Tout au long de la route

Cela ne fait que bien peu de temps que nous avons vécu à nouveau le Don de la Torah. On l’a dit, et écrit, cet événement ne nous abandonne pas. Nous sommes donc conscients, à présent avec une intensité encore plus grande, de ce que nous sommes et de la mission éternelle qui nous a été confiée. Car, ne l’oublions pas, c’est à ce moment que tout commence. Comme le prophète Ezéchiel l’enseigne, les Hébreux deviennent un peuple avec la sortie d’Egypte. Certes, ils existaient auparavant mais ils constituaient une sorte de grande famille, une collection d’individus et ne portaient pas cette conscience qui fait les peuples. Avec le Don de la Torah, c’est une nouvelle et essentielle composante qui va s’ajouter : à présent, le peuple possède une loi qui l’inspire, l’élève et le structure. En même temps, son attachement à la terre sainte, promise par D.ieu à Abraham pour ses descendants, est rappelé et en passe de trouver sa concrétisation.

C’est qu’il ne s’agit pas d’une terre comme les autres. Elle n’est ni terre de hasard ni terre de mythe. Bien au contraire, liée à la conscience du peuple hébreu, qui deviendra le peuple juif, elle l’accompagnera tout au long de l’histoire, depuis le royaume d’Israël prospère jusqu’aux lointains lieux d’errance imposés par la cruauté des conquérants. Espoir au cœur et évocation aux lèvres, elle fait partie intégrante d’une pensée, d’un mode de vie. A telle enseigne que, même à l’époque où s’y rendre tenait de l’exploit, ce lien particulier ne s’est jamais dissous comme n’a jamais disparu la permanence de l’âme juive.

Mais le temps s’écoule et, parfois, ce qui semblait être d’une évidence parfaite prend un aspect troublé. Parfois, la solidité des certitudes finit par être ébranlée par les coups de boutoirs de la société du tam-tam, ce monde où celui qui crie le plus fort ou qui a les images les plus saisissantes l’emporte sur celui qui se contente de dire le vrai. Aujourd’hui, certains regardent la terre d’Israël sans y reconnaître l’empreinte ineffaçable laissée sur elle par nos ancêtres. Certains discutent, affirment et revendiquent. Et quelque chose les dérange : le peuple juif n’oublie pas. Il reste fidèle à lui-même, il sait d’où il vient et croit toujours que l’histoire a un sens. Soyons-en certains au sortir du Don de la Torah : le monde a déjà tenté d’éteindre notre voix, il n’y est pas parvenu. La route s’ouvre toujours au-devant de nous. Elle est aussi celle de l’harmonie, intérieure aussi bien qu’universelle.


 Mesure pour mesure

Le Tanya explique, dans son chapitre 36, que toutes les révélations dont nous jouirons lorsque Machia’h sera venu, dépendent de l’œuvre que nous accomplissons pendant le temps de l’exil. Si ce principe général est connu, son application concrète demande à être précisée.
En effet, c’est l’ensemble des actions que nous menons dans le domaine de la Torah et de ses commandements qui nous conduit à la Délivrance. Cependant, le concept de “mesure pour mesure” est très présent au cœur du judaïsme. Il implique que chaque acte entraîne une conséquence spécifique. Dans cette optique, quelle est l’œuvre qui peut être à l’origine de la résurrection des morts ?
Cette interrogation appelle deux réponses :
- d’une part, la pratique des commandements de D.ieu a pour but général de transformer le monde matériel, dont le caractère éphémère renvoie à l’idée de “mort”, en un lieu de résidence pour la Divinité qui représente l’éternité,
- d’autre part, l’œuvre spirituelle accomplie par l’homme est celle d’élévation des parcelles de spiritualité “exilées” dans la matière. La libération qui leur est ainsi apportée équivaut à une authentique résurrection.

(d’après Likouteï Si’hot vol. III, p. 1011)


 BEAALOTE’HA

Aharon reçoit l’ordre d’allumer la Menorah et la tribu de Lévi est initiée au service du Sanctuaire.

Un « second Pessa’h » est institué en réponse à la demande d’un groupe de Juifs qui n’avaient pu apporter le sacrifice Pascal.

D.ieu indique à Moché l’itinéraire dans le désert et le peuple part du mont Sinaï où il avait campé presqu’une année.

Le Peuple réclame à Moché de la viande.

Moché demande aux 70 Anciens de l’assister dans la difficile gouvernance du peuple.

Miryam parle en termes critiques de son frère Moché. Elle est punie par une maladie de la peau. Moché prie pour sa guérison et la communauté entière attend sept jours jusqu’à ce qu’elle guérisse.

Beaalote’ha commence par le commandement que D.ieu adresse à Aharon, le Grand Prêtre, d’allumer la Menorah, le Candélabre, qui se trouvait dans le Tabernacle du désert. Il fut dit à Aharon que les sept branches de la Menorah devraient être allumées jusqu’à ce qu’elles brillent par elles-mêmes. La Torah poursuit par les mots : « et Aharon fit ce qui lui avait été demandé ».

Les commentateurs expliquent que ces derniers mots indiquent qu’Aharon fut félicité pour avoir accompli l’injonction exactement comme elle lui avait été adressée, sans rien y changer.

Cela paraît difficile à comprendre. Comment Aharon, le grand et saint Prêtre, aurait-il pu faire autre chose que ce qui lui avait été ordonné ? D’habitude, lorsque la Torah évoque un commandement adressé à Moché ou à Aharon, elle ne précise pas par la suite qu’ils l’ont accompli parfaitement. S’ils y ont été enjoints, nous supposons qu’ils s’en sont acquittés correctement.

La déclaration que l’on rencontre ici semble donc superflue.

La ‘Hassidout explique que ce commandement possède également un sens spirituel plus profond.

Comprendre sa signification nous permettra de saisir pourquoi Aharon fut loué de l’avoir accompli, sans l’altérer.

La Menorah représente toutes les âmes juives dont il existe sept types. C’est pourquoi la Menorah a sept branches, chacune représentant un type d’âme différent.

Mais d’une façon plus générale, il existe deux grandes catégories d’âmes. L’âme de la catégorie supérieure ressent une attirance naturelle pour le Divin. Quand bien même elle incorpore, sur terre, un corps physique, elle n’en reste pas moins attachée à la Divinité, elle est toujours attirée par des aspirations spirituelles dans lesquelles elle trouve son plaisir et qui constituent sa quête.

La catégorie inférieure des âmes n’est pas si bien lotie. Sa perception de la spiritualité ne survient qu’après un labeur important, après qu’elle se soit plongée profondément dans les concepts spirituels, qu’elle a peiné, étudié, prié, pour parvenir à une certaine sensibilité spirituelle. Avant cela, elle est seulement attirée par la matérialité du monde physique à laquelle elle ne peut s’arracher.

C’est de ce second type d’âmes dont Aharon était chargé, pour les élever et leur révéler la beauté de la spiritualité du monde. Il avait une telle sainteté que lui seul avait la possibilité d’y parvenir et de les y attirer.

Cependant, il avait le choix entre deux approches différentes.

Pour les comprendre, nous pouvons réfléchir à l’enseignement d’un maître à son élève.

Il peut lui enseigner un nouveau concept que l’élève découvre alors.

La seconde démarche l’affecte plus profondément. Non seulement le maître lui apporte un nouvel élément de connaissance mais il lui enseigne également comment étudier et comment développer des concepts par lui-même. L’élève devient alors à la fois un réceptacle de savoir et également une nouvelle source de savoir.

Aharon avait deux moyens de développer la sensibilité spirituelle dans ces âmes.

D’une part, il pouvait leur donner une révélation extraordinaire d’En Haut, leur révéler une spiritualité prodigieuse à laquelle elles deviendraient sensibles.

Mais il pouvait également adopter une approche différente où il ne la leur donnerait pas mais les guiderait pour qu’elles parviennent par elles-mêmes à cette appréciation et cette attirance pour le Divin.

Et c’est cette seconde démarche qui fut commandée à Aharon. Comme l’exprime la Torah et le commente Rachi : les lumières de la Menorah devaient être allumées jusqu’à ce qu’elles brillent par elles-mêmes.

Et là est la raison des louanges adressées à Aharon : il ne changea pas le commandement. Vu son immense sainteté, il aurait pu élever les âmes lui-même, mais il suivit la prescription à la lettre et travailla sur les âmes jusqu’à ce qu’elles changent par elles-mêmes et parviennent de façon autonome à la perception de la spiritualité, de la Divinité.

Aharon méritait ces louanges non seulement pour ce qu’il accomplit mais aussi pour la manière dont il le fit.


Qu’est-ce que l’éducation juive ?

