Alors, joyeux ?!

Comment pourrait-on ne pas vivre avec Pourim ? Ce jour, différent de tous les autres, éclaire le mois depuis son début. Il en fait ce temps où tout « fut transformé », où la tragédie annoncée se mue en une explosion de joie, où, après la menace de mort, seul subsiste le bonheur d’une célébration légitime. Disons-le : prononcer le mot « Pourim », c’est non seulement parler d’une fête, c’est d’abord affirmer l’allégresse.

Alors que Pourim est là, sans doute est-il opportun de revenir sur cette idée si simple et si complexe à la fois : la joie. Simple, elle l’est sans conteste. Chacun peut éprouver ce sentiment, sans même y avoir investi d’efforts préalables. Chacun peut ressentir ce frémissement de vie qui le traverse et lui donne comme une conscience renouvelée du bonheur de chaque jour. Mais c’est aussi une chose bien complexe. « La joie brise les barrières » nous est-il enseigné. Elle a ainsi un pouvoir gigantesque. Lorsqu’on affronte des obstacles apparemment insurmontables, voici que la joie les renverse. Un mot ‘hassidique observe : « quand une armée part au combat, les soldats entonnent un chant de joie. » Pourtant l’instant est grave, la lutte sera peut-être terrible mais la joie les porte et les entraîne. Dans un certain sens, elle est même, d’ores et déjà, gage de victoire.

C’est de tout cela que nous parle Pourim. Parfois, dans un monde qui semble souvent bien obscur, la nuit des âmes paraît si profonde que nul ne peut parvenir à la percer et moins encore à la vaincre. La pesanteur des choses rend l’obstacle si fort que l’on se prend à s’interroger : parviendrons-nous à le dépasser ? C’est à ce moment que Pourim et sa joie infinie prennent le relais. Ce n’est plus une question de puissance, de compréhension ni même de conviction. La joie pure et parfaite entre dans le monde et nous pénètre. Et elle change totalement la donne.

Pourim s’adresse à chacun. Commandements et traditions de la fête appartiennent à tous, pour les vivre et vivre par eux. Devenir les porteurs de la joie qui éclaire tout ce qu’elle touche, c’est bien plus qu’un rêve. Aujourd’hui, c’est une réalité et elle s’appelle Pourim. A nous de nous en saisir !


 La valeur d’un homme simple

Dans la tradition juive, l’étude de la Torah est sans doute la valeur suprême, à telle enseigne que l’érudition est considérée comme une marque évidente d’élévation spirituelle. Cette idée, d’une légitimité incontournable, ne doit toutefois pas faire oublier la valeur de l’homme simple, de celui qui s’attache à D.ieu de tout son cœur avec la plus absolue sincérité.

A ce sujet, le Tséma’h Tsédek, le troisième Rabbi de Loubavitch, dit un jour que le Machia’h se réjouirait dans la compagnie de ces Juifs simples. Alors, précisa-t-il, une pièce leur sera réservée et les plus brillants érudits les envieront. Ainsi apparaîtra la vraie grandeur de ces Juifs qui servent D.ieu à l’infini.

(d’après une lettre du précédent Rabbi de Loubavitch,

Iguerot Kodech, vol. IV, p. 148)


 Ki Tissa

Chaque membre du Peuple juif reçoit l’injonction d’apporter la contribution précise d’un demi-chékel d’argent pour le Sanctuaire. Des instructions sont également données concernant la fabrication du bassin d’eau du Sanctuaire, de l’huile d’onction et des encens. Les artisans « au cœur sage », Betsalel et Aholiav sont chargés de la construction du Sanctuaire et une fois encore le peuple reçoit le commandement d’observer le Chabbat.

Moché ne redescend pas du Mont Sinaï quand le peuple l’attend. Ils fabriquent alors un veau d’or et l’adorent. D.ieu propose de détruire cette nation pécheresse mais Moché intercède en sa faveur. Il descend de la montagne, portant les Tables de la Loi sur lesquelles sont gravés les Dix Commandements. Quand il voit le peuple danser autour de son idole, il brise les Tables, détruit le veau d’or et fait mettre à mort les principaux instigateurs. Il retourne alors vers D.ieu pour Lui dire : « Si Tu ne leur pardonnes pas, efface-moi du livre que Tu as écrit ».

D.ieu pardonne mais dit que le résultat de ce péché sera ressenti pendant de nombreuses générations. Au début, D.ieu propose de leur envoyer Son ange mais Moché insiste pour que D.ieu Lui-même accompagne Son peuple vers la Terre Promise.

Moché prépare de nouvelles Tables et une fois de plus, monte sur la montagne où D.ieu écrit de nouvelles Tables de l’Alliance. Sur la montagne, Moché perçoit également une vision des « treize attributs de miséricorde ». A son retour, le visage de Moché irradie d’une telle lumière qu’il doit le cacher derrière un voile qu’il n’enlève que pour parler à D.ieu et enseigner Ses lois au peuple.

Pourim : l’unité du Peuple Juif

Dispersion et dissension

Bien que chaque individu soit unique, nous partageons tous le point commun d’appartenir à une entité indivisible. Au cours des générations, même lorsque les dangers nous menaçaient, c’est précisément cette unité qui a soutenu notre nation.

L’unité juive est tout particulièrement pertinente à Pourim. Haman chercha à « tuer, annihiler… tous les Juifs, jeunes et vieux, enfants et femmes, en un jour ». Il ne s’intéressa pas à chaque Juif comme individu mais considéra la nation entière, dans sa collectivité. Ce qui va encore plus loin est le fait que les événements qui conduisirent au décret de détruire le Peuple juif et l’annulation de ce décret se réfèrent tous deux à l’unité juive.

Nos Sages expliquent que, dans la Meguila, certaines références à A’hachvéroch, le roi de Perse, peuvent être interprétées comme des références à D.ieu.

Ainsi, la requête, que lui adressa Haman de détruire le Peuple juif peut se comprendre comme une accusation, dans la Cour Céleste, contre le Peuple juif. C’est pour cela que la raison invoquée par Haman pour détruire les Juifs : « il y a une nation éparpillée et dispersée parmi les peuples... et ce n’est pas bon pour le roi de les tolérer » peut être interprétée comme une description tant spirituelle que physique de l’état du Peuple juif, à cette époque. Ils n’étaient pas géographiquement éparpillés mais étaient divisés dans le domaine des relations humaines. Et c’est cette dissension qui permit que la requête d’Haman soit acceptée par le véritable Roi.

La force dans l’unité

Tant que notre peuple reste uni, il ne peut être détruit par ses ennemis. Nos Sages interprètent le verset : « Ephraïm s’est uni dans l’idôlatrie: qu’il en soit ainsi » comme signifiant que lorsque le peuple d’Israël est rassemblé dans un lien d’unité, même s’ils adorent des idoles, leurs péchés ne les atteindront pas. Ils mèneront des guerres et seront victorieux. Dès lors que leur unité se fracture, un décret appelé pour les détruire peut être émis dans le Ciel.

