Choisir son avenir

Certaines dates claquent au vent comme les drapeaux les jours de victoire. Les 12 et 13 Tamouz que nous célébrons cette semaine sont de celles-là. Contraindre un empire sans pitié – l’URSS de Staline – à relâcher sa proie – Rabbi Yossef Its’hak, le précédent Rabbi de Loubavitch – est incontestablement un événement à fêter, d’abord pour lui-même et aussi pour toutes les conséquences dont il fut porteur. Sans doute est-ce cela qui rend le contraste encore plus difficile à vivre. Moins d’une semaine plus tard, le calendrier indique la date du 17 Tamouz, jour de jeûne, et c’est de sentiments bien différents qu’il s’agit. Journée d’infortune est-on tenté de dire. De fait, au cours de l’histoire, les malheurs se succédèrent en ce jour, cinq rapportent les textes : depuis les Tables de la Loi brisées par Moïse au pied du mont Sinaï à la suite de la faute du veau d’or jusqu’à la première brèche pratiquée dans la muraille de Jérusalem par l’envahisseur, ce qui devait déboucher – nous le savons aujourd’hui – sur la destruction du Temple. Que faut-il alors en dire ? Que, de cette date, s’élève la triste complainte des combats perdus, le sinistre murmure des abandons forcés ? Juste après la victoire, le désastre ? La vie peut-elle être faite de si brusques revirements ?

Toutes les armées du monde le savent : la profondeur d’une défaite tient bien souvent à la manière dont on la regarde. Devant l’adversité, la voie la plus facile, et donc la plus tentante, est toujours le renoncement. C’est ainsi que l’échec conduit à un autre échec et enferme sa victime dans une spirale du désespoir. Il y a pourtant un autre chemin : celui du redressement. C’est ainsi que, si le 17 Tamouz marque bien la chute de la muraille protectrice de la Ville Sainte et du Temple, il peut également devenir le jour d’une prise de conscience renouvelée. La brèche dans la muraille devient ainsi une invitation à la reconstruction. Dans la période de trois semaines qui s’ouvre après ce jour pour s’étendre jusqu’au 9 Av, date anniversaire de  la destruction du premier et du second Temple de Jérusalem, les Sages nous enseignent un chemin de vie : celui de l’étude des lois concernant l’édifice. C’est bien plus qu’un symbole, c’est un acte d’avenir. Etudiant ces règles qui décrivent le Temple dans la prophétie d’Ezéchiel, dans le traité du Talmud Midot ou dans le Michné Torah de Maïmonide, nous ne rêvons pas à un monde meilleur, nous en posons les bases. Entre l’acceptation désespérée d’une fatalité aveugle et le combat sans faillir pour un avenir de bonheur, de liberté et de paix, le choix est facile. Il appartient à chacun.


 Concrètement, l’attente

Dans son Michné Torah, Maïmonide (Hil’hot Mela’him, chap. 11) expose les lois relatives à Machia’h. Il y souligne notamment une double nécessité : « Crois en lui…, attend sa venue ». Il a déjà été indiqué qu’il ne s’agit pas là d’une simple répétition ayant valeur d’insistance mais que, au contraire, de nombreux sens peuvent y être trouvés. Ainsi, « attendre sa venue » implique une attitude active qui va au-delà de la simple foi en la réalité des prophéties le concernant. Il en résulte qu’apparaît ici une obligation spécifique : celle d’étudier les lois qui portent sur Machia’h.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch)


Balak

Balak, roi de Moav, engage le prophète Bilaam pour maudire le Peuple juif. Incapable d’y parvenir, ce sont des paroles de bénédictions qui sortent de sa bouche ainsi que la prédiction de la venue de Machia’h.

Le peuple faute avec les filles de Moav qui les poussent à pratiquer l’idolâtrie. L’un des princes de tribu conduit publiquement une princesse Midianite dans sa tente. Pin’has les tue alors tous deux, ce qui met immédiatement fin à la plaie qui s’était abattue sur le peuple.

La Paracha de cette semaine décrit la coalition entre Balak et Bilaam pour maudire le Peuple juif. D.ieu les protège ne permettant pas l’aboutissement de cette malédiction qui se transforme en bénédiction. La suite de la bénédiction évoque la venue de Machia’h. La Paracha s’achève sur un épisode d’indécence et d’impudeur et sur le service du faux dieu de Baal Péor.

Chaque semaine, nous lisons la Haftara, une partie du Na’h, les Prophètes et les Hagiographes, dont le thème est lié à celui de la Paracha.

Cette semaine, les paroles de la Haftara renvoient directement à la Paracha : « Rappelle-toi de ce que Balak, roi de Moav, a conseillé et ce que Bilaam lui a répondu… ». Mais cela ne constitue qu’une partie d’une perspective plus large.

Quels sont les thèmes essentiels de la Paracha rapportés par la Haftara ? Qu’y a-t-il de particulier dans cette Paracha qui ne comporte pas de Mitsvot et que la Haftara nous demande de faire ?

Dans la Haftara, nous lisons que le prophète Mi’ha prophétise sur des événements qui se produiront avant la venue de Machia’h : « les restes de Yaakov résideront parmi de nombreuses nations » et ils n’accorderont pas leur confiance à l’homme mais seulement à D.ieu, « comme de la rosée envoyée par D.ieu, comme une pluie drue sur la végétation, qui ne croit pas en l’homme et n’attend pas les fils des hommes… comme un lion parmi les animaux de la forêt, comme un lionceau parmi les troupeaux de moutons… »

Puis, il rapporte une plainte qu’adresse D.ieu à Son peuple : « Qu’ai-Je fait pour vous… Je vous ai sortis d’Egypte… d’une maison d’esclavage Je vous ai libérés… J’ai envoyé devant vous Moché, Aharon et Myriam… Rappelez-vous s’il vous plaît ce que Balak a conseillé et ce que lui a répondu Bilaam… Ainsi pourrez-vous connaître les justes actes de D.ieu… »

Elle se conclut par les paroles de Mi’ha affirmant que D.ieu ne demande pas de gestes grandioses mais plutôt : « Il vous a dit… ce qui est bon et ce que vous demande D.ieu, uniquement : pratiquer la justice, aimer la bonté et accompagner D.ieu avec humilité. »

Les premiers versets de la Haftara sont liés à la fin de la Paracha où l’on voit certains membres du Peuple juif s’adonner au culte de Baal. En quoi consistait ce culte ? Les gens s’y livraient à leurs besoins naturels les plus ordinaires et vulgaires. Au fond, il s’agissait d’affirmer qu’ils donnaient la préséance à la nature, comme si la nature n’était pas entre les mains de D.ieu.

Le Peuple juif était sur le point d’entrer en Terre d’Israël. Pendant les quarante années du désert, leur vie avait été clairement entre les mains de D.ieu. Leur nourriture était constituée de la manne qui tombait quotidiennement du ciel. L’eau leur était miraculeusement fournie par un rocher qui voyageait avec eux. Une nuée les protégeait des insectes, des flèches ennemies, etc. Il n’y avait aucune possibilité de nier que tout cela avait une provenance divine directe. Mais dès lors qu’ils allaient pénétrer dans la Terre d’Israël, ils devraient se contenter des lois de la nature : ils devraient semer, planter et récolter, s’ils voulaient manger.

La question subsiste : la nature est-elle un système que D.ieu créa mais qui continue à exister par lui même ou est-ce une façade derrière laquelle D.ieu contrôle tout ?

Bien que nous vivions dans la nature et que nous nous adonnions à l’agriculture, aux affaires, à la santé et à bien d’autres domaines, nous devons comprendre que D.ieu est derrière tout cela.

Les implications de cette idée sont multiples. Si l’on met les lois naturelles sur un piédestal, on peut arriver à accomplir des actes qui vont à l’encontre de la Volonté divine, dans la mesure où nous nous appuyons sur la conception erronée que c’est la nature qui nous permet d’atteindre nos objectifs.

Par exemple, selon la logique naturelle, travailler sept jours par semaine, plutôt que six, devrait rapporter plus d’argent. Il serait donc impératif de travailler le
Chabbat.

Mais si nous prenons conscience que D.ieu contrôle tout, y compris la nature et ses bienfaits, nous verrons l’erreur de ce raisonnement. Les lois naturelles n’ont rien à voir avec nos revenus : elles ne constituent que l’outil qu’utilise D.ieu pour accomplir Sa volonté. Bien sûr, il est impératif que la personne fasse un réceptacle pour recevoir la bénédiction de D.ieu lorsqu’elle s’engage dans un commerce, par exemple. Mais penser que tout faire à l’encontre de la Volonté divine est une garantie d’obtenir davantage constitue une méprise drastique.

Telle est la leçon que put tirer le Peuple juif de l’épisode de Baal, juste avant d’entrer en Terre Sainte. Ils purent réaliser que bien que la nature parût les satisfaire, tout vient en réalité de D.ieu.

Quand Machia’h viendra, nous verrons ouvertement le contrôle qu’exerce D.ieu sur la nature et nous nous tournerons directement vers Lui. Nous ne mettrons pas notre espoir dans les lois naturelles et nous n’aurons besoin de compter sur personne.

