Question de sens

Les hommes ont toujours éprouvé le besoin de reconnaître le sens des choses. Certes, l’ensemble de la création forme un tout cohérent et, en son sein, chaque élément a sa place. Cependant, sans direction claire, sans une vision du déroulement de l’Histoire, le monde ne peut que tâtonner dans une obscurité d’autant plus épaisse qu’elle est produite par l’homme lui-même et son absence de choix. C’est là, du reste, une des révolutions intellectuelles introduites par le judaïsme : à la conception antique d’un temps cyclique, et donc dénué de progrès, il a su substituer celle d’un temps dynamique quittant son point de départ pour parvenir à un objectif supérieur grâce à l’œuvre humaine. Apparaît ici, comme un filigrane, une idée essentielle : chacun est chargé par le Créateur d’une mission à accomplir.

Le grand mot est lancé : une mission. Le terme « mission » a toujours de quoi surprendre. Il renvoie à tant d’images et de mondes différents. Ici, il a la plus grande et la plus noble des significations. Il implique que nous concrétisions l’attente de D.ieu : être Ses associés dans l’œuvre de la création. Cela peut sans doute paraître bien immodeste. Nous, qui sommes de si petites créatures, serions dans une telle position ? Il y a là comme un privilège et celui-ci ne va pas de soi. Mais, dans Sa bonté, le Créateur donne une place à l’homme, plus encore à chacun. Il nous reste à la remplir.

Accomplir les commandements de D.ieu, étudier Sa Torah, plus largement avoir une conduite générale digne de l’être humain, ce sont les grands axes le long desquels se déroule la mission confiée. Et celle-ci est, au sens strict, révolutionnaire : elle transforme le monde. De ce niveau de l’existence si obscur, elle fait un lieu de lumière. Elle réorganise les choses en leur assignant un sens. La vie cesse alors d’être une sorte de terrain vague des expériences humaines pour devenir un espace promis aux plus belles récoltes. Sur la nature, nous fondons la culture. Pénétrés de cette conscience, nous avançons sur ce nouveau chemin. Et cette avancée est plus légère car, justement, elle fait sens.


 Its’hak notre Père

Le Talmud (Chabbat 89b sur Isaïe 63 : 16) enseigne : « Dans les temps à venir… (le peuple juif) dira (à Its’hak) : ‘Car tu es notre père’. » C’est dire qu’il y a un lien particulier entre notre Patriarche Its’hak et le « temps à venir », celui de Machia’h.

En fait, le mot « Its’hak » renvoie, en hébreu, à l’idée de «rire» et donc de délice. Dans cette nouvelle époque, quand toutes les étincelles divines présentes dans le monde matériel auront été élevées par l’effort spirituel de chacun, le « délice » de D.ieu devant la tâche accomplie apparaîtra aux yeux de tous.

(d’après Torah Or, Vayétsé, p. 21c)


 « Telle mère, telle belle-fille »

Après que le serviteur d’Avraham, Eliézer, eut ramené avec lui Rivkah, afin qu’elle épouse Its’hak, « Its’hak conduisit (Rivkah) dans la tente de Sarah, sa mère et il l’épousa », Rachi cite les mots « dans la tente de Sarah, sa mère » et commente :

« Il la conduisit ‘dans la tente’ et voici, elle était ‘Sarah, sa mère’ ». Cela veut dire qu’il se produisit exactement (avec Rivkah) ce qui avait eu lieu avec Sarah, sa mère. Car du vivant de Sarah, les lumières (de Chabbat) restaient allumées d’une veille de Chabbat à l’autre, la bénédiction se trouvait dans la pâte et une nuée planait au-dessus de la tente. A la mort de Sarah, ces manifestations s’interrompirent ; à l’arrivée de Rivkah, elles réapparurent.

Cependant, le Midrach, dont le texte sert de source à Rachi, mentionne ces trois miracles dans un ordre différent : « une nuée planait sur la tente, la bénédiction se trouvait dans la pâte, les lumières (de Chabbat) restaient allumées d’une veille de Chabbat à l’autre ».

Qu’a donc poussé Rachi à inverser cet ordre ?

En fait, Rachi répond ainsi à une difficulté concernant les mots « dans la tente de Sarah, sa mère ». La Torah vient de relater que dès son arrivée, avant même qu’il ne pénètre dans la tente, Eliézer raconta à Its’hak toutes les merveilles qui avaient eu lieu, à propos de Rivkah, au cours du voyage. Et ensuite, Its’hak épousa Rivkah. Le verset aurait donc dû simplement déclarer que « Its’hak fit venir à lui Rivkah et la prit pour épouse ». Que gagnons-nous des mots supplémentaires : « dans la tente de Sarah, sa mère » ?

Il est bien évident qu’ils ajoutent un point relatif à la conclusion du passage « Its’hak fit venir à lui Rivkah et la prit pour épouse ». En d’autres termes, si Its’hak n’avait pas auparavant conduit Rivkah « dans la tente de sa mère », l’issue n’aurait pas du tout été garantie.

Il est vrai qu’Eliézer avait déjà relaté les événements miraculeux qui lui avaient servi de signes, indiquant clairement que Rivkah était véritablement destinée à Its’hak. Cependant, ce dernier n’était pas encore sûr que Rivkah soit compatible avec sa famille, qu’elle en possède les mérites, les qualités, et tout particulièrement ceux de sa mère, afin qu’il puisse en faire sa femme.

Puisque la conclusion d’Its’hak, à savoir que Rivkah était indubitablement dotée de ces qualités, émergea quand il l’eut conduite dans la tente de Sarah, il apparaît clairement que les événements qui s’y produisirent constituèrent à ses yeux des preuves encore plus probantes que précédemment. Elle possédait bien les qualités qui lui firent comprendre qu’elle était véritablement comme sa mère et convenait parfaitement pour qu’il l’épousât.

Ces événements en question étaient les suivants : « les lumières (de Chabbat) restaient allumées, la bénédiction se trouvait dans la pâte et une nuée planait sur la tente ».

L’on peut désormais comprendre la raison pour laquelle Rachi change l’ordre du Midrach. Puisque ces événements avaient pour but de montrer que Rivkah était comme Sarah, plus ils étaient personnels et plus ils montraient leur similitude.

C’est ainsi que la première manifestation en fut les lumières de Chabbat, c’est-à-dire un miracle concernant l’une des mitsvot et des bonnes actions de Rivkah, mettant l’accent sur la droiture avec laquelle elle accomplissait une Mitsva. Puis vint « la bénédiction sur la pâte », quelque chose qui est également lié à ses actions mais ne constitue pas l’acte d’une Mitsva. Et enfin, Rachi cite un miracle qui n’était pas directement lié à ses actions : « une nuée planait au-dessus de la tente ».

De ce qui précède, il ressort clairement que Rivkah allumait les lumières de Chabbat avant même d’être mariée. Plus encore, selon Rachi, elle était âgée de trois ans au moment de son mariage, âge où elle n’avait pas encore l’obligation d’accomplir les mitsvot. Et pourtant, elle s’acquittait déjà de celle de l’allumage des lumières de Chabbat.

Cela nous apprend que, telles Rivkah, les jeunes-filles juives doivent allumer les lumières de Chabbat, avant même l’âge de la Bat Mitsva. Commençant à trois ans, si elles sont déjà capables d’en comprendre la signification, les filles juives doivent être éduquées à allumer les lumières de Chabbat.

Les commentateurs notent que « les lumières allumées, la pâte bénie et la nuée qui plane » sont relatives aux trois Mitsvot concernant très spécifiquement la femme juive : l’allumage des lumières de Chabbat, (le prélèvement de) la ‘Hallah et Niddah (la pureté familiale). Les lumières de Chabbat conduisent au fait que « la lumière reste allumée », prélever la ‘Hallah résulte en « la bénédiction dans la pâte » et la pureté familiale permet que « la nuée de la Présence Divine plane sur la tente (de la famille) ».

C’est également pour cette raison que Rachi choisit l’ordre des « lumières, pâte et bougies », dans la mesure où il symbolise l’ordre chronologique de ces trois Mitsvot.

Une petite fille en commence la pratique en allumant les lumières de Chabbat. Quand elle mûrit et commence à apporter son aide à la maison, elle s’occupe de la pâte. Enfin, elle se marie et accomplit la Mitsva de la Pureté Familiale.

De tout ce que nous venons de voir, il apparaît clairement la grandeur du mérite de voir chaque fille juive allumer, dès l’âge de trois ans, les lumières à la veille du Chabbat et de Yom Tov. Cela résulte dans le fait que D.ieu nous montre « les lumières de Tsion », avec l’arrivée rapide de Machia’h.