Certains parents s’efforcent d’acheter pour leurs enfants de beaux vêtements afin qu’ils n’aient pas honte devant leurs camarades. Mais cette satisfaction ne dure qu’un jour ou une semaine ou une année. Par contre, l’éducation juive est une obligation dont l’influence s’étend sur toute la vie.

Le père a l’obligation d’enseigner lui-même la Torah à son fils dès que celui-ci commence à parler. S’il ne le peut pas, il a l’obligation de payer quelqu’un pour le faire à sa place. La communauté peut l’obliger à payer un professeur et, si vraiment il n’en a pas les moyens, la communauté doit fournir à l’enfant l’éducation juive adéquate.

On veillera à ce que le professeur soit un exemple vivant de ce qu’il enseigne.

A partir de l’âge de trois ans, on peut enseigner à l’enfant les lettres hébraïques puis, progressivement, on lui enseignera le ‘Houmach, la Michna, la Guemara et les lois.

De même qu’on doit s’occuper de l’éducation de ses enfants, de même on doit s’occuper de celle de ses petits-enfants.

Les filles et femmes ont l’obligation d’apprendre au moins les lois qui les concernent plus particulièrement (Cacherout, Chabbat, pureté familiale) ainsi que toutes les lois « négatives » (« Ne fais pas… ») et les lois qui ne dépendent pas du temps comme croire en D.ieu, L’aimer et Le craindre. De nos jours, les femmes et filles ont accès à de nombreuses connaissances générales et il est donc normal qu’elles aient aussi accès à de solides connaissances juives.

Pour cela, il est nécessaire de leur enseigner ce qui peut renforcer leur amour du judaïsme comme par exemple les commentaires de la ‘Hassidout.

Les parents ont l’obligation de se dévouer pour l’éducation juive de leurs enfants, même si cela implique des sacrifices financiers. Ils offriront aux enfants des cadeaux en fonction de leur âge pour les encourager à étudier la Torah.

 (d’après Hamivtsaïm Kehil’hatam - Rav Shmuel Bistritzky)


 Le survivant qui ne voulait pas s’asseoir

Mon père est né à Mounkatch en Tchécoslovaquie (actuellement Mukachevo en Ukraine). Il y fréquenta la Yechiva du Rabbi de Mounkatch, Rav ‘Haïm Eléazar Spira, l’auteur du livre Min’hat Eléazar.

En 1944, les Nazis déportèrent les Juifs de la ville dans des ghettos puis à Auschwitz et enfin à Dachau. Ils y endurèrent des souffrances inimaginables et, au bord de la mort par maladie, mon père fut sauvé grâce à l’intercession de son père auprès du responsable de la cuisine, Oscar Heller, qui lui accorda quelques morceaux de nourriture supplémentaires.

Après la guerre, mon père parvint en Australie, le plus loin possible de l’Europe. Il s’y maria et monta une entreprise de textile florissante. Mais, à cause du traumatisme de la Shoah, il ne mettait plus en pratique les Mitsvot. Ce n’est qu’en 1956 qu’il accepta d’entrer dans une synagogue, pour ma Brit Mila (circoncision) : il était fâché avec le bon D.ieu.

Alors que mon père se remettait quelque peu et commençait à reprendre goût à la vie, ma mère décéda à l’âge de 38 ans : mon frère et moi n’étions que des adolescents et ce drame ne fit que renforcer l’amertume de mon père et son ressentiment vis-à-vis de D.ieu.

Puis, comme si cela ne suffisait pas, j’ai commencé moi à m’intéresser au judaïsme et, après le lycée, je décidai d’aller étudier à la Yechiva Loubavitch de Melbourne. Quand mon père me vit porter la Kippa et les Tsitsit, il ne put le supporter et tenta de me convaincre de quitter la Yechiva. Comme je résistais, il décida de se rendre à New York et d’en parler avec le Rabbi. Je suppose qu’il envisageait d’offrir une belle contribution pour ses institutions et que, reconnaissant, le Rabbi accepterait de m’inciter à quitter la Yechiva.

Il entra donc en Ye’hidout (entrevue privée) auprès du Rabbi en 1975 mais ce n’est que des années plus tard que j’appris ce qui s’était passé. En entrant, mon père refusa de s’asseoir devant le Rabbi qui lui offrait une chaise : « J’ai appris à Mounkatch qu’on ne s’assied pas devant un Rabbi ! ». A cela, le Rabbi répondit : « Si vous ne vous asseyez pas, je ne m’assiérai pas non plus ! ».

Le Rabbi se leva et resta debout derrière son bureau ! A un certain moment, il s’avança et se tint à côté de mon père. Il lui posa de nombreuses questions sur le Rabbi de Mounkatch, sur ce que mon père avait étudié à la Yechiva. Puis il lui posa des questions sur la guerre : les ghettos, les camps... Quand mon père commença à parler de cela, il éclata en sanglots. Le Rabbi posa son bras sur son épaule…

Ils n’avaient pas du tout effleuré la question de mon séjour à la Yechiva.

Quand la conversation cessa, le Rabbi réconforta mon père : « Ne vous inquiétez pas, tout ira bien ! ».

Mon père ne m’avait jamais raconté tout cela mais le fait est qu’il cessa de tenter de me persuader de quitter la Yechiva. Ce n’est que récemment qu’il a raconté tout cela à mon fils ‘Haïm et, comme j’insistais, à moi aussi. Mon père résuma ainsi cette Ye’hidout si particulière : « Quand j’en suis sorti, je me sentis comme libéré d’un grand poids sur mes épaules ! ».

Bien plus tard, à la fin des années 80, mon frère, mon père et moi-même sommes allés ensemble au 770 Eastern Parkway alors que le Rabbi distribuait du gâteau au miel durant Souccot. Quand le Rabbi aperçut mon père dans la queue, il stoppa la queue et fit signe à mon père (qu’à l’évidence il avait reconnu parmi ces milliers de personnes) d’avancer. Ils se parlèrent durant trois à quatre minutes. Le Rabbi demanda comment il allait et comment la situation avait évolué depuis la dernière fois mais mon père ne nous raconta jamais aucun détail sur cette conversation impromptue.

Cependant, il nous fit part d’une autre surprise qu’il avait expérimentée. Mon père avait connu le regretté Mena’hem Begin bien avant que celui-ci ne devienne le Premier ministre d’Israël : de fait, il était l’un de ses principaux soutiens financiers. Ils se rencontrèrent une fois pour un dîner à Paris – je crois que c’était en 1975 – et mon père lui demanda : « A votre avis, qui est le plus grand dirigeant du peuple juif ? ». Et, sans hésiter une seconde, Begin répondit immédiatement : « Le Rabbi de Loubavitch ! ». Mon père n’en revenait pas et lui demanda la raison de son affirmation. Begin expliqua que le Rabbi avait élevé toute une génération après la Shoah et avait aidé le peuple juif à croire à nouveau en lui-même.

Et cela, mon père qui l’avait lui-même expérimenté pouvait parfaitement le comprendre et y adhérer…

Au début des années 90, mon père fut confronté à de gros problèmes commerciaux. Il avait investi des capitaux considérables dans le textile en Australie mais tout s’écroula avec l’entrée en force de la Chine sur le marché international. Lui et son associé employaient des milliers de personnes dans leurs usines : leur faillite impliquait donc tout un pan de la population. L’émissaire du Rabbi à Sydney, Rav Pin’has Feldman conseilla à mon père et son associé d’écrire au Rabbi. Ils pensaient que le Rabbi leur donnerait quelques conseils commerciaux de bon sens pour leurs affaires mais ce ne fut pas le cas. Le Rabbi leur demandait simplement de faire vérifier leurs Téfilines. Or ni l’un ni l’autre ne mettaient les Téfilines à l’époque. Ils commencèrent donc à les mettre sérieusement chaque jour et, rapidement, leurs affaires reprirent – même s’il leur fallut plusieurs années pour retrouver vraiment leur fortune initiale.

C’est tellement extraordinaire ! Ils s’attendaient à des conseils « pratiques » mais ce fut une aide toute différente qu’ils reçurent. Ceci illustre plus que tout comment le Rabbi désirait que les gens deviennent eux-mêmes les réceptacles qui leur permettraient de recevoir les bénédictions du Ciel.

Meir Moss – Sydney (Australie) - JEM

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Plus grand qu’un rêve

Tous les grands événements ont cette même caractéristique bouleversante : chacun attend leur venue avec une véritable tension intérieure et chacun ressent leur passage avec une acuité infinie. Puis, après avoir vécu de leur souffle, chacun perçoit qu’ils s’écoulent, s’éloignent et, bientôt, ne forment plus qu’un point à l’horizon. C’est là le sort des choses. L’homme, soumis à la dictature du temps, n’y peut rien. Il a ainsi appris à recourir au souvenir. Pourtant, quand passe la fête de Chavouot, elle ne peut s’effacer.