La Haftara évoque la période, juste avant l’Ere messianique, où nous rentrerons à nouveau dans notre terre. D.ieu dit que ce sera « comme de la rosée envoyée par D.ieu, comme une pluie drue sur la végétation, qui ne croit pas en l’homme et n’attend pas les fils des hommes… »

Ce sera notre confiance inébranlable en D.ieu, dans cette plus grande obscurité de l’exil, qui fera venir Machia’h.

Maintenant que nous sommes si prêts de la Rédemption, nous devons renforcer notre confiance et notre espoir en D.ieu, quand bien même nous n’avons pas confiance en l’homme : un avant-goût de l’époque de Machia’h.

La Paracha et la Haftara partagent un autre point commun.

Elles ont, toutes deux, deux thèmes : les dons qui sont entrecroisés et la clé pour les recevoir tous deux.

Tout d’abord, D.ieu nous sauve et nous protège de ceux qui nous veulent du mal. Il nous a sortis d’Egypte et nous a sauvés de Balak et de Bilaam.

Le second est le fait de la venue de Machia’h.

Ils sont entrecroisés parce que la venue de Machia’h constitue la Rédemption finale, la protection et le sauvetage du Peuple juif. Puisque la présence de D.ieu sera évidente pour tous, l’existence du mal cessera. Ainsi le sauvetage, la rédemption et la protection ne seront-ils plus nécessaires.

C’est à la fin de la Paracha et de la Haftara que l’on trouve la clé.

Dans la Paracha, nous voyons que c’est notre échec dans le respect des lois et de la pudeur qui nous fit perdre notre protection.

La Haftara l’affirme d’une manière positive. Elle nous donne trois règles à suivre : pratiquer la justice (cela signifie : respecter les lois de D.ieu, les Misvot), aimer la bonté (dans le langage de la Torah, l’amour n’est pas un sentiment mais un acte : faire des actes de bienfaisance) et accompagner D.ieu avec humilité (c’est-à-dire : être conscient de Sa présence constante). »

Quand nous sommes conscients de la présence de D.ieu, c’est bien plus qu’une croyance. Notre relation avec Lui atteint un point où nous savons qu’Il est là, Il est bien réel pour nous. Cela change notre perspective de la vie. La façon dont nous marchons, dont nous agissons, dont nous nous habillons et même dont nous pensons, se raffine parce que D.ieu fait partie de notre réalité.

Ces trois domaines nous définissent, définissent notre être juif et sont la clé pour faire venir Machia’h, comme cela est prophétisé dans notre Paracha. Puisse Dieu faire qu’il vienne immédiatement.


 Qu’est-ce que le 17 Tamouz ?

Cette année, le jeûne du 17 Tamouz tombe Chabbat et il est donc repoussé au dimanche 1er juillet 2018.

On ne mange ni ne boit depuis le matin (à 3h 09, heure de Paris) jusqu’à la tombée de la nuit (22h 50 à Paris).

C’est en ce jour que Moché Rabbénou (Moïse notre Maître) brisa les premières Tables de la Loi à la suite du péché du veau d’or. Bien plus tard, le sacrifice quotidien fut interrompu lors du siège de Jérusalem. Une première brèche apparut ce jour-là dans les murailles de la ville sainte. Enfin, Apostomos installa une idole dans le Temple et brûla un rouleau de la Torah, toujours un
17 Tamouz.

Durant les trois semaines suivantes, jusqu’au 9 Av (dimanche 21 juillet 2018), on augmente les dons à la Tsedaka. On évite d’acheter de nouveaux vêtements et on ne prononce pas la bénédiction « Chéhé’héyanou » (par exemple pour un fruit nouveau). On ne se coupe pas les cheveux et on ne célèbre pas de mariage. On évite de passer en jugement.

Suite à l’appel du Rabbi, à partir du 17 Tamouz, nous intensifions l’étude des lois de la construction du Temple (dans le livre d’Ezékiel, le traité Talmudique Midot et le Rambam – Maïmonide).

Durant les neuf jours qui précèdent le 9 Av (à partir du samedi soir 14 juillet 2018), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin. Par contre, on assistera à un Siyoum (ou on l’écoutera à la radio), ce qui est une joie permise durant cette période.


 Etait-ce vraiment un espion 

A la mort de mon père, notre famille habitait à Samarkand. Au début mon frère et moi réunissions un Minyane chez nous, à la maison afin de pouvoir réciter le Kaddich à sa mémoire. Mais des amis nous ont convaincu que cela pourrait être dangereux : les hommes du KGB (la police secrète soviétique) guettaient tout mouvement suspect et pourraient « s’intéresser » à notre appartement si des gens s’y rassemblaient régulièrement. On nous conseilla donc de nous rendre plutôt à la synagogue, dans la vieille ville de cette capitale de l’Ouzbékistan.

Un Chabbat de l’hiver 1960, nous sommes venus à la synagogue pour la prière de Min’ha puis de la sortie de Chabbat. Quelqu’un s’est assis à côté de moi. Ce n’était pas un Juif de Samarkand : il avait les cheveux relativement longs et portait un chapeau qu’il n’avait certainement pas acheté sur place, ni chez les Juifs de Boukhara ni chez les Juifs de la communauté ashkénaze. Et, à ma grande surprise, cet homme s’est mis à me parler en yiddish, ce qui m’incita tout de suite à baisser la garde et à me sentir en confiance.

Il commença à me demander si j’acceptais de servir de dixième homme dans le Minyane. C’était des mots que je connaissais et dont je comprenais la signification. Ensuite il me posa différentes questions, justement sur les sujets dont je ne devais pas parler. Encore aujourd’hui, je m’en veux de ne pas m’être méfié ! Sans doute était-ce le fait qu’il m’ait parlé en yiddish. Bref, dans ma naïveté, j’ai répondu à ses questions. Par exemple, il me demanda avec quel bus j’étais venu et je protestai que, Chabbat, je ne prends bien sûr pas l’autobus. Puis il me demanda quelle était la Paracha de cette semaine, question à laquelle un enfant élevé dans le système soviétique ne sait pas répondre mais qui n’est pas compliquée pour un garçon de Yechiva. « Y avait-il un Ethrog pour Souccot à Samarkand ? » continua-t-il et ma réponse positive prouvait que j’étais parfaitement au courant de la vie juive clandestine dans la ville et que j’y participais activement. Et, mine de rien, il rassembla ainsi beaucoup de détails que je n’aurais jamais dû révéler à qui que ce soit.

Pendant le « troisième repas de Chabbat », un des fidèles distribua des verres de thé chaud et les gens se mirent à parler entre eux. A ma grande surprise, je m’aperçus que mon voisin de la synagogue parlait non seulement le yiddish mais aussi la langue des habitants de Boukhara. Avec effroi, je constatais que j’étais tombé dans le piège, l’homme était certainement un espion du KGB ! Surtout qu’au cours de la conversation, il annonça qu’il venait de Moscou : le doute n’était plus permis ! Un ashkénaze de Moscou qui parle yiddish et Boukharien et qui, de plus, s’intéresse ouvertement à la vie juive de la ville… Je m’éloignai de lui autant que possible mais le mal était fait ! J’en parlais à mon frère et lui aussi s’angoissa terriblement : qui sait ce qui allait nous arriver à cause de ma candeur et de ma stupidité ? Pendant un certain temps, nous avons vécu dans la peur du moindre coup frappé à la porte, des ombres qui nous suivaient dans la rue… Mais rien de fâcheux n’est arrivé.

Bien plus tard, j’ai réussi à sortir d’URSS et à monter en Eretz Israël. Là-bas, je me suis beaucoup investi dans les activités au service des Juifs sortis de Russie. En 1975, l’Agence Juive organisa une conférence à Bruxelles en faveur des Juifs de derrière le Rideau de Fer, comme on disait. Inutile de décrire les discussions passionnées qui se déroulèrent dans notre petite communauté ‘hassidique quant à l’utilité de telles conférences. Je devais représenter notre organisation « Chamir » (Chomré Mitsvot Yotsé Roussia, les Juifs pratiquants originaires de Russie) qui avait été fondée par le Rabbi et que je dirigeais.

J’étais un peu plus jeune que maintenant et sans doute encore naïf. J’étais persuadé que je pourrais avoir une influence quelconque sur les décisions finales. Ce n’est que bien plus tard que je compris que, dans ce genre de conférence internationale, les conclusions sont rédigées avant même le commencement de la réunion…

Dans l’avion qui m’amenait d’Israël vers la Belgique, il y avait aussi les dirigeants de l’Agence Juive, des Refusniks célèbres, M. Mena’hem Begin et Mme Golda Meir… Durant le vol, je bavardai avec l’homme assis à côté de moi. Je me suis présenté et j’ai expliqué ce qu’était Chamir. Lui se présenta comme Professeur Michael Zend de Moscou.

