Quelle rentrée ?

Dans notre société de confort, et souvent d’oubli, la fin des vacances sonne généralement comme un rappel austère. Quel qu’ait été le contenu réel de la période écoulée, nous l’avons vécue comme une grande respiration, traversée comme un espace de liberté. Et puis voici que les règles sociales revendiquent leur place. Nous allions à l’aventure, il nous faut retrouver des rails bien familiers. Alors, après la grandeur des libres horizons, la petitesse du quotidien ? Après la richesse des couleurs du monde, la grisaille des villes ? Autant dire que le jour céderait la place à la nuit et le goût du bonheur à l’acceptation d’une forme de désespérance. Mais, cette année, tout prend avec éclat un autre sens.

Cette rentrée est liée à un nom qui lui donne comme un titre de noblesse : Elloul. Le dernier mois de l’année juive a commencé et il nous reste à en parcourir l’essentiel avant les grands rendez-vous d’automne : Roch Hachana et Yom Kippour. Certes, ce mois, semble-t-il, n’est constitué que de jours profanes rythmés par le Chabbat. Cela n’est qu’apparence. Il est ce temps privilégié où nous sommes invités à faire retour vers D.ieu et sur nous-mêmes. Le Cantique des cantiques le dit au fil de sa métaphore inspirée : « je suis à mon Bien-Aimé et mon Bien-Aimé est à moi. » Ce sont les mots venus du plus profond du cœur, de l’essence de l’âme que chaque Juif adresse à son Créateur en ces jours si particuliers. Car nous en avons reçu la force. Les treize attributs de la miséricorde Divine illuminent le monde à présent plus que jamais, soulignent les commentateurs.

C’est dire que le monde vient juste de changer de couleur. Peut-être l’été a-t-il été le moment de repos utile, voici venu celui de l’action indispensable et éternelle. Car il ne faut pas se méprendre. Nous sommes tous tendus dans l’attente de l’année rêvée, cette année nouvelle qui verra le couronnement de tous nos espoirs ; c’est aujourd’hui que cela se joue. Le mois d’Elloul en est la clé d’entrée. Et, toute force d’ores et déjà présente, le chemin nous est de longtemps tracé. Il porte des noms familiers : prière, charité, étude. Mais ces mots brillent d’une lumière nouvelle : ils incarnent l’œuvre d’Elloul. Cela ne dépasse pas nos capacités car elles aussi ont changé de dimension. Le « Bien-Aimé » attend chacun, allons à Sa rencontre. Le meilleur est au-devant de nous.


 L’éducation juive et la venue de Machia’h

Décrivant le temps de Machia’h, D.ieu dit (Isaïe 44:3) : « Je déverserai Mon esprit sur ta descendance et Ma bénédiction sur tes générations ». Dès la première lecture du verset, il est clair que sont ici désignés les enfants.

Or, on connaît le principe selon lequel toutes les révélations de ces temps futurs dépendent de nos actions et de notre effort d’aujourd’hui (Tanya chap. 37). C’est dire à quel point l’éducation juive assurée aux enfants est un impératif pour chacun.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch
 Chabbat Parchat Vayikra 5740)


 Ki Tétsé

74 des 613 Commandements (Mitsvot) de la Torah sont présents dans cette Paracha. Ils incluent les lois de la belle captive, les droits d’héritage de l’aîné, du fils entêté et rebelle, de l’enterrement et de la dignité du défunt, de la manière de rendre un objet perdu, de renvoyer l’oiselle du nid avant de prendre son petit, du devoir d’ériger des barrières de sécurité autour du toit de sa maison et les différentes formes de Kilayim (les greffes végétales et animales interdites).

Sont également développées les procédures judiciaires et les pénalités encourues en cas d’adultère, abus ou séduction d’une jeune-fille et si un mari accuse sa femme, de façon erronée, d’infidélité. Ne peuvent se marier avec quelqu’un de lignée juive : un Mamzer (né d’une relation adultérine ou incestueuse), un homme descendant de Moav ou d’Amon, ou de première ou seconde génération d’Edom ou d’Egypte.

Notre Paracha comporte également les lois qui veillent à la pureté d’un camp militaire, l’interdiction de retenir ou de faire revenir un esclave fugitif, le devoir de payer un travailleur en temps dû et de permettre à celui qui travaille pour nous, homme ou animal, de « manger par le travail », la façon correcte de traiter un débiteur et l’interdiction de prendre des intérêts pour un prêt, les lois du divorce (dont sont également dérivées de nombreuses lois du mariage), la pénalité de trente-neuf coups de fouet pour avoir transgressé une interdiction de la Torah et la procédure du yibboum (« mariage lévirat ») et la 'Halitsa (déchaussement) pour le beau-frère qui ne souhaite pas épouser sa belle-sœur veuve sans enfant.

Ki Tétsé se conclut avec l’obligation de « se souvenir ce qu’Amalek t’a fait sur la route, à votre sortie d’Egypte ».

La guerre et ses défis

La Paracha de cette semaine commence par les mots : « Quand tu sortiras en guerre sur tes ennemis… et que tu prendras des captifs » et évoque les lois régissant la conduite des Juifs en temps de guerre. Malgré le désir et l’aspiration du Judaïsme à la paix universelle, la Torah impose des règles précises concernant la guerre.

Elle n’institue pas seulement ces lois par nécessité, parce que la possibilité de conflit existe dans le monde en général. Mais au contraire, D.ieu nous commande de mener certaines guerres (Mil’hemet Mitsva), indiquant clairement qu’à certaines époques, Il désire que l’on parte en guerre.

Cela va encore plus loin puisque la Torah mentionne des directives pour les guerres qui ne sont pas directement enjointes (Mil’hemet Rechout). C’est d’ailleurs d’une telle guerre dont il est question dans la Paracha de cette semaine. Ici, nous est accordée la permission de nous engager dans une bataille pour un but que la Torah ne considère pas comme une absolue nécessité.

Pourquoi une telle permission est-elle accordée

et que peut-on tirer d’une telle guerre ?

Chaque fois qu’il est question de guerre, il est également question d’un danger inhérent. C’est pour cette raison que la Torah exempte un jeune marié, un individu qui vient de construire une nouvelle maison etc. de partir au combat.

Par ailleurs, une bataille occasionne des destructions dans le monde en général. Quels sont donc le dessein et la valeur de telles guerres ?

Ces questions peuvent trouver une réponse par le biais d’une analyse abstraite de la guerre. La guerre est un conflit entre deux natures qui s’opposent. Parfois, lorsqu’une entité désire exercer de l’influence sur une autre entité, cela peut se faire pacifiquement. La seconde accepte les idées de base de la première et modifie progressivement son comportement jusqu’à, finalement, utiliser ses forces pour servir le même but.

Cependant, quand les deux forces s’opposent diamétralement et que l’une tente d’exercer son influence sur l’autre, cela dégénère en un conflit.

Dans son sens ultime, le concept de la guerre reflète les efforts pour transformer le monde matériel en une résidence pour D.ieu. Tel est le but de la création, le dessein de notre vie ainsi que de toute existence. Certains éléments existants peuvent être raffinés et redirigés vers la sainteté, dans une démarche graduelle et pacifique. Mais dans ce monde, il existe des éléments, comme l’égocentrisme, la recherche de gratification personnelle, par exemple, qui s’opposent frontalement à la Divinité. Dans leur forme présente, ils ne peuvent être raffinés ou élevés mais plutôt, pour emprunter une expression de nos Sages : « seule par la destruction peuvent-ils être purifiés ».

C’est là la conception de la Torah pour la guerre : un combat pour transformer le plus petit élément existant en une demeure pour D.ieu. C’est pour cette raison que la Torah ordonna aux Juifs de mener des guerres pour conquérir Erets Israël, pour transformer une terre, connue pour sa dépravation, en une terre « où les yeux de l’Eternel ton D.ieu sont posés depuis le début de l’année jusqu’à la fin de l’année ». Plus encore, quand bien même aucun ordre explicite n’est émis pour aller en guerre, le potentiel est également donné d’étendre les frontières de la sainteté et d’englober des régions précédemment gouvernées par la matérialité.

Cette conception de la guerre s’applique également à notre propre vie. A propos du verset : « Et vous verrez la différence entre celui qui sert D.ieu et celui qui ne Le sert pas », nos Sages commentent : « Celui qui sert D.ieu est celui qui révise son sujet cent une fois. Celui qui ne Le sert pas ne révise son sujet que cent fois ».

Dans le Tanya, Rabbi Chnéor Zalman explique que dans ce domaine, il était courant qu’un étudiant révise son sujet cent fois. C’est pourquoi, c’était la cent-unième fois, la fois où il dépassait son habitude et sa pratique usuelles qui lui permettait de se distinguer comme « celui qui sert D.ieu ». Son aspiration à s’élever au-dessus de sa nature et de ses habitudes personnelles lui valait le mérite d’être récompensé d’un tel titre.

Une personne doit se lancer à elle-même des défis. Un progrès graduel ne suffit pas. Pour « servir D.ieu », il nous faut briser notre nature et montrer qu’il n’y a aucune limite à notre engagement pour Lui. Quand le service d’une personne se confine aux limites de sa nature et de ses habitudes, elle se sert elle-même autant qu’elle sert D.ieu. Ce n’est que lorsque l’on se dépasse soi-même, que l’on dépasse l’image de soi et que notre personnalité elle-même n’est plus conséquente pour nous, que nous pouvons nous dépasser et que nous pouvons être appelés : « celui qui sert D.ieu ».

Ce service révèle le potentiel divin essentiel et illimité que chaque Juif possède dans son âme. Transcender les limites de sa nature révèle l’existence d’un potentiel qui est au-delà du concept des limites lui-même.

La Torah nous assure que nous possédons ce potentiel. C’est ce qu’implique l’expression « sur tes ennemis ». Grammaticalement, l’on aurait attendu « contre tes ennemis » ou « avec tes ennemis ». Mais la Torah utilise une construction quelque peu bizarre pour nous enseigner qu’avant même que ne commence la guerre, un Juif doit savoir qu’il se tient au-dessus de ses ennemis. Il possède un potentiel divin fondamental, infini qui, s’il est sollicité, lui assurera le succès dans n’importe quel conflit auquel il sera mêlé.

Dans ce contexte, l’on comprend que la guerre soit une partie du cheminement nécessaire pour parvenir au raffinement total du monde. C’est ainsi que le processus de la Révélation messianique implique une étape où « il combattra les guerres de D.ieu et en sortira victorieux ». Toutefois, dans son sens ultime, la guerre n’est qu’un phénomène temporaire. Quand Machia’h aura établi sa direction : « il n’y aura ni guerre ni envie ni compétition… et l’occupation du monde entier sera exclusivement consacrée à connaître D.ieu ».


 Quelles sont les coutumes du mois d’Elloul ?

A partir du premier jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année Chabbat 11 août 2018) on ajoute après la prière du matin et de l’après-midi le Psaume 27, et ce jusqu’à Hochaana Rabba (cette année dimanche 30 septembre 2018) inclus.

Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d’Elloul – cette année, à partir du dimanche 12 août 2018 – 3 Tehilim (Psaumes) et ce, jusqu’à la veille de Yom Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.

A partir du second jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année dimanche 12 août 2018), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.

Dans un discours ‘hassidique, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi explique que, durant tout le mois d’Elloul, « le Roi est dans les champs », c’est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d’entre nous, accueille chacun avec un visage bienveillant et nous pouvons tout Lui demander. C’est pourquoi il est plus facile d’opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.

On a l’habitude de faire vérifier par un Sofer (scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines.

On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d’être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.


 Un signe et encore un signe…

C’était il y a neuf ans (en Tichri 2008). Je fus abordé par un ‘Hassid de Loubavitch qui me proposa son aide pour accomplir une Mitsva, en l’occurrence mettre les Téfilines. Cela ne m’était encore jamais arrivé et je fus touché par sa sincérité et son enthousiasme. Grâce à ce premier contact, je commençai à fréquenter sa synagogue et à accomplir d’autres Mitsvot avec joie.

Cependant, ma femme et mes enfants n’étaient pas du tout attirés par ce nouveau style de vie. Ils respectaient mes choix, évitaient de me demander de sortir en voiture avec eux le Chabbat mais ne se privaient pas d’acheter, téléphoner etc. ce jour-là. Ma femme savait que je tenais à prendre des repas spéciaux le Chabbat mais ne comprenait pas pourquoi j’insistais qu’elle les prépare vendredi au lieu de manger des repas frais cuits le jour-même. Nos enfants continuaient à jouer et à sortir avec leurs camarades le samedi et n’admettaient pas que certains aliments leur soient maintenant interdits.

Bref, autant dire que l’atmosphère à la maison devenait pénible : on continuait à me respecter en tant que chef de famille – qui pourvoyait généreusement aux besoins de toute la maisonnée – tout en considérant que je perdais la tête…

Durant sept ans, je tins bon : je mettais les Téfilines tous les jours de semaine, j’étudiais régulièrement la Torah, je veillais à ne manger que cachère mais, progressivement, je perdais mes amis et je sentais que notre vie de famille devenait trop stressante.

Au point qu’il y a deux ans, alors que je passais par une situation difficile, je demandai silencieusement à D.ieu : « Donne-moi un signe ! Montre-moi que Tu apprécies mon style de vie ! C’est trop difficile d’être le seul de la famille à pratiquer Ta Torah ! Donne-moi un signe ! ».