Par le même biais, c’est la restauration de l’unité juive qui mena à l’annulation du décret d’Haman. Avant qu’Esther n’aborde A’hachvéroch, elle demanda à Morde’haï : « Va rassembler tous les Juifs ». Elle prit conscience qu’elle ne pourrait réussir dans son intervention en leur faveur, tant qu’ils ne seraient pas unis pour permettre d’endiguer le flot spirituel qui avait mené au décret de destruction.

La Torah comme outil d’unité

Dans notre monde, l’unité ne peut naître que comme résultat d’une connexion avec D.ieu. Chaque créature est une entité unique : ce n’est que par la révélation de l’unité ultime de D.ieu que tous les éléments disparates de la création peuvent être perçus comme formant un tout. Puisque « la Torah et D.ieu forment Un », la Torah est l’intermédiaire qui permet à cette unité de se révéler dans le monde.

Bien que l’étude de la Torah soit une discipline intellectuelle et que les hommes diffèrent dans leurs manières de penser, l’étude de la Torah unifie plutôt qu’elle ne renforce nos différences individuelles. Pourquoi ? Parce que la dimension intellectuelle de la Torah ne représente qu’un aspect limité de sa véritable nature. L’essence de la Torah a ses racines dans un niveau de Divinité qui transcende toutes les limites et surpasse totalement les limites de l’intellect.

Parmi tous les aspects de l’étude de la Torah, cette caractéristique se reflète complètement dans la Hala’ha, le domaine légal de la Torah qui régente notre conduite. Toutes les approches différentes de l’étude de la Torah soulignent les différences entre chaque érudit. Cependant, ce qui concerne la Hala’ha, il n’y a aucune différence entre les individus dans son application. Avant que ne soit tranchée la loi finale régissant un problème particulier, il y a de nombreuses différences d’opinions. Mais une fois que l’on arrive à une conclusion, la loi s’applique universellement.

Cette unité dans la Torah permet l’unité dans le Peuple juif.

« Une nation » même « éparpillée et dispersée »

Cette idée nous permet de comprendre la description du Peuple juif citée plus haut : « il y a une nation éparpillée et dispersée parmi les peuples », sous une lumière positive. Même lorsqu’ils sont coupés les uns des autres et séparés par les différentes cultures et pratiques de leurs terres d’adoption, les Juifs sont identifiés comme « une nation ». En dépit des différences extérieures qui existent entre un Juif et un autre, ils peuvent, grâce à l’influence de la Torah, expérimenter une véritable unité profonde.

Nous pouvons dès lors comprendre que l’unité à laquelle les Juifs parvinrent à Pourim était même supérieure à celle qu’ils avaient vécue au Mont Sinaï.

Quand ils reçurent la Torah, la nation entière était réunie dans un lieu unique. Plus encore, ils vivaient dans le désert et n’étaient donc pas importunés par les tracas de la vie quotidienne. Peu de facteurs pouvaient interférer dans l’établissement d’une unité du peuple.

A l’époque du miracle de Pourim, par contre, ils étaient disséminés dans le monde civilisé. Ils durent affronter les difficultés de la vie en exil et, après le décret d’Haman, la menace de mort. Et pourtant, ils furent capables de surmonter leurs différences personnelles et se joindre dans une unité parfaite.

 Une véritable expression d’unité

Le concept de l’unité juive affecte directement notre observance de la fête de Pourim. Deux des commandements associés à Pourim : Michloa’h Manot (dons d’aliments à des amis) et Matanoth Laévyonim (dons de charité aux pauvres) sont des manifestations claires d’amitié et de souci pour l’autre.

En fait, Matanot Laévyonim exprime encore davantage ce principe de l’unité juive. Car ce principe implique de l’amour pour chacun, même pour ceux que nous ne connaissons pas personnellement. En général, on donne les Michloa’h Manot à nos amis et à nos proches. Mais en allant chercher de pauvres gens pour les aider, des gens que nous n’avons peut-être jamais vus, nous montrons que nos relations avec les autres ne sont pas limitées à nos sentiments personnels. Nous exprimons le lien essentiel et inconditionnel qui unit tout notre peuple, sans différentiation.

Que la célébration de Pourim nous aide à intensifier notre prise de conscience de ce lien. Et, comme au temps d’Esther et de Morde’haï, où la délivrance de notre peuple fut suscitée par l’unité juive, que nos efforts pour répandre l’amour et l’unité dans notre peuple nous permettent aujourd’hui de « joindre une rédemption à l’autre » et d’avancer de la délivrance de Pourim à la Délivrance ultime, rapidement et de nos jours.


 Qu’est-ce que le ‘Hamets ?

Durant Pessa’h, on n’a le droit ni de posséder ni de consommer du ‘Hamets. Il faudra donc, avant le vendredi 30 mars 2018 à 11h30, se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d’hygiène. C’est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc… avant Pessa’h, afin d’éliminer toutes les miettes.

Pour éviter de posséder, même involontairement du ‘Hamets à Pessa’h, on remplira une procuration de vente, qu’on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le ‘Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa’h, cette année jeudi 29 mars 2018.

Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.

Durant tout Pessa’h, on mettra de côté, dans des placards fermés à clé, tout le ‘Hamets et la vaisselle ‘Hamets que l’on n’utilisera pas durant Pessa’h mais qu’on pourra « récupérer » une heure après la fête qui se termine le samedi 7 avril 2018 à 21h19 (horaires valables pour Paris et sa région).


 Une dette payée à Pourim

J’ai déjà vécu de nombreux Pourim dans ma vie mais celui-ci restera gravé dans ma mémoire bien davantage que tous les autres. Non pas qu’il ait été plus joyeux que les autres mais parce que j’ai pu vraiment ressentir ce qu’il y a de si spécial dans la Mitsva de Michloa’h Manot, les traditionnels cadeaux de nourriture qu’on offre ce jour-là.

En 1950, j’avais treize ans et j’étudiais à la Yechiva ‘Habad de Tel-Aviv. Les repas étaient préparés par un certain Matitiahou Israelchik. C’était un homme charmant, d’environ 45 ans, qui travaillait de façon rapide et efficace. Il œuvrait en silence et ne parlait pas beaucoup avec les élèves qu’il servait.

Rien ne le touchait sauf… le gaspillage de nourriture. Quand il voyait que des élèves mettaient de côté la croûte un peu dure du pain, il ne le supportait pas et ne se privait pas de le leur reprocher.

Un jour, je m’enhardis et lui en demandai la raison : pourquoi s’énervait-il tellement quand on laissait un peu de pain sur la table ? Il me lança un regard sérieux :

- Si nous avions disposé de ces morceaux de pain à Auschwitz, nous aurions été si heureux !

- Raconte-moi comment c’était là-bas… demandai-je timidement.

Son visage changea instantanément d’expression. Il baissa les yeux sans doute pour s’empêcher de pleurer puis il se reprit et me regarda :

- Tu veux tout savoir ? Si D.ieu me prête vie, quand tu grandiras et si je suis encore en vie, je te raconterai peut-être…

Les années passèrent. Entretemps, je me suis marié et j’ai eu des enfants. Nous habitions à Kfar ‘Habad. Un peu avant Pourim 1968, j’appris que Matitiahou et sa femme s’étaient eux aussi installés dans le Kfar.