Je me suis immédiatement souvenu de ce que j’avais entendu à son propos dans le passé : en 1969 environ, les pays occidentaux avaient effectué de fortes pressions sur l’Union Soviétique pour permettre la liberté de culte pour les Juifs. Les Soviétiques avaient décidé de riposter en invitant de soi-disant responsables des synagogues de toute l’Union Soviétique pour une conférence de presse où ils raconteraient que tout allait bien dans leurs villes : celui-ci dirait que sa synagogue était remplie de jeunes, un autre prétendrait que les enfants étudiaient la Torah ouvertement et que la vie juive était foisonnante… Soudain le professeur Zend s’était levé (il avait une carte de journaliste qui lui avait permis de s’introduire dans la conférence) et il avait protesté que tout ceci n’était que mensonges : ici il n’y avait pas de synagogue et là, les jeunes gens se cachaient pour apprendre à peine à déchiffrer l’hébreu et qu’il n’y avait aucun club de jeunes ! Il avait osé affirmer cela devant tous les officiels du Parti Communiste et les journalistes du monde entier !

Quand je lui racontai au cours de ce voyage que, dans ma jeunesse, j’avais habité à Samarkand, il m’a dit qu’il s’était aussi rendu à Samarkand, qu’il y avait rencontré des ‘Hassidim de Loubavitch qui agissaient en cachette pour maintenir la vie juive. Il se souvenait en particulier d’un jeune garçon qui venait réciter le Kaddich… C’est alors que je me suis souvenu de la frayeur qui nous avait saisi mon frère et moi ce Chabbat-là et les jours suivants. C’était donc lui, cet homme qui m’avait arraché avec finesse tout ce que je savais de la vie juive dans ma ville mais, de fait, c’était pour assembler des arguments contre le gouvernement soviétique !

Nous nous sommes reconnus et embrassés chaleureusement et je lui ai raconté notre première rencontre de mon point de vue…

C’était donc bien un espion, mais pas du tout pour le KGB !

Rav Betsalel Schiff

Kfar Chabad N° 1758

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Cette victoire est éternelle !

Vive la liberté ! C’est cette exclamation qui peut retentir à l’approche des 12 et 13 Tamouz, dates de la libération de Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le précédent Rabbi de Loubavitch, des prisons puis de l’exil soviétiques. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une liberté retrouvée qui ne concerna pas seulement son bénéficiaire, le Rabbi Précédent, mais qui fit souffler un vent nouveau dont les effets se firent encore sentir bien longtemps plus tard. A cette époque, le pouvoir stalinien avait imaginé que la violence pouvait venir à bout de l’éternel judaïsme. Il avait rêvé d’anéantir une vision par la force de l’arbitraire et le terrorisme des hommes sans morale. De fait, beaucoup crurent que la réussite de son entreprise était inévitable. Beaucoup se dirent qu’une poignée d’hommes ne peut résister durablement à un tel écrasement et que toute la grandeur du Rabbi Précédent ne pourrait rien y faire. Certes, il avait tenu tête à l’intimidation et, malgré la férocité de ses ennemis, avait réussi à maintenir un réseau clandestin d’écoles juives, de bains rituels etc. Mais pour combien de temps ? Son emprisonnement était la conséquence logique de cet entêtement irrationnel, pensa-t-on sans doute.

Le 12 Tamouz apporta sa réponse éclatante. Rien ne résiste à la justice, à la vérité, à la confiance en D.ieu et à l’assurance que tout cela donne. Pas plus que l’obscurité, aussi profonde soit-elle, ne peut espérer vaincre la lumière, la force et la violence – même totalitaires – ne peuvent espérer l’emporter sur de telles notions. Ce recul de l’immense puissance soviétique d’alors, la reconnaissance des implications de ce recul manifestèrent qu’une nouvelle époque était en train de naître. De fait, le Rabbi Précédent fut libéré de prison, relâché de son exil et autorisé à quitter le pays aux conditions que lui-même posa. Il continua son œuvre outre-atlantique et on sait aujourd’hui les résultats qu’elle produisit.

Cette histoire n’est pas seulement celle d’un héroïsme ancien ou d’une victoire du passé, qui nous intéresserait, au mieux, au titre d’une nostalgie de grandeur. Elle est d’abord, plus qu’un exemple, une leçon pour notre temps. Nous savons que bien souvent la violence, la barbarie aveugle, l’oppression sont les moyens choisis par ceux qui renient tout sentiment humain pour faire entendre leur voix, celle de la terreur. Et parfois on peut légitimement être inquiet : est-il possible de vivre ainsi, de continuer d’être des porteurs de lumière parmi les adorateurs de l’obscurité ? Aujourd’hui, c’est une conscience éclatante qui apparaît : la lumière vainc toujours et pour l’éternité.


 Même pour les riches

La Torah (Ex. 22 : 24) enseigne qu’il est nécessaire de venir en aide au pauvre, certes sous forme de don mais également sous la forme d’un prêt, évidemment sans intérêt, qui lui permet de reprendre pied dans le cycle social : « Quand tu prêteras de l’argent à mon peuple, au pauvre ».

Cependant, de ce même verset, nos Sages déduisent qu’il convient également de prêter de l’argent au riche en tant que de besoin. En effet, le fait qu’il demande un prêt indique que, pour le moment, il a besoin d’argent et que, pour cela, il entre dans la catégorie de « pauvre ». Cette idée contient une leçon précieuse : parfois, même une situation favorable peut être considérée comme un état de dénuement par rapport à un avenir infiniment plus positif.

C’est exactement la différence entre toutes les années écoulées et celle de la Délivrance. Même les périodes les plus brillantes, comme celle du roi Salomon, celle du Temple, paraissent « pauvres » par rapport à la grandeur et à la richesse du temps de la Délivrance.

(Extrait d’un commentaire du Rabbi de Loubavitch -
Chabbat Parachat A’harei 5746)


 ‘Houkat

D.ieu enseigne à Moché les lois de la « vache rousse ».

Après quarante ans d’errance dans le désert, le Peuple juif arrive dans le désert de Tsine. Myriam quitte ce monde et le peuple, privé du puits de Myriam, réclame de l’eau. C’est alors que Moché va frapper le rocher pour qu’en jaillisse de l’eau (au lieu de lui parler). L’eau jaillit mais ni Moché ni Aharon ne pourront entrer en Terre Sainte.

Aharon meurt et lui succède son fils Eléazar. Le peuple parle encore une fois contre D.ieu et Moché et une épidémie le frappe, enrayée par un serpent d’airain brandi par Moché.

Moché mène des batailles contre les rois Si’hon et Og, conquiert leurs terres, à l’est du Jourdain.

Dans la Paracha de cette semaine, nous découvrons que les Juifs se plaignirent à D.ieu et à Moché des aléas qui se produisaient au cours de leur périple : « Pourquoi nous as-tu sortis d’Egypte pour mourir dans le désert ? » Pour les punir, D.ieu envoya des serpents venimeux, qui mordirent à mort de nombreux hommes. Le peuple s’adressa alors à Moché : « Nous avons péché en parlant contre D.ieu et toi ; prie D.ieu pour qu’il fasse fuir de nous les serpents ». Le texte nous dit alors que « Moché pria pour le peuple ». Rachi, dans son commentaire des mots « Moché pria », explique : « D’ici (nous apprenons) que celui à qui l’on demande pardon ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

Les mots de Rachi impliquent que c’est spécifiquement ce verset qui nous donne cet enseignement. Et pourtant, la Torah nous apporte plusieurs exemples de situations où les Juifs protestèrent contre Moché et ce dernier n’en pria pas moins pour eux. Pourquoi donc Rachi écrit-il que c’est « d’ici (que nous apprenons) » à adopter une telle conduite ?

La question se renforce encore lorsque nous examinons la source du commentaire de Rachi : le Midrach Tan’houma. Après avoir énoncé ce qui précède, le Midrach poursuit : « Cela est comparable à ce qui est dit (Beréchit 20 :17) : ‘Avraham pria D.ieu et D.ieu guérit Avimélè’h et sa femme, etc.’ » Cela se réfère à l’épisode au cours duquel Avimélè’h avait enlevé Sarah et fut en conséquence atteint d’une plaie. Avimélè’h donna alors des présents à Avraham pour qu’il prie pour lui, ce que fit Avraham. Nous voyons donc qu’Avraham avait pardonné à celui qui lui avait adressé des excuses.

Pourquoi Rachi se sert-il donc de cet épisode avec les serpents pour affirmer que : « d’ici (nous apprenons) que celui à qui l’on demande pardon ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

Allons encore plus loin. L’emphase sur une telle conduite est bien plus importante dans le cas d’Avraham que dans celui de Moché. L’insulte portée à Avraham par l’enlèvement de Sarah était plus grave que l’affront infligé à Moché et pourtant Avraham pria pour Avimélè’h.

Par ailleurs, Avimélè’h fut guéri sans conditions alors que dans le cas de notre Paracha, la guérison ne survint que sous une condition : « L’Eternel dit à Moché : fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux et place-le sur un poteau ; et tous ceux qui auront été mordus le regarderont et vivront ».

Pour répondre à la question, il nous faut analyser un autre point. Après que Moché eut prié pour le peuple, D.ieu lui dit « fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux ». Pourquoi est-il enjoint : « fabrique pour toi » et non simplement « fabrique… » ?