Non, il n’y eut ni tonnerre ni éclairs, ni Voix Céleste qui m’interpelait avec majesté. Le doute s’installa dans mon esprit : après tout, ils avaient peut-être raison et c’était moi qui agissais avec un esprit d’un autre âge. Ne suffisait-il pas d’être bon, courtois et gentil, de respecter les autres et de tenir la porte ou de renvoyer l’ascenseur ? Pourquoi se conduire différemment des autres et ne pas manger avec eux ? Je décidai d’arrêter tout cela et, sans même avertir ma chère épouse de ma décision (qui allait sûrement la ravir), je pris la voiture pour aller manger dans ce restaurant en ville que j’aimais tant « avant », avant que je ne devienne « fanatique »…

A ce moment, le rabbin de la synagogue Loubavitch me téléphona. Vous devez comprendre que jamais, depuis sept ans que je le connaissais, il ne m’avait téléphoné. Non pas qu’il ne s’intéressait pas à moi : bien au contraire, nous discutions souvent ensemble à la synagogue ou dans la rue mais, peut-être pour ne pas me déranger, il ne m’avait jamais téléphoné. Ma première réaction fut que c’était peut-être là le signe d’en-haut mais non, il voulait juste me demander si je connaissais quelqu’un etc. Je démarrai en direction du restaurant.

Dix minutes plus tard, un des fidèles de la synagogue me téléphona. Etait-ce le signe que j’attendais ? Non, il voulait juste m’informer des horaires des prochains cours. Donc ce n’était pas le signe que j’attendais.

J’arrivai devant le restaurant et entrepris de me garer dans le parking. Et un troisième appel : cette fois, c’était le premier Loubavitch que j’avais rencontré, celui qui m’avait introduit à cette façon plus rigoureuse de pratiquer le judaïsme et qui m’avait fait découvrir la richesse de l’étude de la Torah. Il me proposait d’assister à la Bar Mitsva de son fils. Mazal Tov, lui dis-je tout en me dirigeant vers l’entrée du restaurant.

Je commandais un steak bien saignant.

Comme tout le monde le sait, il faut un certain temps pour préparer un repas solide et, en attendant, je commandai une salade qui serait prête d’ici cinq minutes, me promit-on. Je bus un verre d’eau pour passer le temps.

Une minute plus tard, un jeune homme entra en trombe dans le restaurant. Il se dirigea droit vers moi et me demanda : « Etes-vous juif ? ». Je ne portai évidemment pas de Kippa ou tout autre signe extérieur : pourquoi m’avait-il « visé » moi plutôt que tout autre client ? Mais en constatant combien il semblait bouleversé, je répondis oui, sans réfléchir davantage.

Il m’apprit alors que, sur le trottoir, un homme âgé était étendu par terre mais ne parlait qu’une langue étrange, « peut-être la langue des Juifs » et qu’il fallait l’aider à se relever. Je me levais immédiatement (de toute manière, il me fallait attendre vingt bonnes minutes pour mon repas) et je suivis le jeune homme. Effectivement, le vieil homme ne parlait que l’hébreu et se plaignait d’avoir été victime d’un malaise. Je proposais mon aide pour le relever et il me demanda de l’accompagner jusqu’à sa voiture : non, il n’avait pas de fracture de la jambe et pouvait marcher et conduire jusque chez lui. Je remerciai le jeune homme qui l’avait remarqué en premier et je m’assurai que le blessé était bien installé dans sa voiture.

Et mon protégé d’annoncer : « Je ne sais comment vous remercier ! Vous avez été si gentil pour moi ! Je n’ai pas beaucoup de moyens mais je voudrais vous donner quelque chose qui vous fera certainement plaisir ! Il y a quelques années, je devais aller à New York. Mes amis m’ont convaincu que, dans ce cas, je devais aller le dimanche matin auprès du grand Rabbi pour recevoir sa bénédiction. Effectivement, j’y suis allé, j’ai fait la queue ; le Rabbi m’a béni et m’a donné un billet d’un dollar à remettre à la Tsedaka (charité). Bien entendu, j’ai gardé son billet et en ai mis plusieurs autres à la Tsedaka. Je pense que vous comprendrez la valeur de ce cadeau : je vous remets le billet que le Rabbi m’avait donné ! ».

Vous vous rendez compte ? Après avoir remercié mon nouvel ami, je remontai dans ma voiture, submergé par l’émotion. Je réalisai alors que D.ieu m’avait envoyé trois signes sans que j’y prête attention. Alors D.ieu m’avait envoyé un message directement par le Rabbi de Loubavitch, avec un dollar en plus ! Il n’y avait plus de doute, mes soi-disant « sacrifices » avaient été appréciés et je ne devais pas céder à la facilité. La situation allait certainement s’améliorer d’une façon ou d’une autre – et certainement pas avec un steak bien saignant mais non-cachère ! Le Rabbi lui-même s’occupait de moi !

Récit rapporté par Chalom Dovber Avtzon

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018


 Choftim

Moché donne l’instruction de nommer des juges et des officiers de police dans chaque ville (chaque portail). La justice doit s’accomplir rigoureusement.

Dans chaque génération, des hommes seront chargés d’enseigner la loi. Il faudra les écouter scrupuleusement.

La Paracha comprend également l’interdiction de pratiquer l’idolâtrie et la sorcellerie, les lois de nomination du roi, l’obligation de construire des villes de refuge.

Sont précisées les lois régissant la guerre.

La Paracha se conclut par la loi concernant la découverte, dans un champ, d’un assassinat dont on ignore l’auteur et la responsabilité de la communauté dans ce cas.

 

Le jugement et son application

 

Mesurer

Depuis sa création, l’homme a ressenti le besoin de chercher la vérité. Cependant, il doit en même temps faire face aux limites de sa propre subjectivité et avoir la conscience que les perspectives qu’il découvre sont donc sujettes à ces limites.

En donnant la Torah, D.ieu fournit à l’humanité un standard de vérité absolue. Contrairement à notre point de vue subjectif, la Torah nous offre des valeurs et des directives objectives, valables dans toutes les situations, dans tous les lieux et à toutes les époques.

Quelle est la responsabilité humaine ? Juger. Se soumettre, lui et son environnement à un examen précis pour déterminer quelle est la conduite prescrite par la Torah. Ensuite, agir en fonction de ce jugement et entreprendre de modifier sa vie et son environnement. De cette manière, il s’élève et élève son environnement dans une connexion avec D.ieu qui transcende la conception humaine du bien.

Aux portes de la ville

Ces concepts se reflètent dans le nom de la Paracha de cette semaine, Choftim, « juges » et son verset d’introduction : « Nomme des juges et des officiers à tes portes ».

Mettre des juges aux portes d’une ville implique le désir que chaque élément de son fonctionnement soit conforme aux valeurs de la loi de la Torah. Les juges transmettront les édits de la Torah et les officiers veilleront à leur application.

C’est dans cet esprit que le Rambam (Maïmonide) utilise ce verset comme une preuve littérale du commandement de nommer des juges et une police dans chaque ville d’Erets Israël. Dans un sens plus large, ce verset sert également de leçon pour enseigner que chaque personne doit agir comme un juge et comme un policier dans son propre foyer, veillant à ce qu’il soit conduit selon les normes de la Torah.

Ce concept est approfondi par une interprétation de « tes portes » comme se référant aux organes sensoriels du corps : les yeux, la peau, le nez et la bouche. Ils servent de « portes » par lesquelles nous nous informons de notre environnement. Nous sommes enjoints de « nommer des juges » à ces portes de sorte que notre perception physique soit imprégnée des directives de la Torah.

De plus, la Torah utilise la deuxième personne du singulier dans l’expression « tes portes » pour signifier que ces efforts sont la responsabilité de chaque individu. Chaque personne est une ville en microcosme et doit « nommer des juges et des officiers » pour contrôler ses interactions avec le monde en général.

Le besoin de renforcement

Les juges, au sein de notre communauté et également dans notre propre personnalité ne peuvent se contenter d’un regard intérieur. Bien au contraire, nos Sages statuent qu’un juge doit « entourer son giron de bandes de fer, lever ses robes au-dessus de ses genoux et traverser les villes les unes après les autres… pour donner son enseignement au Peuple juif ».

Néanmoins, ce rayonnement comporte un inconvénient intrinsèque. Quelle est l’autorité du juge ? Les valeurs objectives dictées par la Torah. Et puisque la Torah est fondamentalement au-dessus de l’intellect humain limité, les hommes peuvent éprouver des difficultés à se lier aux directives du juge. Quand bien même ils en reconnaissant la vérité et admettent qu’ils devraient leur obéir, il se peut qu’il y ait un fossé entre cette prise de conscience et leur propre compréhension. Et cela peut empêcher l’application des directives.

Deux possibilités permettent de résoudre cette difficulté. La première est mentionnée dans le verset cité : désigner des officiers qui obligeront à exécuter les décrets des juges.

Cependant, cette approche présente une faiblesse. Car bien qu’obliger à respecter les valeurs de la Torah assure une conduite juste dans le monde en général, celui qui est astreint à le faire ne se raffine pas. Il ne s’y conforme que de manière superficielle.

Intérioriser la moralité

Une approche plus absolue est suggérée par un verset de Yichayahou (Isaïe) décrivant l’Ere de la Rédemption : « Et je ferai revenir vos juges comme dans les périodes antérieures et vos conseillers comme au commencement ». Cela implique que les valeurs édictées par les juges soient renforcées par des « conseillers ».

Un conseiller ne promulgue pas d’édits. Mais, comme son nom l’implique, il offre des suggestions constructives. Il est plus ou moins au même niveau que la personne qu’il conseille et lui parle comme un bon ami avec lequel il partage beaucoup de choses. Celui qui l’écoute se sent en confiance devant ses conseils et les accepte, non aveuglément, mais en comprenant qu’ils lui sont bénéfiques.

Ainsi, quand ces « conseillers » partagent et expliquent les lois promulguées par les juges, ces édits de la Torah ne changent pas seulement la conduite de la personne mais également son caractère.

L’esprit prophétique

La différence entre ces deux sortes d’observance : celle qui est coercitive et celle qui est comprise et consentie, peuvent s’illustrer en comparant la fonction d’un juge et celle d’un prophète, sujet également mentionné dans la Paracha.

Le Rambam propose deux fonctions du prophète :

  1. Enjoindre au peuple d’observer la Torah et ses Mitsvot, comme le proclame le prophète Mala’hi : « Rappelle-toi de la Torah de Moché, Mon serviteur ».
  2. Donner des conseils concernant la conduite dans les aspects matériels. « D.ieu nous a donné des prophètes à la place d’astrologues, de sorciers et de devins pour que nous puissions les interroger sur des sujets d’ordre général et précis ».

En ce qui concerne l’implantation de la loi de la Torah, le Rambam poursuit :

Le Saint béni soit-Il ne nous a pas permis d’apprendre des prophètes mais plutôt des Sages… Il n’est pas dit : « Et tu iras auprès du prophète de l’époque » mais plutôt : « et tu te rendras auprès… du juge de l’époque ».

Nous voyons donc un modèle qui ressemble à ce qui a été décrit plus haut : les Sages et les juges enseignent les édits de la loi de la Torah, prescrivant des modes de conduite. Et les prophètes apportent la parole de D.ieu à un niveau plus proche de l’expérience ordinaire des hommes, les encourageant à intégrer la Divinité dans leur vie quotidienne.

Un fondement de la foi fondamental

Pour insister sur l’importance de la prophétie, le Rambam statue : « L’un des fondements de (notre) foi est de savoir que D.ieu envoie Ses prophéties par l’intermédiaire d’hommes ».

Puisqu’il s’agit d’un « fondement de la foi », nous pouvons en conclure qu’il s’applique en tout temps. Nos Sages déclarent : « Depuis que les derniers prophètes, ‘Hagaï, Za’haria et Mala’hi, sont morts, l’esprit de prophétie a quitté Israël ». Néanmoins, le mot « morts » ne signifie pas qu’il a été totalement aboli. L’esprit de prophétie ne s’est pas interrompu mais il s’est plutôt élevé à un niveau supérieur.

Le message de nos juges et de nos prophètes

Tout ce que nous venons d’évoquer ne constitue pas un récit historique mais des idées particulièrement adéquates dans le temps présent. En avant-goût de l’accomplissement de la prophétie : « Et Je ferai revenir vos juges comme dans les temps anciens, et vos conseillers comme au commencement », dans la période précédant la venue de Machia’h, nous avons été pourvus de juges et de prophètes pour nous guider. Et bien souvent, ces qualités se trouvent personnifiées dans des individus particuliers comme les Rabbis.

Tout comme les juges, ces dirigeants nous ont donné des directives pour aujourd’hui. Et tout comme les conseillers, ils nous ont indiqué de quelle manière anticiper la Rédemption, dans notre vie et préparer un environnement qui permet de disséminer cet esprit de par le monde.

Publié dans 2018


 Reéh

Moché prévient les Enfants d’Israël de la bénédiction qu’ils recevront s’ils vont dans le chemin de D.ieu et de la malédiction, dans le cas inverse.

Puis il leur adresse le commandement d’ériger le Temple et d’y offrir des sacrifices.

Il indique les punitions qu’encourront les faux prophètes et les pratiques idolâtres.

Les signes pour identifier les animaux et les poissons Cacher sont rappelés ainsi que la liste des oiseaux Cacher.

Suivent la Mitsva du prélèvement de la dîme et du premier-né animal, celles de la charité, de l’année chabbatique.

La Paracha s’achève sur l’évocation des pèlerinages au saint Temple qui doivent avoir lieu à Pessa’h, Chavouot et Soukot.