A l’approche de Pourim, je préparai un joli panier garni d’aliments appétissants et, avec mon fils âgé de trois ans, je me suis dirigé vers la maison de Matitiahou. La maison était plongée dans le calme le plus parfait et je compris que personne n’avait apporté de Michloa’h Manot à ses habitants, encore nouveaux venus et qui ne connaissaient sans doute pas grand monde.

Quand il m’ouvrit la porte, je pus constater combien il avait vieilli mais il arbora un grand sourire en me reconnaissant ; en même temps, il semblait agréablement surpris qu’on lui rende visite le jour de Pourim. Il nous invita à entrer et je lui rappelai :

- Je suis venu demander le remboursement de la dette ! annonçai-je sur un ton enjoué.

- De quelle dette parles-tu ? s’étonna-t-il. Je n’ai pas l’habitude d’emprunter de l’argent !

- Il y a dix-huit ans, vous m’aviez promis de me raconter…

- Ah ! murmura-t-il.

Il ouvrit un placard, sortit une bouteille de vodka et deux petits verres puis nous avons pris place autour de la table. Un petit verre puis un autre petit verre de Le’haïm et il se mit à parler comme il ne l’avait sans doute jamais fait auparavant, sans qu’il soit possible de l’arrêter.

C’est ainsi que j’appris qu’il venait du village de Porissov, près de Lublin. Sa famille était honorablement connue dans la région et son oncle était le Rabbin de Porissov. Avant la guerre, il était marié et avait sept enfants. Tous furent tués par les Nazis. Il fut déporté à Auschwitz en 1941 et y fut détenu tout au long de la guerre. Il survécut à la faim, au froid, aux épidémies, au travail harassant, aux humiliations et, finalement, à la terrible Marche de la Mort.

Quelque chose m’intriguait vraiment : comment avait-il pu survivre à tout cela ?

- D.ieu m’a accompagné, alors j’ai survécu, répondit-il simplement.

- Mais de quelle manière ? C’est inimaginable !

Regardant un point invisible au loin, Matitiahou raconta :

« Dans notre bloc, il y avait un Juif hollandais complètement assimilé. C’était un psychologue de métier. Au début de son « séjour » dans le camp, il tournait en rond parmi nous, complètement hébété par ce qui lui arrivait : « Mais qu’est-ce que je fais là ? se demandait-il sans arrêt. Depuis des années, j’ai oublié que j’étais juif ! Ce sont ces maudits Allemands qui me l’ont rappelé – et de quelle manière ! ».

Au bout d’un certain temps, il se reprit et décida qu’il devait se rendre utile. Il nous apprit des systèmes de résistance psychologique (après tout, il avait étudié ce domaine pendant des années) afin de survivre aux terribles conditions du camp.

Selon lui, après qu’il ait étudié de façon approfondie le système pénitentiaire, la faim était le souci essentiel des détenus. Nous recevions une petite tranche de pain, un morceau de sucre et un pauvre bol de « soupe » : nous les avalions en une minute tant nous avions faim. Le résultat, c’est que tout de suite après, la sensation de faim revenait avec encore plus de cruauté. Lui, le psychologue, il avait un conseil à nous donner : « Quand vous tenez le morceau de pain entre vos mains, essayez de vous imaginer que c’est la tranche de ‘Halla (le pain doré, sucré et tressé de Chabbat) la plus succulente que vous ayez jamais goûtée. Dégustez-la miette après miette mais laissez-en quelques miettes dans la poche ! Le morceau de sucre, léchez-le par petites touches et laissez-en un petit morceau dans la poche. Quand vous aurez vraiment très faim au point d’être sur le point de vous évanouir, vous les mangerez. Pareil pour la soupe : imaginez-vous que c’est le plat le plus délicieux que vous ayez jamais aperçu ; appréciez-en chaque gorgée et faites-la durer aussi longtemps que possible ! ». Effectivement nous avons suivi ses conseils et, au bout de quelques jours, les détenus de notre bloc ont pu relever la tête et se sentir un peu mieux. Les gardiens s’en sont aperçus et, grâce au Kapo qui nous surveillait, ont compris d’où venait notre résistance physique assez remarquable. Ils ont emmené le psychologue : nous ne l’avons jamais revu. Mais avec de nombreux autres détenus, nous avions déjà appris à agir selon ses conseils et c’est ainsi que nous avons réussi à survivre ».

Matitiahou me raconta encore beaucoup d’anecdotes, plus terribles les unes que les autres. Il se faisait tard et je devais me rendre à la synagogue pour la prière de Min’ha puis chez moi pour le festin de Pourim. Il leva encore un verre en ma direction en trinquant Le’haïm, A la vie.

Quand je pris congé, il me remercia profusément : « Je suis si heureux que tu sois venu m’apporter des Michloa’h Manot et que tu m’as permis de raconter mon histoire. Tu m’as déchargé d’un grand fardeau. Le simple fait que nous soyons assis ensemble aujourd’hui, en Eretz Israël et que nous puissions trinquer Le’haïm, c’est la plus grande victoire sur cet ennemi impitoyable qui, comme Haman en Perse il y a plus de deux mille ans, a cherché à nous tuer et nous exterminer… ».

Depuis, chaque année, je veille à apporter des Michloa’h Manot à Matitiahou et à le bénir avec un Le’haïm, la vie dont il n’a dévoilé le secret qu’à moi…

Zvi Rottenberg - Sipour Chel ‘Hag

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Alors, joyeux ?!

Comment pourrait-on ne pas vivre avec Pourim ? Ce jour, différent de tous les autres, éclaire le mois depuis son début. Il en fait ce temps où tout « fut transformé », où la tragédie annoncée se mue en une explosion de joie, où, après la menace de mort, seul subsiste le bonheur d’une célébration légitime. Disons-le : prononcer le mot « Pourim », c’est non seulement parler d’une fête, c’est d’abord affirmer l’allégresse.

Alors que Pourim est là, sans doute est-il opportun de revenir sur cette idée si simple et si complexe à la fois : la joie. Simple, elle l’est sans conteste. Chacun peut éprouver ce sentiment, sans même y avoir investi d’efforts préalables. Chacun peut ressentir ce frémissement de vie qui le traverse et lui donne comme une conscience renouvelée du bonheur de chaque jour. Mais c’est aussi une chose bien complexe. « La joie brise les barrières » nous est-il enseigné. Elle a ainsi un pouvoir gigantesque. Lorsqu’on affronte des obstacles apparemment insurmontables, voici que la joie les renverse. Un mot ‘hassidique observe : « quand une armée part au combat, les soldats entonnent un chant de joie. » Pourtant l’instant est grave, la lutte sera peut-être terrible mais la joie les porte et les entraîne. Dans un certain sens, elle est même, d’ores et déjà, gage de victoire.