Nous trouvons un autre exemple d’une telle expression, dans la Paracha Beaalote’ha (Bamidbar 10 :2). D.ieu dit à Moché : « Fabrique pour toi deux trompettes d’argent » et Rachi de commenter que « fabrique pour toi » signifie : « de ce qui t’appartient ».

Ainsi « fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux » signifierait que le matériau (l’airain) à partir duquel le serpent serait forgé devrait provenir des ressources personnelles de Moché (« de ce qui t’appartient »).

Cependant, les trompettes avaient pour destination : « qu’ils soufflent devant toi dans les trompettes, comme (pour) un roi ». Et elles ne pouvaient être utilisées que pour Moché. Il est donc compréhensible que l’argent utilisé pour ces trompettes vienne des richesses personnelles de Moché. Mais dans le cas du serpent d’airain, il ne semble pas y avoir de justification pour que Moché aille puiser dans ce qui lui appartient. En fait, ce serpent avait pour but de guérir ceux qui avaient été mordus parce qu’ils avaient parlé contre Moché. N’aurait-il donc pas été plus approprié que l’airain soit donné par toute la communauté et non par Moché !

En réponse à cette question, Rachi commente les mots « Moché pria » en disant : « d’ici (nous apprenons) que celui à qui l’on demande pardon ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

« D’ici » signifie que tout le passage concernant la prière de Moché pour les Juifs, y compris le commandement de D.ieu : « fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux » nous apporte un nouvel enseignement : nous ne devons pas être cruels au point de ne pas pardonner à celui qui nous adresse ses excuses.

Le fait que l’on ne refuse pas le pardon à celui qui le demande n’est pas le nouveau concept tiré de ce passage. Comme nous l’avons vu, Avraham l’avait fait. Mais ce qui est ici inédit est : « il ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

Il est possible, quand l’on nous demande pardon, que nous disions que nous pardonnons et que nous soyons même prêts à rendre service (par exemple prier pour la personne). Et pourtant, nous ressentons toujours du ressentiment dans notre cœur. Un tel pardon est qualifié de « cruel » : si celui qui a été blessé n’agit pourtant pas de la même manière à l’encontre de son agresseur et qu’il est même prêt à prier pour lui, pourquoi ne se débarrasserait-il pas également du ressentiment de son cœur ? Garder de la rancune est un comportement cruel !

Telle est la leçon de l’épisode des serpents. Le commandement de D.ieu à Moché : « fabrique pour toi… », « de ce qui t’appartient », nous enseigne à quel point il est important d’enlever de notre cœur toute trace de ressentiment, de rancœur et d’amertume. Le serpent d’airain, dont le but était de guérir ces Juifs qui avaient mal parlé de Moché Rabbénou, devait provenir précisément des possessions de Moché pour prouver qu’il ne leur tenait en aucune façon rancune pour leurs agissements.


 Quelles sont les qualités d’un professeur d’éducation juive ?

- La première Mitsva de la Torah est « Croissez et multipliez-vous ». Ceci doit également se comprendre dans son sens spirituel, comme l’expliquait Rabbi Chnéour Zalman : « L’ordre des versets dans la Torah est aussi un enseignement. Donc la fondation de la Torah est qu’un Juif doit faire un autre Juif » et s’efforcera donc de donner à d’autres une éducation juive authentique.

- Quand on enseigne à un enfant, on ne sait pas qui bénéficie de qui. Il est possible que l’enfant enseigne davantage au professeur que le contraire !

- Avant d’enseigner, l’éducateur réfléchira qu’il s’apprête à accomplir une œuvre sainte. De ses paroles dépendront la vie spirituelle de l’enfant et sa façon d’envisager le monde et il transmettra avec sincérité la Vérité. Tout dépend du libre arbitre de l’homme et s’il est déterminé à réussir, il y parviendra.

- Le professeur s’efforcera d’abord d’inculquer à l’enfant l’amour et la crainte de D.ieu en lui racontant des récits de la Torah avec flamme et enthousiasme. Il sera conscient de sa responsabilité, surtout de nos jours où l’ambiance générale n’est pas caractérisée par une trop grande conscience de la Présence de D.ieu…

- La mère transmet l’identité juive à son enfant et donc aussi l’éducation à la pleine conscience de l’existence de D.ieu.

- L’éducation commence avec deux principes essentiels :

1) « Ne pas craindre les moqueurs » (première loi du Choul’hane Arou’h, le Code de Lois juives), en particulier en ce qui concerne les lois de la Tsniout (pudeur).

2) « Kabbalat Ol », la soumission à la Volonté de D.ieu exprimée dans la Torah et transmise par les parents et les professeurs.

Ceux-ci veilleront à la propreté et la précision de leur langage. Ils consacreront chaque jour du temps pour réfléchir honnêtement et prier pour l’éducation de leurs enfants et élèves.

 (d’après Hamivtsaïm Kehil’hatam - Rav Shmuel Bistritzky)


 Ne pas attendre !

En 1961, j’étais encore un jeune étudiant de Yechiva. Durant l’été, j’avais sillonné le Tennessee pour apporter un peu de judaïsme à des Juifs habitant loin des grandes villes. Quand je retournai à New York, j’arrivais à une heure du matin devant la synagogue du 770 Eastern Parkway. C’était un jeudi soir, veille du 20 Av, anniversaire du décès du père du Rabbi. La grande salle était vide. Comme j’étais très fatigué à cause du voyage et de la chaleur, j’ai posé la tête sur une table et je me suis endormi immédiatement.

Au bout de quelques instants, j’ai senti que quelqu’un me tapotait l’épaule. Au début je n’ai pas réagi mais on continuait à tapoter et j’ai failli réagir de façon désagréable : j’étais épuisé et, a priori, je ne dérangeais personne. Mais j’ai fini par ouvrir les yeux : ce n’était autre que le regretté Rav Mordehai Aizik Hadakov, le secrétaire personnel du Rabbi ! Je me suis réveillé immédiatement et je me suis levé d’un bond, un peu honteux de m’être conduit ainsi et de ne pas lui avoir manifesté le respect qui lui était dû. Il me demanda d’où je revenais et quand j’étais revenu. Je répondis que j’avais agi comme Chalia’h (émissaire) du Rabbi au Tennessee et il me demanda si j’étais prêt à accomplir une autre mission. J’ai accepté sans hésitation bien sûr. Il était évident que, si Rav Hadakov me réveillait à cette heure-ci pour me confier une mission, c’était qu’il s’agissait d’une initiative du Rabbi.

Je l’ai suivi dans son bureau. Il me tendit une paire de Téfilines et expliqua : « Il y a un Juif du nom de Louis Shilder qui habite à Long Beach, à Long Island, à une heure d’ici. Tu dois te tenir devant sa maison à 6 heures du matin. Six heures pile. Ni avant, car il ne sera pas réveillé, ni après car il se rend à son travail. Quand tu seras chez lui, tu lui mettras les Téfiline et tu lui montreras bien comment les mettre par la suite tout seul. Ensuite tu lui laisseras les Téfiline en cadeau de la part du Rabbi ».

A l’évidence, ma nuit était terminée. Je me mis en route, arrivai devant la maison, attendis quelques instants et, à six heures pile, je frappai à la porte. On m’ouvrit de suite et l’homme qui se tenait là ne cacha pas son étonnement. Je me présentais comme envoyé par le Rabbi de Loubavitch pour lui mettre les Téfiline. L’homme se remit de sa stupeur, me fit entrer et tendit son bras pour que je lui mette les Téfiline tout en lui expliquant exactement tous les détails de la Mitsva. Quand ce fut fini, je voulus partir mais il me demanda de l’accompagner dans son trajet en métro. Et il me raconta ce qui s’était passé. « Votre Rabbi est un homme très intelligent ! Cette nuit, à minuit exactement, je suis entré dans son bureau pour une entrevue privée. Nous avons évoqué divers sujets, il m’a posé des questions sur ma famille, sur mon travail…

Puis il m’a demandé si je mettais les Téfiline et j’ai répondu que non. Il n’a pas réagi à cela et a continué à parler d’autre chose. Ensuite, il est revenu à la charge : pourquoi ne mettais-je pas les Téfiline ? J’ai répondu en toute bonne foi que je n’en possédais pas ! Il n’a pas réagi et a continué la conversation. Il s’intéressa beaucoup à mon emploi du temps quotidien, à quelle heure je me levais, à quelle heure je sortais de chez moi pour aller travailler etc. Au bout d’un quart d’heure, il me demanda mon adresse et, encore dix minutes plus tard – sans lien avec ce dont nous discutions, il demanda : « Si vous possédiez des Téfiline, les mettriez-vous tous les jours ? » Je répondis honnêtement que jamais on ne m’avait appris comment accomplir cette Mitsva. Alors le Rabbi ajouta : « Si on vous montrait comment agir et si vous aviez des Téfiline, les mettriez-vous ? » et j’ai haussé les épaules : « Cela ne me dérangerait pas ! »