 

Tout comme chaque jour comporte son propre type de service Divin, ainsi en va-t-il des douze mois de l’année. L’aspect particulier du mois d’Elloul peut se voir dans la Hala’ha (loi juive) où il est mentionné que : « A partir de Roch ‘Hodech Elloul, on récite de nombreux Seli’hot et Ta’hanounim (prières de pardon) pour demander la miséricorde. »

C’est pour cette raison que nous observons qu’au cours du mois d’Elloul, de nombreux érudits de la Torah utilisaient du temps, consacré normalement à l’étude, pour l’ajouter dans la prière et « demander la miséricorde ». Il est évident que cela incluait des demandes de bénédictions matérielles puisque comme le statue le Rambam, cela est le but principal de la prière.

Même un Juif qui ne comprend pas le sens des mots qu’il prononce fait preuve de cette intention. Il a dans l’esprit l’idée que D.ieu connaît ses besoins matériels et y pourvoira très certainement. Les bénédictions matérielles constituent un rôle important dans le service de D.ieu. Comme le déclare le Rambam, elles permettent au Juif « d’être libre pour étudier la Torah et accomplir les Mitsvot ».

Les bénédictions de D.ieu sont attribuées « mesure pour mesure », c’est-à-dire qu’elles correspondent aux actions de l’individu. C’est la raison pour laquelle, quand nous ressentons de la miséricorde pour autrui, cela éveille la miséricorde de D.ieu à notre égard.

Cela signifie, en particulier, l’accomplissement du commandement qui nous enjoint : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». L’expression « comme toi-même » doit être prise littéralement. Quand nous-mêmes avons besoin de quelque chose, nous n’entreprenons pas de nous asseoir et de méditer sur la question pour y réfléchir. Nous ressentons ce besoin immédiatement. Par exemple, si l’on a faim ou soif, la réflexion n’est pas nécessaire. Le ressenti est immédiat et nous agissons immédiatement pour rectifier la situation. La même démarche devrait s’appliquer lorsqu’il s’agit d’autrui. Nous devons être sensibilisés à ses besoins et agir immédiatement pour y pourvoir.

C’est ainsi que D.ieu accède à nos requêtes « mesure pour mesure ». Observant que nous avons fait preuve de miséricorde et d’amour, D.ieu agit de même à notre égard et nous bénit dans tous nos besoins.

Dans de nombreuses communautés, la coutume veut que l’on prononce des paroles de réprimande (Divré Moussar) au cours du mois d’Elloul. Mais au vu de ce qui précède, il faut prendre soin de s’assurer que cela est fait avec amour et de façon pacifique. C’est là l’une des explications de la proximité, dans le texte, du commandement d’Ahavat Israël (l’amour du prochain) avec celui de la réprimande. La réprimande ne se justifie que lorsqu’elle est faite avec amour pour la personne concernée et un véritable souci qu’elle se comporte correctement.

Pour le dire autrement, le commandement fondamental est celui d’Ahavat Israël. Parfois il s’exprime directement, par la gentillesse et parfois il passe par la réprimande. Puisque cette dernière naît de l’amour, il est évident qu’elle doit s’adresser de façon agréable et gentille.

Quand celui qui écoute prend conscience que celui qui lui parle tient réellement à son bien-être, il y a de bonnes chances pour qu’il accepte ses conseils et agisse adéquatement. L’expérience a prouvé que l’approche opposée, celle de la colère ou des insultes, n’a aucun effet concret. Et cette attitude est même interdite par la Torah !

Nous pouvons observer que le prophète Yichayahou fut puni pour avoir utilisé un langage désobligeant à l’égard du Peuple juif.

Pourtant c’était l’un des prophètes considérés comme particulièrement proche de D.ieu. De plus, ces paroles avaient été prononcées en privé, entendues par D.ieu seul. Il est sûr qu’il se devait de dire la vérité et c’est sans aucun doute ce qu’il fit. Cependant, puisqu’il utilisa des propos désobligeants, il en fut puni : l’on n’utilise pas de telles expressions à propos des enfants de D.ieu, le Peuple juif.

En résumé, Elloul est le moment approprié pour démontrer une mesure supplémentaire de bienveillance à l’égard d’autrui, à la fois dans ses besoins matériels et ses besoins spirituels.

Cela permettra l’accomplissement du verset (que l’on récite dans le Psaume particulier d’Elloul) : « Tu es ma lumière et ma délivrance ». « Lumière » se réfère à la révélation divine qui nous sera dévoilée dans les derniers jours de l’exil et « délivrance » évoque la révélation ultime de Machia’h.

Publié dans 2018


 Ékev

Moché poursuit son discours d’adieu en promettant aux Enfants d’Israël la prospérité en Terre d’Israël, s’ils suivent la voie de D.ieu.

Il leur fait également des reproches pour leurs erreurs passées. Mais il leur adresse des paroles soulignant le pardon de D.ieu.

Il leur rappelle la Manne qui leur enseigna que l’on vit exclusivement grâce à D.ieu.

Il décrit l’abondance de la Terre d’Israël et insiste sur la Providence Divine.

Il leur ordonne de détruire les idoles.

On lit également ici le second paragraphe du Chema. C’est également la source du précepte de la prière et on y trouve une référence à l’Ere Messianique.

 

Quand le talon devient une tête

Rien n’est immérité

L’un des principes fondamentaux de la pensée ‘hassidique est que toutes les révélations de la Divinité dépendent du service divin de l’homme. Même les révélations qui transcendent notre compréhension limitée, parce qu’humaine, doivent être attirées ici-bas par nos propres efforts.

Cela s’applique également aux révélations de l’Ere de la Rédemption. On verra alors que notre monde est la résidence de D.ieu. Et tout comme une personne révèle son être véritable dans sa propre maison, ainsi la véritable Essence de D.ieu, pour ainsi dire les aspects essentiels de Son Etre, sera-t-elle perçue dans ce monde matériel.

Ces révélations ne viendront cependant pas simplement comme une expression de la faveur divine. Mais elles devront avoir été initiées par nos actions et par notre service divin durant l’exil. Et c’est particulièrement la réponse aux défis que nous rencontrons dans notre époque, où nous pouvons entendre « les talons de Machia’h » qui s’approche, qui en précipitera la venue.

Répondre à la Divinité

Une personne intellectuellement honnête peut être poussée à demander : « notre service divin peut-il faire venir Machia’h ? Comment nos efforts pourraient-ils accomplir ce qui n’a pas été possible avant ? »

Si l’on considère l’étendue de l’engagement d’une personne dans le service divin, il ne fait aucun doute que les Juifs qui vivaient à l’époque du Beth Hamikdach possédaient un grand avantage : la Divinité pénétrait chaque aspect de leur être.

Mais, en exil, le service divin occupe moins la pensée consciente de la personne et est l’objet d’une moindre motivation extérieure. Pour nous, aujourd’hui, s’engager pour D.ieu et de façon constante, reflète l’œuvre d’un potentiel intérieur qui transcende le moi conscient. Un croyant moderne doit aller au-delà de tous les concepts de son « moi ». Ce ne sont pas ses pensées ou ses sentiments mais plutôt son moi profond, l’aspect de son être totalement identifié avec D.ieu, qui motive sa conduite.

Cela reflète une plus profonde dimension de l’âme et un engagement plus intense à D.ieu que ceux qui se révélaient à l’époque du Beth Hamikdach.

Un canal pour communiquer la puissance de l’âme

Ces concepts sont évoqués dans la Paracha de cette semaine, Ekev. Littéralement, Ekev signifie « talon » et se réfère à ce que l’on appelle « les talons de Machia’h », le temps où les pas de Machi’ah s’approchant se font entendre.

Cependant, les talons possèdent un avantage sur les autres membres du corps. Ce sont ceux qui obéissent le plus facilement à la volonté. Par exemple, il est plus facile de mettre son talon dans de l’eau extrêmement chaude ou extrêmement froide que n’importe quelle autre partie du corps.

Cependant, la ‘Hassidout explique qu’il existe une plus grande dimension à l’absence de réponse du talon. Il n’est structuré que pour exprimer la force de la volonté. Notre volonté est un canal qui exprime notre âme et parmi tous les membres du corps, c’est le talon qui exprime l’obéissance la plus active à ce potentiel.

Notre esprit et notre cœur sont les agents d’expression de nos potentiels conscients. Nos talons, quant à eux, expriment notre volonté intérieure qui transcende la pensée consciente.

De la même façon, dans l’analogie, ce sont les âmes qui sont comparées aux « talons », les gens vivant à l’époque des « talons de Machia’h », dont l’engagement exprime la force intérieure et manifeste l’infini potentiel de l’étincelle divine qui réside en chacun d’eux.

Une juste récompense

D’autres interprétations soulignent que le mot Ekèv se réfère à « la fin des jours », lorsque nous recevrons la récompense ultime pour l’observance de la Torah et des Mitsvot. En fait, le début de la Paracha se concentre sur cette récompense.

La santé, le succès et le bien-être matériel mentionnés dans la Torah sont un élément catalyseur, rendant possible notre observance. Car lorsqu’une personne s’engage à observer la Torah et les Mitsvot, D.ieu modèle son environnement pour l’y encourager.

Ces bienfaits ne sont pas une fin en soi mais une aide pour que l’homme atteigne son but ultime : le service de D.ieu.

Les véritables bienfaits nous parviendront à l’Ere de Machia’h, lorsqu’il n’y aura ni famine ni guerre, ni envie ni compétition, car les bonnes choses couleront en abondance et tous les délices seront aussi accessibles que la poussière.

Publié dans 2018

 S’ouvrir aux vacances authentiques

Cela semble une évidence tant l’idée a été répétée : le calendrier juif rythme littéralement notre vie. Il fait se succéder les jours comme autant de raisons de mieux vivre, leur donne le couronnement du Chabbat comme un espace privilégié de sérénité et de sainteté, des fêtes comme des réceptacles nouveaux d’une lumière Divine précieuse. C’est bien ce calendrier qui est notre éternelle référence. Et pourtant, au long des âges, nous avons aussi appris à suivre les rythmes de la société, ceux que scandent d’autres mois dont les noms murmurent d’autres histoires. Ils sont pourtant également là, ancrés sinon dans notre conscience du moins dans notre appréhension du monde.

C’est ainsi que la période actuelle ne peut que nous rappeler la venue prochaine de l’été, de cette pause instaurée par l’usage qui voit se ralentir l’activité et enfin donner à tous cette liberté tant espérée. Cela s’appelle les vacances et le mot lui-même renvoie à la notion de vide à combler. Elles concernent petits et grands et contribuent largement à poser les bases de l’année qui continuera à leur suite.

C’est dire que les choisir dépasse largement la simple découverte d’un lieu et d’une activité aptes à satisfaire le plus grand nombre. Les choisir, c’est définir l’utilisation que l’on fera de ce temps où tout, ou presque, semble permis. Ainsi, comme souvent, le choix se résume finalement en deux termes : oublier ou garder conscience. L’oubli est toujours temporaire et ne porte pas en lui les réponses qui permettraient d’avancer. La conscience emmène aussi loin qu’on le désire. Alors, avant que tout cela commence vraiment, avant qu’on se laisse entraîner par la norme sociale, il faut sans doute prendre le temps d’y réfléchir.

Il n’est pas question ici de « sacrifice », simplement de retrouver ce que l’on est. La liberté permet tant de choses et apporte tant qu’il faut savoir ne pas s’en priver. Les enfants voient s’ouvrir des centres aérés au si beau nom : « Gan Israël ». Les adultes découvrent une offre qui s’élargit chaque année où « vacances » rime précisément avec « conscience », des vacances où le culte du corps n’est pas la seule voie. Le temps de tous les possibles va bientôt commencer. Aujourd’hui, le meilleur est à notre portée. Il suffit de le choisir. Peut-être est-ce là le plus difficile mais l’être humain n’est-il pas capable de transformer et le monde et lui-même ? Incontestablement, l’œuvre en vaut la peine.


 « Y croire… Attendre sa venue »

On relève que Maïmonide, dans le Michné Torah (Hil’hot Mela’him, chap. 11), souligne la nécessité d’une double démarche en ce qui concerne notre rapport avec la venue de Machia’h : « Y croire… Attendre sa venue ». Cette juxtaposition de deux impératifs dont le contenu est pourtant si proche doit être analysée. En effet, il ne s’agit pas là d’une simple répétition qui aurait pour but, par exemple, d’insister sur l’importance de l’idée.

En fait, il y a bien ici la mise en lumière de deux nécessités parallèles. Cela signifie que, de même que l’obligation de croire dans le Machia’h est constante, ainsi celle d’attendre sa venue ne l’est pas moins.

(d’après Likoutei Si’hot vol XXVIII, p. 131)


 Vaet’hanane

Moché dit aux Enfants d’Israël que D.ieu ne lui a pas permis d’entrer en Terre Sainte et qu’il ne pourra contempler que du haut d’une montagne. Il poursuit la répétition de la Torah, évoquant les événements sans précédent qui se sont produits depuis la sortie d’Egypte. Il prédit que des générations futures se détourneront de D.ieu, pratiqueront l’idolâtrie, perdues parmi les nations, mais qu’elles reviendront à D.ieu et à Ses commandements.

La Paracha inclut les Dix Commandements, le Chema Israël, les Mitsvot de l’amour du prochain, de l’étude de la Torah, des Téfilines et des Mézouzot.

Une voix sans écho

Le Midrach offre trois interprétations de la phrase : « une voix forte et incessante » qui décrit la parole de D.ieu lors du don des Dix Commandements.