C’est de tout cela que nous parle Pourim. Parfois, dans un monde qui semble souvent bien obscur, la nuit des âmes paraît si profonde que nul ne peut parvenir à la percer et moins encore à la vaincre. La pesanteur des choses rend l’obstacle si fort que l’on se prend à s’interroger : parviendrons-nous à le dépasser ? C’est à ce moment que Pourim et sa joie infinie prennent le relais. Ce n’est plus une question de puissance, de compréhension ni même de conviction. La joie pure et parfaite entre dans le monde et nous pénètre. Et elle change totalement la donne.

Pourim s’adresse à chacun. Commandements et traditions de la fête appartiennent à tous, pour les vivre et vivre par eux. Devenir les porteurs de la joie qui éclaire tout ce qu’elle touche, c’est bien plus qu’un rêve. Aujourd’hui, c’est une réalité et elle s’appelle Pourim. A nous de nous en saisir !


 La valeur d’un homme simple

Dans la tradition juive, l’étude de la Torah est sans doute la valeur suprême, à telle enseigne que l’érudition est considérée comme une marque évidente d’élévation spirituelle. Cette idée, d’une légitimité incontournable, ne doit toutefois pas faire oublier la valeur de l’homme simple, de celui qui s’attache à D.ieu de tout son cœur avec la plus absolue sincérité.

A ce sujet, le Tséma’h Tsédek, le troisième Rabbi de Loubavitch, dit un jour que le Machia’h se réjouirait dans la compagnie de ces Juifs simples. Alors, précisa-t-il, une pièce leur sera réservée et les plus brillants érudits les envieront. Ainsi apparaîtra la vraie grandeur de ces Juifs qui servent D.ieu à l’infini.

(d’après une lettre du précédent Rabbi de Loubavitch,

Iguerot Kodech, vol. IV, p. 148)


 Ki Tissa

Chaque membre du Peuple juif reçoit l’injonction d’apporter la contribution précise d’un demi-chékel d’argent pour le Sanctuaire. Des instructions sont également données concernant la fabrication du bassin d’eau du Sanctuaire, de l’huile d’onction et des encens. Les artisans « au cœur sage », Betsalel et Aholiav sont chargés de la construction du Sanctuaire et une fois encore le peuple reçoit le commandement d’observer le Chabbat.

Moché ne redescend pas du Mont Sinaï quand le peuple l’attend. Ils fabriquent alors un veau d’or et l’adorent. D.ieu propose de détruire cette nation pécheresse mais Moché intercède en sa faveur. Il descend de la montagne, portant les Tables de la Loi sur lesquelles sont gravés les Dix Commandements. Quand il voit le peuple danser autour de son idole, il brise les Tables, détruit le veau d’or et fait mettre à mort les principaux instigateurs. Il retourne alors vers D.ieu pour Lui dire : « Si Tu ne leur pardonnes pas, efface-moi du livre que Tu as écrit ».

D.ieu pardonne mais dit que le résultat de ce péché sera ressenti pendant de nombreuses générations. Au début, D.ieu propose de leur envoyer Son ange mais Moché insiste pour que D.ieu Lui-même accompagne Son peuple vers la Terre Promise.

Moché prépare de nouvelles Tables et une fois de plus, monte sur la montagne où D.ieu écrit de nouvelles Tables de l’Alliance. Sur la montagne, Moché perçoit également une vision des « treize attributs de miséricorde ». A son retour, le visage de Moché irradie d’une telle lumière qu’il doit le cacher derrière un voile qu’il n’enlève que pour parler à D.ieu et enseigner Ses lois au peuple.

Pourim : l’unité du Peuple Juif

Dispersion et dissension

Bien que chaque individu soit unique, nous partageons tous le point commun d’appartenir à une entité indivisible. Au cours des générations, même lorsque les dangers nous menaçaient, c’est précisément cette unité qui a soutenu notre nation.

L’unité juive est tout particulièrement pertinente à Pourim. Haman chercha à « tuer, annihiler… tous les Juifs, jeunes et vieux, enfants et femmes, en un jour ». Il ne s’intéressa pas à chaque Juif comme individu mais considéra la nation entière, dans sa collectivité. Ce qui va encore plus loin est le fait que les événements qui conduisirent au décret de détruire le Peuple juif et l’annulation de ce décret se réfèrent tous deux à l’unité juive.

Nos Sages expliquent que, dans la Meguila, certaines références à A’hachvéroch, le roi de Perse, peuvent être interprétées comme des références à D.ieu.

Ainsi, la requête, que lui adressa Haman de détruire le Peuple juif peut se comprendre comme une accusation, dans la Cour Céleste, contre le Peuple juif. C’est pour cela que la raison invoquée par Haman pour détruire les Juifs : « il y a une nation éparpillée et dispersée parmi les peuples... et ce n’est pas bon pour le roi de les tolérer » peut être interprétée comme une description tant spirituelle que physique de l’état du Peuple juif, à cette époque. Ils n’étaient pas géographiquement éparpillés mais étaient divisés dans le domaine des relations humaines. Et c’est cette dissension qui permit que la requête d’Haman soit acceptée par le véritable Roi.

La force dans l’unité

Tant que notre peuple reste uni, il ne peut être détruit par ses ennemis. Nos Sages interprètent le verset : « Ephraïm s’est uni dans l’idôlatrie: qu’il en soit ainsi » comme signifiant que lorsque le peuple d’Israël est rassemblé dans un lien d’unité, même s’ils adorent des idoles, leurs péchés ne les atteindront pas. Ils mèneront des guerres et seront victorieux. Dès lors que leur unité se fracture, un décret appelé pour les détruire peut être émis dans le Ciel.

Par le même biais, c’est la restauration de l’unité juive qui mena à l’annulation du décret d’Haman. Avant qu’Esther n’aborde A’hachvéroch, elle demanda à Morde’haï : « Va rassembler tous les Juifs ». Elle prit conscience qu’elle ne pourrait réussir dans son intervention en leur faveur, tant qu’ils ne seraient pas unis pour permettre d’endiguer le flot spirituel qui avait mené au décret de destruction.

La Torah comme outil d’unité

Dans notre monde, l’unité ne peut naître que comme résultat d’une connexion avec D.ieu. Chaque créature est une entité unique : ce n’est que par la révélation de l’unité ultime de D.ieu que tous les éléments disparates de la création peuvent être perçus comme formant un tout. Puisque « la Torah et D.ieu forment Un », la Torah est l’intermédiaire qui permet à cette unité de se révéler dans le monde.

Bien que l’étude de la Torah soit une discipline intellectuelle et que les hommes diffèrent dans leurs manières de penser, l’étude de la Torah unifie plutôt qu’elle ne renforce nos différences individuelles. Pourquoi ? Parce que la dimension intellectuelle de la Torah ne représente qu’un aspect limité de sa véritable nature. L’essence de la Torah a ses racines dans un niveau de Divinité qui transcende toutes les limites et surpasse totalement les limites de l’intellect.