Ce n’est pas que nous ayons trouvé le secret qui suspendrait le déroulement du temps. Ce n’est pas non plus que nous ayons choisi d’entretenir l’illusion d’une impossible permanence. Simplement, le jour du Don de la Torah laisse une marque autant sur l’univers et la conscience collective que sur l’homme et la conscience individuelle. De fait, à l’écoute des Dix Commandements, tout l’existant vit la rencontre avec D.ieu. Le monde tout entier fait silence et s’en pénètre pour ne plus jamais être le même. Quant à l’homme, il acquiert la certitude que l’histoire a un sens et que les actions humaines, aussi barbares puissent-elles être, ne peuvent fondamentalement la détourner de son cours.

Lorsque les heures de Chavouot passent, elles ne disparaissent donc pas. Peut-être s’enfoncent-elles simplement un peu plus. Elles ne sont plus à la surface de l’esprit, elles y sont entrées et continuent d’exercer leur puissance. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : puissance de la Révélation Divine ou puissance du monde matériel. L’éternel combat se poursuit aujourd’hui en chacun. Nous n’en sommes pas uniquement les spectateurs ou les arbitres mais bien les parties prenantes. Le Don de la Torah nous donne cette force-là : décider de la direction à suivre, pour nous-mêmes et pour tout ce qui nous entoure. Cela s’appelle la liberté et elle commence maintenant, à la fois privilège et responsabilité.

Savoir, c’est pouvoir dit-on. Avec le Don de la Torah, la Sagesse de D.ieu révélée, nous savons sans obstacle ni retour. Nous avons la capacité d’agir. Faire de ce monde un lieu de vie plus beau, ce n’est plus forcément un rêve.


 Le sort des nations

Décrivant le temps de Machia’h, le prophète Isaïe (54 :7) déclare : « Car la nation et le royaume qui ne te serviront pas disparaîtront ». Cette annonce présente évidemment un caractère dramatique cependant elle ne correspond pas à une punition, même méritée.

En effet, à cette nouvelle époque, la réalité de chaque existence apparaîtra. C’est ainsi que tous verront clairement que toute la création, y compris l’ensemble des nations du monde, n’a été créée que pour accomplir la Volonté Divine. C’est dire que le refus de se conformer à cet objectif ultime prive la créature de sa raison d’être.

C’est pourquoi, lorsque le Machia’h viendra, toute créature qui rejettera la fonction pour laquelle elle a été créée, ne pourra que cesser d’exister.

(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXIV, p. 161)


 Nasso

En complément du recensement des Enfants d’Israël effectué dans le désert du Sinaï, un total de 8 580 Lévites, hommes entre 30 et 50 ans, est compté, pour récapituler le nombre de ceux qui se livreront effectivement à la tâche de transporter le Tabernacle.

D.ieu enseigne à Moché la loi de la Sotah, la femme suspectée d’infidélité envers son mari. Sont également données les lois du Nazir qui renonce à la consommation de vin, laisse pousser ses cheveux et ne peut se rendre impur par le contact avec un corps sans vie.

Aharon et ses descendants, les Cohanim, sont instruits sur la manière de bénir le peuple d’Israël.

Les dirigeants des douze tribus d’Israël apportent tous leurs offrandes pour l’inauguration de l’autel. Et bien que leurs dons soient identiques, chacun est apporté un jour différent et ils sont décrits, un par un, par la Torah.

 

La Paracha Nasso évoque de nombreux commandements parmi lesquels figurent les diverses obligations du Nazir. L’une d’entre elle nécessite qu’il ne se coupe pas les cheveux, comme l’illustre l’un des plus célèbres : Chimchone (Samson). Cette loi concernant le Nazir souligne la sainteté extraordinaire des cheveux et c’est pourquoi la Torah insiste sur le fait qu’il ne doit pas les couper. Nous savons tous que Chimchone en tirait sa force prodigieuse. Il semble donc que les cheveux comportent un aspect positif.

Cependant dans certains passages de la Torah, nous lisons tout le contraire. Par exemple, dans le cas du Metsora, celui qui est atteint d’une maladie un peu comparable à la lèpre, dont nous avons parlé il y a quelques semaines, nous observons que ses cheveux devaient être complètement rasés.

Les Lévites, dans le désert, reçurent également l’injonction de les couper complètement.

Quelle est donc la véritable signification des cheveux ? Est-ce quelque chose qui manque de sainteté, comme nous pouvons le constater avec le Metsora ou avec les Lévites, ou cela contient-il une sainteté extrêmement importante, comme pour le Nazir ?

Ces commandements semblent s’opposer les uns aux autres.

La ‘Hassidout explique que le cheveu représente une diminution de la force vitale, une contraction pour ainsi dire. En effet, nous pouvons constater d’une part que les cheveux sont vivants, qu’ils ne cessent de pousser. Mais par ailleurs, la force vitale des cheveux est si faible qu’on peut les couper sans en ressentir aucune douleur. Ainsi s’ils sont vivants, ils le sont moins, pour ainsi dire, que d’autres parties de notre corps.

Cette vitalité affaiblie constitue-t-elle un aspect positif ou le contraire ?

Tout dépend de la situation.

Prenons pour exemple un maître transmettant un enseignement à ses élèves. S’il n’est que peu versé sur le sujet par rapport à ses élèves, il devra leur dispenser la totalité de ses connaissances. S’il venait à contracter et diminuer ses informations, ses élèves n’apprendraient rien, puisque déjà, a priori le maître n’a pas beaucoup de connaissances. Et dans ce cas, le fait de contracter, réduire et diminuer la transmission serait quelque chose de négatif.

Mais si, par contre, l’enseignant possède des connaissances bien plus profondes et supérieures à celles de ses élèves, c’est précisément le fait de ne pas s’adapter, de ne pas se mettre à leur portée, de ne pas contracter son savoir qui empêchera toute acquisition de la part des élèves. Pour que les élèves puissent tirer parti de cet enseignement, il est indispensable que le maître puisse se mettre à la portée des âmes qu’il a en main. S’il veut leur transmettre l’ensemble de ses connaissances, ils n’apprendront rien.

Cette contraction est donc, dans ce cas, un élément positif.

La ‘Hassidout explique qu’il s’agit du même processus dans l’idée de la contraction de la Divinité qui permet à D.ieu de créer et de faire vivre le monde.

Si nous parlions d’un niveau de Divinité inférieur dans le monde, un tel niveau, après avoir été contracté, aurait des influences négatives. Cette force vitale pourrait se diriger vers des forces indésirables et nourrir des forces opposées à la Divinité.

Cependant, l’essence de la Divinité, la lumière illimitée de D.ieu doit être contractée pour que le monde soit créé. Dans le cas inverse, le monde ne serait pas en mesure d’exister et devant l’extraordinaire révélation de la Divinité, il serait totalement annihilé dans son existence, tout comme un objet matériel exposé à proximité du soleil serait complètement brûlé.

C’est pourquoi, lorsque nous parlons d’une contraction d’un niveau si extraordinaire de Divinité, il s’agit d’une contraction positive, absolument nécessaire.

Mais si nous évoquons la contraction d’un niveau inférieur de Divinité, cela n’est pas seulement inutile mais cela peut également avoir des conséquences négatives.

Cette idée de contraction est représentée par les cheveux.

Dans certains cas, la loi évoque la coupe des cheveux dans une représentation qui souligne l’aspect négatif de cette contraction, comme nous l’avons vu plus haut. Il s’agit ici d’une révélation inférieure de la Divinité et cela représenté par les lois qui rendent nécessaire la coupe des cheveux, comme c’est le cas pour les Lévites ou le Metsora.

Mais parfois, la contraction est nécessaire et cela apparaît, dans la loi juive, par les cheveux du Nazir où la contraction, c’est-à-dire le fait de laisser pousser les cheveux, est quelque chose de positif, constructif et saint.

C’est la raison pour laquelle, dans le cas du Nazir, ses cheveux ne doivent pas être coupés.


 Jusqu’à quel point doit-on préférer acheter dans des magasins tenus par des coreligionnaires ?

Il est écrit dans la Torah (Vayikra – Lévitique 25 : 35) : « Tu le renforceras ». Les Sages déduisent de là qu’il faut renforcer son frère juif et lui faire gagner de l’argent si les conditions sont les mêmes que chez son concurrent.

Le Rambam compte huit degrés dans la façon de donner la Tsedaka (charité) et écrit : « La façon la plus haute – il n’y en a pas de plus haute – de renforcer financièrement son frère juif (qui s’est appauvri) est de lui offrir un cadeau ou de lui proposer un prêt ou de l’engager comme associé ou de lui trouver du travail afin qu’il n’en vienne pas à avoir besoin (de la charité) des autres ».