  1. a) La voix de D.ieu se divisait en sept voix qui à leur tour se subdivisaient jusqu’à ce que (les Dix Commandements fussent entendus) dans les soixante-dix langues du monde.
  2. b) La voix continua à résonner et c’est de cette même voix que les Prophètes et les Sages des générations futures dérivèrent leurs prophéties et leurs perspectives.
  3. c) Contrairement aux voix naturelles, cette voix ne renvoyait pas d’écho.

Les deux premières interprétations indiquent clairement la grandeur du Don de la Torah démontrant que la voix de D.ieu ne se limitait pas à la Langue Sainte ou au temps spécifique de la Révélation mais qu’elle se prolongeait dans d’autres langues et dans les générations suivantes. Cependant, le fait que la voix de D.ieu n’eût pas d’écho ne semble pas évoquer sa grandeur. Bien au contraire, cela pourrait indiquer une certaine faiblesse.

Ainsi, une explication apparaît nécessaire car D.ieu n’accomplit pas de miracle en vain. Puisque d’ordinaire une voix renvoie un écho, le fait qu’ici ce ne fut pas le cas, d’autant plus que c’était une voix puissante, requiert un détournement de l’ordre naturel. Pour quelle raison ?

Les commentateurs apportent une explication à la nécessité de ce miracle : quand on entend un écho, il se peut que l’on pense qu’il s’agit là d’une seconde voix. Plutôt que de donner la possibilité de cette erreur d’interprétation, D.ieu empêcha que la voix prononçant les Dix Commandements ne soit répercutée par un écho.

Cependant, cette interprétation est insuffisante. Car il est clair qu’un écho est lié à son point d’origine ; il contient le même ton et les mêmes mots. Quand la voix prononçant les Dix Commandements parvint simultanément des quatre directions, les Juifs ne se trompèrent pas. S’il en est ainsi, il est fort probable qu’ils ne commettraient pas non plus d’erreur concernant l’écho car il est évident pour n’importe quel témoin qu’un écho n’est qu’une copie.

Quel enseignement pouvons-nous tirer du fait que la voix proclamant les Dix Commandements ne renvoyait aucun écho ?

Quand D.ieu parle à l’homme

Les Dix Commandements commencent par le mot Ano’hi, que nos Sages interprètent comme l’acrostiche de la phrase araméenne, Ana Nafchi Katvit Yehavit, « J’écris et Je Me donne » ; en d’autres termes : D.ieu S’investit Lui-même dans les Dix Commandements.

Cela va même encore plus loin. Quand Il donne ces Commandements, Il parle individuellement à chaque Juif. Cela est indiqué par l’emploi du singulier : Elo-hé’ha (« ton D.ieu »).

Et plus encore, cela ne concerne pas seulement les Juifs qui se tenaient au pied du Mont Sinaï, mais tous les Juifs, de tous temps. Comme l’affirment nos Sages : « chaque âme juive, y compris celles qui vivaient précédemment et celles qui vivront ultérieurement, étaient présentes lors du Don de la Torah. Chaque Juif entendit D.ieu lui dire : « Je suis l’Eternel ton D.ieu. C’est comme s’Il donnait toute Son essence à chaque Juif individuellement ».

Nous ne devons pas nous imaginer que cette relation se confine à l’époque des Dix Commandements car elle se perpétue par les Prophètes et les Sages de chaque génération. En effet, leurs paroles n’étaient pas prononcées de leur propre initiative mais « c’était l’esprit de D.ieu qui parlait à travers eux et Sa parole était sur leur langue ».

Il ne faudrait s’égarer et penser que les enseignements des Prophètes et des Sages n’ont aucun rapport avec l’expérience sinaïtique et sont semblables aux commandements adressés à nos Patriarches, avant le Don de la Torah. Ce n’est pas le cas. D.ieu s’est « incorporé » Lui-même dans ces enseignements, au même titre que dans les Dix Commandements.

De la même façon, tout comme les Dix Commandements, ces enseignements qui suivirent servent d’instruction pour chaque Juif. Chacun se doit de les observer non seulement parce qu’ils furent adressés à notre peuple en tant qu’entité mais parce qu’ils lui sont destinés, à lui personnellement. C’est ce qu’implique le lien qu’établissent nos Maîtres entre la voix incessante de D.ieu et les enseignements des Prophètes et des Sages. Leurs enseignements sont une expression de la voix de Sinaï. Là encore, D.ieu parle à chaque Juif en particulier.

Le fait qu’un précepte ne fût révélé qu’une fois que le Prophète ou le Sage en parlent pose un problème car « jusqu’alors la permission n’était pas accordée à (cette) prophétie ». En effet, il y a un temps approprié à chaque dessein. Chaque concept de la Torah a un temps adéquat où la voix entendue au Sinaï se révèle.

La même idée s’applique en ce qui concerne l’interprétation selon laquelle la voix de D.ieu résonna dans soixante-dix langues. L’humanité, dans son ensemble, est obligée d’observer sept lois universelles. Le Peuple juif se doit d'influencer l’humanité à observer ces sept lois.

Pour insister sur l’idée que ces sept lois universelles font partie intégrante de l’expérience sinaïtique, nos Sages expliquent que la voix de D.ieu se fit entendre dans toutes les soixante-dix langues. Comme le statue le Rambam (Maimonide) tous les non Juifs doivent observer ces lois parce qu’elles furent ordonnées par D.ieu et transmises par l’intermédiaire de Moché et non parce qu’elles coïncident avec ce que dicte la pensée des hommes.

Pour que le talon entende

Toutes les révélations de l’Ere de Machia’h dépendent de notre service divin d’aujourd’hui. Tout comme les créatures humaines sont divisées en quatre catégories : la matière inanimée, le règne végétal, le règne animal et les humains, ces quatre catégories elles-mêmes se manifestent dans chaque être humain. Cela nous renvoie à l’époque du Don de la Torah où la voix de D.ieu entra dans toute existence matérielle.

Le matériel et le spirituel sont deux opposés et le spirituel ne peut pas d’ordinaire pénétrer dans le matériel. Cependant, au moment du Don de la Torah cette exclusion mutuelle fut suspendue.

Cela démontre la grandeur de la voix de D.ieu. Elle est totalement illimitée, issue d’un niveau où il n’y a pas de différences entre le matériel et le spirituel, ce qui lui permet de les joindre.

Quand la Torah pénètre chaque aspect de l’être humain, elle y est retenue et même ses dimensions inanimées s’en trouvent imprégnées avec un effet durable. Cela l’affecte même lorsqu’il se livre à des activités séculières, matérielles. Il devient alors évident que cet homme a étudié la Torah et que sa sagesse se reflète dans tout ce qu’il fait. Cela lui permet de « connaître D.ieu dans toutes (Ses) voies » et de faire de ce monde une résidence pour Lui.


 Qu’est-ce que Tefilat Hadérèkh, la prière du voyageur ?

- Quiconque entreprend « un long voyage » (de plus de 4 km environ en-dehors des zones habitées) doit réciter Tefilat Hadérèkh, car tout voyage implique un danger.

- Quel que soit le moyen de locomotion employé (même pour une longue promenade à pied), on récite Tefilat Hadérèkh.

- Certains ajoutent des versets ou même des chapitres entiers avant ou après Tefilat Hadérèkh mais l’essentiel reste la prière elle-même avec la bénédiction qui la conclut.

- Il est préférable – si c’est possible – de s’arrêter et de rester debout pour réciter Tefilat Hadérèkh. Certains préfèrent manger ou boire avant Tefilat Hadérèkh afin de la connecter avec une autre bénédiction.

- Il est recommandé, avant de partir en voyage, de donner de l’argent à la Tsedaka (charité). De plus, il est bon de confier à la personne qui part en voyage une somme à remettre à la Tsédaka une fois arrivé à destination : ainsi le voyageur est considéré comme « un émissaire pour une Mitsva » à qui il ne devrait rien arriver de fâcheux. Si personne ne lui confie de l’argent, le voyageur peut réserver de l’argent en s’engageant (Bli Néder – sans en faire le vœu) à le remettre à la Tsédaka en mémoire de Rabbi Meir Baal Haness.

- On ne part pas en voyage sans emporter à manger – même si on a commandé un repas cachère – et un Kéli (récipient) pour se laver les mains rituellement. On pose dans sa valise, avant tout autre objet, son Talit et ses Téfilines (quitte à les mettre dans un autre sac par la suite).

- Le Rabbi de Loubavitch recommandait de toujours emporter (en particulier dans sa voiture) un Siddour (livre de prière), un ‘Houmach (Bible), un Tehilim (Psaumes), un Tanya et une boîte de Tsédaka.

- Rabbi Yehouda Ha’hassid écrivait qu’on ne cire pas ses chaussures le jour du voyage et on évite de retourner dans la maison une fois qu’on l’a quittée.


 Bloqués au Kazakhstan

Le pilote et le copilote de l’appareil El Al procédèrent à toutes les vérifications d’usage avant le décollage. Dans la cabine se trouvaient aussi le chef de vol ainsi que son fils qui, après avoir achevé ses études secondaires, s’apprêtait à rejoindre Tsahal, l’armée israélienne. C’était un appareil de fret et l’équipage avait donc la permission d’embarquer un membre de la famille, ce qui expliquait la présence de ce jeune homme curieux qui aimait voyager.

Le décollage d’un aéroport en Asie du sud-est s’était passé normalement. Quelques heures plus tard, l’avion se posa pour procéder à un réapprovisionnement à Alma Ata, l’ancienne capitale du Kazakhstan avant de redécoller pour Israël. L’équipage attendit patiemment mais un mécanicien annonça, ennuyé : « Il y a un problème… La porte… ». Intrigué, le chef de vol inspecta la porte et confirma qu’il y avait un problème. Mais ce problème était si rare qu’aucune solution n’était proposée dans le manuel ! Cela signifiait que tout l’équipage serait bloqué à Alma Ata « pour un certain temps »… Les pilotes prirent leurs effets personnels et partirent se relaxer dans l’hôtel de l’aéroport en attendant qu’on trouve une solution. Mais un autre problème surgit alors : tous avaient des visas pour le Kazakhstan - sauf le fils du chef de vol et il ne pouvait donc pas quitter l’aéroport. Le père et le fils passèrent des heures au téléphone, suppliant un fonctionnaire puis un autre jusqu’à ce qu’ils parvinrent à contacter un membre du Consulat israélien qui se porta garant et obtint un visa provisoire pour le jeune homme.

Le père et le fils purent enfin regagner une chambre d’hôtel. Ils étaient épuisés mais le garçon eut encore la force de réagir : « Il faut prévenir Maman ! ».

A l’époque, les appels internationaux n’étaient ni simples ni bon marché. Mais il était évident qu’il fallait prévenir Maman.

Or, Maman avait entamé un processus de retour au judaïsme : elle fréquentait chaque semaine dans son village un cours de Torah et de ‘Hassidout donné par une dame venue spécialement de Kfar ‘Habad. Son mari (le chef de vol) respectait son enthousiasme naissant mais n’entendait pas, lui, changer de style de vie. Quand il informa son épouse du retard imprévu, elle laissa échapper un grognement de frustration mais s’écria soudain :

- Incroyable ! C’est sûrement un signe du Ciel ! Nous sommes aujourd’hui le 20 Mena’hem Av et c’est le jour de la Hiloula (anniversaire de décès) de Rabbi Lévi Its’hak Schneerson !

Un grand Kabbaliste qui a été persécuté puis exilé par les Soviétiques et qui a été enterré en 1944 justement à Alma Ata ! Et c’était le père du Rabbi de Loubavitch !

- Et que veux-tu que cela me fasse ? reprit le chef de vol d’une voix lasse, nullement touché par son enthousiasme et peu enclin à entendre parler de Providence Divine et de cimetière.

- Mais voyons ! Tu ne réalises pas la chance que tu as ! Tu dois absolument te rendre près de sa tombe et prier pour tout ce dont nous avons tous besoin !

- Pas question ! s’emporta-t-il. Nous sommes à bout de force ! Et, énervé, il raccrocha.

Il devait retourner à l’aéroport pour superviser l’avancement des réparations. Et les nouvelles n’étaient pas bonnes. Après de nombreux coups de téléphone avec les bureaux d’El Al en Israël, les experts conclurent que le plus sûr était d’envoyer une nouvelle porte depuis Tel-Aviv. Chaque heure de retard coûtait énormément d’argent et amoindrissait la crédibilité de la compagnie vis-à-vis de ses clients. Il fallait donc envoyer un avion pratiquement vide, avec quelques techniciens spécialisés, juste pour apporter et installer la porte. Tous les membres de l’équipage accueillirent la nouvelle avec des soupirs désespérés et essayèrent de calculer combien de temps ils seraient encore bloqués. Soudain, le chef de vol annonça une autre nouvelle :

- Mon fils et moi nous allons profiter de ce contretemps pour prier près du tombeau de Rabbi Lévi Its’hak, le père du Rabbi de Loubavitch. Qui veut nous accompagner ?

Il était certain qu’ils hausseraient tous les épaules avec un sourire amusé. Mais le pilote se leva immédiatement :

- Ma mère était très attachée au mouvement Loubavitch ; chaque fois que je lui annonce que je ferai escale à Alma Ata, elle me supplie d’aller me recueillir là-bas. Elle sera très contente de savoir qu’enfin j’ai visité ce tombeau !