Parmi tous les aspects de l’étude de la Torah, cette caractéristique se reflète complètement dans la Hala’ha, le domaine légal de la Torah qui régente notre conduite. Toutes les approches différentes de l’étude de la Torah soulignent les différences entre chaque érudit. Cependant, ce qui concerne la Hala’ha, il n’y a aucune différence entre les individus dans son application. Avant que ne soit tranchée la loi finale régissant un problème particulier, il y a de nombreuses différences d’opinions. Mais une fois que l’on arrive à une conclusion, la loi s’applique universellement.

Cette unité dans la Torah permet l’unité dans le Peuple juif.

« Une nation » même « éparpillée et dispersée »

Cette idée nous permet de comprendre la description du Peuple juif citée plus haut : « il y a une nation éparpillée et dispersée parmi les peuples », sous une lumière positive. Même lorsqu’ils sont coupés les uns des autres et séparés par les différentes cultures et pratiques de leurs terres d’adoption, les Juifs sont identifiés comme « une nation ». En dépit des différences extérieures qui existent entre un Juif et un autre, ils peuvent, grâce à l’influence de la Torah, expérimenter une véritable unité profonde.

Nous pouvons dès lors comprendre que l’unité à laquelle les Juifs parvinrent à Pourim était même supérieure à celle qu’ils avaient vécue au Mont Sinaï.

Quand ils reçurent la Torah, la nation entière était réunie dans un lieu unique. Plus encore, ils vivaient dans le désert et n’étaient donc pas importunés par les tracas de la vie quotidienne. Peu de facteurs pouvaient interférer dans l’établissement d’une unité du peuple.

A l’époque du miracle de Pourim, par contre, ils étaient disséminés dans le monde civilisé. Ils durent affronter les difficultés de la vie en exil et, après le décret d’Haman, la menace de mort. Et pourtant, ils furent capables de surmonter leurs différences personnelles et se joindre dans une unité parfaite.

 Une véritable expression d’unité

Le concept de l’unité juive affecte directement notre observance de la fête de Pourim. Deux des commandements associés à Pourim : Michloa’h Manot (dons d’aliments à des amis) et Matanoth Laévyonim (dons de charité aux pauvres) sont des manifestations claires d’amitié et de souci pour l’autre.

En fait, Matanot Laévyonim exprime encore davantage ce principe de l’unité juive. Car ce principe implique de l’amour pour chacun, même pour ceux que nous ne connaissons pas personnellement. En général, on donne les Michloa’h Manot à nos amis et à nos proches. Mais en allant chercher de pauvres gens pour les aider, des gens que nous n’avons peut-être jamais vus, nous montrons que nos relations avec les autres ne sont pas limitées à nos sentiments personnels. Nous exprimons le lien essentiel et inconditionnel qui unit tout notre peuple, sans différentiation.

Que la célébration de Pourim nous aide à intensifier notre prise de conscience de ce lien. Et, comme au temps d’Esther et de Morde’haï, où la délivrance de notre peuple fut suscitée par l’unité juive, que nos efforts pour répandre l’amour et l’unité dans notre peuple nous permettent aujourd’hui de « joindre une rédemption à l’autre » et d’avancer de la délivrance de Pourim à la Délivrance ultime, rapidement et de nos jours.


 Qu’est-ce que le ‘Hamets ?

Durant Pessa’h, on n’a le droit ni de posséder ni de consommer du ‘Hamets. Il faudra donc, avant le vendredi 30 mars 2018 à 11h30, se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d’hygiène. C’est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc… avant Pessa’h, afin d’éliminer toutes les miettes.

Pour éviter de posséder, même involontairement du ‘Hamets à Pessa’h, on remplira une procuration de vente, qu’on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le ‘Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa’h, cette année jeudi 29 mars 2018.

Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.

Durant tout Pessa’h, on mettra de côté, dans des placards fermés à clé, tout le ‘Hamets et la vaisselle ‘Hamets que l’on n’utilisera pas durant Pessa’h mais qu’on pourra « récupérer » une heure après la fête qui se termine le samedi 7 avril 2018 à 21h19 (horaires valables pour Paris et sa région).


 Une dette payée à Pourim

J’ai déjà vécu de nombreux Pourim dans ma vie mais celui-ci restera gravé dans ma mémoire bien davantage que tous les autres. Non pas qu’il ait été plus joyeux que les autres mais parce que j’ai pu vraiment ressentir ce qu’il y a de si spécial dans la Mitsva de Michloa’h Manot, les traditionnels cadeaux de nourriture qu’on offre ce jour-là.

En 1950, j’avais treize ans et j’étudiais à la Yechiva ‘Habad de Tel-Aviv. Les repas étaient préparés par un certain Matitiahou Israelchik. C’était un homme charmant, d’environ 45 ans, qui travaillait de façon rapide et efficace. Il œuvrait en silence et ne parlait pas beaucoup avec les élèves qu’il servait.

Rien ne le touchait sauf… le gaspillage de nourriture. Quand il voyait que des élèves mettaient de côté la croûte un peu dure du pain, il ne le supportait pas et ne se privait pas de le leur reprocher.

Un jour, je m’enhardis et lui en demandai la raison : pourquoi s’énervait-il tellement quand on laissait un peu de pain sur la table ? Il me lança un regard sérieux :

- Si nous avions disposé de ces morceaux de pain à Auschwitz, nous aurions été si heureux !

- Raconte-moi comment c’était là-bas… demandai-je timidement.

Son visage changea instantanément d’expression. Il baissa les yeux sans doute pour s’empêcher de pleurer puis il se reprit et me regarda :

- Tu veux tout savoir ? Si D.ieu me prête vie, quand tu grandiras et si je suis encore en vie, je te raconterai peut-être…

Les années passèrent. Entretemps, je me suis marié et j’ai eu des enfants. Nous habitions à Kfar ‘Habad. Un peu avant Pourim 1968, j’appris que Matitiahou et sa femme s’étaient eux aussi installés dans le Kfar.

A l’approche de Pourim, je préparai un joli panier garni d’aliments appétissants et, avec mon fils âgé de trois ans, je me suis dirigé vers la maison de Matitiahou. La maison était plongée dans le calme le plus parfait et je compris que personne n’avait apporté de Michloa’h Manot à ses habitants, encore nouveaux venus et qui ne connaissaient sans doute pas grand monde.

Quand il m’ouvrit la porte, je pus constater combien il avait vieilli mais il arbora un grand sourire en me reconnaissant ; en même temps, il semblait agréablement surpris qu’on lui rende visite le jour de Pourim. Il nous invita à entrer et je lui rappelai :

- Je suis venu demander le remboursement de la dette ! annonçai-je sur un ton enjoué.

- De quelle dette parles-tu ? s’étonna-t-il. Je n’ai pas l’habitude d’emprunter de l’argent !

- Il y a dix-huit ans, vous m’aviez promis de me raconter…

- Ah ! murmura-t-il.

Il ouvrit un placard, sortit une bouteille de vodka et deux petits verres puis nous avons pris place autour de la table. Un petit verre puis un autre petit verre de Le’haïm et il se mit à parler comme il ne l’avait sans doute jamais fait auparavant, sans qu’il soit possible de l’arrêter.