Ainsi celui qui préfère acheter chez un coreligionnaire et lui évite ainsi la faillite ou lui procure un travail adéquat accomplit la Mitsva de Tsedaka. S’il s’avère que le produit acheté ainsi est plus cher que dans un autre magasin, on peut inclure la différence dans le calcul du Maassère (les 10 % de ses revenus qu’on doit remettre à la Tsedaka).

Les notables de la communauté devraient exhorter les fidèles à privilégier les achats dans les magasins tenus par d’autres Juifs et préférer employer en priorité les coreligionnaires.

Cependant, le propriétaire du magasin ne devrait pas exagérer et profiter de cette mesure pour augmenter ses prix de façon délibérée, surtout sur les produits de première nécessité comme l’huile, le vin, les céréales.

Il est interdit à des commerçants de provoquer une rupture de stocks ou de s’entendre sur le prix des marchandises pour les augmenter artificiellement. Rappelons que les Sages ont institué des règles très strictes dans tout ce qui concerne le commerce et l’interdiction de prendre indûment l’argent (ou le travail) des autres et, en cas de doute, il est recommandé de consulter les rabbins spécialisés dans ces lois.

(d’après Rav Yossef S. Ginsburgh – Sichat Hachavoua N° 1635)


 Le « brûlé mauve »

 En 1987, j’avais onze ans et nous avons passé Chabbat chez le Rabbi. Ce fut un Chabbat merveilleux. J’étais si proche du Rabbi, je l’entendais parfaitement puisque je m’étais caché sous la table. J’eus même droit à un encouragement de sa part et ce fut aussi la première fois que je reçus de sa main un billet tout neuf d’un dollar à remettre à la Tsedaka.

J’étais venu avec des amis de mon âge et un moniteur qui nous faisait confiance. Trop confiance. Pendant qu’il bavardait avec ses camarades de Yechiva, nous étions livrés à nous-mêmes et observions le monde autour de nous. Il y avait tant de gens différents. Mais il y avait un jeune homme qui se distinguait malheureusement trop des autres : son visage était terriblement difforme ! Sa lèvre inférieure était gonflée comme un melon, la peau de son visage était bleuie, violette même. A vrai dire, c’était effrayant. Et nous, les enfants, nous nous moquions de lui. Nous ignorions de quel mal il était affecté : était-ce une maladie ? Un accident ? Une casserole d’eau bouillante qui s’était peut-être renversée sur lui ? Toujours est-il que nous tournions autour de lui en l’affublant de toutes sortes de sobriquets. Entre nous, nous le surnommions « le Mauve ».

Quand nous sommes revenus à la maison, nous avons raconté cet épisode à nos parents et soudain, nous avons réalisé combien nous nous étions mal conduits. En plus, dans la synagogue du Rabbi ! Oh, combien nous l’avons regretté ! Alors que nous avions vécu un merveilleux Chabbat auprès du Rabbi qui nous avait remarqués, qui nous avait encouragés, qui avait pris de son temps pour nous manifester tant d’attention, nous avions osé nous moquer d’un autre Juif qui souffrait certainement suffisamment de sa difformité et du regard des autres ! Je devais absolument m’excuser, lui demander pardon et lui promettre que jamais plus je ne recommencerais ! Par la suite, chaque fois que je suis revenu au 770, pendant des années je recherchais ce jeune homme pour lui demander pardon de ma conduite inqualifiable mais je ne l’ai plus revu.

J’ai grandi, je me suis marié et j’ai eu des enfants D.ieu merci.

Un jour, dans un hôtel à Tel-Aviv, je le reconnus ! Le cœur battant, je me suis approché de lui : j’avais enfin l’occasion de lui demander pardon ! Je me suis présenté, j’ai expliqué que j’étais un de ces enfants insolents qui l’avait tourmenté des années auparavant au 770 et lui ai demandé de me pardonner. Mais il répondit : « Je ne peux pas vous pardonner ! ». J’étais bouleversé. Je l’implorai encore une fois mais il hocha la tête et me raconta son histoire.

De fait, il était atteint d’une maladie rare, ses cellules avaient cessé de grandir comme il faut tandis que ses lèvres avaient continué d’enfler). Il avait habité en Israël puis à New York et même en France où il ramassait des fonds afin de payer ses soins médicaux. C’était un érudit, il connaissait par-cœur le livre de Tehilim (Psaumes) et de nombreuses lois juives. Certains chuchotaient que toutes ses bénédictions se réalisaient…

Quoi qu’il en soit, certains jeunes enfants étaient traumatisés en le voyant et en faisaient des cauchemars au point que le père d’un petit Mendi dut demander au Rabbi une bénédiction pour que son fils de trois ans cesse de s’angoisser. Le Rabbi répondit qu’il prierait pour lui et, effectivement, le petit Mendi se calma.

Moché, le père de Mendi, avait remarqué quelque chose de curieux. Normalement, le Rabbi s’approfondissait dans la lecture de son livre de prières pendant que l’officiant répétait la Amida. Pour mieux se concentrer sans doute, le Rabbi se couvrait toujours la tête de sa main. Pourtant il arriva de rares fois que le Rabbi ne se couvrit pas le front et les ‘Hassidim s’en étonnèrent. Moché remarqua que c’était seulement quand « le brûlé » (comme d’autres le surnommaient) était présent dans l’assemblée.

Moché demanda au Rabbi pourquoi il arrivait à certaines reprises que le Rabbi ne se couvre pas le front et le Rabbi répondit que c’était à relier à la Mitsva de l’amour du prochain. La sensibilité sans borne du Rabbi lui faisait craindre que des gens puissent croire qu’il se couvrait le front pour ne pas voir le visage difformé de ce malheureux jeune homme. Le plus étonnant était que « le brûlé » lui-même était aveugle et ne pouvait donc pas s’offusquer du fait que le Rabbi se couvre ou non le visage. Et malgré tout, le Rabbi tenait à le respecter et ne voulait pas que quiconque interprète son geste d’une façon incorrecte !

Le jeune homme en question s’appelait Chimon Frima et on lui avait raconté combien le Rabbi le respectait (au point de changer ses coutumes) et cela l’avait beaucoup touché. Quand je l’avais abordé, il s’indigna : comment, insista-t-il, moi qui me prétendais être un ‘Hassid du Rabbi, avais-je pu me conduire ainsi ? Je l’implorai du fond du cœur de me pardonner, lui racontai que j’avais maintenant des enfants et que je me promettais de veiller à leur éducation afin qu’ils respectent chacun – comme le Rabbi nous l’avait enseigné de façon si poignante. Ému, Chimon prit ma main entre les siennes : « Je suis d’accord de vous pardonner à condition que vous racontiez autour de vous comment vous vous êtes si mal conduit alors que vous vous trouviez dans la synagogue du Rabbi et que le Rabbi se conduisait d’une façon si noble envers moi ! ». C’est effectivement pourquoi je raconte souvent son histoire.

Chimon avait un ami, aveugle comme lui qui, de plus, avait besoin d’une greffe de rein. Miraculeusement, on trouva une donneuse potentielle, juive de surcroit, qui était prête à subir l’opération pour lui donner un rein. L’opération réussit et les deux devinrent amis. Un jour, cette dame lui confia combien elle souhaitait se marier et il lui présenta son ami Chimon au visage si… différent (comme il était aveugle, il ne réalisait pas ce qu’il lui proposait). Dès la première rencontre, elle exprima son intention de l’épouser : ce mariage fut extrêmement émouvant comme vous pouvez l’imaginer.

Il y a quelques années, cette dame valeureuse est tombée malade et dépend maintenant d’une chaise roulante. Chimon a repris ses voyages cette fois pour vendre les tableaux de sa femme (une véritable artiste), payer ses soins à elle et aménager leur appartement pour son handicap. Dernièrement, il est parti à Los Angeles et a fait une chute de 15 marches. Hospitalisé, il s’est éteint là-bas il y a quelques semaines.

Que le souvenir de cet homme si particulier et grâce à qui nous avons tant appris sur la Mitsva de l’amour du frère juif soit béni !

Avraham Berkowitz (Russie)

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Une Loi pour l’univers

Alors que la fête de Chavouot est à notre porte, il est important d’en prendre une nouvelle fois la pleine mesure. Certes, toutes les fêtes célébrées au fil de l’année présentent leurs caractères propres. Chacune porte un message, et aussi une force, qui lui donne sa coloration spécifique. Cela apparaît du reste dans les rites différents qui les marquent, depuis les Matsot de Pessa’h jusqu’au Chofar de Roch Hachana. Pourtant, voici venir Chavouot qui semble n’être relevé par aucun acte particulier. C’est bien sûr un jour de fête et, à ce titre, les lois des fêtes, telle que l’interdiction de travailler, s’y appliquent. Il est vrai également que nombreuses sont les coutumes qui lui sont liées dans les différentes communautés. Mais, n’apparaît aucun accomplissement de la grandeur, par exemple, du loulav à Souccot.