(Adapté des Likouté Si’hot, Vol. XV, pp. 163-173)


 Comment se conduit-on entre les fiançailles et le mariage ?

La période précédant un mariage est considérée comme « Yakar Mikol Yakar », plus précieuse que tout ce qui est précieux. C’est la période où les fondations du nouveau foyer sont posées et il convient de veiller à leur solidité. C’est pourquoi on augmente en quantité et en qualité dans l’étude de la Torah, l’intensité de la prière et les bonnes actions.

Le fiancé comme la fiancée veillent à raffiner leur conduite, leurs paroles et leurs pensées : « Certainement D.ieu leur donnera les forces nécessaires pour cela s’ils manifestent leur volonté et leur détermination » (Lettres du Rabbi volume 14 page 307). Tous deux réfléchiront sérieusement à leur conduite passée et tenteront de réparer ce qui doit l’être (ce qu’on appelle Techouva). Il faut prévoir plusieurs cours de préparation aux lois du mariage (Taharat Hamichpa’ha, la pureté familiale) avec des personnes compétentes pour ces formations.

Les fiancés éviteront de se voir trop souvent (éventuellement seulement une fois par semaine) ; nombreux sont ceux qui préfèrent habiter dans deux villes différentes. Ils éviteront aussi de se parler trop souvent au téléphone. Ils ne se laisseront pas photographier seuls ensemble – sauf avec d’autres membres de leurs familles.

Ils ne se rencontrent pas et ne communiquent pas ensemble (téléphone, mail, messages…) dans la semaine qui précède le mariage. Ils passeront par des intermédiaires. Ils ne restent pas seuls dans une maison et ne sortent qu’accompagnés.

La coutume est que la fiancée (ou ses parents) offre au jeune homme un Talit (châle de prière), un Chass (le Talmud de Babylone) et d’autres livres, de ‘Hassidout principalement. Le fiancé offre un bijou (mais pas de bague), des livres de loi juive ainsi qu’un livre de prières et des Psaumes.

 (d’après Chéva’h Hanissouim – Rav Shmuel Hurwitz)


 Qui a gagné ?

Imaginez mon excitation quand on me proposa de travailler pour une campagne présidentielle à Tampa, en Floride, il y a quelques années. Pour quelqu’un comme moi, passionné de politique et déterminé à établir une différence, on ne pouvait rêver d’une meilleure occasion d’utiliser ses capacités pour changer le monde. J’étais enchanté de pouvoir travailler au service d’un candidat que j’appréciais et de participer activement à cette élection que je savais très importante pour l’avenir des États-Unis et du monde tout entier.

Le seul problème était qu’il me fallait travailler Chabbat.

Dans le cadre de cette fonction, je devais en effet contribuer à bâtir une organisation qui encouragerait les citoyens à voter. Cela impliquait de conduire une voiture, téléphoner, envoyer des mails, préparer des réunions électorales – sept jours par semaine : je perdrais tout sens du Chabbat.

J’étais vraiment placé devant un choix cornélien. Après tout, il ne s’agissait que d’un contrat de trois mois, je pourrais recommencer à respecter le Chabbat après les élections. Je me disais que les élections étaient cruciales pour l’avenir du pays et l’importance de leur résultat justifiait que je mette Chabbat de côté. J’étais résolu à prendre une part active dans la politique de mon pays et, après tout, si on m’avait offert ce job, il devait bien y avoir une raison. J’acceptai donc.

Tandis que je bouclais mes valises tout en cherchant un vol pour la Floride, je me sentais devenir de plus en plus anxieux et confus : Chabbat est le sommet de ma semaine, la pile qui me donne de l’énergie pour les six jours qui suivent. Étais-je vraiment prêt à l’abandonner ? A quoi ressemblerait ma semaine sans la traditionnelle soupe de poulet du vendredi soir ? Mais surtout, pourquoi D.ieu me proposait-Il une offre aussi attrayante mais aussi contraire à mon observance du Chabbat ?

Silencieusement, je priais pour procéder au bon choix, je m’en remis même à « Rav Google » et surfais sur plusieurs sites pour me forger mon opinion. Et je finis par trouver.

Un dimanche dans les années 80, un jeune homme qui se fiançait avec une jeune fille non-juive se présenta devant le Rabbi de Loubavitch.

« Je vous envie ! » déclara le Rabbi au jeune homme stupéfait.

Tous ceux qui entendirent le Rabbi s’exprimer ainsi étaient eux aussi choqués. Mais le Rabbi continua : « Vous faites face à un énorme dilemme, à un test très difficile. La croissance spirituelle et morale que vous ressentirez si vous passez l’épreuve avec succès excède et de loin tout ce que je peux imaginer. Je vous envie d’avoir cette possibilité extraordinaire de prouver le potentiel de votre âme juive ! ».

Ce récit me fit complètement changer de perspective. Peut-être n’affrontai-je cette épreuve que pour prouver mon attachement au respect du Chabbat…

Quel privilège après tout !

C’est ainsi que ce vendredi d’été, j’informai les organisateurs de la campagne que je ne pouvais pas les rejoindre en Floride mais que je leur souhaitais bonne chance.

D’un côté, j’étais fier de moi, j’avais résisté à la tentation mais j’avais aussi fait l’impasse sur un travail qui me passionnait, qui aurait pu faire démarrer ma carrière professionnelle alors que ma situation financière n’était pas encore stabilisée.

Trois jours plus tard, je reçus un coup de téléphone de l’Iowa : on me proposait de travailler pour aider justement le candidat que j’admirais – dans cet état des États-Unis qui s’avérait déterminant pour le reste de la campagne. Sûr de moi et déterminé, je remerciais mes interlocuteurs pour leur confiance en mes capacités mais ajoutais dans le même souffle : « Je suis un Juif pratiquant, ce qui signifie que, le vendredi dès le coucher du soleil jusqu’au samedi soir, je ne travaille pas. Je suis prêt à me consacrer corps et âme à cette campagne les six autres jours de la semaine ! ».

Effectivement, je me suis installé pendant trois mois en Iowa. Avec l’aide des émissaires du Rabbi sur le campus de mon université, j’ai pu rencontrer d’autres émissaires et être chaleureusement accueilli par d’autres familles ‘Habad. On m’a aidé, on m’a fait passer des Chabbat inoubliables, j’ai pu progresser dans mon judaïsme tout en me battant pour mon candidat.

Un des ‘Hassidim de Postville remarqua à mon sujet : peu importe le résultat des élections, une victoire majeure a déjà eu lieu !

Michael Snow – Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Lumière sur la nuit !

Les médias nous le rappellent et déjà la rue en bruisse : c’est après ce Chabbat que, selon l’expression consacrée, nous passerons en heure d’hiver. Quel que soit l’avenir de ce changement saisonnier, il présente régulièrement le même saut impressionnant. Brutalement, il fait nuit au réveil et le jour paraît beaucoup plus court. Certes, les choses ne se sont pas vraiment passées ainsi, chacun le sait. Cependant, la réalité du quotidien finit par nous conduire à le penser : la nuit a pris des longueurs inaccoutumées. C’est alors que surgit la question : que faut-il en faire ?

Dans la vision juive du monde, D.ieu ne créa rien en vain. C’est dire que tout ce à quoi nous assistons au fil du temps, même ce qui dépend de la volonté des hommes, s’inscrit également dans le plan Divin pour la création. Force est donc de se saisir de ce changement si essentiel, celui de l’heure. De fait, il n’y en a pas de plus déterminant car le temps est cette dimension qui constitue le support de notre existence, autant, et peut-être davantage, que l’espace. Que peut donc y faire l’homme, en dehors d’y souscrire car ainsi est fixé le rythme social ? Il doit y réfléchir et mettre cela en perspective. Lorsque revient l’hiver et que, par nature cette fois, les jours raccourcissent et les nuits rallongent, le Talmud observe que « celui qui étudie la Torah la nuit, un trait de bonté Divine descend sur lui. » L’idée va loin. Ainsi, pour nos Sages, ce n’est pas seulement d’une évolution due à l’avancée des saisons qu’il s’agit mais bien d’un nouveau temps du service de D.ieu.