C’est ainsi que j’appris qu’il venait du village de Porissov, près de Lublin. Sa famille était honorablement connue dans la région et son oncle était le Rabbin de Porissov. Avant la guerre, il était marié et avait sept enfants. Tous furent tués par les Nazis. Il fut déporté à Auschwitz en 1941 et y fut détenu tout au long de la guerre. Il survécut à la faim, au froid, aux épidémies, au travail harassant, aux humiliations et, finalement, à la terrible Marche de la Mort.

Quelque chose m’intriguait vraiment : comment avait-il pu survivre à tout cela ?

- D.ieu m’a accompagné, alors j’ai survécu, répondit-il simplement.

- Mais de quelle manière ? C’est inimaginable !

Regardant un point invisible au loin, Matitiahou raconta :

« Dans notre bloc, il y avait un Juif hollandais complètement assimilé. C’était un psychologue de métier. Au début de son « séjour » dans le camp, il tournait en rond parmi nous, complètement hébété par ce qui lui arrivait : « Mais qu’est-ce que je fais là ? se demandait-il sans arrêt. Depuis des années, j’ai oublié que j’étais juif ! Ce sont ces maudits Allemands qui me l’ont rappelé – et de quelle manière ! ».

Au bout d’un certain temps, il se reprit et décida qu’il devait se rendre utile. Il nous apprit des systèmes de résistance psychologique (après tout, il avait étudié ce domaine pendant des années) afin de survivre aux terribles conditions du camp.

Selon lui, après qu’il ait étudié de façon approfondie le système pénitentiaire, la faim était le souci essentiel des détenus. Nous recevions une petite tranche de pain, un morceau de sucre et un pauvre bol de « soupe » : nous les avalions en une minute tant nous avions faim. Le résultat, c’est que tout de suite après, la sensation de faim revenait avec encore plus de cruauté. Lui, le psychologue, il avait un conseil à nous donner : « Quand vous tenez le morceau de pain entre vos mains, essayez de vous imaginer que c’est la tranche de ‘Halla (le pain doré, sucré et tressé de Chabbat) la plus succulente que vous ayez jamais goûtée. Dégustez-la miette après miette mais laissez-en quelques miettes dans la poche ! Le morceau de sucre, léchez-le par petites touches et laissez-en un petit morceau dans la poche. Quand vous aurez vraiment très faim au point d’être sur le point de vous évanouir, vous les mangerez. Pareil pour la soupe : imaginez-vous que c’est le plat le plus délicieux que vous ayez jamais aperçu ; appréciez-en chaque gorgée et faites-la durer aussi longtemps que possible ! ». Effectivement nous avons suivi ses conseils et, au bout de quelques jours, les détenus de notre bloc ont pu relever la tête et se sentir un peu mieux. Les gardiens s’en sont aperçus et, grâce au Kapo qui nous surveillait, ont compris d’où venait notre résistance physique assez remarquable. Ils ont emmené le psychologue : nous ne l’avons jamais revu. Mais avec de nombreux autres détenus, nous avions déjà appris à agir selon ses conseils et c’est ainsi que nous avons réussi à survivre ».

Matitiahou me raconta encore beaucoup d’anecdotes, plus terribles les unes que les autres. Il se faisait tard et je devais me rendre à la synagogue pour la prière de Min’ha puis chez moi pour le festin de Pourim. Il leva encore un verre en ma direction en trinquant Le’haïm, A la vie.

Quand je pris congé, il me remercia profusément : « Je suis si heureux que tu sois venu m’apporter des Michloa’h Manot et que tu m’as permis de raconter mon histoire. Tu m’as déchargé d’un grand fardeau. Le simple fait que nous soyons assis ensemble aujourd’hui, en Eretz Israël et que nous puissions trinquer Le’haïm, c’est la plus grande victoire sur cet ennemi impitoyable qui, comme Haman en Perse il y a plus de deux mille ans, a cherché à nous tuer et nous exterminer… ».

Depuis, chaque année, je veille à apporter des Michloa’h Manot à Matitiahou et à le bénir avec un Le’haïm, la vie dont il n’a dévoilé le secret qu’à moi…

Zvi Rottenberg - Sipour Chel ‘Hag

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Jour d’étape

Le mois d’Adar a commencé et, bien sûr, la lumière de Pourim l’éclaire avec une intensité croissante. Sur le chemin qui nous conduit au grand rendez-vous avec cette joie et cette confiance en D.ieu inébranlables, un jour marque comme une étape : le 7 Adar. Jour au double visage. Il est rapporté que, à l’époque historique de Pourim, à Babylone, Haman, notre ennemi éternel tira au sort pour trouver le mois qui serait le plus favorable à la réalisation de ses plans de destruction du peuple juif. Il tomba sur le mois d’Adar et en fut très satisfait. « C’est en ce mois que mourut Moïse ! » pensa-t-il. C’est au 7 Adar qu’il faisait référence. Mais les commentateurs d’ajouter : « Il avait oublié que c’est aussi en ce mois que naquit Moïse. » C’était également un 7 Adar. Jour de deux événements très dissemblables donc mais, sous un autre angle, jour entièrement lié à Moïse.

C’est un moment propice pour se souvenir de ce qu’il fut. Moïse est celui qui porte le beau titre de « berger fidèle ». Ce nom contient en lui deux sens. Le premier est clair : Moïse fut celui qui sut conduire le peuple juif avec constance et amour. Le second porte loin : l’expression araméenne traduite ici par « berger fidèle » peut aussi être comprise comme « berger de la foi ». En effet, le rôle du berger est de nourrir son troupeau, plus concrètement de faire absorber profondément la nourriture par les créatures sous sa garde. Dire de Moïse qu’il fut le « berger de la foi », c’est signifier que son rôle fut de faire pénétrer la foi au plus profond du cœur de chacun, jusqu’à parvenir ainsi à transformer la vie de tous.

Ne commettons pas l’erreur de penser qu’il s’agit ici d’une ancienne histoire et que le 7 Adar ne fait que nous rappeler la grandeur d’un homme, il est jour porteur de puissance. Car Moïse fit pénétrer en nous ce lien profond par la Torah qu’il nous transmit. Il en fit l’héritage de chacun pour l’éternité. Alors que cette date revient, tout cela prend encore plus de présence. Il revient à l’homme de rétablir en lui l’indispensable attachement. Au jour de sa naissance et de son accomplissement final, Moïse nous donne la force spirituelle nécessaire. A nous de ne pas limiter ce champ des possibles qui s’ouvre. A nous de vivre et faire vivre. N’est-ce pas là l’effet de la Torah que de savoir faire comprendre et acquérir la vie ? La Torah et la joie : tout un programme…


 L’éducation juive et la venue de Machia’h

Décrivant le temps de Machia’h, D.ieu dit (Isaïe 44:3) : « Je déverserai Mon esprit sur ta descendance et Ma bénédiction sur tes générations ». Dès la première lecture du verset, il est clair que sont ici désignés les enfants.