Il faut se garder d’y voir un relatif abaissement de Chavouot par rapport aux autres rendez-vous du calendrier. Peut-être est-ce même le contraire. En effet, si chaque fête a sa marque distincte, c’est aussi parce que son sens est délimité par cet acte. En revanche, Chavouot est au fondement de tout. C’est le jour où la Loi fut donnée au monde, ce moment si essentiel où D.ieu établit le lien avec Ses créatures par le don de Sa sagesse revêtue dans les lettres de la Torah. Aucune action spécifique ne peut rendre compte de l’événement tant sa nature et ses conséquences sont infinies. A présent, plus rien ne sera jamais pareil. Les hommes vont cesser de tâtonner dans l’obscurité et le monde matériel ne sera plus séparé du spirituel. Toutes les avancées sont possibles. L’univers assume ainsi tout son sens.

Lorsque les Dix Commandements retentissent dans les synagogues au premier matin de la fête, cette lecture de la Torah n’est pas un simple impératif liturgique. Elle est l’événement lui-même vécu une nouvelle fois par tous ceux qui y assistent. Une fois de plus, la Loi pénètre l’univers et le transforme profondément. Pour cette raison, chacun s’efforce d’être là en cet instant, si rare et précieux. Hommes, femmes et enfants se lient encore plus puissamment avec D.ieu. La Sagesse pénètre le monde et ses habitants. A l’horizon, c’est une nouvelle lumière qui monte. Elle nous indique le chemin et, dans le même temps, nous donne le moyen de le suivre. Soyons présents, c’est au-devant de nous que s’ouvre la route !


 Elie l’annonciateur

Les prophètes ont annoncé que la venue de Machia’h sera précédée de celle du prophète Elie. C’est ainsi que nous lisons (Malachie 3:23) : « Voici que Je vous envoie Elie le prophète avant que vienne le jour de D.ieu grand et redoutable ». Une question se pose : quel est le rapport particulier entre Elie et cet événement ? Pourquoi est-ce précisément lui qui a été chargé de ce rôle d’annonciateur ?

On sait que le prophète Elie, selon le texte biblique, lorsque vint le moment de sa mort, quitta ce monde avec son corps. Les commentateurs expliquent ce prodige : Elie s’était tant spiritualisé au cours de sa vie physique que son corps pouvait entrer avec lui dans le domaine du spirituel. C’est précisément là le lien avec le temps de Machia’h. Dans cette nouvelle époque, le monde sera parvenu au plus haut de la spiritualisation et du raffinement au point que (Isaïe 40 :5) « toute chair verra que la bouche de D.ieu a parlé ». C’est ce niveau infini qu’Elie incarnait déjà en son temps.

(d’après Likouteï Si’hot, vol. II, p.610)


 Bamidbar - Chavouot

Dans le désert du Sinaï, D.ieu demande que soit fait le recensement des douze tribus d’Israël. Moché compte 603 550 hommes en âge d’être enrôlés (de 20 à 60 ans) ; la tribu de Lévi au nombre de 22 300 hommes, d’un mois et plus, est comptée séparément. Les Lévites doivent servir dans le Sanctuaire, à la place des premiers-nés, dont le nombre était à peu près semblable au leur, qui avaient été disqualifiés par leur participation au veau d’or. Les 273 premiers-nés qu’un Lévite ne put remplacer durent payer une « rançon de cinq Chékèl » pour se racheter.

Quand le peuple levait le camp, les trois clans de Lévites démontaient et transportaient le Sanctuaire et le réassemblaient au centre du prochain campement. Puis ils érigeaient autour leurs propres tentes. Les Cohanim qui transportaient les ustensiles du Sanctuaire (l’Arche, la Menorah, etc.) dans les couvertures conçues à cet effet sur leurs épaules, campaient au Sud ; les Gerchonites, en charge des tapisseries et des couvertures du toit, à l’ouest ; et les familles de Merari qui transportaient murs, panneaux et piliers, au nord. Devant l’entrée du Sanctuaire, à son est, étaient disposées les tentes de Moché, Aharon et des fils d’Aharon.

Au-delà du cercle des Lévites, campaient les douze tribus, en quatre groupes de trois tribus chacun. A l’est était Yehouda, Issa’har et Zevouloun. Au sud, il y avait Reouven, Chimon et Gad. A l’ouest, se trouvaient Ephraïm, Menaché et Binyamin. Enfin au nord, étaient installés Dan, Acher et Naphtali. Cette disposition était également conservée pendant qu’ils voyageaient. Chaque tribu avait son propre Nassi (chef) et son propre drapeau, portant la couleur et l’emblème de la tribu.

Le contexte

Dans l’art de la communication, le choix du décor joue un rôle important. En fait, le décor lui-même constitue une part importante du message et ne peut être dissocié de son contenu. Choisir un environnement adéquat ne facilite pas seulement la compréhension du concept mais peut également souligner et amorcer concrètement son application.

De telles considérations s’appliquent au choix de D.ieu pour le lieu du Don de la Torah. Nos Sages s’interrogent : « Pourquoi la Torah fut-elle donnée dans le désert ? D.ieu n’étant pas obligé de la donner dans un lieu donné, Son choix nous livre donc des perspectives profondes » (Bamidbar Rabba 19: 26).

Et plus que cela, la signification de cet état de fait ne concerne pas seulement le peuple juif au moment du Don de la Torah mais chaque homme, dans chaque génération. Car dans notre liturgie, nous prononçons les mots Notène haTorah, « Qui donne la Torah », en utilisant le présent. Il convient donc de comprendre, en tout temps et en tous lieux, les enseignements que nous donne le choix du lieu du Don de la Torah.

Là où n’existe aucun propriétaire

La première explication qu’avancent nos Sages en réponse à cette question est que le désert n’appartient à aucun individu. Il en va de même pour la Torah. Elle ne constitue pas la possession exclusive d’un individu particulier, d’une tribu ou d’un type de personnalité. Bien au contraire, « la couronne de la Torah est mise de côté, attendant et prête pour chaque Juif… Celui qui en a le désir peut venir et se l’approprier » (Sifrei).

La nature du désert sans propriétaire nous donne également une clé pour comprendre comment appliquer l’enseignement que l’on vient de citer quand il s’agit d’acquérir la Torah.

Nos Sages poursuivent en déclarant qu’un individu « doit faire de lui-même un désert, se débarrassant de toutes ses préoccupations », c’est-à-dire qu’il doit se libérer de tout ce qui le retient dans son engagement pour la Torah.

La Torah représente la volonté de D.ieu et Sa sagesse. Elle est donc infinie et illimitée, tout comme l’est D.ieu Lui-même. C’est pour cela que s’approcher de la Torah requiert de notre part de se dépasser d’un pas et d’accepter un cadre de compréhension différent.

C’est cette approche qui imprégnait nos ancêtres lorsqu’ils déclarèrent : « Naassé Venichma », « nous ferons puis nous écouterons ». L’ordre des termes de cette déclaration est significatif. Au lieu d’écouter au préalable les commandements de D.ieu puis de décider de les accepter ou non, ils promirent de Lui obéir, quoi que cela puisse impliquer. Plutôt que de permettre à leur compréhension de modeler leur engagement, ils s’engagèrent à ce que ce soit leur engagement qui modèle leur compréhension.

Une déclaration de dépendance

Quand quelqu’un prend un tel engagement, D.ieu fait en sorte que l’environnement en permette l’expression.

Cela est également mis en lumière par le choix du désert, comme le soulignent les Commentateurs : « Dans le désert, nos ancêtres dépendaient de D.ieu pour chaque élément de leur existence. Il n’y avait aucune ressource naturelle sur lesquelles ils auraient pu compter. »

Et pourtant, cela ne suscita en eux ni anxiété ni inquiétude. Bien au contraire, malgré l’aridité et la désolation du désert, le peuple juif y pénétra empli d’une confiance tendre comme le déclare le prophète : « J’ai rappelé pour toi la bonté de ta jeunesse, l’amour des jours de tes noces, où tu Me suivis dans le désert, dans une terre inculte » (Yirmiyahou 2 :2).

Et D.ieu répondit avec une tendre affection. Leurs aliments, leur eau, et même leurs vêtements leur étaient miraculeusement attribués. D.ieu subvint à tous leurs besoins, leur donnant l’opportunité de se consacrer exclusivement à la Torah.