Votre Rabbi s’est conduit avec une grande finesse et beaucoup d’intelligence ! Il a « lancé » ses questions mine de rien et, au bout de deux heures de conversation, à deux heures du matin, je suis sorti de son bureau. Comme vous le constatez, quand le Rabbi a reçu une réponse positive de ma part et a entendu – en passant – à quelle heure il était possible de « m’attraper » déjà ce matin, il a agi avec zèle sans attendre un jour de plus ! Il vous a envoyé chez moi quatre heures après que je sois sorti de chez lui, exactement à six heures du matin pour que je mette les Téfiline dès que je me suis levé et juste avant que je me rende au travail ! »

Rav Zalman Lipsker, Philadelphie (Pennsylvanie)

Kfar Chabad N° 1759

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 3 Tamouz : d’élévation en élévation

Un Tsadik, un Juste, qui quitte ce monde n’en disparaît pas, il s’y trouve avec une intensité encore plus grande, nous enseigne le Zohar. Lorsque, en ce Chabbat, revient le 3 Tamouz, jour où le Rabbi quitta matériellement ce monde, cette phrase, immanquablement, résonne dans l’esprit et dans l’âme de chacun. De fait, cela arriva en 5754-1994 et chacun constate à quel point la présence du Rabbi semble être encore plus sensible avec les années. Par ses enseignements, par les actions croissantes qu’il suscite aux quatre coins du monde, le Rabbi continue de guider, conduire, vivifier des centaines de milliers de personnes, diverses autant par leur origine que par leur mode de vie, leurs opinions ou leur situation géographique.

Certains pourraient penser que la grandeur du 3 Tamouz se limite à ces considérations. Certes, ces idées expriment une actualité indéniable – et, en cela, elles sont essentielles. Toutefois, si cette date se contentait d’incarner cela, les années qui passent ne verraient rien se rajouter aux acquis antérieurs. On dirait alors que ce jour n’est qu’une commémoration, même importante, parmi toutes les autres. Or il représente bien autre chose et sans doute est-ce en cela qu’il révèle sa profondeur et son urgence pour chacun, car il est un jour d’élévation. Cela signifie que, lorsqu’il revient, d’année en année, il ne réapparaît pas au même niveau. Il entraîne toujours dans un degré plus haut et ce progrès est infini. C’est ainsi que le Rabbi lui-même s’élève également de degré en degré. Il ouvre un chemin toujours nouveau et chacun peut le suivre. Plus encore, il importe pour chacun de s’élever avec lui.

Le propre d’une voie qui monte, c’est d’exister et d’offrir le passage. Mais il appartient à l’homme de s’y engager et d’en suivre les avancées. Cette route-là est spirituelle, c’est spirituellement qu’il faut savoir l’emprunter. C’est dire que le 3 Tamouz n’est pas qu’une journée qu’il faut marquer, c’est un moment rare qu’il faut vivre par l’action et par l’étude, par le cœur et par l’esprit. Ce jour tombe ce Chabbat, a-t-on dit, comme pour souligner qu’il est un nouveau point culminant. Parce que c’est une période nouvelle qui s’ouvre et que notre âme sait y trouver les ressources du renouveau afin que l’ombre recule pour faire place à la Lumière, celle du temps de Machi’ah.


 La voix et les mains

Le texte de la Torah (Béréchit 27 : 22) enseigne : « La voix est celle de Jacob et les mains sont celles d’Esaü ». Sachant que Jacob représente le Peuple juif et que Esaü est l’ancêtre de l’empire romain, les Sages donnent à cette phrase un sens plus profond. Quand on entend la « voix de Jacob », celle de la Torah, disent-ils, alors les « mains d’Esaü », sa force matérielle, n’ont aucun pouvoir. Mais, quand la voix de la Torah s’affaiblit, les mains d’Esaü peuvent l’emporter.

Cette idée se concrétisa à l’époque de la destruction du Temple. C’est ce que dit le prophète Jérémie : « Pourquoi la Terre a-t-elle été perdue ? Car ils ont abandonné Ma Torah ». En notre temps, par l’étude renforcée de la Torah, nous pouvons donc annuler la cause de l’exil et ainsi amener la Délivrance.

(D’après Likoutei Si’hot, vol. III – Parachat Toledot)


 Kora’h

Kora’h, briguant pour lui-même la prêtrise et le poste de dirigeant de Moché, confiés par D.ieu à Aharon et Moché, est l’instigateur d’une révolte. D.ieu donne la preuve visible aux yeux de tous de la justesse de Son choix.

D.ieu ordonne qu’une Teroumah (« prélèvement ») de chaque récolte de blé, de vin et d’huile, ainsi que chaque premier-né ovin ou bovin, ainsi que d’autres présents spécifiques (24), soient remis aux Cohanim (les prêtres).

 

Le Baal Chem Tov enseigne qu’un Juif doit tirer une leçon de tout ce qu’il entend ou voit. On peut donc tirer une leçon du fait que cette année, le 3 Tamouz tombe le Chabbat où est lue la Paracha de Kora’h.

(Ndt : Dans cette allocution, le Rabbi fait référence à la date du 3 Tamouz lors de laquelle son beau-père, le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak, vit sa peine de mort transformée en un exil de trois ans, dans la ville de Castroma. Il allait être totalement libéré le 12 Tamouz.)

Prendre des enseignements de la Paracha de Kora’h est problématique. En surface, elle évoque la révolte de Kora’h, d’influence néfaste, et son écrasement. Cependant, en s’appuyant sur les enseignements ‘hassidiques qui indiquent que tout dans le monde contient une intention bonne et positive, on comprend que l’histoire de Kora’h elle-même exprime de tels éléments.

Ils sont indiqués par Rachi, le célèbre commentateur. Il cite le Midrach qui tire un parallèle avec « un roi qui a offert un champ à un ami. Il n’a pas écrit de contrat de vente pas plus qu’il n’a apporté le contrat à des officiers pour qu’ils enregistrent officiellement la donation. Survient un autre sujet du roi qui conteste la possession du champ du premier. Conscient des préoccupations de son ami, le roi le rassure : ‘Laisse-le venir et contester tes droits. S’il agit ainsi, je t’écrirai un acte de vente et le porterai aux officiers’. »

Le Midrach se livre ensuite à l’explication : « De la même façon, quand D.ieu attribua la prêtrise à Aharon, Kora’h protesta fortement. C’est pourquoi la Torah accorda à Aharon vingt-quatre dons de prêtrise et une alliance éternelle de sel, pour le rassurer. »

Bien que la prêtrise d’Aharon eût existé avant la révolte de Kora’h (et qu’il ait été investi par Moché Rabénou, de manière très ferme), il n’en restait pas moins que tant qu’un « acte de vente n’avait pas été écrit et apporté aux officiers pour qu’ils l’enregistrent officiellement », Aharon ne la possédait pas pleinement. C’est grâce à la révolte de Kora’h et aux dons de prêtrise qui en résultèrent que la force d’Aharon fut « signée et apportée pour qu’on l’officialise. »

La révolte de Kora’h se concentrait autour de la prêtrise. La fonction la plus importante (et également la plus fréquente) accomplie par un Cohen est la Birkat Cohanim, la bénédiction des prêtres. De tous temps et en tous lieux (et aujourd’hui encore, en exil), la Torah commande au Cohen de bénir le Peuple juif. Il s’ensuit que la force de la bénédiction est intrinsèquement liée à la nature de la prêtrise et exprime son essence.

C’est pourquoi l’on peut considérer la révolte de Kora’h comme une protestation contre la force de bénir. Par le même ressort, la force supplémentaire que reçut Aharon, après la résolution de la controverse, ajouta de l’intensité et de la force à ces bénédictions.

Les commentaires de la Torah ont offert des interprétations variées et sophistiquées à propos des bénédictions des Cohanim. Cependant, le commentaire de Rachi se concentre sur l’interprétation première du verset.

Concernant la partie « Que D.ieu te bénisse », il explique « avec de l’argent, etc. » Cela signifie que bien que les bénédictions impulsent des énergies spirituelles, leurs effets affectent également les objets matériels, y compris l’argent.

Il interprète la conclusion de la bénédiction « et qu’Il te garde » comme signifiant : « te protège des voleurs », c’est-à-dire que si les bénédictions font naître la jalousie des voleurs, on sera préservé par le bouclier protecteur de D.ieu.

Il explique de la même façon, les autres bénédictions, comme se référant aux bienfaits matériels, y compris la bénédiction la plus bénéfique : celle de la paix.

Le lien entre les bénédictions des Cohanim et les préoccupations matérielles est l’objet principal de la leçon que l’on peut tirer de la Paracha de Kora’h et contribue à apporter une nouvelle dimension aux leçons du 3 Tamouz et de Chabbat.

Avec le 3 Tamouz, il s’agit du service du Juif dans la diffusion de la Torah et des Mitsvot - ce qui était la préoccupation qui anima toute la vie de Rabbi Yossef Its’hak.

Apparemment, cela n’a pas de relation avec le comportement du Juif et ses préoccupations matérielles. Même le Chabbat qui nous enseigne que « tout ton travail est achevé » et se réfère donc aux activités matérielles du Juif, traite de ces activités dans la perspective du Chabbat.