Or, on connaît le principe selon lequel toutes les révélations de ces temps futurs dépendent de nos actions et de notre effort d’aujourd’hui (Tanya chap. 37). C’est dire à quel point l’éducation juive assurée aux enfants est un impératif pour chacun.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch Chabbat Parchat Vayikra 5740)


 Tetsavé

D.ieu demande à Moché d’obtenir de la part des Enfants d’Israël de l’huile d’olive pure afin de nourrir la « flamme éternelle » de la Menorah qu’Aharon allume chaque jour, « depuis le soir jusqu’au matin ».

Les habits sacerdotaux portés par les Cohanim (Prêtres), lorsqu’ils servent dans le Sanctuaire, font l’objet d’une description. Tous les Cohanim portent :

  • le Ketonet, une longue tunique de lin, 2) les Mi’hnassayim, des pantalons de lin, 3) le Mitsnéfèt ou Migbat : un turban de lin, 4) l’Avnèt, une longue ceinture nouée au-dessus de la taille.

En outre, le Cohen Gadol (Grand Prêtre) porte : 5)le Ephod : un habit, semblable à un tablier, fait de laines teintes en bleu, rouge et violet, avec des fils de lin et d’or, 6) le ‘Hochène : un pectoral contenant douze pierres précieuses sur lesquelles sont inscrits les noms des douze tribus d’Israël, 7) le Meïl : une longue « robe » de laine bleue, bordé de clochettes d’or et de grenades décoratives, 8) le Tsits, une plaque d’or, portée sur le front, sur laquelle est écrite l’inscription « sanctifié pour D.ieu ».

Tetsavé comporte également les instructions détaillées concernant les sept jours d’initiation à la prêtrise d’Aharon et de ses quatre fils : Nadav, Avihou, Elazar et Itamar, et la fabrication de l’autel d’or sur lequel étaient brûlés les Ketorèt (encens).

La Paracha Tetsavé s’intéresse à la description des habits sacerdotaux que portaient les Cohanim, pendant leur service dans le Beth Hamikdach, et notamment de ceux du Cohen Gadol, le Grand Prêtre.

Parmi ces habits est évoqué le Meïl, la longue « robe » qu’il portait. Son extrémité inférieure était décorée de divers objets : les Rimonim, boules rondes de laine teintée et également les Paamonim, clochettes d’or dont le tintement jouait un rôle essentiel dans le service du Cohen Gadol. Le texte précise que leur son doit être entendu quand il pénètre dans le Sanctuaire et quand il le quitte afin de prévenir une mort soudaine. Sans ces clochettes au bas de sa robe, il serait passible de la peine de mort.

La question a été soulevée de savoir pourquoi ces clochettes jouent-elles un rôle si important dans le service du Cohen Gadol ?

De plus, nous constatons que le jour de Yom Kippour, jour le plus saint de l’année, le Cohen Gadol ne porte pas ces Paamonim. Il est vêtu de tous les autres vêtements et son service se fait de manière silencieuse. Pourquoi donc, tout le reste de l’année, cet habit bordé de clochettes est-il si essentiel dans son service ?

L’enseignement ‘hassidique explique la différence entre le service divin d’un Tsaddik, quelqu’un qui ne s’est jamais rendu coupable d’aucune iniquité, et celui d’un Baal Techouvah qui a commis des transgressions dont il se repent et qui revient à D.ieu.

La différence entre les deux services tient à ce qui est principalement ressenti lorsque l’individu sert D.ieu. Sent-il qu’il se rapproche de D.ieu, en s’élevant de plus en plus haut dans son service et sa proximité avec D.ieu, ou bien ressent-il qu’il y a encore quelque chose de négatif qu’il fuit, des influences négatives dont il essaie de se débarrasser ?

Le Baal Techouvah éprouve tout d’abord la distance qui le sépare de D.ieu et c’est pourquoi quand il fait Techouvah, il s’enfuit de ces éléments indésirables comme il fuirait un danger imminent qui le menace. Il fuit en faisant beaucoup de bruit, dans son « affolement ».

Le Baal Chem Tov utilisa un jour ce concept pour expliquer pourquoi ses ‘Hassidim, quand ils priaient, bougeaient tellement, voire même sautaient. Il apporta l’exemple de quelqu’un qui serait en train de se noyer dans l’océan et qui fait des mouvements dans tous les sens pour se débattre dans les eaux et tenter de ne pas couler. Celui qui assiste à cette scène ne se moque pas de ces mouvements et comprend que le pauvre homme essaye de sauver sa vie et de ne pas périr dans l’eau.

Il en va de même pour les ‘Hassidim qui, dans leur prière, faisaient aussi ces mouvements pour tenter de fuir leurs traits inhérents indésirables. Quand bien même il ne s’agissait pas à proprement parler de véritables péchés, tant qu’ils ressentaient des désirs indésirables émanant de leur âme animale, ils devaient lutter pour y échapper. Et c’est pourquoi cette fuite, cette Techouvah, se faisait dans une activité intense et avec beaucoup de bruit.

Quand le Grand Prêtre pénétrait dans le Sanctuaire, il était le porte-parole du Peuple juif dans son intégralité, non seulement des Tsaddikim mais de tous les niveaux des membres du peuple, même de ceux qui avaient désespérément besoin de faire Techouvah.

Et c’est pour que son service les inclut également qu’il avait besoin de Paamonim, de ces clochettes sonores, pour représenter le service des Baalé Techouvah, qui fuyaient leurs penchants négatifs en faisant beaucoup de bruit comme ces clochettes.

Et cela constituait une partie si importante de son service que s’il n’avait pas possédé ces clochettes, il aurait été passible de la peine de mort pour ne pas avoir rempli sa mission de représenter la totalité du le Peuple juif.

Cela concerne le service de l’année entière. Mais quand vient Yom Kippour, tous les Juifs atteignent le niveau des Tsaddikim. En effet, grâce au service de Yom Kippour, nous sommes comparés à des Mala’him, des anges, et nous sommes bien loin, bien supérieurs à ces niveaux où il nous faut fuir tout penchant négatif.

Ainsi, tout comme le service d’un Tsaddik se fait de façon silencieuse, il ne fuit pas le mal mais au contraire ne fait que s’élever dans le bien, que se rapprocher de D.ieu, le service de Yom Kippour s’accomplit sans qu’il ne soit besoin que le Cohen Gadol porte ces clochettes.

La nécessité de porter des clochettes sur le bord de l’ourlet est quelque chose qui est capital dans notre génération. Comme cela ressort des signes donnés à la fin du traité du Talmud Sotah, nous sommes aux « talons de Machia’h », la dernière génération avant l’avènement de l’Ere Messianique, et ainsi semblables au bas de la robe qui devait comporter ces clochettes.

Le Rabbi souligne que puisque nous sommes comparables à ce « bas de la robe », les limites extrêmes avant la venue de Machia’h, il ne suffit pas de diffuser la Torah de façon silencieuse mais il faut le faire dans un Raach Gadol, « un grand tumulte », en accomplissant beaucoup d’activités et en déployant beaucoup d’énergie.