Mais tout cela n’est pas une histoire du passé. Même lorsque nous semblons posséder les moyens naturels de gagner notre vie, la vérité est que la nature elle-même est une série de miracles. Parce qu’ils se reproduisent sans cesse, nous ne les voyons plus comme tels mais cela ne devrait pas obscurcir la vérité selon laquelle c’est en tout temps et en tous lieux que nous nous appuyons sur D.ieu.

Cette prise de conscience doit nous motiver pour mettre de l’ordre dans nos priorités. Au lieu d’accorder la primauté à nos préoccupations matérielles, il faut la donner à la Torah. Et en agissant ainsi, nous pouvons être confiants que D.ieu subviendra à tous nos besoins comme Il l’a fait pour nos ancêtres. Même lorsque, tout comme nos pères, nous ne voyons aucun moyen naturel qui puisse nous venir en aide, nous devons persévérer dans notre engagement dans la Torah et nous en remettre à Lui.

Pour que le désert fleurisse

L’aridité du désert peut également servir d’analogie pour l’état spirituel de l’homme. Bien qu’il puisse se sentir vide et dans un état de dénuement, et peut-être avec de bonnes raisons parce qu’il vit dans un désert spirituel, il ne doit pas désespérer. D.ieu descendit dans le désert pour donner à l’homme sa possession la plus précieuse, la Torah.

Et il en va de même aujourd’hui : quel que soit son statut spirituel, D.ieu offre à chacun l’occasion d’établir une relation avec Lui par l’intermédiaire de la Torah.

La floraison ultime

La Paracha Bamidbar, « dans le désert », est toujours lue avant la fête de Chavouot. Les fêtes juives ne font pas que commémorer des événements du passé mais nous donnent également l’opportunité de les revivre. Pour revivre l’expérience du Sinaï, il nous faut d’abord passer par le désert et ses leçons, du moins au sens spirituel. Tel est le message que nous communique la lecture de la Torah de cette semaine.


 Que fait-on à Chavouot ?

On a coutume de se couper les cheveux la veille de Chavouot, donc cette année le vendredi 18 mai 2018.

Vendredi 18 mai, veille de Chabbat Bamidbar, on allumera avant 21h11 – en plus des bougies normales de Chabbat – une bougie de quarante-huit (ou : mieux : 72) heures pour pouvoir allumer les bougies des deux soirs de Chavouot.

Samedi soir 19 mai (à Paris après 22h31) et dimanche soir 20 mai (après 22h28), les femmes allumeront les deux bougies de la fête (les jeunes filles et les petites filles allumeront une bougie), avec les bénédictions :

1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chèl Yom Tov ».

2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé ».

Dans nombre de communautés, on a la coutume de décorer la synagogue et sa maison de fleurs, en souvenir du don de la Torah.

Il est de coutume de veiller toute la première nuit de Chavouot, donc la nuit de samedi 19 mai à dimanche 20 mai.

Tous, hommes, femmes et enfants, même les nourrissons, se rendront à la synagogue dimanche matin 20 mai pour écouter la lecture des Dix Commandements. On marque ainsi l’unité du peuple juif autour de la Torah, et on renouvelle l’engagement d’observer ses préceptes.

On a l’habitude de prendre un repas lacté avant le vrai repas de viande dimanche midi.

Lundi 21 mai, on récite, pendant l’office du matin, la prière de Yizkor en souvenir des parents disparus : on donnera de l’argent à la Tsedaka pour leur mérite après la fête.

La fête se termine lundi soir 21 mai après 22h34 (heure de Paris) avec la prière de la Havdala (sans les bénédictions sur les aromates et la bougie).

Rappelons qu’on ne récite pas la prière de Tahanoun (supplications) depuis Roch Hodech Sivan (mardi 15 mai) jusqu’au Chabbat 12 Sivan (26 mai).


 Le Séfer Torah de Slavita

Au début du 19ème siècle, les frères Chmouel Abba et Pin’has Shapiro furent faussement accusés de la mort d’un certain Lazer : celui-ci aurait soi-disant découvert que les deux frères publiaient de façon clandestine des livres suspects. Malgré le manque de preuves, les deux frères furent jetés en prison et soumis à de terribles tortures pour leur faire avouer leur crime. Le Tsar Nicolas lui-même s’intéressa à cette affaire. Cependant, les deux frères avaient décidé d’accepter tout ce qui leur arrivait comme la Volonté de D.ieu et restèrent fermes dans leur volonté de continuer à prier, étudier et garder confiance en D.ieu.

Le vendredi 29 Av 1839, les deux frères qui avaient déjà été affaiblis par trois années de détention furent condamnés à recevoir 1500 coups de fouet ! Pour cela, ils devaient marcher trois fois entre deux rangées de 250 soldats vigoureux et sans pitié qui leur assénaient ces coups de fouet ; s’ils survivaient, ils seraient envoyés en Sibérie. Les deux frères entonnèrent un chant exprimant leur fierté d’être juifs et leur complète confiance en D.ieu. Malgré la violence des coups, les deux hommes menottés continuèrent leur marche comme si des anges les protégeaient jusqu’à ce que Chmouel s’arrête : non, il ne tomba pas mais refusa de continuer à avancer tandis que les soldats, eux, continuaient de lui infliger des coups : c’est que sa Kippa venait de tomber et il n’était pas question pour lui de marcher sans Kippa, sans ressentir la Présence de D.ieu au-dessus de lui ! Impressionné, un officier la ramassa, la remit sur sa tête et la marche avec les coups reprit ! Évanouis mais miraculeusement vivants, les deux prisonniers souffraient de multiples blessures et fractures ; le récit de leur incroyable confiance en D.ieu et leur esprit de sacrifice inspira des générations de Juifs russes.

Après quelques mois de convalescence, les deux frères furent incarcérés dans diverses institutions à Moscou ; là ils purent inspirer par leur courage les Cantonistes, ces Juifs qui avaient été enrôlés depuis l’âge de douze ans (et même huit ans !) dans l’armée du Tsar où certains avaient résisté, au prix d’énormes souffrances, aux tentatives de les convertir. Au bout de 22 ans, à la mort du Tsar, les deux frères furent finalement libérés.

Durant cette incarcération, ils avaient été autorisés à détenir une coupe de Kiddouch et une boîte d’épices pour la Havdala. Mais ils auraient tant souhaité posséder un Séfer Torah ! Comment leur faire parvenir un tel objet ? Les Juifs de Moscou décidèrent alors de faire écrire des parchemins d’à peine 20 centimètres de haut en les faisant passer pour de longues lettres écrites par la famille. Chacun des feuillets avait 7 à 8 colonnes écrites sur 42 lignes ; on les fit parvenir un à un aux deux prisonniers. Les descendants de Rabbi Chmouel Schmelke de Nikolsbourg avaient fourni pour cela une encre spéciale, remarquable pour sa solidité puisque l’écriture de ce Séfer Torah est encore très lisible aujourd’hui. Au bout de quelques mois, les deux frères furent ainsi en possession de tous les parchemins et purent s’en inspirer pour étudier. A leur libération, ils les firent coudre de la manière traditionnelle pour constituer un véritable Séfer Torah connu comme « le Séfer Torah de Messirout Néfech », du dévouement ultime pour le Nom de D.ieu. Il manquait encore les Etz ‘Haïm, les deux bâtons en bois sur lesquels les parchemins sont cousus : ils reçurent alors deux Etz ‘Haïm qui provenaient de Rabbi Ye’hiel Michel de Zlotchov qui, sous inspiration divine des années auparavant, les avaient destinés à être offerts à de grands Tsadikim pour un Séfer Torah absolument unique.

Ce Séfer Torah demeura la possession des descendants du frère aîné, Rabbi Chmouel Abba Shapiro. Après bien des tribulations, un des arrières petits-fils, nommé lui aussi Chmouel Abba réussit à sortir de Russie soviétique en 1946 avec le Séfer Torah : d’après certains témoins, il l’aurait enveloppé autour de lui pendant le long voyage vers la Terre d’Israël. Il aurait voulu le remettre au précédent Rabbi de Loubavitch qui était un de ses lointains cousins et qui, lui aussi, avait énormément souffert des autorités russes mais ceci ne put se concrétiser.

