à stopper. Quand mon père arriva, je ne voyais ni n’entendais rien. Les médecins étaient très pessimistes au point que l’un d’entre eux suggéra à mon père de retarder les funérailles du mari de ma grand-mère et ainsi de pouvoir procéder aux deux enterrements en même temps…

Vous pouvez imaginer dans quel état se trouvaient mes parents mais, heureusement, le président de la synagogue, M. Gellman eut une idée de génie : il conseilla à mes parents de solliciter la bénédiction du Rabbi de Loubavitch. Au début, mon père ne voulut pas en entendre parler ! S’adresser à un Rabbi était tellement contraire à sa façon de penser ! Mais il était désespéré et n’avait pas d’autre option…

Par la suite, mon père racontait ce qui suivit avec beaucoup d’emphase et répétait qu’il ne pourrait jamais oublier ces instants. Il était quatre heures du matin quand il téléphona au 770 Eastern Parkway (la synagogue du Rabbi) pour exposer la situation et on lui demanda de rappeler une heure plus tard. Ce fut la plus longue heure de sa vie mais quand il parla au Rabbi au téléphone, celui-ci lui affirma : « Le décret céleste a été annulé. Votre fils vivra ! ».

Mon père était sidéré ! Ainsi qu’il l’exprima par la suite : « Ces phrases me redonnèrent espoir. Mais je ne pouvais m’empêcher de me demander comment quelqu’un pouvait déclarer ainsi : ‘Le décret céleste est annulé !’. Comment le savait-il ? ». Élevé dans une Yechiva lituanienne, mon père ne pouvait admettre qu’un Rabbi ‘hassidique possédait cette connaissance et cette puissance.

Puis le Rabbi lui demanda trois choses : d’abord il devait donner 1800 dollars à une cause charitable : n’importe laquelle mais pas une institution Loubavitch et le Rabbi insista beaucoup sur ce point. C’était une grosse somme à cette époque et mon père dut emprunter à droite et à gauche mais il agit comme le Rabbi l’avait spécifié. Ensuite, il devait me rajouter le prénom BenTsion (il s’avéra que c’était le prénom d’un de mes arrières grands-pères qui n’avait aucun descendant nommé d’après lui) et, encore une fois, le Rabbi insista sur ce point. Enfin je devais demander au médecin de lui téléphoner.

Cette dernière requête n’était pas simple à exécuter car quel docteur veut discuter avec un rabbin ? Mais mon père insista et le Rabbi indiqua au chirurgien qu’il devait administrer une certaine injection exactement à l’endroit de l’hémorragie dans le cerveau afin d’empêcher une aggravation de ma situation. Le médecin était stupéfait que le Rabbi connaisse l’existence de cette injection – qui était une grande innovation à l’époque. Le médecin ne voulait pas la pratiquer car le risque de mort immédiate était très élevé mais il céda et accomplit le geste qui devait effectivement me sauver bien que ma guérison ne fût pas simple. Je restai dans un coma végétatif pendant de longs mois. Mon père partit plusieurs fois à New York assister aux Farbrenguen (réunions ‘hassidiques) du Rabbi. Une fois le Rabbi se tourna vers lui et affirma : « Maintenant, c’est un Eth Ratsone, un moment propice dans les cieux ! Vous pouvez demander ce que vous voulez et donc je ne comprends pas pourquoi vous ne demandez pas ! ». Bien entendu, en entendant cela de la bouche du Rabbi, mon père demanda ma guérison complète.

Un jour, alors que ma mère était assise à mon chevet, une nouvelle infirmière entra ; elle ignorait dans quel état je me trouvais et demanda gaiment : « Que veux-tu boire aujourd’hui : du lait ou de la limonade ? ». Et je balbutiais : « De la limonade ». Ma mère s’évanouit sans que l’infirmière comprenne pourquoi…

L’histoire ne se termine pas là. Je dus encore passer par un an et demi de soins éprouvants. Grâce à cela, je pus parler et manger mais mes jambes restaient faibles : je ne pouvais tenir debout que grâce à des appareils orthopédiques en métal et je ne pouvais absolument pas marcher.

C’est alors que mon père décida de m’amener chez le Rabbi. Il me porta jusque dans le bureau et m’y laissa, à la demande du Rabbi. Je ne me souviens pas du tout de ce qui s’y passa mais j’en ressortis vingt minutes plus tard, en marchant tout seul !

Par la suite, je continuai à boiter et j’étais faible du côté droit. Mais surtout j’avais du mal à apprendre. A l’âge de six ans, mon père m’amena à nouveau chez le Rabbi qui me posa des questions sur la Sidra de la semaine mais, à chaque fois, je répondais : « Je ne sais pas ». Alors il me demanda : « Pourquoi ne sais-tu pas ? ». Je répondis : « Sans doute à cause de l’accident, j’ai subi des dommages au niveau du cerveau ». Le Rabbi sourit et me tendit un livre de prières : « Prie avec ce Siddour - surtout le Chema avant de te coucher et tu n’auras pas à t’inquiéter ».

Et cela a marché !

Je revis le Rabbi pour mon 14ème anniversaire. Je lui demandai de nombreuses bénédictions mais surtout la guérison de mon côté droit et davantage de force dans ma main droite. Le Rabbi répondit à toutes mes demandes sauf cette dernière. Et comme j’insistais, il changea de sujet et se mit à parler de mes études de Torah : je compris qu’il en serait toujours ainsi, l’état de mon côté droit ne s’améliorerait pas.

Mais cela ne m’a pas empêché de mener une vie normale. Qui serait étonné après cela que je devienne un ‘Hassid du Rabbi ? Même mon père finit par devenir un ‘Hassid !

Et aujourd’hui, en tant que rabbin, j’agis autant que je le peux pour transmettre le message du judaïsme - comme le Rabbi le demande de chacun. Quand les gens m’en demandent la raison, je réponds simplement que D.ieu m’a donné une seconde chance dans la vie par l’intermédiaire des bénédictions du Rabbi et je veux agir de même pour les autres.

Rav Bentsion Yaacov Chmouel Orimland – New Jersey - JEM

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018