Le co-pilote se leva aussi, estimant que cela ne pouvait pas faire de mal et autant utiliser ce temps précieux de manière utile. Finalement, presque tous les membres d’équipage se joignirent à eux. Au consulat israélien, personne ne savait comment les aider à concrétiser leur plan jusqu’à ce que quelqu’un leur transmette le numéro de téléphone du Chalia’h du Rabbi sur place. Celui-ci les invita à le rejoindre dans son Beth ‘Habad, leur offrit à manger et à boire, les aida à mettre les Téfilines et leur distribua des livres de Tehilim (Psaumes). Il les accompagna au cimetière, leur montra la tombe ; émus, ils murmurèrent quelques Psaumes et prières, récitèrent le Kaddich puisqu’avec quelques Juifs locaux, ils étaient dix hommes et avaient Minyane. En partant, ils reconnurent unanimement que cela avait constitué une expérience émouvante et très spéciale.

Le chef de vol téléphona à sa femme, il savait qu’elle serait très heureuse de leur initiative. Effectivement, elle ne cacha pas sa joie et affirma que, certainement maintenant qu’ils avaient tous prié près de la tombe du père du Rabbi, la porte serait réparée très rapidement. Elle ne le vit évidemment pas hausser les épaules, avec un sourire devant sa naïveté : « Ma pauvre ! Si tu savais combien ce problème de porte est compliqué ! ». Mais elle insista :

- Je n’y connais peut-être rien en mécanique aérienne mais je suis persuadée que si ce rare problème vous est arrivé justement à Alma Ata le jour de la Hiloula, c’est pour que vous alliez prier auprès de la tombe du Tsaddik ! Maintenant, il n’y a plus de raison pour que vous soyez bloqués au Kazakhstan et vous allez pouvoir repartir bientôt !

« Encore des foutaises et du bourrage de crâne » soupira silencieusement le chef de vol.

Mais elle avait raison. A peine étaient-ils retournés à leur hôtel qu’on les avertit que la porte était déjà arrivée et avait été réparée beaucoup plus vite que prévu !

Au moment du décollage pour Tel-Aviv, le père sourit à son fils : « Ta mère ne s’y connaît peut-être pas dans les problèmes d’avion mais je dois admettre qu’elle s’y connaît en ce qui concerne la Providence Divine ! ».

Sichat Hachavoua N° 1335

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 La vie qui grandit !

Depuis le 17 Tamouz et la brèche dans la muraille de Jérusalem, deux semaines se sont déjà écoulées et voici que nous vivons la troisième de cette tragique période de « l’entre les limites – Bein Hamétsarim ». Elle va se terminer avec le 9 Av dont l’ombre s’étend sur le monde à ce moment, le jour de la destruction du premier puis, des siècles plus tard, du second Temple de Jérusalem. C’est une semaine qui évoque tant de drames que nombreuses sont les règles qui en restreignent encore toutes les manifestations de joie. Est-ce à dire que nous vivons, à présent, un moment où le désespoir forme l’horizon de la conscience, incontournable, indépassable ? Ce ne serait certes pas là une attitude juive. Notre peuple a su surmonter les pires épreuves et continuer sa route quoi qu’il en coûte et sous toutes les latitudes. Sans doute est-ce là aussi un des secrets de sa survie.

Cette année, le calendrier nous en donne un signe chargé de sens. De fait, le 9 Av tombe ce Chabbat. La conséquence rituelle en est que le jeûne qui aurait dû le marquer est reporté au lendemain puisque, par nature, le Chabbat chasse toute trace de tristesse. Cela entraîne que, pendant la journée du 9 Av, parce qu’elle est un Chabbat, nous mangerons, boirons et ressentirons ce plaisir particulier du jour saint de la semaine. Pourtant, il est le 9 Av !? C’est précisément ce qu’il faut relever. Un jour de jeûne est, selon Maïmonide, un « jour propice ». Un tel fait est porté par la date, c’est dire que, cette année aussi, la date du 9 Av aura ce caractère. En d’autres termes, les aspects négatifs auront disparu, chassés par le Chabbat, tandis que la grandeur essentielle du jour restera la même.

Le Talmud enseigne que le 9 Av doit être également vu comme lié à la venue du Messie. Lorsque le Chabbat entre, c’est ce message-là qu’il nous apporte. Plus qu’un espoir incertain, bien plus qu’une vision plus ou moins lointaine, en ce Chabbat 9 Av, nous voyons cela prendre d’autant plus de présence concrète qu’il s’agit du Chabbat appelé « ‘Hazon – de la vision », celui où D.ieu donne à chacun de voir le troisième Temple dans sa splendeur. Il faut donc vivre pleinement ce jour et ainsi donner vie à nos attentes. Nous percevons déjà la fin de l’exil millénaire, le nôtre et celui de la Présence Divine. Il ne reste qu’à laisser entrer la lumière, c’est le rôle de chacun.


 Les dernières étapes

Nous sommes à présent dans les dernières étapes du processus de raffinement spirituel du monde : c’est le temps des « talons de Machia’h ».

Dans une telle période, nous pourrions penser à tort que certains aspects de ce monde sont bien éloignés de toute possibilité de raffinement/spiritualisation. Mais aidons-nous d’une métaphore : c’est dans les derniers stades de la cuisson qu’une marmite bout plus fort et c’est alors que ce qui se trouvait tout au fond est propulsé à la surface. C’est le processus auquel nous assistons aujourd’hui. Tous ces éléments qui, jusqu’ici, semblaient au-delà de la portée de tout raffinement, en sont à présent très proches car le processus a pris une ampleur et une puissance inconnues jusqu’alors.

(d’après les Iguerot Kodech du Rabbi Rachab, vol. I, p. 266)


 Devarim

Devant l’assemblée des Enfants d’Israël, Moché répète la Torah ainsi que les événements qui se sont produits au cours du voyage de quarante années. Il leur adresse des reproches pour leurs iniquités et les enjoint de rester fidèles à leur héritage éternel. Moché rappelle qu’il a nommé des juges et des magistrats pour le seconder, le voyage depuis le Sinaï dans le désert, l’épisode des explorateurs, le décret de D.ieu Qui attendra quarante ans avant de permettre au peuple d’entrer en Israël.

Moché évoque également quelques événements plus récents : les querelles avec Moav et Amon, les guerres contre les rois Emorites, l’installation des tribus de Réouven, Gad et une partie de Ménaché, le message qu’il a adressé à son successeur Yehochoua, pour ses futures batailles dans la reconquête d’Israël : « Ne les crains pas car l’Eternel ton D.ieu combattra pour toi ».

L’un des aspects fondamentaux de notre foi consiste en la croyance en l’imminence de la venue de Machia’h. Nous devons « toujours attendre son arrivée », ce qui ne signifie pas seulement que nous devons patienter jusqu’à sa venue ultime mais que, chaque jour, nous devons nous attendre à ce qu’il arrive en ce jour-même.

Tout cela est encore plus adéquat au temps présent où tous les signes mentionnés par nos Sages, en relation avec la Rédemption, se manifestent. Les jours présents sont particulièrement appropriés pour la venue de Machia’h. Car nos Sages ont déclaré :

« Un lion (Nabuchodonosor) viendra au cours du mois dont le signe est un lion (Av) pour détruire Ariel (« le lion de D.ieu », le Beth Hamikdach (le Temple de Jérusalem)) de sorte qu’un lion (D.ieu) viendra au cours du mois dont le signe est le lion et construira Ariel ».

Cela va encore plus loin : le nom du mois Mena’hem Av, met l’accent sur le fait qu’il y aura Mena’hem, un acte de réconfort, pour tous les facteurs négatifs associés au jour présent. Cela s’applique plus précisément au Chabbat présent qui tombe le jour de Ticha beAv lui-même.

Nos Sages expliquent que Machia’h est né à Ticha beAv. Cela ne peut se référer à sa naissance réelle car Machia’h ne sera pas un enfant quand il sauvera notre peuple. Cela signifie plutôt qu’en ce jour, son influence se renforce. Car nos Sages se réfèrent à l’anniversaire comme au jour où Mazalo Govèr, « la source spirituelle de son âme irradie avec force ». Le jour où la source spirituelle de Machia’h est puissamment révélée existe un fort potentiel pour qu’arrive la Rédemption.

Le Ari Zal explique que c’est dans l’après-midi de Ticha beAv qu’est « né » Machia’h et que c’est pour cette raison que nous récitons alors la prière de Na’hem. Bien que cette année, cette prière ne soit pas récitée lors de Ticha beAv, puisqu’il tombe Chabbat, il est sûr que les influences positives de ce jour ne s’en exercent pas moins. Et d’ailleurs, non seulement le Chabbat fait-il reculer les facteurs négatifs associés à Ticha beAv mais embellit-il et amplifie-t-il la force des influences positives de la date.

Cela apparaît dans le nom qui a été donné à ce Chabbat : Chabbat ‘Hazone, « le Chabbat de la vision ». Le Rabbi de Berditchev explique que lors de ce Chabbat, chaque Juif mérite une vision du troisième Beth Hamikdach. Et par le même biais, la Haftara que l’on récite en ce Chabbat se conclut avec un verset qui souligne la Rédemption : « Tsion sera sauvé par le jugement et ses captifs, par la Tsedaka ».

En outre, le fait-même que Ticha beAv tombe Chabbat et que donc, au lieu de jeûner, nous soyons obligés de prendre du plaisir dans les aliments et les boissons, fait allusion à la Rédemption. Car chaque Chabbat est un microcosme de « l’Ere où tout sera Chabbat et repos pour l’éternité » et le repas de Chabbat est un reflet du repas qui sera servi en ce jour.

C’est pour cette raison que lorsqu’un jeûne tombe Chabbat, il faut ajouter dans la joie. Cela se manifeste surtout lors du troisième repas de Chabbat. Bien qu’il s’agisse de Seoudat Mafsékèt, le repas qui précède immédiatement le jeûne de Ticha beAv, associé d’ordinaire à certains rites de deuil, cette année, l’on peut servir « un repas comparable aux festins de roi Chlomo ».

En fait, en ce qui concerne Ticha beAv qui tombe Chabbat, nos Sages utilisent le dicton : « Puisqu’il a été repoussé, qu’il soit annulé ». A un niveau simple, cela signifie que puisque le jeûne n’est pas observé à la date appropriée, il y a matière à supposer que cette année, nous n’ayons pas du tout besoin de jeûner.

Cependant, à un niveau plus profond, cela évoque le potentiel que le jeûne soit définitivement et complètement annulé, avec la venue de la Rédemption.

L’un des aspects particuliers de l’observance de Ticha beAv, cette année, est une ressemblance avec Yom Kippour. En ce qui concerne Yom Kippour, il est dit : « celui qui mange et boit le 9 est considéré comme s’il jeûnait le 9 et le 10 » (le 9 Tichri est la veille de Yom Kippour, le 10, c’est Yom Kippour). Manger « de la viande succulente et du vin vieux » le 9 du mois fait en sorte que D.ieu considère ces gestes comme un mérite particulier. Ce concept peut également s’appliquer aux 9 et 10 Av de cette année, puisque nous mangeons le 9 en préparation du jeûne du 10.

Un lien intrinsèque lie les deux. Les Mitsvot que nous ont enjointes les Rabbanim, y compris les jeûnes communautaires, ne sont pas des conceptions tout à fait nouvelles mais plutôt une extension des Mitsvot de la Torah. La Mitsva de jeûner est-elle donc associée au seul jeûne ordonné par la Torah, Yom Kippour ? Ce lien est unique en ce que les interdictions de Ticha beAv sont parallèles à celles de Yom Kippour.

Un autre rapprochement peut s’établir entre les deux dates. Les dimensions positives de Ticha beAv se révèlent le 15 Av, jour où « la lune brille entière », c’est-à-dire qu’en ce jour toutes les influences associées au mois sont révélées dans leur entièreté. Le 15 Av, « la révélation de l’Ere de la Rédemption » brille incessamment. Et c’est pour cette raison, nous enseignent nos Sages, que « le Peuple juif ne se réjouit jamais autant qu’aux fêtes du 15 Av et de Yom Kippour ».

L’imminence de la Rédemption mentionnée précédemment permet la possibilité de tirer un autre parallèle encore entre Ticha beAv et Yom Kippour. Lors de l’inauguration du premier Beth Hamikdach, le 10 Tichri, Yom Kippour, les Juifs burent et mangèrent pour marquer la célébration. Et cela leur fut considéré comme un mérite unique.

Puisqu’aujourd’hui nous attendons la venue de Machia’h, il est possible que demain, le 10 Av, soit consacré à l’inauguration du troisième Beth Hamikdach. Car il est d’ores et déjà construit, dans les mondes spirituels et ne doit que descendre sur terre. Si cela se produit, le parallèle entre Ticha beAv et Yom Kippour se révélera de la façon la plus entière et la plus positive.


 Qu’est-ce que le 9 Av ?

Le 9 Av commémore de tristes dates de l’histoire juive, comme l’épisode des explorateurs, l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, de nombreux pogromes mais surtout la destruction des deux Temples de Jérusalem.

Les garçons à partir de treize ans et les filles à partir de douze ans doivent jeûner depuis la veille (cette année samedi 21 juillet 2018 à partir de 21h 43, horaire de Paris) jusqu’au soir (dimanche soir 22 juillet 2018 à 22h 31). En cas de maladie ou de faiblesse, on consultera un Rabbin compétent à propos du jeûne.

Vendredi 20 juillet, on apporte les chaussures en toile à la synagogue avant l’entrée du Chabbat pour pouvoir les enfiler dès samedi soir.

Samedi 21 juillet, on avance la prière de Min’ha. On ne lit pas les Pirké Avot. On prend un repas normal (avec de la viande éventuellement) et on veille à le terminer avant 21h 43. Samedi soir, on récite la bénédiction Boré Meoré Haèch sur la bougie tressée et on lit les Lamentations de Jérémie (Meguilat E’ha).