S’il avait été vendu aux enchères, ce Séfer Torah aurait atteint un prix astronomique mais n’importe quel prix était trop faible par rapport à sa véritable valeur. Finalement, des ‘Hassidim décidèrent qu’il devait être offert au Rabbi de Loubavitch. Après bien des discussions (et le versement d’une forte somme destinée à dédommager Rav Chmouel Abba pour ses efforts), le Séfer Torah fut acheminé en 1954 jusqu’à New York, avec les autres objets des frères Shapiro : une Mezouza, l’assiette du verre de Kiddouch et la boîte d’épices en argent. Quand le ‘Hassid Rav Pin’has Althaus les disposa sur la table du Rabbi et annonça qu’ils avaient appartenu à ces deux Tsadikim, le Rabbi se leva et murmura : « Par quel mérite ai-je mérité de les recevoir ? ». Deux ans et demi plus tard, Rav Chmouel Abba offrit aussi au Rabbi une canne ayant appartenu à son ancêtre ainsi qu’un volume du ‘Hok LeIsraël dans lequel les deux frères avaient étudié.

Le Rabbi utilisa ce Séfer Torah pour la première fois le second jour de Roch Hachana. C’est avec ce Séfer Torah que le Rabbi dansait à Chemini Atséret et Sim’hat Torah, le Séfer Torah de Messirout Néfech !

Rav Sholom Dov Ber Avtzon – The Brothers of Slavita

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Vers le sommet

Nous l’attendons depuis plus de trente jours à présent, et avec une si grande impatience que nous avons compté le temps qui s’écoulait, tendus dans un effort incessant vers le rendez-vous annoncé : le Don de la Torah. Nous aurons, bien sûr, l’occasion de relever encore ce que ce jour apporte à chacun individuellement et à l’humanité en général. Mais, auparavant, il importe de suivre le chemin qui nous y conduit. De fait, si compter les jours est en soi essentiel, l’homme, pris dans les filets de la vie quotidienne, peut oublier que le commandement ne se limite pas à son rituel, qu’il s’étend à tous les domaines et tous les niveaux et que c’est de ces multiples façons qu’il faut le vivre. Dès lors, sur la route définie par la pratique, entreprendre la préparation qu’elle implique est le secret du Don de la Torah en notre temps pour chacun.

Il est clair que le mot d’ordre du jour tient dans cette idée si simple et si profonde à la fois : se préparer à cet événement considérable qui, au sens strict, va changer la face du monde. Car chacun peut s’interroger : comment espérer seulement parvenir à ce qui constitue un sommet spirituel alors même que nous sommes conscients de ce que nous sommes ? Souvenons-nous, dès que le peuple juif parvint au pied du mont Sinaï, Moïse montra, jour après jour, la voie que chacun devait suivre. Son enseignement accompagna l’indispensable élévation.

Les choses sont-elles différentes aujourd’hui ? Certes, plus de trois mille ans sont passés depuis lors, les conditions de vie ont bien changé et notre histoire s’est déroulée, nous entraînant d’un continent à l’autre, dans le repos ou la fureur. Pourtant, la règle posée lors du Don de la Torah garde toute sa force, n’est-elle pas éternelle ? Elle nous dit que les jours qui viennent sont d’une importance vitale. Elle nous dit qu’ils font comme une passerelle avec la Révélation attendue.

Toutes les choses précieuses ont une caractéristique commune : nul ne peut les obtenir gratuitement. Le Don de la Torah appartient à tous, d’une certaine manière il nous est déjà acquis. Mais il faut en ressentir en soi la grandeur pour que celle-ci nous imprègne et nous porte plus haut. Il reste donc quelque chose à faire. Savoir que c’est vers le grand rendez-vous avec D.ieu que nous allons, être conscient qu’il va se produire non comme une commémoration mais bien comme un événement qui traverse le temps, avec une actualité immédiate, c’est ainsi que nous y verrons le sens ultime : la Délivrance finale.


 Pourquoi désirer le nouveau temps ?

« Les Sages et les prophètes n’ont pas désiré le temps de Machia’h (pour quelque raison autre que) être libre (pour se consacrer) à la Torah et sa sagesse » (Maïmonide, Michné Torah, Hil’hot Mela’him, chap.12, Hala’ha 4).

Maïmonide relève ici une idée importante. Les Sages et les prophètes authentiques ne sont pas satisfaits de leur étude et de leur connaissance dans le temps de l’exil. Bien au contraire, ils désirent et attendent avec impatience la venue de Machia’h.

Ils l’espèrent de tout leur cœur car c’est seulement alors qu’ils pourront plonger au plus profond de la Torah.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Chabbat Parachat Vayéra 5743)


 Behar - Be’houkotaï

Behar

Sur le mont Sinaï, D.ieu communique à Moché les lois de l’année chabbatique : toutes les septièmes années, tout travail sur la terre doit être interrompu et ses produits rendus accessibles à tous, hommes et animaux.

Sept cycles chabbatiques sont suivis d’une cinquantième année : l’année du Jubilée au cours de laquelle tout travail de la terre cesse, tous les serviteurs liés par contrat sont libérés et tous les états ancestraux de la Terre Sainte qui ont été vendus reviennent à leurs propriétaires originels.

Behar contient également des lois supplémentaires concernant la vente de terres et les interdictions de fraude et d’usure.

Be’houkotaï

D.ieu promet que si le Peuple d’Israël observe Ses commandements, il jouira de prospérité matérielle et résidera en paix sur sa terre. Mais Il donne également un avertissement sévère et le menace de l’exil, de la persécution et d’autres maux qui s’abattront sur lui s’il abandonne son alliance avec Lui.

Toutefois, « même quand ils seront sur la terre de leurs ennemis, Je ne les rejetterai pas, pas plus que Je ne les haïrai, ne les détruirai ou ne briserai Mon alliance avec eux. Car Je suis l’Eternel, leur D.ieu ».

La Paracha se conclut avec les lois concernant la manière de calculer la valeur des différents types d’engagements pris pour D.ieu et la Mitsva de prélever un dixième des produits agricoles et du bétail.

BEHAR

En intitulant la Paracha Behar (« sur la montagne ») plutôt que Behar Sinaï (« sur le Mont Sinaï »), la tradition juive a choisi de mettre l’accent sur le fait que la Torah ait été donnée sur une montagne plutôt que sur la montagne elle-même où se produisit cet événement.

Nous le savons, le Midrach explique que D.ieu choisit de le faire parce qu’elle était la plus basse, c’est-à-dire la plus humble, des montagnes. Mais si D.ieu désirait nous enseigner l’humilité, pourquoi ne choisit-Il pas une vallée ou tout au moins un terrain plat ?

Malgré le fait que l’importance de l’humilité et du sacrifice de soi ne puisse être minimisée, une certaine dose de fierté fait également partie intégrante du service de D.ieu. Une personne totalement effacée se sentira désemparée devant les épreuves, les doutes, le cynisme et la moquerie d’un monde qui obscurcit la Divinité. Après tout, quelle crédibilité a-t-elle pour se dresser contre eux et s’y opposer ? C’est la raison pour laquelle nous devons également être des « montagnes », nous devons savoir maîtriser l’art de nous affirmer en tant que représentants de D.ieu sur terre. Cette leçon est si importante, si fondamentale qu’elle introduit le Choul’han Arou’h, le Code de lois juives, comme pour impliquer que notre accomplissement des lois qui suivent dépend de notre intériorisation de la conscience que nous ne devons jamais ressentir de gène devant les moqueurs mais affirmer fermement notre engagement inconditionnel pour les lois de D.ieu.

Il n’en reste pas moins que l’orgueil personnel devant nos réalisations n’a aucune place dans le judaïsme. La constante conscience de la Présence Divine, requise par le judaïsme, ne nous permet en aucun cas de faire preuve d’arrogance ou de suffisance. La fierté que nous devons ressentir est la fierté de D.ieu : la reconnaissance que nous sommes investis de Sa mission. Là est la source de notre dignité et de la fierté que nous devons manifester. En fait, c’est précisément une abnégation totale de notre personne qui rend possible une véritable affirmation de soi.

C’est précisément quand nous avons complètement effacé tout sens de notre ego, que nous ne sommes plus pleins de nous-mêmes, que nous pouvons réellement nous affirmer. Nous ne sommes plus alors conscients de notre personne mais de D.ieu. Nous ne sommes plus « nous » mais D.ieu agissant à travers nous.

Le choix de la montagne pour le Don de la Torah était donc celui de la plus modeste, le Mont Sinaï, une montagne, certes, mais une montagne d’une humilité absolue.

BE’HOUKOTAÏ

Le nom de cette Paracha, Be’houkotaï, signifie « selon Mes statuts ».

Nous avons déjà évoqué le fait que ces commandements n’ont aucun sens logique et qu’aucune raison n’en est donnée. Ils s’opposent à ces autres Mitsvot : les Michpatim, « lois », accessibles à la raison humaine et qu’elle aurait pu dicter et les Eidot, cérémoniaux de souvenir, que la raison n’aurait pas nécessairement dicté mais que l’on peut comprendre et apprécier.

Mais c’est précisément en observant les ‘Houkim de la Torah que nous exprimons notre soumission totale à la volonté de D.ieu et notre désir d’accomplir Ses directives même si cela défie la face de la logique et de la raison.