Alors que nous vivons une période où ce changement n’est pas progressif mais brutal, que la nuit grandit de façon quasi irrésistible, l’action de chacun est d’autant plus nécessaire. On pourrait se laisser entraîner par l’obscurité régnante, glisser dans un sommeil d’oubli et laisser le temps s’écouler sans le remplir. Pourtant, il a été remis entre nos mains comme l’ensemble de la création. A nous de lui donner un sens. Cette nuit plus longue peut ne pas être celle de l’endormissement mais bien celle d’un éveil de la conscience. L’étude en est la clé. Elle est à la portée de chacun. Il n’est pas de plus grande lumière.


 La bonne éducation

Quand Rabbi Chalom Dov Ber, le cinquième Rabbi de Loubavitch, était encore un jeune enfant de quatre ou cinq ans, il alla voir son grand-père, le Tséma’h Tsédek, lui-même alors troisième Rabbi de Loubavitch, et éclata en sanglots. Son grand-père lui demanda la raison de ses larmes et la réponse vint, pénétrée de sincérité : « J’ai appris dans la Paracha de cette semaine que D.ieu Se montra à Abraham après que celui-ci se soit circoncis. Pourquoi ne Se montre-t-Il pas à moi ?! » Le Tséma’h Tsédek lui répondit : « Quand un Juif, à quatre-vingts dix-neuf ans, décide de se circoncire, il mérite que D.ieu Se montre à lui ».

Cette histoire porte un enseignement important : il faut éduquer l’enfant de telle façon que, dès son enfance, il aspire à la révélation Divine. Cela s’applique également à notre temps, au seuil de la venue de Machia’h. Il faut ressentir le besoin de cette venue et l’attendre avec impatience : toute une éducation.

(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – Chabbat Parachat Vayéra 5752)


 Vayéra

Délaissant la Présence Divine venue lui rendre visite, trois jours après sa circoncision, Avraham se précipite pour accueillir trois invités. Ils ne sont autres que trois anges à l’apparence humaine. L’un annonce que, dans un an, Sarah, encore stérile, mettra au monde un enfant. Sarah en rit.

Avraham plaide pour la survie de la ville impie de Sodome dont un autre ange lui a annoncé la destruction.

Deux des trois anges se rendent à Sodome pour sauver Loth, le neveu d’Avraham, et sa famille. La femme de Loth est transformée en statut de sel pour avoir enfreint l’interdiction de regarder en arrière la ville en feu.

Les deux filles de Loth (pensant qu’elles et leur père sont les seuls survivants dans le monde entier) l’enivrent et l’une d’entre elle sera enceinte. Les deux fils qui naîtront de cet épisode seront les ancêtres des nations de Moav et d’Amon

Sarah est prise en otage par Avimélé’h mais il la libère après les avertissements divins qui lui sont apparus en rêve.

Its’hak (« il rira ») naît et est circoncis à huit jours. Avraham a cent ans et Sarah quatre-vingt-dix ans.

Hagar et Ichmaël sont bannis de chez Avraham et errent dans le désert. D.ieu entend le cri du jeune garçon mourant et lui sauve la vie en montrant un puits à sa mère.

D.ieu teste le dévouement d’Avraham en lui commandant de sacrifier son fils sur le Mont Moriah (le Mont du temple), à Jérusalem. Its’hak est lié et placé sur l’autel et Avraham lève son couteau. Une voix se fait alors entendre du Ciel et lui ordonne d’arrêter. Un bouc, emprisonné par ses cornes dans des buissons, est offert à la place.

Avraham apprend la naissance d’une fille, Rivkah, chez son neveu Betouël.

La Paracha débute par le fait que D.ieu apparut à Avraham, assis à l’entrée de sa tente, dans la chaleur du jour. Cela se produisit le troisième jour après qu’Avraham se fut circoncis à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans. D.ieu rendit donc visite à l’Avraham convalescent, tout comme Il nous commande de rendre visite aux malades.

Cependant, il nous faut relever deux détails intrigants : la Torah indique précisément où était assis Avraham : devant sa tente, et donne un rapport météorologique : c’était dans la chaleur du jour. Pourquoi ?

Avraham aimait les gens. Sa maison était ouverte à tous. Il leur offrait à manger et où dormir. Il faisait extrêmement attention à la Mitsva d’A’hnassat Ore’him (l’hospitalité) et avait même monté sa tente avec des entrées aux quatre côtés pour être sûr que tout le monde y pénétrerait. Son plus grand plaisir, son plus grand bonheur étaient de pouvoir faire quelque chose pour les autres. D.ieu le savait et voyant qu’Avraham était faible et récupérait de sa récente circoncision, Il voulut le protéger afin qu’il ne soit pas dérangé par des invités. Il rendit ainsi ce jour si chaud qu’il était pratiquement impossible de sortir.

Il est donc évident qu’en ce jour, Avraham était exempté de la Mitsva d’A’hnassat Ore’him et ce, pour deux raisons. Tout d’abord lui-même ne se sentait pas bien et était en convalescence, ce qui bien évidemment excusait le fait qu’il ne se comportât pas en hôte. Par ailleurs, lorsque personne ne se montre à la porte, il n’y a aucune raison de se soucier d’être accueillant et de témoigner de la gentillesse.

Mais Avraham n’était pas content. Son désir de se comporter avec gentillesse n’était pas dicté par le sentiment du devoir. Il aimait faire les mitsvot. C’était cela sa vie, c’était cela qui lui donnait de la satisfaction spirituelle et du bonheur. Il ne le considérait pas dans les termes de quelque chose qu’il devait faire ou dont il était exempté. Il n’était pas intéressé par une excuse ou une exemption légale. Il aimait et désirait faire les Mitsvot, pratiquer le bien, la gentillesse, pour eux-mêmes.

Quand personne ne se montra devant sa tente, quand il n’y eut personne à qui témoigner de l’hospitalité, il se sentit désemparé. Il se sentit privé de quelque chose de précieux à accomplir. C’est la raison pour laquelle il quitta son lit de malade, s’obligea à s’installer devant la porte, malgré la terrible chaleur, et scruta au loin pour voir s’il apparaissait quelqu’un qu’il aurait pu accueillir.

Cette histoire renferme une morale profonde.

Très souvent, nous considérons les Mitsvot, les devoirs, les obligations comme de lourdes charges. Il est vrai qu’il n’est pas rare qu’ils viennent contrevenir à nos projets ou à nos désirs. Et quand bien même nous reconnaissons leur importance, et entreprenons de les accomplir entièrement, nous le faisons essentiellement parce que nous devons le faire et essayons de nous en acquitter avec le minimum de nos obligations légales. Nous sommes là bien loin d’une appréciation sincère de la Mitsva qui nous conduirait à nous hisser bien au-dessus du simple appel du devoir.

Avraham nous enseigne que les Mitsvot ne sont pas simplement des devoirs, des actes que nous accomplissons parce que nous en avons le devoir. Elles ne sont pas simplement des moyens qui nous mènent à des fins importantes, comme la justice, la récompense ultime ou qui nous enseignent l’autodiscipline ou la bonté.

La Torah et les Mitsvot viennent de D.ieu, ce qui en fait quelque chose d’absolument vrai et bien en et par elles-mêmes. L’on doit chercher la vérité et le bien pour eux-mêmes.

La vérité et le bien ne sont pas seulement des moyens pour parvenir à un but mais un but en eux-mêmes.

Il ne faut donc pas chercher d’exemption ou toutes sortes d’excuses.

Nous ne nous satisfaisons pas de pourvoir à nos besoins matériels élémentaires, d’un minimum d’argent ou de vêtements, de meubles ou d’avantages de la technologie moderne.

Par le même biais, nous ne devons pas nous contenter de nous satisfaire d’un minimum de besoins spirituels, de nourriture spirituelle, de résidence spirituelle ou d’ « extra » spirituels.

Dans les Pirké Avot (Maximes de nos Pères), nous apprenons : « Cours pour accomplir, même une forme plus facile de Mitsva ».

Cela signifie que lorsqu’une Mitsva se présente, même petite ou facile, ne marche pas. Ne l’accomplis pas de façon décontractée quand elle survient mais cours pour l’accomplir, montre de l’empressement, montre qu’elle t’est importante, que tu désires la réaliser. Et si cela est vrai, alors n’attends pas que l’occasion vienne à toi pour accomplir de bonnes actions. Va les rechercher parce qu’elles sont importantes pour toi.

Avraham lui-même se leva de son lit de malade, sans aucune considération pour le désagrément que cela lui causait physiquement, et s’assit à la porte dans la chaleur du jour. Nous aussi nous devons nous lever de nos lits, quitter notre confort, même dans la chaleur de notre vie et de nos occupations quotidiennes, et chercher toute nouvelle opportunité spirituelle et surtout lorsqu’il s’agit d’aider autrui.