Dimanche matin, on ne se lave pas, sauf les mains le matin, ou pour des raisons d’hygiène. On ne récite pas la bénédiction : « Chéassa Li Kol Tsorki » (« Qui veille pour moi à tous mes besoins ») car on ne porte pas de vraies chaussures en cuir.

On fait la prière sans Talit ni Téfilines, on ne dit pas le Ta’hanoun et on lit les « Kinot ». On n’étudie pas la Torah, (sauf certains passages de Jérémie par exemple), et on assiste à un « Siyoum », à la conclusion du traité Talmudique Moèd Katane (qu’on peut aussi écouter sur Radio J dimanche à 14h 30).

Jusqu’au milieu de la journée de dimanche (environ 13h 30, 14h) on ne s’assoit pas sur une chaise mais seulement sur un petit tabouret, en signe de deuil. On évite de dire bonjour.

Dimanche après-midi, on met Talit et Téfilines pour la prière de Min’ha et on rajoute les passages « Na’hem » (« Console les endeuillés de Sion ») et « Anénou » (« Répond-nous »).

Dimanche soir, après la prière d'Arvit, on récite Kiddouch Levana (prière pour la lune). On fait ensuite la Havdala en récitant uniquement la bénédiction "Boré Péri Haguefen" sur une coupe de vin. On ne récite ni la bénédiction des "Bessamim" (aromates) ni celle de "Boré Meoré Haèch" (sur les flammes de la bougie tressée).

On se lave les mains rituellement (sans bénédiction) et on se rince la bouche. On enlève les chaussures en toile et on remet les chaussures en cuir. On peut s’occuper du linge (lessive…) dès dimanche soir. On ne mange la viande qu’à partir du lundi 23 juillet.  


 Le précieux dollar du philanthrope

En 1989, mon ami Marvin Ashendorf - qui, à l’époque, s’occupait du Centre Communautaire Hillcrest de Queens (New York) – me demanda si j’avais entendu parler d’une organisation appelée American Friends of Shamir. Non, je ne la connaissais absolument pas. Il m’apprit donc que Shamir était une maison d’édition qui imprimait des livres sur le judaïsme et les diffusait clandestinement en Union Soviétique afin que les Juifs russes puissent connaître un peu leur identité alors qu’ils n’avaient eu droit à aucune éducation juive depuis des décennies.

Shamir allait tenir son cinquième Gala pour collecter des fonds et Marvin me demanda si j’acceptais de tenir le rôle d’ « Homme de l’Année », ce qui leur permettrait de solliciter mes amis et connaissances pour financer leurs projets. Je répondis que je ne pouvais pas donner une réponse ainsi de but en blanc car je ne connaissais absolument pas cette organisation mais je lui promis de me renseigner. Justement à cette période, Michal Meshchaninov un immigrant fraîchement arrivé de Russie travaillait dans ma société d’appareils à air conditionné et je lui demandai innocemment : 

- Avez-vous jamais entendu parler de Shamir ?

- Bien sûr ! répondit-il avec un large sourire. C’est grâce à eux que je suis là !

Il m’expliqua qu’en Russie il avait réussi à se procurer des livres sur le judaïsme grâce à Shamir et que cette maison d’édition avait été fondée et était dirigée par le Rabbi de Loubavitch.

J’ignorais tout du Rabbi parce que je n’avais reçu pratiquement aucune éducation juive. J’étais ce que Ronald Lauder – le président du Congrès juif mondial – appelait « un Juif de trois jours dans l’année », c’est-à-dire que je ne fréquentais une synagogue que les deux jours de Roch Hachana et Yom Kippour. Mais après avoir noté la réaction de Michal, je décidai d’accepter de devenir l’ « Homme de l’Année » de Shamir.

Auparavant je fus présenté à Rav Israël Duchman, un ‘Hassid modèle qui me suggéra de rencontrer le Rabbi ; il m’arrangea même un rendez-vous. J’arrivai le jour prévu, un dimanche matin quand le Rabbi distribuait des dollars à remettre à la Tsedaka (charité). J’étais accompagné de mon épouse et de ma plus jeune fille, alors enceinte de son premier enfant.

Quand j’arrivai, Rav Duchman me demanda aussitôt :

- Dennis, avez-vous mis les Téfilines ce matin ?

- Euh… Très honnêtement : non !

- Quand les avez-vous mis pour la dernière fois ?

- Lors de ma Bar Mitsva !

- Nous ne pouvons pas aller voir le Rabbi comme cela ; suivez-moi, nous mettrons d’abord les Téfilines dans la synagogue !

C’est ce que nous avons fait. Le Rabbi nous accorda de nombreuses bénédictions, surtout à ma fille pour que la naissance se passe bien et soit la première d’une longue série… Ce fut une expérience incroyable pour nous trois. Regarder cet homme saint dans les yeux était quelque chose que je ne peux décrire dans des mots. C’était un sentiment absolument unique : son regard me transperçait et je me sentis comme dans un monde totalement différent.

Avant que nous quittions le Rabbi avec les dollars qu’il avait remis à chacun d’entre nous, Rav Duchman mentionna que j’avais justement remis les Téfilines pour la première fois depuis ma Bar Mitsva.

- Très bien, réagit le Rabbi. Puissiez-vous continuer à les mettre chaque jour, chaque jour de semaine.

Puis il se tourna vers Rav Duchman :

- Possède-t-il une paire de Téfilines ? Non ? Alors offrez-lui une paire comme cadeau de ma part mais donnez-moi la facture – et non à lui – et ne la payez pas vous non plus !

Depuis ce jour, j’ai mis les Téfilines chaque jour de semaine. De plus, je fréquente la synagogue chaque Chabbat, j’essaie de ne rater aucun office. Grâce au Rabbi, je ne suis plus un « Juif de trois jours » : il m’a ramené.

Je dois avouer qu’à une période dans ma vie, je ne croyais même plus en D.ieu. J’étais étudiant en ingénierie mécanique et, pour moi, tout devait répondre aux critères d’une science exacte. Comme la religion n’est pas vraiment une science exacte, je ne croyais pas. Je n’étais pas athée mais plutôt agnostique, pas du tout préoccupé par ces questions. Mais grâce au Rabbi, je suis revenu, j’aime mon judaïsme, j’aime ma vie juive, j’ai été béni et j’en suis reconnaissant.

Après cette entrevue, Rav Duchman me confia qu’il était vraiment étonné parce qu’il n’avait jamais entendu que le Rabbi ait offert un tel cadeau à qui que ce soit. Il avait proposé au Rabbi : « Je voudrais m’associer à cette Mitsva de Téfilines » mais le Rabbi avait refusé : « Non ! Vous pourrez encore aider dans d’autres partenariats… ».

Nous sommes donc allés au magasin d’objets de Judaïca, nous avons choisi des Téfilines et, comme convenu, Rav Duchman présenta la facture au Rabbi qui la paya intégralement.

Malheureusement, ce fut la dernière fois que je vis Rav Duchman car, peu de temps après, il subit une attaque cérébrale et décéda. Quand je me rendis chez lui pour une visite de condoléances, tout le monde parlait des Téfilines que le Rabbi m’avait offerts et certaines personnes proposèrent même de me les racheter. Je protestai évidemment : « Pas question ! Jamais je ne les mettrai en vente, ils m’appartiennent pour toujours ! ». Certains ont demandé la permission de venir chez moi pour les mettre et cela, je l’ai accepté.

Depuis ce jour, j’ai mis les Téfilines tous les jours de semaine et je les emporte où que j’aille – et D.ieu sait que je voyage beaucoup dans le monde entier. Chaque fois que je les mets, je ressens que je bénéficie d’un lien très particulier avec D.ieu.

Lors de cette rencontre, le Rabbi m’avait donné un dollar à remettre à la charité. Comme on me l’avait recommandé, j’ai gardé ce billet pour moi et j’ai donné l’équivalent à la Tsedaka (charité). Rassurez-vous, j’ai donné beaucoup d’autres paquets de dollars à la charité, je suis même devenu ce qu’on appelle un grand donateur : j’aime donner à ceux qui sont dans le besoin parce que je sais que c’est ce que D.ieu attend de moi en tant que Juif.

Mais le dollar du Rabbi, je le garde pour moi !

Publié dans 2018

 Joli mois de juillet !

Le beau mois de juillet, rien ne peut jamais lui retirer sa magie particulière ! Bien sûr, quand le soleil est au rendez-vous, les choses sont plus faciles, comme plus évidentes. Mais, même si n’est pas obligatoirement le cas, il y brille une autre lumière et c’est une autre chaleur qui pénètre chacun. C’est cette lumière et cette chaleur-là qui naissent dans le cœur et s’y développent jusqu’à emplir tout ce que l’on est et aussi ce qui nous entoure. Et cela porte un nom : Gan Israël. De fait, les centrés aérés ont commencé à présent et quelque chose a changé dans le monde.

Il est vrai que l’événement n’est pas nouveau, que, d’année en année, les enfants retrouvent cette espèce de chemin du paradis que sont les Gan Israël. Mais la répétition ne fait rien à l’affaire. La joie est toujours renouvelée et peut-être porte-t-elle encore plus haut et plus fort. Un Gan Israël – au nom si évocateur « jardin d’Israël » – c’est un lieu où, pendant tout un mois, les enfants rient, vivent, apprennent, ressentent. Ils renforcent, et parfois redécouvrent, la conscience que le judaïsme leur appartient comme il a appartenu à leurs ancêtres et comme il sera la propriété pleine et entière de leurs descendants. Tout cela devient le tissu même de leur existence. Les centres existent dans toute la région parisienne et ailleurs et ils ont ouvert leurs portes, prêts à accueillir tous ceux et celles que le bonheur attire, et avec raison.

En ces temps de mondialisation – d’uniformisation des cultures – où l’on s’interroge parfois sur la pérennité de notre manière de voir le monde et d’y vivre sereinement, les Gan Israël constituent une réponse. Etre fidèle à son histoire, ne pas oublier, sans bâtir un monde clos et sclérosé. Construire un avenir dont les profondes racines garantissent la solidité en gardant la voie ouverte à tous les possibles. Quand des enfants croient en ce dont ils sont les porteurs, quand ils s’engagent dans les jours qui passent avec toute l’assurance qu’ils expriment, quand la joie éclaire tous les visages, c’est plus qu’un combat qui est gagné. C’est une victoire qui s’avance. Belle victoire, obtenue par la paix, qui est, pour cela, un gage de paix, pour soi et pour le monde. Bienvenue aux Gan Israël.


 L’attente confiante

Dans son Michné Torah, Maïmonide (Hil’hot Mela’him, chap. 11) expose les lois relatives à Machia’h. Il y souligne notamment l’importance de l’attente de la venue de Machia’h et relève : « Celui qui ne croit pas en lui ou n’attend pas sa venue, renie non seulement les autres prophètes mais également la Torah et Moïse notre maître ».

L’insistance sur Moïse est chargée de sens. En effet, sa prophétie présente une solidité particulière dans la mesure où elle fut confirmée par le fait qu’au mont Sinaï, où elle retentit, chacun fut le témoin direct de la révélation Divine. Comme Maïmonide le souligne : « Chacun vit et entendit ». Ce fait confère à la prophétie de Moïse une « fiabilité qui dure éternellement » et donne à tous une confiance absolue dans l’avènement final de Machia’h.

(d’après Likoutei Si’hot, vol. XVIII, p. 281)


 Matot Massé

Matot

Moché transmet les lois concernant l’annulation des vœux.

Une guerre est engagée contre Midian pour son rôle dans la dégradation morale d’Israël.

La Torah fait le compte-rendu du butin et de son partage.

Les tribus de Réouven, Gad et plus tard la moitié de Ménaché demandent des terres à l’est du Jourdain. Moché finit par accepter cette requête à condition qu’ils se joignent d’abord au reste du peuple dans sa conquête d’Israël.

Massé

Sont listés les quarante-deux voyages et campements du Peuple juif, depuis son départ d’Egypte.

Sont données les limites de la Terre Promise et sont désignées des villes de refuge.

Les filles de Tsélof’had se marient dans leur propre tribu pour préserver l’héritage paternel.

 

Au début de la Paracha Matot, nous sommes initiés aux lois d’annulation des vœux. Ici, les tribus d’Israël, habituellement appelées Chevatim, sont désignées par le terme Matot.

Pourquoi ce changement et quel rapport y a-t-il avec l’annulation des vœux ?

Bien que ces deux mots, Chévèt et Maté, aient le même sens, signifiant littéralement « bâton » ou « morceau de bois », ils présentent des différences fondamentales.

Chévèt se réfère à une branche toujours attachée au tronc ou récemment coupée. Elle est toujours humide à l’intérieur. C’est du bois vert.

Mais un Maté a été détaché depuis un certain temps et a eu le temps de sécher et durcir.

Un sculpteur sur bois qui désire créer un objet de qualité a besoin de connaître la qualité d’humidité du bois qu’il va utiliser. Les conditions auxquelles a été soumis ce bloc de bois auront un impact sur la qualité de la sculpture.

Pour donner un exemple : le bois de récupération (vieux de dizaine d’années et ayant servi dans le bâtiment, etc.) est très prisé parce qu’il a des qualités qu’on ne trouve pas dans un bois récemment coupé.

Par la suite, l’artiste va utiliser ses outils pour scier, percer, ciseler et polir, faisant ainsi ressortir sa beauté naturelle originelle et sa fonction.

Revenons aux vœux. Pourquoi quelqu’un ferait-il un vœu ? Peut-être parce qu’il possède une certaine faiblesse qui le pousse à pécher. Faire un vœu d’abstinence peut être utile tout simplement par la peur qu’il suscite de le briser. Toutefois, le vœu ne change pas la personne et faire annuler ce vœu serait contreproductif puisque la personne a conservé sa faiblesse.