Les bénédictions des Cohanim concernent le travail, l’argent et les autres éléments de la réalité quotidienne du Juif. Elles concernent les affaires matérielles et enseignent que même dans le domaine concret, la réussite dépend des bénédictions divines. Ce concept suscite un changement dans la manière d’aborder le monde des affaires.

On a l’habitude de résumer cette nouvelle approche par l’adage de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi : « D.ieu donne au Peuple juif des bénédictions matérielles et les Juifs transforment le matériel en spirituel. »

Dans les bénédictions des Cohanim, le Nom de D.ieu utilisé est Hachem. Ce nom se réfère aux aspects illimités et transcendants de la Divinité. C’est pourquoi, ces bénédictions, qui émanent de ce niveau de D.ieu, sont-elles, elles-mêmes, illimitées et infinies.

De la même façon, elles doivent être prononcées de sorte que « les mots courent rapidement ». En général, pour qu’une bénédiction puisse « atteindre ce monde depuis sa source dans les royaumes spirituels, elle doit passer par différents niveaux intermédiaires. Souvent, elle est retardée, parfois même empêchée. Mais la Birkat Cohanim passe ces niveaux sans difficultés, de telle sorte que « ses mots courent rapidement ». »

Ce concept, à savoir comment la prêtrise (qui avait la force d’affecter les actes physiques) fut « écrite et apportée aux officiers pour qu’ils l’officialisent » est le thème central de la Parchat Kora’h. Il est d’une telle importance que pour le communiquer, la Providence Divine créa une situation qui devait résulter dans la rébellion de Kora’h.

Les 24 cadeaux de la prêtrise, le signe qu’elle est bel et bien officialisée, doivent être donnés avec joie, une joie que l’on doit même ressentir dans le monde matériel. De la même façon, ils apportent une bénédiction dans le monde matériel, incluant l’immense bénédiction qui est celle de la paix.


 Coutumes liées au jour de la Hilloula du Rabbi 3 Tamouz

(cette année samedi 16 juin 2018)

Le Rabbi avait fixé un certain nombre de coutumes à respecter à l’occasion de la Hilloula du Rabbi précédent. Ce sont ces mêmes coutumes qui ont été reprises pour le 3 Tamouz. En voici quelques-unes :

  • • On allumera une bougie de vingt-quatre heures depuis vendredi soir 15 juin (avant l’allumage des bougies de Chabbat).
  • • Avant Chabbat, on allumera cinq bougies de 24h, qui resteront allumées devant l'officiant durant les prières.
  • • La veille, on donnera de la Tsedaka (charité), au nom de chacun des membres de sa famille, pour une institution du Rabbi.
  • • On consacrera un moment dans la journée pour parler du Rabbi et de sa grande Ahavat Israël (amour du prochain) à sa famille et son entourage.
  • • On étudiera les chapitres de Michnayot correspondant aux lettres qui constituent le nom du Rabbi.
  • • On étudiera les enseignements du Rabbi.
  • • On rédigera la veille un « Pane », « Pidyone Néfech », une lettre de demande de bénédictions (en y précisant les prénoms et les prénoms des mères de chacun) qui sera lue sur le Ohel du Rabbi.

N° de fax du Ohel : 00 1718 723 44 44

N° de fax du Beth Loubavitch : 01 45 26 24 37

Adresse du Ohel : 226-20 Francis Lewis Blvd – Cambria Heights, New York 11411

E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.


 Un enfant irlandais avec un prénom juif

Une femme de la communauté Loubavitch de Brooklyn se fit un jour arrêter par la police pour une infraction mineure au code de la route. Elle ouvrit la fenêtre de sa voiture et se mit à chercher dans son sac son permis et l’assurance : le policier la surveillait, suspicieux. Tandis qu’elle fouillait frénétiquement parmi ses papiers, le policier aperçut une photo du Rabbi dans son porte-cartes.

- Excusez-moi, Madame, demanda-t-il, priez-vous dans la synagogue de ce Rabbi ?

- Oui, répondit-elle, surprise.

- Alors dans ce cas, je ne vous dresserai pas de contravention, annonça-t-il tout en refermant son carnet. Et savez-vous pourquoi ? Parce que ce Rabbi (il pointait la photo du Rabbi qu’elle tenait maintenant devant elle) a fait un très grand miracle pour moi !

- Oh ! Dans ce cas, puisque vous ne me dressez pas de contravention, j’ai tout le temps pour écouter votre histoire !

Le policier sourit :

- C’est mon histoire préférée mais je ne l’ai jamais racontée à des Juifs, je crois bien que vous êtes la première à l’entendre !

(Les voitures klaxonnaient à l’arrière et il dut hausser le ton pour se faire entendre mais il prit tout son temps pour parler).

- Voilà ! Je faisais partie de l’escorte qui accompagnait le Rabbi une ou deux fois par semaine au cimetière Montefiore (où est enterré son beau-père, le précédent Rabbi de Loubavitch, m’a-t-on expliqué). Avec le temps, j’ai fait connaissance des jeunes gens qui suivaient le Rabbi et j’ai appris beaucoup de choses. Ce sont des gens très sympathiques, comme vous le savez probablement ; nous avons beaucoup discuté pendant que le Rabbi priait auprès du tombeau.

Un jour, j’ai remarqué que ces jeunes gens de Yechiva avaient beaucoup de choses très intéressantes à raconter et je leur demandai de quoi il s’agissait. Ils m’ont expliqué que le Rabbi avait déjà effectué de nombreux miracles mais aujourd’hui, il s’était passé quelque chose de vraiment très spécial. Je n’ai même pas demandé quoi mais je leur ai timidement demandé si le Rabbi aidait aussi les non-Juifs.

- Bien sûr, répondirent-ils ! Le Rabbi aide quiconque le lui demande. Pourquoi ? Il vous manque quelque chose ?

- Oui ! Nous sommes mariés depuis neuf ans et n’avons pas d’enfant. La semaine dernière, les médecins nous ont annoncé que nous n’avions aucune chance d’en avoir. Nous avons dépensé beaucoup d’argent dans les traitements, nous avons consulté toutes sortes de grands professeurs ; depuis cinq ou six ans, nous avons sillonné tous les États-Unis à la recherche de solutions mais ils sont unanimes ! Vous ne pouvez pas imaginer combien nous sommes malheureux. Ma femme n’arrête pas de pleurer et moi-même je suis brisé.

Alors ce jeune homme m’a conseillé : « La prochaine fois que vous escortez le Rabbi, tenez-vous devant la portière de sa voiture et, quand il en sort, demandez-lui une bénédiction ! ». C’est ce que je fis et, quand il sortit, je lui demandai respectueusement : « Excusez-moi, Rabbi, bénissez-vous seulement les Juifs ou alors aussi les non-Juifs ? ». Il m’a regardé droit dans les yeux de son regard si pénétrant, comme un bon ami et a affirmé qu’il tentait d’aider qui il pouvait. Je lui racontai alors le verdict des médecins et il me conseilla d’écrire sur un papier mon nom et celui de mon père ainsi que le nom de ma femme et de son père : il prierait pour nous ! Mes mains tremblaient tellement que je crus que je ne parviendrai pas à écrire mais j’ai réussi à tendre le papier au Rabbi. Et savez-vous la suite ? Neuf mois plus tard, ma femme a donné naissance à un petit garçon ! Les médecins devenaient fous, ils ne comprenaient pas comment c’était possible mais quand je leur annonçai que c’était la bénédiction du Rabbi, ils se sont arraché les cheveux et… Je crus que j’étais devenu la star du moment !

Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Savez-vous comment nous avons appelé notre petit trésor ? Devinez ! Nous l’avons appelé Mendel ! Au début, ma femme n’aimait pas tellement ce nom parce que ce n’est pas américain. Mais j’ai insisté : nous l’appellerons Mendel ! Chaque fois que nous prononcerons son nom, nous nous souviendrons que, sans le Rabbi, cet enfant ne serait pas né !

Quand nos parents ont entendu ce nom, ils ont tiqué : « Avec un nom pareil, tous ses camarades de classe penseront qu’il est juif, se moqueront de lui et se conduiront mal envers lui ! Pourquoi faire souffrir cet enfant inutilement ? ».

- C’est justement ce que je veux ! répondis-je calmement mais d’un ton décidé. Quand il reviendra à la maison et se plaindra que ses camarades lui donnent toutes sortes de sobriquets ou même lui auront donné des coups à cause de son prénom juif, je lui expliquerai qu’il doit apprendre de ces élèves comment NE PAS se conduire. Ils détestent les Juifs sans raison mais toi, tu dois aimer les Juifs, tu dois les aider de toutes les manières possibles. Tu leur expliqueras que, sans ce grand Rabbi juif qui s’appelle Mendel, tu ne serais pas venu sur terre et alors, peut-être, se mettront-ils à réfléchir et à penser différemment !