 Quelques lois et coutumes liées à la Brit Mila (circoncision) (suite)

- Toute personne qui assiste à une Brit Mila « accueille la Présence Divine, reçoit une âme supplémentaire et est considéré comme s’il avait accompli toutes les Mitsvot de la Torah ». On annule l’étude de la Torah pour assister à la cérémonie. Il est écrit qu’Eliahou Hanavi, le prophète Elie assiste à chaque Brit Mila.

- Une femme apporte le bébé, le confie à son mari qui le dépose sur les genoux du Sandak (qui a l’honneur de tenir le bébé pendant la Brit Mila). On s’efforce de donner à un couple qui n’a pas encore d’enfants le mérite d’amener le bébé.

- Le Sandak est considéré comme s’il apportait de l’encens sur l’autel du Temple de Jérusalem. Etre Sandak est une Segoula (mérite) pour devenir riche et vivre longtemps. Si possible, on choisit pour cet honneur un homme respecté et remarquable pour sa crainte de D.ieu. La coutume est d’honorer pour le premier enfant le père du père (ou même le grand-père du père) et pour le second, le père de la mère. Le père de l’enfant peut aussi être Sandak. La coutume est de ne pas donner cet honneur à la même personne pour deux frères.

- Le Mohel et le Sandak se trempent préalablement au Mikvé et se coupent les cheveux par respect pour la Mitsva ; ils revêtent les vêtements de Chabbat.

(d’après Chéva’h Habrit – Rav Shmuel Hurwitz)


 Vides ?

Chaque année, je me pose la même question : comment fêter mon anniversaire ? Cette fois-ci, j’ai décidé d’agir comme le Rabbi l’avait demandé : j’ai invité tous ceux que je connais maintenant dans ma ville de Tioumen (Sibérie), des amis ou de simples connaissances, pas seulement pour une petite fête mais vraiment pour une réunion ‘hassidique.

Autour de la table chargée de toutes sortes de mets appétissants, nous sommes une vingtaine, nous trinquons Le’Haïm (à la vie) et je répète un discours ‘hassidique comme le veut l’usage instauré par nos Rebbeim. J’ai choisi d’évoquer l’histoire du prophète Elicha, le successeur du prophète Elie telle que le relate la Haftara de cette semaine.

Une femme désespérée se présente à lui :

- Ton serviteur, mon mari est mort… Le créancier veut prendre mes deux fils comme esclaves…

- Que puis-je faire pour toi ? répond le prophète. Dis-moi ce qu’il te reste dans la maison.

- Ta servante ne possède plus qu’une fiole d’huile…

- Va ! Emprunte des récipients vides auprès de tes voisines, autant que tu puisses en trouver…

Elle sortit et emprunta toutes sortes de pots et casseroles, de cruches et de jarres. Comme le lui a demandé le prophète, elle commence à verser le peu d’huile qu’elle possède dans un pot qui se remplit à ras bord puis dans une cruche puis… L’huile continue miraculeusement de couler… Jusqu’à ce qu’il ne reste plus aucun récipient vide dans la maison. Alors le prophète lui conseille : « Va et revends toute cette huile ! Tu pourras alors rembourser le créancier et vivre dans la largesse avec tes enfants pour le restant de tes jours ! ».

Voici comment la ‘Hassidout explique cette histoire qui débute de façon si dramatique :

La femme, c’est la Nechama, l’âme juive. Le prophète, c’est D.ieu. L’âme crie vers D.ieu : « Ton serviteur, mon mari (Ichi) est mort ». Ce mari, c’est aussi Ech, le feu : l’âme constate avec peine que son feu, son enthousiasme n’est plus là : elle a perdu toutes ses forces spirituelles. Le créancier veut prendre les deux enfants en esclaves : l’âme animale veut prendre l’amour et la crainte de D.ieu vers des valeurs étrangères, veut l’asservir à des passions peu recommandables. « Ta servante n’a plus rien dans la maison », l’âme a perdu toutes ses forces, il ne lui reste plus qu’une fiole d’huile, le point central de l’âme juive qui ne peut jamais disparaître.

Je me tourne vers mes nouveaux amis qui m’écoutent attentivement et je continue l’explication ‘hassidique :

« Va emprunter des récipients à l’extérieur… ». Même dans ta situation, tu peux étudier la Torah, tu peux accomplir des Mitsvot ! Même si tu ressens que tu n’es qu’un récipient vide, qu’un corps sans âme, sans amour ni crainte de D.ieu, sans enthousiasme, ne désespère pas ! Agis avec les dernières forces de ton âme, avec l’esprit ultime de sacrifice et, grâce à cela, tu parviendras à remplir les autres récipients !

Oui, leur expliquai-je en termes contemporains, parfois on considère une Mitsva et on se dit que c’est trop dur, on ne comprend pas pourquoi mettre les Téfilines, on n’a pas vraiment envie de respecter le Chabbat, on trouve toujours un prétexte pour ne pas aller à un cours de Torah… C’est alors qu’on doit se souvenir de cette explication ‘hassidique et rassembler tous les récipients vides ! Mes amis ! Il faut continuer, participer aux activités communautaires et continuer de verser l’huile dans ces récipients qui ne demandent qu’à se remplir…

Je m’arrête et, du coin de l’œil, je peux déjà remarquer l’effet de mes paroles sur ces participants qui m’ont honoré de leur présence pour mon anniversaire. Salomon-Chlomo veut parler et, selon la coutume russe dans ce cas, il se verse un petit verre de vodka et se lève. Tous avaient déjà pris la parole et seul lui, le roi Chlomo (ou le tsar Salomon comme l’appellent ses amis), s’était tu. Maintenant c’est à lui de s’exprimer.

C’est un Juif de Kichinev, un homme d’affaires. Je l’avais contacté dans son bureau il y a quatre ans, il avait accepté de mettre les Téfilines pour la première fois et, chaque vendredi, je lui envoyais les horaires de Chabbat avec de petits commentaires. J’avais plusieurs fois tenté de l’inviter chez nous mais sans succès. Il y a quelques mois, il a soudain « atterri » chez nous. Il venait demander un conseil pour une affaire quelconque et cette visite fut suivie de plusieurs autres : il écoutait un cours et parfois, restait pour compléter le Minyan pour la prière. Il acceptait avec joie de mettre les Téfilines, posait des questions, était avide de connaître et de comprendre, comme s’il voulait rattraper tout ce qu’il n’avait jamais connu.

- Monsieur le Rabbin, commence-t-il. J’ai écouté ce discours ‘hassidique et je veux vous dire : il y a quatre ans, vous êtes venu dans mon bureau et vous m’avez demandé de mettre les Téfilines : pour moi, c’était comme des récipients vides, je n’ai pas compris de quoi il s’agissait et pour quoi je le faisais. Vous m’avez demandé, je l’ai fait. Mais maintenant, je peux vous annoncer que les récipients ne sont plus vides ! Depuis quelques mois, quand je mets les Téfilines, quand je prie ou que j’étudie, le récipient n’est plus vide ; même s’il n’est pas encore plein, je commence à comprendre ce que je fais, j’y mets tout mon cœur et toute mon âme !

Monsieur le rabbin, en l’honneur de votre anniversaire, je veux vous remercier et Spassiva (merci) au Rabbi qui vous a envoyé jusqu’en Sibérie pour réchauffer nos âmes et remplir de façon intarissable nos récipients avec tous ces enseignements !

Rav Yerachmiel Gorelik

Chatz Lelo Minyane

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Le grand départ

A toute histoire, il faut un commencement et, plus l’histoire est grande, plus le commencement est grand. Alors que le cycle de l’année vient à peine de recommencer et que, au rythme des lectures hebdomadaires de la Torah, celle-ci fait défiler les siècles sous nos yeux, nous ramenant en ces temps de tous les balbutiements où l’homme avance à tâtons vers plus de clairvoyance, voici qu’Abraham, premier de nos ancêtres, entreprend son grand voyage. Il répond ainsi à l’appel de D.ieu : « Va… »

Cet éditorial n’a pas pour sujet habituel le commentaire de la Paracha de la semaine, d’autres rubriques le font avec bien plus de légitimité. Cependant, dans cet instant littéralement dramatique où Abraham quitte tout ce qu’il a connu jusque-là, y compris les aspects positifs de ses années de jeunesse, il y a un épisode créateur d’Histoire. Et c’est de la nôtre qu’il s’agit. Pour traverser les siècles, tout peuple a besoin d’avoir une origine consciente et un objectif défini. Savoir d’où l’on vient et vers quoi on se dirige donne ainsi la force nécessaire à assurer sa pérennité. Ici, c’est d’abord d’une longue aventure spirituelle qu’il est question. En cette époque reculée où croire dans la supposée divinité des idoles est un sentiment commun, qu’un homme seul décide d’ouvrir un autre chemin est une révolution. De fait, celle-ci ne fera que s’étendre et transformera le monde.