C’est alors qu’intervient le Sage pour annuler ce vœu. Son travail consiste à aider celui qui a fait le vœu à travailler sur lui-même pour se renforcer, à faire surgir des profondeurs de son être l’énergie qui l’aidera à surmonter sa faiblesse. Le vœu devient alors inutile et peut être annulé.

Chacun d’entre nous est un Maté. D.ieu nous fait passer par toutes sortes de situations, certaines heureuses, certaines douloureuses, certaines empreintes de joie pure et d’autres de souffrance. Cependant, nous savons que D.ieu est le Sculpteur ultime, que c’est Lui qui nous met dans ces situations et qu’Il nous aide à surmonter tous les obstacles. Nous savons qu’Il va faire surgir notre plus grand potentiel.

Il en va de même pour la nation juive. D.ieu nous a placés dans toutes sortes de conditions difficiles. Bien que nous en ignorions la raison, nous savons qu’Il a un plan et qu’Il agit pour le bien.

La Paracha Massé est toujours lue le Chabbat où l’on bénit le mois d’Av. Par ailleurs, il y est explicitement fait mention de Roch ‘Hodèch Av puisque c’est le jour où disparut Aharon : « le cinquième mois, au premier jour du mois ».

En tant que Cohen (prêtre), l’aspect fondamental du service d’Aharon consistait à attirer la Divinité dans ce monde. Le jour où un Tsaddik quitte ce monde, la source spirituelle de son âme se manifeste ici-bas et suscite d’extraordinaires révélations divines. Elles affectent les niveaux inférieurs de notre monde, niveaux pour lesquels même les sacrifices n’avaient aucun impact.

Le même concept peut se dégager de la position du mois d’Av dans le calendrier hébreu. Av est le cinquième mois. La Cabbale explique que le monde entier est structuré dans une séquence de quatre. Il y a quatre mondes spirituels, quatre moyens d’interpréter la Torah, quatre lettres dans le Nom de D.ieu.

Le chiffre 5 est considéré comme au-dessus ou au-dessous de cet ordre. En effet, ces deux extrêmes sont liés. Les profondeurs les plus abyssales ont leur source dans les sommets les plus élevés et c’est justement à cause de cette origine sublime qu’elles sont si basses.  De la même façon, ce n’est que par le biais de niveaux supérieurs que peuvent être raffinés les plus bas.

Cette idée se reflète également dans les événements qui se produisirent au mois d’Av. D’une part, c’est le mois lié à Ticha béAv (le 9 av), le moment du paroxysme de la destruction. Mais par ailleurs, le 15 Av était une fête à propos de laquelle la Michna déclare : « le Peuple juif ne célébra jamais de fêtes aussi grandes que le 15 Av et Yom Kippour ».

Ce qui précède suggère une leçon concrète.

Quand arrive le mois d’Av, le Yetser Hara (inclination vers le mal) tente d’attrister les Juifs, voire de les désespérer. Malgré tout le service des grands Tsaddikim, de par les âges, le mois d’Av est là et la Délivrance ne s’approche toujours pas.

La Torah nous apporte la réponse : le mois d’Av est lié à la Hiloula d’Aharon, le Cohen Gadol (le Grand Prêtre), et en ce jour, toutes ses bonnes actions sont complètement accomplies. Quand nous prenons conscience de ces faits, nous servons D.ieu avec joie et nous bénissons le mois en priant que ce soit un mois de vie, de paix, de joie, de bonheur, de délivrance et de consolation.

Ces bénédictions s’accompliront par nos efforts pour intensifier notre étude de la Torah et augmenter nos dons à la Tsédaka. Alors, avec bonheur et joie, nous accueillerons le Machia’h, rapidement et de nos jours.


 Quand commencent « les neuf jours » ?

A partir de Roch ‘Hodech Av (cette année vendredi 13 juillet), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin (sauf Chabbat) en souvenir des jours terribles qui aboutirent à la destruction du Temple de Jérusalem.

On ne fait pas de couture, on ne lave pas de linge (sauf pour les petits enfants ou les grands malades) et on ne repasse pas. On ne met pas de vêtements fraîchement lavés et repassés, sauf s’ils ont déjà été portés quelques instants avant cette période. On ne prend pas de bain et on évite les pratiques sportives dangereuses (par exemple la baignade en piscine ou à la mer).

On évite de passer en jugement.

Qu’est-ce qu’un Siyoum ?

Un « Siyoum » est une fête qu’on organise lorsqu’on a achevé l’étude d’un traité talmudique. Le Rabbi avait demandé qu’on organise un Siyoum pendant chacun des « neuf jours » puisqu’une telle joie sainte est permise durant cette période. On peut participer à un Siyoum sur de nombreux sites Internet ou en écoutant chaque jour (jusqu'au 15 Av - vendredi 27 juillet) sur la radio juive (94.8 FM) une personne qui achève l’étude du traité Midot ou Moëd Katane par exemple.

Restez à l'écoute !


 Mazal Tov !

Quand nous avons décidé de nous marier, en 1990, nous avons rencontré des obstacles de taille. Barou’h, mon futur mari, avait perdu sa citoyenneté soviétique car il avait exprimé le désir de quitter le pays et il nous était donc impossible de célébrer un mariage civil. Or j’avais besoin d’être légalement sa femme pour pouvoir quitter le « paradis soviétique » avec lui qui avait déjà acheté son billet pour Israël. Le « rideau de fer » s’était entrouvert mais pouvait tout aussi bien se refermer à n’importe quel moment. Quand aurions-nous une deuxième chance ? Un ami nous conseilla de nous rendre à Moscou : Israël n’y possédait pas d’ambassade mais ses représentants travaillaient dans les locaux de l’ambassade de Hollande. Nous étions en plein hiver mais à six heures du matin, nous avons pris place dans la longue queue devant l’ambassade qui n’ouvrit qu’à huit heures. La foule se précipita à l’intérieur et nous avons encore patienté jusqu’à ce qu’on annonce, devant nous, qu’aucun autre visiteur ne serait plus admis !

Résignés, les gens quittèrent les lieux mais nous étions trop choqués pour bouger. Un fonctionnaire sortit le nez d’une porte et nous demanda :

- Vous venez pour une affaire personnelle ?

- Oh oui !

- Très personnelle ? insista-t-il.

- Oui, très, très personnelle !

- Entrez !

Il écouta notre histoire puis conseilla : « Procédez à une ‘Houppa ! La prochaine fois que vous venez au consulat, apportez votre Ketouba ! En Israël, c’est considéré comme un document officiel et vous serez enregistrés comme un couple marié. La prochaine fois, brandissez juste votre Ketouba au-dessus de vos têtes et vous n’aurez pas besoin d’attendre votre tour ! ».

Ni Barou’h ni moi-même ne savions ce qu’étaient une ‘Houppa ou une Ketouba. Que devions-nous faire ? Est-ce que cela faisait mal ? Nous ignorions absolument tout du judaïsme, nous étions ces ossements desséchés qui espéraient revivre. L’homme du consulat nous conseilla de contacter une synagogue où on nous expliquerait tout cela. Nous avons appelé celle d’Odessa puis celle de Kiev. Mais on nous répondit unanimement : « Nous n’organisons de ‘Houppa que pour les couples mariés civilement ! ». Bref nous tournions en rond. Finalement quelqu’un nous conseilla : « N’allez surtout pas dans une synagogue officielle ! Allez à Marina Rochtsa ! ».

Ce fut donc la première synagogue dans laquelle nous sommes entrés, plutôt une baraque en bois datant d’il y a au moins deux siècles. Quelques vieillards aux barbes grises et blanches y étaient penchés sur de vieux livres ; leurs vêtements étaient usés jusqu’à la corde, les bancs craquaient de partout. On aurait dit des mendiants attendant la distribution d’une soupe populaire.

Le rabbin David Karpov écouta notre histoire, posa quelques questions puis déclara qu’il était prêt à nous marier même si c’était contraire à la loi : « Un mariage juif est très important ! C’est la volonté de D.ieu ! ». Nous, qui n’avions pas la force de prononcer le mot juif sans baisser la voix, nous avons été stupéfaits de l’entendre parler ainsi. Nous vivions encore sous le régime communiste mais lui parlait librement de D.ieu, de ce qu’Il exige de nous ! Et il n’avait pas peur ! Il me tendit un paquet enveloppé d’un élastique. Non, ce n’était pas des photos, c’était un livre sur la Pureté Familiale. A cette époque, tout livre religieux était interdit en Union Soviétique ; même les photocopieuses étaient surveillées, bien qu’on fût en 1990 : le gouvernement parlait de changement et de démocratie mais les fonctionnaires étaient encore en place et on ne change pas si facilement les mentalités. Rav Karpov me recommanda de faire très attention à ce livre : si j’en perdais une seule page, de nombreuses personnes connaîtraient des ennuis. Si j’acceptais de me conformer à tout ce qui était écrit dans ce livre, nous pourrions fixer la date du mariage. Bien que les concepts évoqués dans ce livre me semblaient d’un autre âge, je le lus jusqu’au bout, en acceptai les conditions et le mariage fut fixé pour le 4 février.

La ‘Houppa fut dressée dans la cour arrière de Marina Rochtsa, entre des congères de neige. Il faisait si froid que j’avais revêtu d’épaisses bottes et une pelisse de mouton peu élégante sur ma robe de mariée. Nous étions entourés de gens que nous ne connaissions pas : pour eux aussi, c’était la première fois qu’ils assistaient à un mariage ‘hassidique ! Tous tenaient des bougies allumées, les étoiles scintillaient dans le ciel et nos cœurs scintillaient sous la ‘Houppa.

Vingt-cinq ans plus tard, nous avons rencontré à nouveau Rav Karpov, à San Francisco. Nous avons été si fiers de lui présenter nos fils portant la Kippa et nos filles habillées de façon pudique, tous fréquentant des écoles juives. Nous lui avons montré une photo du mariage de notre fille aînée qui s’était déroulé devant le 770 Eastern Parkway, la synagogue du Rabbi. L’arrière-grand-père de son mari avait contribué à la construction de la petite synagogue en bois Marina Rochtsa et avait donné sa vie pour maintenir vivante la flamme du judaïsme russe.

Je tendis à Rav Karpov un livre sur la Pureté Familiale, imprimé en toute légalité, que j’avais écrit en russe et qui a depuis été traduit en hébreu et en anglais : « Entre vous et moi… ».

La boucle était bouclée.

Luba Ahuva Perlov – N’shei Chabad Newsletter N° 7805

Traduite par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Renaissance

Trois semaines. Cela peut paraître bien court et pourtant il n’y a peut-être pas de période dont le déroulement semble aussi long que celle-ci. C’est qu’il s’agit de ces trois semaines-là qui s’écoulent entre le 17 Tamouz, jour de la première brèche dans la muraille de Jérusalem, et le 9 Av, jour où le premier et le second Temple furent détruits – le même jour à des siècles de distance. Trois semaines comme des jours lugubres entre les limites d’un drame unique : l’exil de la Présence Divine, l’exil du peuple juif. Trois semaines sans fêtes, chargées de marques de deuil. Faut-il pourtant s’arrêter là ? Certes, la ritualisation des tragédies spirituelles et historiques est une des caractéristiques du peuple juif, à la fois cause et conséquence de sa longue mémoire, fidélité au passé et gage d’avenir. Mais le seul souvenir du malheur n’est jamais une solution. Il ne doit être que l’élément déclencheur qui permettra de le dépasser pour toujours. Que faut-il donc faire de ce temps ?

L’histoire comme les textes nous disent qu’il est celui de la destruction. A cela, il n’existe qu’un seul remède : construire. Mais, dira-t-on, c’est de la destruction du Temple de Jérusalem qu’il s’agit et, si nous espérons tous que le troisième Temple se dresse sans attendre sur sa colline au cœur de la Ville Sainte dans l’harmonie des nations et des peuples. Force est hélas de constater que, pour l’instant, ce n’est pas le cas. Mais le peuple juif sait depuis bien longtemps que le livre et l’esprit sont plus puissants que l’épée. Sa propre existence l’a prouvé : les grands empires, conquérants du monde, ont disparu tandis que lui déroule toujours le fil de son histoire. C’est donc d’étude qu’il est question.

Etudier la structure du Temple dans le texte de la Michna Midot, dans les « Lois de la Maison d’élection » dans le Michné Torah de Maïmonide, deux textes qui existent en traduction française. Les étudier et les connaître comme si l’on était les bâtisseurs du Temple, c’est déjà le construire. En connaître les chemins, c’est déjà le parcourir. Voici bien un enjeu pour la période : faire d’un temps de drame un espace de découverte. Le renouveau est toujours au bout de l’effort. Ici, c’est de renaissance qu’il s’agit.


 Une prière spontanée

Deux vieux ‘hassidim racontaient, un jour, ce qu’ils avaient eu l’occasion de voir chez les Rabbis qu’ils avaient connus. Un groupe s’était formé autour d’eux, buvant littéralement leurs paroles. Une longue discussion s’engagea alors et déboucha sur une question : comment serait le monde quand Machia’h viendrait ?

Un des vieux ‘hassidim entreprit d’y répondre : « Quand Machia’h viendra, un Juif se lèvera le matin pour se préparer à prier – et sa prière coulera spontanément. De même, pendant toute la journée, chaque instant sera utilisé pour l’étude de la Torah et le service de D.ieu. Et tout viendra naturellement, sans effort ».