Tuvia Bolton - Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 S’ouvrir aux vacances

Cela semble une évidence tant l’idée a été répétée : le calendrier juif rythme littéralement notre vie. Il fait se succéder les jours comme autant de raisons de mieux vivre, les couronne du Chabbat comme d’un espace privilégié de sérénité et de sainteté, des fêtes comme de réceptacles nouveaux d’une lumière Divine précieuse. C’est bien ce calendrier qui est notre éternelle référence. Et pourtant, au long des âges, nous avons aussi appris à suivre les rythmes de la société, ceux que scandent d’autres mois dont les noms murmurent d’autres histoires. Ils sont pourtant également là, ancrés sinon dans notre conscience du moins dans notre appréhension du monde.

C’est ainsi que la période actuelle ne peut que nous rappeler la venue prochaine de l’été, de cette pause instaurée par l’usage qui voit se ralentir l’activité et enfin donner à tous cette liberté tant espérée. Cela s’appelle les vacances et le mot lui-même renvoie à la notion de vide à combler. Elles concernent petits et grands et contribuent largement à poser les bases de l’année qui continuera à leur suite.

C’est dire que les choisir dépasse largement la simple découverte d’un lieu et d’une activité aptes à satisfaire le plus grand nombre. Les choisir, c’est définir l’utilisation que l’on fera de ce temps où tout, ou presque, semble permis. Ainsi, comme souvent, le choix se résume finalement en deux termes : oublier ou garder conscience. L’oubli est toujours temporaire et ne porte pas en lui les réponses qui permettraient d’avancer. La conscience emmène aussi loin qu’on le désire. Alors, avant que tout cela commence vraiment, avant qu’on se laisse entraîner par la norme sociale, il faut sans doute prendre le temps d’y réfléchir.

Il n’est pas question ici de « sacrifice », simplement de retrouver ce que l’on est. La liberté permet tant de choses et apporte tant qu’il faut savoir ne pas s’en priver. Les enfants vont voir s’ouvrir des centres aérés au si beau nom : « Gan Israël ». Les adultes vont découvrir une offre qui s’élargit chaque année où « vacances » rime précisément avec « conscience ». Le temps de tous les possibles va bientôt commencer. Aujourd’hui, le meilleur est à notre portée. Il suffit de le choisir. Peut-être est-ce là le plus difficile mais l’être humain n’est-il pas capable de transformer et le monde et lui-même ? Incontestablement, l’œuvre en vaut la peine.


 La valeur d’un homme simple

Dans la tradition juive, l’étude de la Torah est sans doute la valeur suprême, à telle enseigne que l’érudition est considérée comme une marque évidente d’élévation spirituelle. Cette idée, d’une légitimité incontournable, ne doit toutefois pas faire oublier la valeur de l’homme simple, de celui qui s’attache à D.ieu de tout son cœur avec la plus absolue sincérité.

A ce sujet, le Tséma’h Tsédek, le troisième Rabbi de Loubavitch, dit un jour que le Machia’h se réjouirait dans la compagnie de ces Juifs simples. Alors, précisa-t-il, une pièce leur sera réservée et les plus brillants érudits les envieront. Ainsi apparaîtra la vraie grandeur de ces Juifs qui servent D.ieu à l’infini.

 (d’après une lettre du précédent Rabbi de Loubavitch,

Iguerot Kodech, vol. IV, p. 148)


 Chela’h

Cette Paracha évoque l’épisode des douze explorateurs envoyés par Moché en Israël. Dix d’entre eux, à l’exception de Calev et Yehochoua font un compte-rendu qui décourage les Juifs de conquérir la terre. D.ieu décrète alors qu’ils resteront encore quarante ans dans le désert et que ce sera la génération suivante qui entrera en Israël.

Des lois pour les offrandes ainsi que la Mitsva de la ‘Hallah sont détaillées.

Un homme est mis a mort pour avoir publiquement profané le Chabbat.

Enfin la Mitsva des Tsitsit est donnée par D.ieu afin que nous nous souvenions d’accomplir Ses commandements.

 

Avant d’entrer en Erets Israël, les Juifs expriment le désir d’y envoyer des explorateurs. Moché en adresse la demande à D.ieu qui lui rétorque qu’Il ne lui dit pas d’envoyer des explorateurs mais s’il le fait qu’il en assume la responsabilité. Moché désigne alors les chefs des tribus et leur assigne la mission d’entrer sur cette terre, de voir si les villes sont fortifiées, les armées puissantes, etc., tout ce que l’on attend d’un espion. Ils reviennent et dix sur les douze envoyés donnent un rapport négatif : « nous ne pouvons nous y rendre, les villes sont fortifiées par des murs qui atteignent le ciel, trente-et-un rois règnent en Canaan, les habitants sont des géants qui nous font nous sentir comme des sauterelles. C’est impossible ».

Le peuple est déçu, pleure toute la nuit. D.ieu est contrarié et leur dit : « Maintenant vous pleurez pour rien, mais Je vous donnerai des raisons de pleurer ». C’était la nuit du 9 Av. Bien des années plus tard, c’est à cette même date que les deux Temples de Jérusalem furent détruits et que nous versons des larmes.

Mais cette première fois, il n’y avait pas de raison de pleurer.

D.ieu était en colère contre les explorateurs, Moché était en colère et cela constitue l’un des épisodes les plus tragiques de la Torah.

De nombreuses questions se posent. Nous nous attarderons sur l’une d’elles.

D.ieu dit à Moché qu’Il ne lui demande pas d’envoyer des explorateurs, c’est à lui d’en prendre la décision. Il est étonnant que Moché, dont la vie était dévouée à D.ieu, qui Le consultait toujours (comme ici), entendant la réponse de D.ieu, décide alors de le faire.

Mais une fois qu’il l’a fait, pourquoi tout le monde est-il en colère contre les explorateurs et non contre Moché ? Si c’était une erreur d’avoir envoyé les explorateurs, c’était bel et bien l’erreur de Moché.

En outre, ce que l’on cherche à obtenir, quand on envoie des explorateurs, c’est un rapport, une évaluation. Or c’est ce qu’ils firent et tout le monde est en colère contre eux ! Nulle part dans la Torah il n’est suggéré que leur rapport était erroné, qu’ils exagéraient et n’avaient pas vu ce qu’ils prétendaient avoir vu. Où est donc leur péché ?

L’explication simple est la suivante : quand une armée envoie des espions, dans un territoire ennemi, leur mission consiste à découvrir le moyen le plus efficace, le plus opérationnel pour gagner la guerre. Mais s’ils reviennent en affirmant que la victoire est impossible, ils démoralisent les troupes et freinent l’esprit de combativité. Ce n’est pas là leur mission. Leur mission consiste à découvrir la meilleure manière de mener l’offensive et ce n’est pas leur rôle de décider ou non du bien fondé de la bataille.

Il en va de même pour les Commandements. Quand D.ieu nous ordonne une Mitsva, c’est ce que nous devons faire. Il n’y a pas de place pour l’hésitation.

D.ieu dit : « Rendez-vous sur cette terre et faites-en la conquête ». Ce n’était pas négociable. L’accomplissement des Mitsvot n’est pas négociable.

Pourquoi alors des explorateurs ? Quand on fait une Mitsva, bien des manières, des sentiments, des intentions sont possibles. Quels sont les meilleurs ? A eux de nous l’indiquer.

Les mauvais explorateurs sont donc ceux qui décident si la conquête doit être menée ou non.

Les bons explorateurs sont ceux qui s’enquièrent de l’approche la plus favorable.

Chaque Mitsva doit être accomplie, sans aucun doute. Mais comment allons-nous le faire ? Nous allons donner de la charité, mais quelle sera la manière la plus bénéfique ? Nous allons observer le Chabbat. Mais comment allons-nous occuper le saint jour pour lui donner plus de sens ?

C’est là qu’interviennent les explorateurs.

Lorsque D.ieu dit à Moché : « Je ne te dis pas d’envoyer des explorateurs », ce dernier n’hésita pas car il avait compris le message de D.ieu : entrer sur la terre, accomplir une Mitsva ne se négocie pas. Mais par quels moyens, comment le faire ? C’est à toi de le trouver. Je veux que tu investisses quelque chose de ta personne dans le commandement.

En fait, D.ieu agit ainsi avec nous très souvent dans notre histoire et dans l’Histoire. Il nous conduit jusqu’à un certain point, une certaine frontière, un seuil, là où nous devons être puis, au moment où nous sommes prêts à passer à l’acte, à accomplir la Mitsva, D.ieu nous dit : « Je ne t’en dis pas plus. Maintenant, si tu veux continuer, que cela soit par un acte volontaire. C’est à toi de décider ».

Et cela est vrai pour tout dans la vie. Notre libre-arbitre intervient après que D.ieu ait déjà préparé un contexte, une situation (qui n’est pas le résultat de nos propres actions ou de notre propre choix, même si l’on pense le contraire), après une longue et compliquée suite d’événements, et là, nous attend une Mitsva à accomplir. D.ieu nous dit : « Maintenant tout dépend de toi. C’est ici qu’intervient ton libre-arbitre, ta propre décision. Moi, Je t’ai conduit là où tu dois être, à toi de faire ce que tu as à faire ».