Le raconter ici n’est pas simplement se souvenir d’un geste glorieux ou de la noblesse d’un passé. Cela remet la vie de chacun en perspective. Nous vivons dans un monde souvent orgueilleux. Fier de ses prouesses technologiques, il oublie de rechercher le sens, le « pourquoi », se contentant de répondre à la question plus facile du « comment ». Le peuple juif, héritier d’Abraham, ne peut se satisfaire d’une telle absence de vision ; peut-être est-ce aussi pour cela que beaucoup peinent à le comprendre. Depuis Abraham, il trace de nouvelles voies d’espérance et sait regarder au-delà de l’horizon immédiat.

La nouvelle année juive vient de commencer et le chemin continue. Cette révolution ancienne et nouvelle est toujours en marche. En paix, soyons-en les porteurs. Pour, plus qu’une année, une vie plus belle.


 Quand le Chabbat viendra

A propos du verset (Exode 20 : 8) « Souviens-toi du jour du Chabbat pour le sanctifier », Rachi écrit : « Souviens-toi du jour du Chabbat constamment de telle sorte que, si tu trouves quelque chose de spécial (pendant la semaine), mets-le de côté pour Chabbat ».

Il en est de même pour la Délivrance future. Même si nous sommes encore en exil, nous devons toujours garder en tête la venue de la Délivrance et nous y préparer car (Talmud, traité Tamid) « ce jour sera entièrement Chabbat et repos pour l’éternité ».

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, 11 Sivan 5744)


 Confiance et respect

Certains ouvrages contemporains attirent l’attention sur la dégradation des relations humaines et appellent à une « révolution en faveur de la pudeur ».

La Torah a toujours développé ce message de façon très claire. Dans le Livre de Beréchit, nos héroïnes bibliques sont puissantes, de façon pudique et discrète. Leurs époux sont respectueux et protecteurs. Les femmes sont chéries et honorées.

Et c’est ainsi qu’a perduré la tradition juive qui remonte aux jours de nos Patriarches et de nos Matriarches.

Un récit de notre Paracha vient nous apporter un lumineux éclairage à ce propos.

Lorsque l’on jette un regard attentif sur leur relation, nous observons qu’Avraham et Sarah, respectivement âgés de soixante-quinze et soixante-cinq ans, voyagent vers le sud, vers l’Egypte. Pendant leur voyage, Avraham dit à Sarah combien elle est belle et exprime l’inquiétude que sa beauté risque d’inciter les Egyptiens à le tuer, lui-même, pour la mettre dans le harem du roi.

Avraham fait à son épouse les suggestions suivantes : « S’il te plaît, dis que tu es ma sœur, pour que tout aille bien pour moi, grâce à toi et que mon âme puisse vivre, grâce à toi » (Beréchit 12 :13).

Le plan d’Avraham le rayerait, en effet, de la liste noire du Pharaon, tout en rendant Sarah accessible à des abus hédonistes ! Ce qui va encore plus loin est qu’Avraham mentionne qu’en effet, il lui serait bénéfique que Sarah soit enlevée : « pour que tout aille bien pour moi, grâce à toi » !

Les commentateurs bibliques expliquent que si Avraham était pris pour son frère, il s’attendait à recevoir un hommage sous forme de cadeaux d’argent et de bétail.

S’agit-il ici réellement d’Avraham, le premier époux juif et le prototype de la bienséance ? S’agit-il de l’homme dont la générosité altruiste l’avait fait mettre quatre portes à sa tente, la rendant ouverte aux voyageurs qui venaient de toutes directions ?

Il y a environ deux mille ans, l‘auteur du Zohar posait la même question (question qui a d’ailleurs interpelé pratiquement tous les commentateurs de la Torah) :

Rabbi Eliézer a demandé : Avraham, qui craignait D.ieu et qui était aimé de D.ieu, aurait-il pu prononcer ces paroles dans son propre intérêt ?

Rabbi Eliézer a expliqué : Bien qu’Avraham craigne D.ieu, il ne faisait pas confiance en son propre mérite. Il ne demanda pas à D.ieu de sauver (Sarah) par son mérite à lui, mais par le sien (à elle). Il savait (aussi) que c’était par son mérite à elle qu’il accumulerait de la richesse provenant des autres nations, puisqu’un homme acquiert de l’argent par le mérite de sa femme… Il s’appuyait sur son mérite pour ne pas être atteint et pour qu’elle ne soit pas touchée et c’est pour cela qu’il n’eut pas peur de dire : « Elle est ma sœur ».

Selon le Zohar, le raisonnement d’Avraham suivait deux directions :

  1. Avraham ne pensait pas qu’il puisse mériter d’être sauvé de la mort mais il avait une confiance absolue en ce que D.ieu ne laisserait jamais qui que ce soit abuser de sa sainte épouse. Aucun danger ne la menaçait.
  2. Avraham connaissait également la Loi Divine selon laquelle les profits de l’homme lui sont acquis par le mérite de sa femme.

Et c’est en effet ce qui se produisit. Sarah fut prise. Mais quelques heures plus tard, elle était libérée, intacte. Et le Pharaon donna à Avraham une profusion de richesses.

Alors que la convenance demande que l’homme soit courtois et défende l’honneur et la sécurité de sa femme, il est des situations où il lui est recommandé de prendre du recul et d’avoir confiance en ce qu’elle est capable de se protéger elle-même. En fait, elle peut même obtenir davantage de bienfaits que s’il s’était impliqué. Dans son célèbre poème : Une Femme de Valeur (Echèt ‘Hayil), le Roi Salomon décrit la stratégie d’Avraham : « Le cœur de son mari lui fait confiance, il ne manque aucun profit ».

Le Zohar compare l’union d’Avraham et Sarah à celle de l’âme et du corps. Cela nous permet un parallèle extraordinaire entre l’histoire du voyage d’Avraham et Sarah en Egypte et notre voyage dans la vie.

L’âme descend sur terre et s’associe à un corps. Elle cherche à le protéger de tout mal. Mais le corps a une mission à accomplir, mission plus dangereuse que celle de l’âme. En tant que sujet physique, le corps est mieux équipé pour cultiver le monde matériel. Son travail consiste à labourer, planter, acheter, cuisiner, tout en apportant à ce monde matériel la conscience de D.ieu.

Il se peut que l’âme veuille instinctivement protéger le corps du matérialisme le plus trivial mais elle est obligée de le laisser faire. Les profits obtenus par le travail du corps apportent également à l’âme un bénéfice considérable.

Avraham, l’époux parfait, et Sarah, la quintessence de la femme juive sont l’exemple d’un couple modèle.

La femme est souvent fortement impliquée dans des poursuites matérielles. Tout comme le corps, elle construit, crée, organise, établit des stratégies et se plonge dans le matériel et le physique. Tout comme Sarah, elle peut paraître conduite de force dans le palais du Pharaon où le matérialisme règne et où est adoré ce qui a une belle apparence.

Mais un homme perspicace sait que sa femme est en sécurité. Les femmes ont un don : l’aptitude à voir la matérialité comme un moyen pour parvenir à une fin plus grande, une fin Divine. C’est avec cet objectif qu’elles font surgir la conscience du Créateur dans chaque aspect de l’existence.


 Quelques lois et coutumes liées à la Brit Mila (circoncision)

- Le père a l’obligation de circoncire son fils à l’âge de huit jours. S’il ne sait pas comment procéder, il nomme un Mohel compétent comme son Chalia’h (émissaire).

- On ne retarde pas la circoncision si l’enfant est en bonne santé.

- La circoncision s’effectue le jour et non la nuit. Si possible, on y procédera tôt le matin car « ceux qui aiment les Mitsvot s’empressent de les accomplir ». Cependant, s’il n’est pas possible de réunir la famille et les invités très tôt, on pourra procéder à la Brit Mila tant qu’il fait jour.

- Un garçon qui naît un Chabbat de façon naturelle (et non par césarienne) sera circoncis le Chabbat suivant ; on aura soin de préparer tout ce qui est nécessaire (instruments, pansements…) avant Chabbat.