(d’après la tradition orale)


 Pin’has

Le petit-fils d’Aharon, Pin’has, est récompensé de son acte zélé qui l’a fait tuer le prince Zimri, de la tribu de Chimon, et la princesse de Midian avec laquelle il avait gravement fauté. D.ieu lui accorde une alliance de paix et la prêtrise.

Un recensement du peuple dénombre 601.730 hommes de vingt à soixante ans.

Moché reçoit les instructions concernant le partage de la terre entre les tribus et les familles d’Israël, sous forme de tirage au sort.

Les cinq filles de Tsélof’had demandent à Moché le droit d’hériter de la terre de leur père, mort sans fils. D.ieu accepte leur demande et l’incorpore dans les lois d’héritage.

Moché habilite Yehochoua pour lui succéder et mener le peuple vers la Terre d’Israël.

La Paracha se conclut avec une liste détaillée des offrandes quotidiennes et des offrandes additionnelles apportées le Chabbat, Roch ‘Hodech (le premier jour du mois) et lors des fêtes de Pessa’h, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kippour, Souccot et Chemini Atsérèt.

La Paracha de cette semaine poursuit le récit que la Torah a commencé dans la Paracha précédente. Il y était relaté que le Peuple juif, alors à Chitim commença à adopter un comportement immoral avec des femmes non juives. En conséquence, une plaie s’abattit sur eux. Pin’has, le petit-fils d’Aharon s’engagea physiquement pour interrompre ces agissements immoraux et mit ainsi fin à cette plaie qui décimait le peuple.

Pin’has était né avant qu’Aharon ne soit désigné comme Cohen et il était un petit-fils, donc non inclus dans la famille des prêtres. Cependant, il reçut comme récompense, pour s’être interposé et avoir mis fin à l’épidémie, que lui-même et toute sa descendance appartiendraient éternellement à la dynastie des Cohanim.

Cet épisode présente un détail quelque peu étonnant, lorsque l’on compare Moché et Pin’has.

En effet, à maintes occasions, on peut voir dans la Torah, Moché s’interposer et faire cesser une plaie accablant le Peuple juif. On peut prendre pour exemple l’épisode du Veau d’Or. Mais jamais Moché ne reçoit la récompense que ses enfants atteindront également le même niveau que lui.

En fait, il s’agit même de tout le contraire. Moché demanda que son fils hérite de sa position à la tête du Peuple juif, cependant, l’on observe que ce fut Yehochoua, appartenant à une toute autre tribu, et non son fils qui en fut investi.

Mais lorsqu’il s’agit de Pin’has, qui fait arrêter la plaie, il en est récompensé par une « alliance éternelle », pour tous ses descendants.

Pourquoi une telle différence ?

La ‘Hassidout explique qu’il y avait une différence fondamentale entre la manière dont Moché servait D.ieu et la manière dont Pin’has le faisait.

Moché servait D.ieu essentiellement avec son âme et une approche spirituelle. C’est pourquoi nous observons que même lorsqu’il était question de Messirout Néfèch, sacrifice de sa personne, pour le Peuple juif, il dit à D.ieu : « Si Tu n’épargnes pas le Peuple juif, alors efface-moi de Ta Torah ». Il se sacrifie spirituellement. Cela ne veut pas dire qu’il n’était pas prêt à se sacrifier physiquement, mais ce n’était pas sa priorité. Sa priorité portait sur l’aspect spirituel.

Quand il s’agit de Pin’has, par contre, sa préoccupation essentielle consistait à saisir la spiritualité et l’exprimer dans ce monde pour le purifier. Quand il fut donc question du sacrifice de sa personne, il se mit en danger, physiquement. La Torah relate que toute la tribu de Chimon tenta de le tuer. S’il se mit dans une position si délicate, c’est que là était son objectif le plus important dans son service divin : utiliser le monde matériel et son corps physique et les purifier.

Cela s’exprime également dans le type d’action qu’entreprit chacun des deux pour éloigner la plaie.

Pour le faire, Moché s’adonna à la prière, une quête spirituelle.

Pin’has s’engagea dans l’action, une approche physique.

Et c’est pour cette raison que la récompense de Pin’has pouvait être transmise et portée par toutes les générations, ce qui n’est pas le cas de Moché.

En effet, l’approche de Moché, étant essentiellement concernée par l’aspect spirituel, n’affectait pas la matérialité. Son service n’avait donc pas la même permanence que celui de Pin’has car s’il est vrai qu’il touchait à la spiritualité, il ne transformait complètement pas la matérialité. Cela ne pouvait donc se propager et se maintenir au fil des générations.

Mais Pin’has, dont le service transforma et imprégna non seulement le domaine spirituel du monde mais également son aspect matériel, pouvait exercer une influence au caractère permanent, pour toutes les générations.

Et c’est là la leçon personnelle que nous pouvons tirer de la Paracha Pin’has : nous ne devons pas seulement nous consacrer au spirituel, dans notre pratique du Judaïsme, par la prière et l’étude, etc. Quand il s’agit de nos occupations profanes, du domaine professionnel, par exemple, il nous faut imprégner chacune de nos actions quotidiennes de sainteté.

Et à un niveau plus profond, il ne s’agit pas seulement d’apporter plus de sainteté dans notre vie personnelle mais également de tenter d’atteindre toutes les couches de la société où se trouvent des Juifs éloignés de la Torah et des Mitsvot et d’aller à leur rencontre pour leur faire découvrir leur héritage de la Torah, comme le disent nos Sages dans les Pirké Avot, « les Maximes de nos Pères » : « soyez parmi les élèves d’Aharon, aimez toutes les créatures de D.ieu et rapprochez-les de la Torah ».


 En quoi consiste l’obligation d’aimer son prochain comme soi-même ?

L’obligation d’aimer son prochain s’applique à chaque Juif, même celui qu’on n’a jamais vu. On doit mettre en avant les points positifs de chacun, veiller à ses biens et son honneur comme aux siens propres. « Ce qu’il désire, je dois le désirer pour lui et tout ce que je désire pour moi, je le désire pour lui ».

Cette Mitsva (commandement divin) est la base de nombreuses autres Mitsvot comme l’interdiction de voler, de nuire, de se moquer… et elle est la seule garantie d’une vie sociale harmonieuse. Ainsi, on rendra visite aux malades, on ira consoler les endeuillés, on veillera à ce que les jeunes mariés ne manquent de rien, on accueillera des invités…

Cette façon d’aimer son prochain est la marque distinctive du peuple juif qui est capable d’aider l’autre sans motif ultérieur.

Quiconque déteste un autre Juif transgresse une interdiction de la Torah, quels que soient les torts dont celui-ci ait pu se rendre coupable. Il est aussi interdit de se venger et de garder une rancune pour ses actions. Il vaut mieux choisir le moment opportun pour arranger la situation qui est souvent due à un malentendu. Bien évidemment, on évitera à tout prix d’adresser des reproches en public.

Il est recommandé d’aimer particulièrement les érudits et leurs disciples ainsi que les convertis qu’on aidera à s’adapter à leur nouveau style de vie et qu’on accueillera dans la communauté.

Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi (auteur du Tanya et du Choul’hane Arou’h Harav) recommandait de déclarer chaque matin avant la prière : « Je prends sur moi l’obligation de respecter le commandement : Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Ce préalable permet de dévoiler le grand amour de D.ieu pour chaque Juif au point qu’Il désirera envoyer la délivrance finale et complète avec la venue de notre juste Machia’h.

(d’après Hamitsvaïm Kehala’ha)


 Mais si !

« Le » match de foot du siècle devait se dérouler à Jérusalem entre l’équipe d’Argentine et celle d’Israël. Des milliers de supporters avaient acheté en vingt minutes seulement la totalité des billets pour avoir le droit d’assister à la compétition. Le rêve était à portée de main, la star Messi devait fouler le gazon israélien avant de participer au Mondial en Russie. Ceci devait aussi apporter une grande satisfaction à Rav Aharon Dov Halperin, un Chalia’h (émissaire) du Rabbi dévoué entièrement à sa tâche, c’est-à-dire répandre le message de la Torah et encourager les Juifs de tous horizons à accomplir les Mitsvot. Comment ?

Chaque semaine, il rend visite aux employés de l’autoroute 6 pour les aider à mettre les Téfilines et leur donner des cours de ‘Hassidout. Cela fait des années qu’il essaie en vain de mettre les Téfilines à l’un des principaux directeurs de cette entreprise mais celui-ci refuse obstinément. Remarquez, il ne l’empêche pas de donner ce mérite à tous ses employés. Rien ne peut expliquer sa détermination. Le fait est que Rav Halperin est déterminé lui aussi et persiste, à chaque fois, à lui proposer d’accomplir au moins une fois cette importante Mitsva.

Mais, la semaine du match, quand Rav Halperin se présenta comme à son habitude, ce directeur le devança et lui proposa un deal : « Je suis prêt à mettre les Téfilines. Mais tu sais que je suis originaire d’Argentine et, malgré tous mes efforts et mon carnet d’adresses bien rempli, je n’ai pas réussi à obtenir un billet ! J’ai remué ciel et terre pour assister à ce match méga-historique. Si toi, tu parviens grâce à tes relations avec Celui qui est au Ciel et ceux qui sont sur cette terre, à me procurer un billet, je te promets que je mettrai les Téfilines - pour la première fois de ma vie ! ».

Difficile de décrire l’effet de ces paroles sur Rav Halperin. Il avait déjà dû affronter nombre de difficultés dans sa vie mais celle-là ? Ce n’était vraiment pas son domaine de prédilection et il avait à peine entendu parler de cet événement planétaire. Mais il était un ‘Hassid déterminé à faire venir Machia’h le plus rapidement possible – et qui sait ? Peut-être une paire de Téfilines ferait pencher la balance et accélérerait certainement la venue du Messie à défaut de celle de Messi… Il était crucial pour Rav Halperin, comme d’ailleurs pour le peuple juif tout entier, que cet homme d’affaires, super occupé, responsable d’une importante entreprise cotée en bourse et dont dépendaient des milliers d’employés, accomplisse enfin la Mitsva.

D’une manière ou d’une autre, Rav Halperin parvint après d’innombrables coups de téléphone entre autres à Rav Chnéour Deutsch et son beau-frère Rav Chalom Lapidus – à obtenir le précieux billet. Imaginez sa joie et celle de son interlocuteur quand il téléphona pour annoncer qu’il avait réussi ! « Tu as rempli ta part de l’affaire, je m’engage à remplir ma part ! » l’assura le directeur argentin. « Je t’attends demain matin à mon bureau ! ». Lui-même n’en revenait pas : comment un ‘Hassid, si peu intéressé par le sport, avait-il réussi là où lui-même, avec toutes ses relations haut placées, n’avait rien obtenu ? Quant à Rav Halperin, il était surtout heureux pour cette promesse tant attendue : enfin un Juif qui n’avait jamais de sa vie mis les Téfilines allait accepter d’accomplir la Mitsva !

C’est justement ce soir-là que le pays d’Israël tout entier apprit la terrible nouvelle : le match était annulé, le joueur Lionel Messi ne viendrait pas en Israël jouer et se recueillir devant le Kotel, le Mur Occidental comme il l’avait pourtant annoncé ! La déception de tous les supporters était immense mais qui peut décrire celle de Rav Halperin ? Tous ses efforts pour rien ? Quelle valeur avait maintenant ce billet ?

Le lendemain matin, Rav Halperin se présenta néanmoins devant le bureau du directeur, bien qu’il fût convaincu que cela ne servirait à rien. Mais, comme dans toute histoire ‘hassidique qui se respecte, la surprise continuait : l’homme l’attendait, le sourire aux lèvres ! « Tu pensais que j’allais certainement profiter de cette annulation pour annuler ma promesse ? Il n’en est rien ! Tu as accompli ta part du deal, j’accomplirai la mienne ! Tu n’es en rien responsable de l’annulation du match ! ».

Des témoins dignes de foi racontent qu’on entendit le soupir de soulagement de Rav Halperin jusqu’au bout de la rue !

Le match historique n’eut pas lieu mais la mise de Téfilines historique eut lieu !

Le Chabbat suivant, alors que Rav Halperin participait au Kiddouch dans la synagogue Tsema’h Tsédek de Jérusalem, il raconta sa réussite personnelle. Il se trouvait justement sur place un homme d’affaires argentin ! Et voici ce que celui-ci raconta : « Sachez que cette semaine, j’ai perdu beaucoup d’argent ! Et, à mon échelle, beaucoup, c’est vraiment une très grosse somme ! J’ai perdu du temps, de l’argent, de l’énergie pour organiser ce match du siècle qui aurait dû sceller l’amitié entre les peuples. Malheureusement, comme vous le savez, nos ennemis ont agi avec fourberie et ont même proféré des menaces de mort pour faire annuler ce match. J’ai œuvré de toutes mes forces et j’ai contacté les plus hautes autorités politiques, économiques et diplomatiques pour que ce match ait tout de même lieu. En vain. Mais comme je suis heureux que, malgré tout, quelque chose de positif soit sorti de cette aventure : un Juif qui ne l’avait jamais fait a accepté de mettre les Téfilines ! Non, mes efforts n’étaient pas vains puisque maintenant j’apprends ce qui s’est passé en coulisses ! J’ai entendu la véritable histoire de la bouche de Rav Halperin !

Nous n’avons pas mérité de voir Messi à Jérusalem mais un Juif, quelque part au nord d’Israël, a mis les Téfilines pour la première fois de sa vie et certainement, cela activera la venue du véritable Messie ! ».

Menachem Cohen – Kfar Chabad

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018