D.ieu nous ordonne un commandement puis nous donne le libre-arbitre. Qu’est-ce que cela signifie-t-il ? Cela signifie qu’il n’y a pas d’alternative, un commandement est quelque chose que l’on se doit d’accomplir.

Prenons un exemple : « tu ne voleras pas ». C’est ce qui doit être fait, c’est ce qui est juste. Aucune discussion, aucune négociation ne sont possibles. Aucune justification, aucune excuse ne peut exempter de ne pas voler.

Mais intervient alors le libre-arbitre. On peut accomplir cette Mitsva ou la violer. Et ce choix, c’est nous qui le faisons. Et si nous choisissons le bon chemin, nous mettons notre moi profond dans ce qui est bon, saint et vrai.

Sans le libre-arbitre, le bien et la sainteté existeraient mais nous ne compterions pas, nous n’en ferions pas partie.

Mais quand D.ieu dit : « voici Mon commandement et vous avez le libre-arbitre », le message est double.

L’explorateur n’a rien à voir avec le commandement de D.ieu. D.ieu décrète, on ne discute pas. Mais lorsqu’on l’accomplit, on y investit notre être parce que nous avons le libre-arbitre.

Ainsi quand le moment fut venu de rentrer en Terre Promise, D.ieu déclara : « Ne me demande pas quoi faire, Je t’ai dit quoi faire. Maintenant, tu possèdes le libre-arbitre et c’est à toi de décider quoi faire ».

Les explorateurs firent une erreur en estimant que c’était à eux de décider s’il fallait conquérir la terre ou non.


 Qu’est-ce que les Tsitsit ?

Tout homme (à partir de treize ans) qui porte un vêtement à quatre coins carrés doit y attacher des Tsitsit (franges composées de huit fils liés avec des nœuds particuliers). Pour cela, on porte sous la chemise (mais pas directement sur la peau) un Talit Katane, une étoffe rectangulaire en laine qu’on passe par la tête et à laquelle sont attachés ces fils tressés de la façon traditionnelle. On habituera les petits garçons dès l’âge de trois ans à porter le Talit Katane et à réciter la Bénédiction (« Barou’h… Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al Mitsvat Tsitsit »). Selon la tradition kabbalistique, on s’efforcera de porter aussi un Talit Katane réservé pour la nuit – mais on ne prononce la bénédiction que sur le Talit de jour.

Les hommes mariés (ou, dans certaines communautés, les jeunes gens dès la Bar Mitsva) portent aussi le Talit Gadol, un grand châle en laine avec les franges traditionnelles aux quatre coins dans lequel ils peuvent s’envelopper complètement pendant la prière du matin. Auparavant, ils vérifient que les franges sont restées cachères et ne se sont ni déchirées ni entremêlées. Même une fois que le Talit est devenu trop usé ou non-cachère, on ne le jette pas mais on l’enterre avec d’autres objets de culte ou des parchemins sacrés usés.

On veillera à ce que les manteaux et vestons ne possèdent pas quatre coins carrés, sinon on devrait y fixer des Tsitsit.

Quand on lave le Talit, on veille à ne pas abîmer les Tsitsit. Certains évitent de le laver en machine, à moins de le maintenir dans un filet spécial.

Porter le Talit Katane entretient la mémoire et la vue comme il est écrit : « Vous les verrez et vous vous souviendrez de tous les commandements de D.ieu » (Bamidbar – Nombres 15 : 39). Celui qui porte un Talit cachère est considéré comme s’il accomplissait tous les commandements. Le mot Tsitsit a la Guematria (valeur numérique) de 600. Si on ajoute les huit fils et les 5 nœuds, on obtient 613, le nombre des commandements de la Torah.

(d’après le Kitsour Choul’hane Arou’h)


 Quand le rabbin s’était trompé…

Dans les années 40, Rabbi Yossef Itshak Schneerson, le précédent Rabbi de Loubavitch envoyait des émissaires visiter les petites communautés dispersées dans tous les États-Unis pour transmettre la joie et l’enthousiasme du judaïsme autour d’eux.

Il confia un jour une mission particulière à Rav Chmouel Levitin, l’ancien Rav de Rakeshik en Lituanie. Il devait voyager de New York à Chicago (où j’habitais alors) pour y passer quelques jours et inspirer les Juifs locaux à s’investir davantage dans l’étude et la pratique religieuse.

Après maints cours et conférences, Rav Levitin demanda à Rav Perlstein (rabbin de la synagogue Tsema’h Tsedek) de lui obtenir un rendez-vous avec M. Charles (Yéhezkel) Lissner. Rabbi Yossef Itshak lui avait spécifiquement demandé de rencontrer ce fidèle de la synagogue, un homme d’affaires prospère dont l’ancêtre Arke de Lyozna avait été un fervent Hassid de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, le fondateur du mouvement Loubavitch. Mais dans sa jeunesse, il avait émigré vers l’Amérique et avait quelque peu rejeté les traditions et pratiques religieuses du vieux continent. Le Rabbi précédent souhaitait donc que Rav Levitin aille lui parler, en espérant sans doute que M. Lissner serait favorablement impressionné par l’apparence hassidique de son émissaire et sa conversation d’un haut niveau intellectuel.

Ce rendez-vous ne fut pas aisé à obtenir car M. Lissner était fort occupé et n’avait pas de temps à perdre dans des mondanités. Mais finalement Rav Perlstein et d’autres notables accompagnèrent Rav Levitin ; je fis partie de la délégation.

  1. M. Lissner nous reçut chaleureusement et la conversation fut très intéressante. Rav Levitin rappela qu’il avait connu personnellement le grand-père de M. Lissner et celui-ci évoqua avec nostalgie le foyer de ses parents et de ses grands-parents, là où les coutumes et pratiques hassidiques étaient partie intégrante de la vie quotidienne et où le Chabbat et les fêtes se célébraient dans la joie.

A la fin de l’entretien, Rav Chmouel se leva et M. Lissner sortit son carnet de chèques en demandant à quel ordre le libeller.

« Mon cher ami, déclara ce fidèle émissaire du Rabbi, je ne suis pas venu solliciter une contribution financière et je sais que vous ne serez pas vexé si je refuse tout argent de votre part ! »

Cette réaction surprit M. Lissner : « Certainement le vénérable émissaire du Rabbi de Loubavitch n’a pas effectué tout ce déplacement depuis New York juste pour une visite de convention ou pour prendre chez moi une boisson fraîche ! »

  1. M. Perlstein intervint alors : « Vous savez que le rouleau de la Torah est écrit selon des règles très précises par un Sofer (scribe), avec de l’encre spéciale sur un parchemin spécial. Il arrive parfois – surtout quand le Sefer Torah n’est pas utilisé pendant longtemps – que les lettres pâlissent et cela rend le Sefer Torah non cachère. Dans le temps, la communauté faisait appel à un Sofer pour vérifier les parchemins et réécrire les lettres pâlies ou manquantes.

Le Rabbi nous a enseigné que chaque Juif est une Torah, remplie de lettres et de mots qui rythment sa vie quotidienne : cacherout, Chabbat, pureté familiale, éducation juive… Il peut arriver qu’une de ces « lettres » se ternisse donc le Rabbi nous envoie comme ses « examinateurs » pour « rafraîchir » les lettres et s’assurer que chacun d’entre nous est un Sefer Torah parfaitement cachère ! »

Ces paroles touchèrent à l’évidence une corde sensible chez M. Lissner qui remercia avec effusion la délégation.

Quand Rav Levitin retourna à New York, il donna au Rabbi un rapport détaillé de son voyage à Chicago, y compris la visite à M. Lissner.

« C’est une explication intéressante, remarqua le Rabbi mais, à vrai dire, l’analogie n’est pas tout à fait correcte. Il est vrai que chaque Juif est une Torah. Cependant il existe deux façons d’écrire. Il y a la méthode de l’encre et du parchemin et il y a la méthode de la gravure. Les Dix Commandements étaient gravés dans la pierre. Quelle est la différence ? L’encre et le parchemin sont deux éléments distincts que le scribe fait fusionner avec adresse. Cependant comme ce sont deux entités séparées, il est possible que l’encre pâlisse ou même s’efface. Par contre, la lettre gravée fait partie de la pierre même. Rien n’est ajouté au matériau qui fait un avec la lettre. De telles lettres ne peuvent pas être effacées ! Tant que le matériau existe, les lettres sont là. Il est néanmoins possible que la poussière s’amoncelle et recouvre toute la lettre. Alors tout ce qui est nécessaire, c’est d’enlever la poussière et les lettres réapparaîtront dans toute leur beauté originelle.

Un Juif est un Sefer Torah non pas écrit mais gravé. Il n’est pas nécessaire de « réécrire » un Juif. Il suffit de l’aider à épousseter les influences extérieures qui auraient pu momentanément recouvrir sa véritable personnalité, le « Pintelé Yid », l’étincelle juive gravée dans chaque âme. Et c’est pourquoi le cœur d’un Juif est toujours en éveil, toujours prêt à répondre à l’appel de la spiritualité ! »

Rav Yossef Wineberg – Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018