Cette soumission totale à la volonté de D.ieu paraît contraster avec le contenu de cette Paracha : les récompenses et les punitions qui nous attendent selon que l’on accomplisse ou non les commandements divins.

Si l’on doit accomplir la volonté de D.ieu pour Lui et non dans notre propre intérêt, que vient apporter une description des avantages de l’obéissance ou les désavantages de la désobéissance ?

La Paracha Be’houkotaï est souvent combinée avec la Paracha Behar. Comme nous le savons, pour que deux Parachiot soient lues ensemble et forment un tout, elles doivent avoir un thème commun et nous pouvons nous attendre à ce que cela se reflète dans leur nom respectif.

Mais à première vue, l’affirmation de soi qui est, comme nous l’avons vu, est le thème de Behar, apparaît l’antithèse absolue de l’abnégation totale impliquée dans le nom Be’houkotaï, une humble soumission à la Volonté Divine. Mais nous avons expliqué que la véritable affirmation de la Divinité en nous est possible après avoir dominé notre égocentrisme inné. En fait, plus nous perdons le sens de notre égo, plus nous sommes conscients de la réalité Divine et plus se manifeste notre âme Divine qui permet à D.ieu d’agir par notre intermédiaire. A cette lumière, nous comprenons que ces deux noms reflètent le même idéal.

Le sens profond du mot ‘Hok signifie « gravé ». Cela implique qu’en observant ce type de commandements, nous exprimons une véritable unité avec D.ieu, tout comme un bloc de pierre et une lettre qui y est gravée constituent la même entité.

Par ailleurs, pour graver une lettre, il faut enlever une partie du matériau, tout comme pour observer les règles de D.ieu, il faut « enlever » ou nier l’égo.

Cette perspective peut nous aider à comprendre pourquoi une Paracha nommée sur les lois irrationnelles va de pair avec la description des bienfaits que l’on peut en tirer.

Quand nous nous débarrassons de notre égo, nous considérons les promesses de la Torah non comme des encouragements à nous soumettre à la volonté de D.ieu par intérêt personnel mais comme des composants intrinsèques de l’expérience Divine. D.ieu représente le bien absolu et lorsque l’on fait abstraction de notre personne pour devenir des conduits invisibles pour la volonté Divine, il nous est permis de recevoir la Bonté de D.ieu dans sa plus grande mesure, y compris les bienfaits dont on peut jouir pour avoir obéi à Sa volonté.


 En quoi consiste l’obligation d’aimer un autre Juif ?

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Vayikra – Lévitique 19 : 18).

- On louera les bonnes actions d’un autre Juif, on veillera à protéger son argent et son honneur comme on fait attention aux siens propres. On l’aimera et on aura pitié de lui, on priera pour lui et on lui souhaitera tout le bien possible.

- Quand on aime un autre Juif, on accomplit de nombreux commandements divins : donner de l’argent aux pauvres, prêter de l’argent aux nécessiteux, s’occuper de la veuve, de l’orphelin, de la future mariée ; rendre visite aux malades et aux endeuillés, accueillir des invités, ne pas se venger et ne pas garder rancune…

- On aimera aussi celui qui ne se conduit pas selon les règles de la Torah – même si on est parfois obligé de lui adresser des remontrances. Cependant, on veillera à ne pas lui causer de honte, surtout pas en public.

- On aimera encore davantage les érudits et on cherchera à imiter leurs comportements vertueux. On les respectera de toutes les manières possibles.

- Rabbi Chnéour Zalman disait au nom de son maître, le Maguid de Mézéritch qui le tenait du Baal Chem Tov : « Aimer un autre Juif comme soi-même, c’est aussi aimer D.ieu de tout son cœur. Quand on aime un Juif, on aime D.ieu car dans chaque Juif se trouve une parcelle de D.ieu ». (Hayom Yom 12 Mena’hem Av).

(d’après Hamivtsaïm Kehil’hatam - Rav Shmuel Bistritzky)


 En veilleuse…

Il y a quelques semaines, des dizaines de milliers de personnes ont participé à la 30ème Marche des Vivants, en hommage aux millions de Juifs assassinés à Auschwitz Birkenau. Le ‘Hassid, Rav Nissan Mangel est un des plus jeunes survivants de plusieurs camps d’extermination, c’est aussi un puissant conférencier. Il a raconté ce qu’il a vécu lors de cette marche.

J’ai été interviewé par un reporter d’une des plus grandes chaînes de télévision polonaises. Il avait été convenu que la conversation se déroulerait en anglais et serait traduite simultanément en polonais, avec des sous-titres. Ce fut assez long et, à la fin, le modérateur posa une dernière question :

- Rav Mangel, pensez-vous que le judaïsme a un avenir en Pologne ?

- Le Talmud, répliquai-je, raconte qu’une matrone romaine posa un jour la question suivante aux Sages d’Israël : « Votre religion croit dans la résurrection des morts. Cela peut se comprendre pour des morts récents dont le corps n’est pas encore décomposé. Mais comment cela est-il possible pour des personnes qui ont vécu il y a longtemps et même il y a des milliers d’années ? ». Les Sages répondirent : « Il existe un os en haut de la colonne vertébrale (qu’on appelle Louz) et qui ne se décompose jamais, ni dans le feu, ni dans l’acide. Et c’est à partir de cet os Louz que les corps reviendront à la vie !

Et c’est à partir de cela que je vais répondre à votre question.

La cheminée du crématorium mesurait au moins 14 mètres de haut. Je l’ai vue ! Parfois le feu était si puissant que ce n’était pas de la fumée ou des cendres qui sortaient de cette cheminée mais des flammes – ce qui est un indicateur du degré de chaleur incroyable qui régnait dans cet enfer. Cependant, à la fin de la journée, quand nous devions déblayer les cendres, il subsistait de petits os et nul ne pouvait comprendre comment ils avaient pu résister à la puissance du feu. Quand après la guerre, j’ai pu étudier le Talmud, j’ai compris de quel os nos Sages parlaient.

Avant la guerre, il y avait environ trois millions de Juifs en Pologne. Après la Shoah, on n’en comptait plus que sept mille. Cela signifie qu’environ 98 % ont disparu.

Parmi les 2 % restants, la plupart d’entre eux ont peur de s’identifier en tant que Juifs car ils craignent l’antisémitisme. Mais ce petit os, lui, ne peut pas être détruit. 70 ans plus tard, le judaïsme renait en Pologne, donc oui, la résurrection des morts est possible !

Alors si vous me demandez quel est l’avenir des Juifs en Pologne, je vous réponds qu’il refleurira ! J’en suis persuadé ! Nos Sages l’ont affirmé !

Le lendemain, une journaliste d’un prestigieux magazine voulut m’interviewer elle aussi. Au cours de la conversation, elle laissa échapper quelques expressions hébraïques et je lui demandai si elle était juive. Elle répondit que non mais qu’elle s’était déjà rendue en Israël et avait enregistré quelques mots.

Alors que l’interview prenait fin, le journaliste de la veille arriva et me demanda de répéter devant cette dame la réponse que je lui avais adressée la veille. Bien qu’il fût tard et que je m’écroulai de fatigue, je répétais mes paroles.

Tous deux me remercièrent très courtoisement.

L’homme me ramena là où je devais aller et, en route, murmura : « Monsieur le rabbin, je dois vous avouer qu’après vous avoir rencontré hier, j’ai dû rester assis cinq bonnes minutes tant j’étais secoué par des émotions contradictoires ! Je suis l’enfant de ces Juifs qui ont caché leur identité. Personne ne la connaît dans mon travail et tous mes collègues juifs cachent eux aussi leur ascendance. Mais ce que vous m’avez dit hier a allumé une flamme dans mon cœur, à partir de ce petit os Louz que vous avez évoqué. J’ai décidé d’annoncer à tout le monde que je suis juif et que, dorénavant je vivrai pleinement mon judaïsme. La dame qui vous a interviewé est juive également ; elle a été baptisée dans son enfance et c’est pourquoi elle vous a honnêtement répondu qu’à son avis, elle n’était pas juive. C’est pourquoi je tenais à ce qu’elle vous entende parler de cet os qui ne meurt jamais pour qu’elle aussi comprenne que juive elle est et que juive elle restera. Je sais qu’elle inclura votre réponse dans son article et, comme elle est honnête, elle déclarera elle aussi qu’elle est juive de naissance !

Nous pouvons espérer que des milliers de nos frères et sœurs vous verront à la télévision ou liront l’article qu’elle publiera. Et eux aussi seront certainement inspirés par vos paroles. Merci Rav Mangel !

Rav Avtzon – Shmais News Service

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018