- Si un jumeau est plus faible que l’autre, on procédera d’abord à la Brit Mila de celui qui est en bonne santé et, éventuellement quelques jours plus tard, de celui qui était trop faible.

- Le père de l’enfant est appelé à la Torah le Chabbat précédant la circoncision.

- La nuit précédant la Brit Mila, on a la coutume d’amener auprès du bébé des enfants qui réciteront le Chema Israël et d’autres versets pour augmenter la protection. La coutume est qu’on reste éveillé cette nuit-là pour étudier certains passages du Zohar.

- Tout Juif qui n’a pas été circoncis au huitième jour a le devoir de se faire circoncire à sa majorité et de ne pas retarder l’accomplissement de cette Mitsva.     (A suivre)

F.L. (d’après Chéva’h Habrit – Rav Shmuel Hurwitz)


 Deux frères

- Tu as quel âge, Dima ? lui demandai-je.

- Dans deux mois, il aura treize ans ! répondit sa mère.

- Treize ans ? Donc bientôt Bar Mitsva…

Quelques jours plus tard, nous avons reçu un coup de téléphone de la mère : ils voudraient bien fêter la Bar Mitsva mais ne savent pas exactement de quoi il s’agit… Dima est un enfant charmant, issu d’une bonne famille russe, aimante et qui vient de découvrir son appartenance au judaïsme lors du repas de Pourim de l’année dernière où ils avaient accompagné le grand-père.

- Maman, cela signifie que nous aussi, nous sommes juifs ? avait déduit Dima innocemment.

Et de cette déduction avait commencé un changement fondamental pour toute la famille. « Oui Dima, si je suis juive, vous l’êtes aussi ! » avait conclu la mère.

Ils demandèrent à acquérir les meilleures Téfilines et, en attendant, nous avons prévu de nous rencontrer plusieurs fois pour des cours à vitesse TGV en vue du grand jour. Par quoi commencer ? D.ieu, la Torah, les commandements, Avraham Its’hak et Yaacov… Nous avons appris comment mettre les Téfilines, à réciter le Chema (c’est quoi exactement ?), les boîtiers, les lanières… Il s’avère que Dima est « un puits soudé qui ne perd pas une goutte » : il comprend et retient tout, comme une terre asséchée depuis des années qui boit avec avidité tout ce qui lui a tant manqué.

La fête s’est déroulée exactement comme il convient. Les invités se sont rassemblés dans notre salon, Dima a été appelé à la Torah, ses parents lui ont cérémonieusement tendu les Téfilines et, devant tous les amis, il les a mis avec une facilité déconcertante tout en récitant en hébreu la bénédiction et le Chema… De notre côté, nous étions très émus : deux mois auparavant, cet enfant ne connaissait absolument rien du judaïsme et, aujourd’hui, il en était si fier !

Nous avions vérifié dans le calendrier perpétuel : il était né le 14 Iyar, le jour de Pessa’h Chéni, le jour désigné comme celui où « rien n’est jamais perdu », où « il n’est jamais trop tard »… Comme cette date est symbolique ! Mais il n’avait pas perdu de temps, avait pratiquement rattrapé son retard et avait sauté dans le train qui l’emmenait dans son long voyage vers un judaïsme intégral, vécu dans la joie.

Par « hasard » ou plutôt par l’effet de la Providence Divine, mes parents étaient eux aussi arrivés d’Israël pour cette Bar Mitsva. Mon père s’adressa (en russe, sa langue natale) au jeune garçon : « Moi, je suis né en Russie soviétique. Je suis passé par le même chemin que toi : l’école laïque, le lycée, l’université, le diplôme d’architecte, le travail… Quand je suis monté en Israël, j’ai servi dans l’armée et j’ai participé à toutes les guerres en tant que conducteur de tank. Mais, alors que j’ai fêté ma Bar Mitsva depuis plus de cinquante ans, il ne s’est pas passé un jour de semaine sans que je ne mette les Téfilines. En tant qu’étudiants, nous étions obligés de participer à des colonies d’entraînement trois mois par an, je me levais tôt le matin, je courrais vers les champs de coton tout proches et, en cachette, je mettais les Téfilines ! Dima ! s’écria-t-il avec émotion, c’est possible ! Prend aujourd’hui la ferme décision – devant toute cette assemblée – de procéder à cet acte sacré tous les jours de ta vie ! ».

Et Dima s’engagea. Depuis, il ne s’est pas passé un jour de semaine sans qu’il ne mette les Téfilines. Quelques mois plus tard, alors qu’il participait pendant vingt jours à un tournoi de Taekwondo, il les emporta avec lui : « Comme votre père l’a fait en tant qu’étudiant ! » ajouta-t-il sur le ton de l’évidence. Sa mère confirma que, bien qu’ils aient été dix enfants par chambre dans cette colonie, il avait réussi à trouver un coin tranquille pour y mettre chaque jour les Téfilines…

* * *

Depuis, nous avons réussi à apprendre énormément. Il n’a plus besoin de se cacher pour mettre les Téfilines, il les a mis dans des trains bondés devant tous les voyageurs. Mais il restait une chose pour laquelle il n’était pas prêt : la Brit Mila.

La semaine dernière, il est revenu d’un séminaire de dix jours à Moscou, de la Yechiva où il a étudié comme n’importe lequel de ses camarades qui étaient passés par les mêmes étapes que lui. Il est maintenant convaincu d’avoir trouvé la Vérité et qu’elle lui appartient entièrement. Tous les doutes qu’il avait accumulés au cours de cette année ont été dissipés. Déjà à la Yechiva, il avait résolu de se faire circoncire mais, à la demande de sa mère, il avait encore attendu de façon à pouvoir y procéder en même temps que son petit frère.

Quand les parents donnent un prénom à un enfant, il s’agit véritablement de prophétie, nous disent les Sages. Dima avait beaucoup lu durant cette année et avait été impressionné par le prophète Daniel : celui-ci, contrairement à d’autres prophètes, n’avait pas passé son enfance dans les ruelles de Jérusalem. Enfant, il avait été exilé par Nevou’hadnetzar (Nabuchodonosor) à cause de son appartenance à la famille royale et de ses dons extraordinaires. Prisonnier dans le palais royal avec ses camarades, ‘Hanania, Michaël et Azaria, ils étaient déterminés à poursuivre leurs traditions, ne mangeaient que des fruits et légumes, priaient trois fois par jour… Mais quand le roi s’aperçut que son projet d’en faire de bons Babyloniens échouait, il fit jeter Daniel dans la fosse aux lions ! Pourtant même là, il continua à prier et, miraculeusement, en ressortit vivant !

Pour Dima, c’est la preuve que, même dans un environnement où il est le seul Juif, il peut résister et se conduire comme il convient.

Hier, sur la table d’opération, il a tremblé. Vraiment. Il avait peur mais il savait qu’il devait s’engager. Il m’a demandé de le tenir fermement afin de ne pas bouger, instinctivement. Et moi, il me revenait en tête le passage où Its’hak notre père (Isaac) demandait à son père Avraham de le ligoter fermement sur l’autel afin qu’il ne bouge pas, sinon il rendrait le sacrifice impropre… Oui une Akeda version 5772, 2012…

Et ensuite… Daniel qui vient de subir la circoncision prend maintenant la place du Sandak et c’est lui qui tient fermement son frère Thomas, âgé de deux ans et demi qui va lui aussi être circoncis le même jour ! En attendant que l’anesthésie fasse son effet, l’enfant pleure. On le cajole et on pleure avec lui mais tous deux sont fermes dans leur décision. Et la maman, en bonne mère juive, les encourage et cache ses larmes. Après tout, elle aussi, ne connaissait rien de tout cela il y a à peine un an mais elle tient à ce que ses deux garçons entrent dans l’alliance d’Avraham notre père. Elle donna à Thomas le nom de Chmouel, sans trop savoir pourquoi… « Pour cet enfant j’ai prié » avait dit la prophétesse ‘Hanna après avoir enfin mis au monde cet enfant Chmouel. Ici aussi, à Tioumen, une femme juive a offert ses deux fils sur l’autel de la circoncision…

Daniel et Chmouel, ces deux jeunes enfants, deviendront grands ! Comme ils sont entrés dans l’alliance, qu’ainsi ils entrent dans l’étude de la Torah, qu’ils entrent sous le dais nuptial et qu’ils accomplissent de bonnes actions !

Maintenant Chmouel fréquente joyeusement notre jardin d’enfants et Daniel étudie avec assiduité à la Yechiva !

Rav Yerachmiel Gorelik – Chatz Lelo Minyane

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 D’hier à demain

C’était, pour ainsi dire, à peine hier. Nous étions dans un autre monde, une autre forme de temps. C’était le mois de Tichri et nous passions de fête en fête avec la joie et l’assurance des bonheurs innombrables. Et puis, presque brutalement, nous sommes revenus sur terre. Dans les synagogues, le récit de la création a de nouveau retenti, le cycle de la Torah a recommencé. Pourtant, ce n’était pas là encore un vrai départ. Quelques jours plus tôt, nous dansions pour Sim’hat Torah et tout cela était encore en nous jusqu’au Chabbat suivant. Nous étions encore comme portés par les expériences du mois écoulé. Puis une nouvelle semaine s’est ouverte et la Torah nous y raconte l’histoire de Noé.

Elle nous dit la vie et la fin d’un monde qui n’entend plus la voix du spirituel, ne sait plus voir la Présence Divine et qui en oublie les règles élémentaires de la morale humaine. Elle nous rapporte l’histoire de ces hommes qui ne croient plus qu’en eux-mêmes et en leur propre puissance et dont, en conséquence, ne subsiste que le rapide souvenir transmis par la Torah. Décidément, un tel retour à une réalité matérielle pesante est bien difficile. La question s’impose à chacun : comment effectuer le passage ? Peut-on conserver les acquis des fêtes quand la grisaille du quotidien semble l’emporter peu à peu ? Le judaïsme ne croit pas au caractère inévitable des choses, pas plus qu’à l’existence d’obstacles infranchissables. Au contraire, tout peut être transformé, tout peut devenir la source d’un élan nouveau.

Alors que l’année commence pleinement, il importe d’en être conscient : nous sommes de retour dans les conditions habituelles afin d’y faire entrer une inspiration, comme un souffle qui les entraînerait vers un niveau plus haut. Car c’est là que réside la mission de la créature : faire de ce monde le lieu digne d’être la demeure du Créateur. Avec la nouvelle année, ce n’est pas qu’un numéro qui a changé sur les calendriers, c’est une force infinie qui est descendue en nous. Il nous revient de lui donner expression. Demain sera différent, parce que nous l’aurons ressenti et voulu. Le peuple juif est porteur d’une vision et d’un espoir, beaucoup plus que d’un rêve. Voici venu le temps de le concrétiser.


 La matérialité de l’homme

A l’époque du Beth Hamikdach, les Juifs, par nature, éprouvaient le désir profond et sincère de servir D.ieu. Pour eux, les affaires de ce monde n’étaient que nécessité, ils ne les recherchaient que de manière superficielle, sans ardeur particulière.

En temps d’exil, c’est l’inverse qui est vrai. L’homme, par nature, ressent une attirance pour l’aspect matériel du monde tandis que le service divin, l’amour de D.ieu n’aboutissent qu’au terme d’un effort intense.

C’est la situation antérieure que le Machia’h rétablira.

(d’après Likoutei Torah, Ki Tétsé, p.40a)


 Noa’h : Après le déluge

La conclusion de la Paracha de cette semaine relate que les hommes qui vécurent peu de temps après le déluge construisirent une ville et une tour, « de peur qu’ils ne soient dispersés dans toute la terre. » D.ieu fut mécontent de leur conduite et contraria leurs efforts.

Il est apparemment difficile de comprendre pourquoi la Torah raconte cette histoire. Que peut-on en tirer ? Et pourtant, le fait que cet événement soit évoqué et avec force détails, alors que de nombreuses lois fondamentales ne sont citées que par une brève allusion, indique que cet épisode renferme une leçon profonde pour nos ancêtres, pour nous-mêmes et pour nos descendants.

Construire une tour élevée

avec des perspectives étroites

Si l’on jette un regard sur le Dor Hahaflaga (la génération qui fut dispersée), son péché n’apparaît pas clairement. Or, il est évident que la construction d’une ville et d’une tour s’opposait à la Volonté de D.ieu puisqu’Il entreprit d’annihiler ces efforts. Mais pourquoi le fait que cette entreprise ait été indésirable ne soit pas explicitement mentionné ?

La Torah indique que l’intention de la tour était : « pour nous faire un nom ». Les hommes craignaient d’être dispersés de par le monde et ils construisirent donc une ville dans laquelle ils espéraient vivre tous ensemble et une tour pour que même ceux qui étaient dans des régions éloignées puissent voir la ville et que des gardiens puissent être en poste pour voir les ennemis qui voudraient pénétrer dans la ville.

Ces actions ne semblent pas impies. Quel était donc le problème ?

En fait, les hommes n’étaient animés que par un seul objectif : que leur réputation perdure de tous temps. Ils n’avaient aucun autre motif supérieur. Or, cela présente une difficulté : ils ne pensaient qu’à eux-mêmes et n’avaient aucune autre perspective plus élevée, dans leur conception de la vie. Bien plus, quand son propre bien-être devient la préoccupation unique d’une personne, dans sa vie, peu lui importent la justice ou l’honnêteté des moyens qu’elle utilise pour parvenir à ses fins.

L’erreur inhérente à un tel comportement était particulièrement grave après le déluge. Car, comme le déclara Noa’h aux gens de sa génération, le déluge était survenu à cause de leur conduite inappropriée. Si bien que l’on se serait attendu à ce que les survivants aient pour priorité de s’assurer du bien-être spirituel de leur génération et que ce soit là leur but dans la vie.

Mais leur état d’esprit était bien éloigné de ces perspectives. Leur seul but était d’atteindre l’immortalité dans les annales de l’histoire et c’est pour cette raison que D.ieu fut mécontent de leur conduite.

 

La nécessité d’un objectif supérieur

La leçon est évidente. Quand quelqu’un est sauvé d’une catastrophe, il doit faire en sorte de s’assurer que la situation qui a mené à ce « Déluge » ne se reproduise pas. Construire une ville et une tour avec pour seul but qu’elles soient grandes et imposantes ne sert pas cet objectif. Pour que la construction résiste, elle doit être motivée par des aspirations plus élevées. Cela permet de transformer les forces inhérentes à la grandeur de la ville en influences positives.

Construire la ville de la sainteté

Les concepts de « ville » et de « tour » ont leurs équivalents dans le domaine de la sainteté. La ville de notre D.ieu est imprégnée de sainteté. Une telle ville requiert une tour, c’est-à-dire une synagogue et une maison d’étude, comme cela apparaît dans la loi qui stipule que la synagogue doit être un bâtiment plus élevé que tous les autres de la ville.

Dans chaque ville, il faut donc qu’il y ait des synagogues, des lieux d’étude et des Yéchivot. Il est nécessaire de consacrer nos talents et notre énergie à agrandir et donner de l’importance à ces structures de sorte qu’elles se présentent comme des tours dont il est dit : « le Nom de D.ieu est une tour de puissance, les justes s’y précipitent et sont sauvés ».

Ce sont des tours qui offrent de réelles protections, pas seulement contre les ennemis visibles mais également contre ceux qui cachent leurs intentions.

Choisir ses priorités dans ce sens a deux bénéfices. Parce que l’on accomplit la volonté de D.ieu, on rencontre plus de succès dans la construction de la ville et de la tour de sainteté. De plus, l’on reçoit la récompense qu’implique la déclaration : « faisons-nous un nom » car le nom de ceux qui s’impliquent dans de telles entreprises sera immortalisé dans les annales du Judaïsme et de la Torah et dans les souvenirs d’actes justes et droits. Tous ceux qui aident à construire la ville et la tour éternelles de la foi recevront une mesure de cette éternité.

Doubles bénédictions

Nous devons construire des Yéchivot dans lesquelles les enfants sont entraînés à étudier la Torah qu’ils pourront répandre dans le monde. Les Yéchivot sont la tour d’une ville. Elles doivent donc être plus grandes et plus importantes pour pouvoir ouvrir de nouvelles classes et accepter davantage d’étudiants. Comme nous l’avons précédemment mentionné, apporter son aide à la tâche de construire des tours de sainteté apporte une double bénédiction : celle d’accomplir la volonté de D.ieu et les dividendes que cela rapporte dans nos affaires personnelles. Et plus que tout, ces activités gagneront une dimension éternelle, pour avoir été consacrées au Judaïsme.

Que D.ieu vous accorde le succès dans la construction des Yéchivot et accroisse vos moyens. Ainsi, lors de notre prochaine rencontre, nous ne penserons pas simplement à couvrir les déficits mais à élever des tours de Torah encore plus hautes.

Que D.ieu nous accorde le succès dans notre tâche et également dans nos entreprises personnelles.


 Qu’est-ce que le Maasser ?

La Torah demande qu’on prélève au moins 10 % de ses revenus (salaires, allocations, rentes, gains divers) pour des causes charitables : c’est le Maasser (1/10ème).

On peut évidemment le donner à des gens nécessiteux. On peut aussi le réserver pour l’accomplissement de Mitsvot mais pas pour des Mitsvot obligatoires : ainsi on ne peut pas s’acheter des Téfilines avec l’argent du Maasser mais on peut en acheter pour des personnes qui n’en ont pas les moyens.

On peut acheter des livres de Torah avec l’argent du Maasser à condition que ceux-ci soient disponibles pour les autres, par exemple dans une synagogue, une école juive ou une bibliothèque. On peut aussi consacrer cet argent à la construction ou l’entretien de structures nécessaires à la vie juive : synagogues, Mikvé, écoles etc.

On ne peut pas payer l’écolage de ses enfants avec l’argent du Maasser car le père a l’obligation de s’occuper de l’éducation de ses enfants. Cependant, s’il préfère envoyer ses enfants dans une meilleure école (et donc plus chère), il peut déduire la différence de son Maasser. De même, il peut déduire le prix du transport ou des cours particuliers de Kodech (les matières saintes) pour que l’enfant profite mieux de ses études.

Le Maasser n’est pas la Tsedaka (charité) : celle-ci s’effectue en plus du Maasser, sur une base volontaire. Ainsi il est recommandé de mettre une (ou plusieurs) pièces dans la Tsedaka avant la prière, avant d’accomplir une Mitsva (allumage des bougies de Chabbat par exemple), avant d’entreprendre un voyage…

(d’après Rav Yossef S. Ginsburgh – Sichat Hachavoua N° 1576)


 Le sens des affaires

Je suis un homme d’affaires, un industriel.

Malgré les sombres pronostics des connaisseurs en la matière et malgré notre propre sens des affaires, nous avons investi en Israël, sachant à l’avance que c’était un investissement à perte. Nous l’avons envisagé comme un don charitable, une façon de donner la Tsedaka parce que, logiquement, cette affaire n’avait aucune chance de rapporter un jour des bénéfices.

Alors pourquoi l’avons-nous fait ?

Nous nous sommes lancés dans cette entreprise parce que le Rabbi nous avait demandé de le faire et parce que nous écoutons le Rabbi. Et malgré les prédictions les plus pessimistes, malgré notre sens des affaires qui nous assurait qu’il n’y avait aucune chance, nous avons réussi. Et pas seulement en termes israéliens mais même à l’échelle de valeurs des États-Unis, D.ieu merci !

La seule explication que je puisse trouver, c’est que la terre d’Israël est particulièrement bénie par D.ieu, ce que le Rabbi pouvait comprendre bien mieux que n’importe quel homme d’affaires averti. D’autant plus que le Rabbi avait lancé et suivi cette affaire depuis le début.

Tout commença en 1951, avec le décès de ma mère alors que je n’avais que quatre ans ; mon père, survivant de la Shoah, se retrouvait seul pour s’occuper de nous, ses trois jeunes enfants. C’était un ‘Hassid de Bobov et nous habitions dans le quartier de Bushwick, à Williamsburg. Un ami lui suggéra d’aller demander une bénédiction au nouveau Rabbi de Loubavitch qui venait d’accepter de succéder à son défunt beau-père. Le Rabbi voulut lui donner cinquante dollars mais mon père refusa : il était trop fier pour prendre de l’argent. Cependant, le Rabbi le bénit et cette bénédiction a accompagné notre famille depuis ce jour.

Moi-même, je me suis marié avec la fille de Rav David Deutsch qui était particulièrement proche du Rabbi et qui possédait une affaire de plastiques dans laquelle il m’embaucha.

Après la terrible guerre de Kippour en 1973, mon beau-père demanda au Rabbi que pouvait-il faire pour aider Israël. Il pensait que le Rabbi lui conseillerait d’envoyer des chèques conséquents à des organisations Loubavitch charitables opérant en Terre Sainte mais le Rabbi répondit : « Ouvrez une affaire en Israël. Les nouveaux immigrants ont besoin de travail. Construisez une usine, vous réussirez et vous permettrez à de nombreuses familles de vivre correctement ! ».

Mon beau-père estimait que c’était une entreprise insensée et, au début, négligea de s’en occuper. Mais le Rabbi insistait et, à chaque fois que nous allions demander une bénédiction, il demandait : « Rav David, où en est l’affaire en Israël ? ». Or ni mon beau-père, ni aucun de ses fils ou gendres n’était intéressé par celle-ci. Tous nos conseillers financiers nous prévenaient que c’était de la folie. Donc mon beau-père expliqua au Rabbi que nous nous en occupions – ce qui était vrai – mais que nous avions des problèmes avec la bureaucratie israélienne – ce qui était vrai aussi. Pour commencer une affaire sur place, nous avions besoin de papiers à n’en plus finir, de permis du gouvernement, de l’approbation de ministres et de municipalités. J’étais responsable de ce projet et, après des voyages incessants, je conseillais à mon beau-père de tenter de convaincre le Rabbi que c’était impossible. Moi-même j’en discutai avec le Rabbi en 1976 mais, loin de se laisser apitoyer, le Rabbi répliqua : « Comment voulez-vous monter une affaire là-bas sans vous trouver sur place ? ». Je tombais des nues mais le Rabbi poursuivit : on était en été et c’était le moment idéal pour monter en Israël – au moins pour un an – puisque les enfants pourraient commencer l’année scolaire en septembre ! Pour moi, ce projet d’Alyah à la va-vite était pire qu’une peine de prison mais, pour ma femme, c’était une très bonne idée ! Ainsi, suite au conseil du Rabbi, nous avons déménagé à Na’hlat Har ‘Habad à Kyriat Malachi dans un appartement qui n’occupait que le quart de la surface de notre maison à Crown Heights.

Au bout d’un an, je n’en pouvais plus et je suppliai presque le Rabbi de nous laisser rentrer « chez nous ». Il répondit énigmatiquement : « Les mauvais moments sont passés maintenant. Tout deviendra plus facile à partir d’aujourd’hui ! ».

Et c’est effectivement ce qui se passa. Toutes les portes s’ouvrirent pour nous, aussi bien dans les ministères et les mairies que les banques. Mon carnet d’adresses se remplissait des noms de personnalités prestigieuses. A un moment donné, on me présenta au Premier ministre, le regretté Mena’hem Begin qui me stupéfia en m’annonçant : « La dernière fois que j’étais chez le Rabbi, il m’a parlé de vous ! J’espère que, dorénavant, vous n’aurez plus de problèmes ! ».

C’est ainsi que notre usine – Flocktex Industries – démarra enfin et produisit le célèbre tissu IMPALA, une sorte de velours dense et souple, spécialement destiné à la fabrication de rideaux car il ne laissait pas passer la lumière bien qu’il ne fût pas doublé. De plus, nous étions les premiers au monde à l’avoir mis au point et il fut très demandé, surtout en Angleterre mais aussi dans le monde entier. Au début, le marché anglais fut difficile à percer parce qu’on nous y demandait un traitement ignifuge. Nous avons réussi à mettre au point un procédé et l’avons testé dans nos laboratoires mais nos clients se montraient encore méfiants, exigeant un certificat de leurs propres experts. Par trois fois, je demandai une bénédiction au Rabbi qui se montra très étonné de cette requête : je réalisai alors que, pour une raison que j’ignore, le test anglais n’était pas conduit correctement. J’envoyai donc notre principal chimiste sur place pour surveiller la procédure qui finit par s’avérer concluante.

Après ce succès chèrement gagné, la demande explosa littéralement et nous avons construit une deuxième puis une troisième usine. Aujourd’hui, nous ne sommes pas la plus grosse entreprise privée en Israël mais notre velours est considéré comme le meilleur en termes de qualité et de style, ce qui nous vaut une réputation internationale.

Tout ceci ne serait pas arrivé sans le conseil, la détermination et la bénédiction du Rabbi. Nos conseillers financiers nous avaient unanimement suppliés de convaincre le Rabbi qu’il ne comprenait rien aux investissements et à la finance et qu’aucune affaire ne pouvait réussir en Israël.

Bien que nous en étions persuadés nous aussi, nous avons suivi le conseil du Rabbi. Et grâce à cela, nous procurons du travail à plus d’une centaine de familles. Tout le mérite en revient au Rabbi.

Meïr Zeiler - JEM

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018