Et cet aspect des Paamanim, ces clochettes représente un niveau de Techouvah qui n’est pas seulement aussi élevé que celui du Tsaddik à Yom Kippour mais bien supérieur encore. Comme le déclare le Talmud : « là où se tient un Baal Techouvah, un Tsaddik parfait ne peut pas se tenir ». Cela tient au fait que les multiples activités et la grande énergie suscitées par la Techouvah montent plus haut encore que le niveau qu’atteint un Tsaddik.


 Que fait-on à Pourim (cette année mercredi soir 28 février et jeudi 1er mars 2018) ?

Mercredi 28 février, c’est le jeûne d’Esther qui débute à 6h02 (horaire de Paris) et s’achève à 19h11. Dans l’après-midi, avant la prière de Min’ha, on donne trois pièces de Ma’hatsit Hachékel (50 centimes) à la Tsedaka ; on ajoute le passage Anénou dans la Amida.

Mercredi soir 28 février, on écoute attentivement la lecture de la Méguila. On n’est pas quitte avec une lecture entendue partiellement, par téléphone, magnétophone, Internet ou à travers un poste de radio.

Jeudi 1er mars, dans la journée, on écoute encore une fois la lecture de la Méguila. Quand le ‘Hazane (lecteur) prononce les bénédictions, on pense à se rendre quitte également des autres Mitsvot du jour.

Michloa’h Manot : On distribue à au moins une personne deux mets comestibles cachères, si possible en passant par un intermédiaire.

Matanot Laévionim : On distribue à au moins deux pauvres une pièce (ou un billet ou plusieurs billets…).

Michté : dans l’après-midi, on prend un bon repas, le festin de Pourim.

Les enfants se déguisent dans l’esprit de la fête. Les adultes mettent les vêtements de Chabbat pour écouter la Méguila.

On ajoute le passage « Veal Hanissim » dans la Amida et le Birkat Hamazone.


 Le « bouffon » de Catherine la Grande

C’était à l’époque de Catherine la Grande de Russie. Connue pour sa tyrannie impitoyable, elle était néanmoins relativement juste avec ses sujets juifs. La ville de Shklov avait appartenu à la Lituanie puis la Pologne mais avait été cédée à la Russie. De nombreux Juifs y habitaient. Ils étaient d’habiles commerçants et certains étaient même assez riches. Sauf Nahumka. Son père Chaoul Wohl avait été un grand érudit. Mais lui-même était plutôt ce que sa femme ne se privait pas de lui rappeler : un chlemil (malchanceux) ! Comme le disait non sans humour Rabbi Abraham ibn Ezra : si je devenais croque-mort, les gens cesseraient de mourir ! Mais Nahumka gardait sa bonne humeur et, quand il entrait dans une pièce, les gens souriaient de bon cœur. Et même les bébés… Quand Catherine annexa Schklov, elle nomma un général pour diriger la ville ; - en récompense de ses actions héroïques pendant la guerre, Mais cet homme était cruel, surtout envers les Juifs. Il leur imposa de lourds impôts : celui qui ne pouvait pas payer était emprisonné ou fouetté en public. Ce gouverneur restreignait aussi le commerce et toute l’économie de la ville en souffrait. Un jour on apprit que le premier ministre allait se rendre dans la ville pour constater que tout s’y déroulait correctement. On avisa la population que chacun pourrait présenter ses condoléances. Cependant le vicieux général annonça qu’il ne laisserait aucun Juif se présenter car il craignait évidemment qu’ils se plaignent de lui. Les Juifs se rassemblèrent pour trouver une solution et, étrangement, quelqu’un suggéra de faire appel à Nahumka : si quelqu’un peut se glisser à travers une porte verrouillée, c’est Nahumka ! Tous conclurent que l’idée était excellente. On l’informa de l’urgence de la situation et il répondit : je suis flatté de votre proposition et je suis conscient des dangers impliqués. Je prie D.ieu de m’aider. Si j’échoue, je vous demande de prendre en charge la vie de ma femme et de mes six enfants !

Quand le premier ministre arriva, le général organisa une grande parade pour l’accueillir. Des personnalités de toute la ville se présentèrent avec des requêtes pour la reine. Ils faisaient la queue ; et chacun pouvait donner une lettre ou dire quelques mots.

A la fin de la queue apparut un homme habillé comme un paysan. Le premier ministre lui demanda ce qu’il voulait ; l’homme s’inclina en tremblant puis remit une enveloppe scellée.

Le premier ministre l’ouvrir et s’exclama : « Ce n’est qu’une feuille de papier vide ! »

Le paysan reprit le papier et se lamenta : « Oh ! Cette requête demandait la confidentialité mais les lettres se sont envolées ! Si votre Honneur veut bien m’attendre, je vais retrouver les mots Et les remettre sur le papier ! »

Il se mit à genoux comme pour chercher par terre des lettres ! Tous le regardaient avec surprise. Finalement il se releva : « Que pourrais-je dire aux gens qui m’ont envoyé ? Tout est perdu ! Les mots étaient sans doute trop timides et se sont enfuis quand ils ont vu des gens si importants ! »

Le général éclata de rire devant la bizarrerie de cet argument. Mais le premier ministre regarda le paysan droit dans les yeux et comprit : « Suivez-moi dans mes appartements privés ! »

Laissant tous les officiels, brisant toutes les règles du protocole, le premier ministre entraîna le fermier dans sa chambre. « J’ai compris que vous voulez me parler en privé. Que se passe-t-il ? »

« Soyez béni ! Vous êtes aussi intelligent qu’on le dit ! Je suis un Juif et les Juifs de la ville m’ont envoyé vous expliquer combien ils souffrent à cause du général. Celui-ci ne voulait pas laisser les Juifs vous parler ! Voici la vraie lettre que je voulais vous remettre ! ». Il lui tendit alors une autre lettre et le premier ministre remarqua : « Je me demandais pourquoi aucun Juif n’était venu me saluer ! Le général avait prétendu que les juifs étaient trop occupés à tricher et truander pour s’amuser à me parler ! »

Le fermier qui n’était autre que Nahumka expliqua au premier ministre combien le général faisait souffrir les Juifs, comment il extorquait l’argent et le gardait pour lui sans le remette à la reine tout en accusant les Juifs de ne pas payer leurs impôts ! »

Le premier ministre étudia tous les documents que lui remit Nahumka et déclara : « Tu es un homme intelligent puisque tu as réussi à me parler en privé car le général t’aurais certainement mis à mort s’il avait vu que tu me remettais ces papiers ! Je vais remédier à la situation ! »

Le lendemain le premier ministre quitta la ville. Quelques jours plus tard, le général fut convoqué au palais, durement réprimandé puis envoyer s’occuper d’un village en Sibérie.

Les Juifs de Schklov célébrèrent l’événement et remercièrent D.ieu de les avoir sauvés des griffes malfaisantes de ce nouveau Haman ! Tous les juifs de Russie révérèrent le nom de Nahumka et conclurent qu’il existe certainement une place pour tous les « bouffons » au Gan Eden…

Yerachmiel Tilles - Ascent - Safed

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 Adar : enfin la révolution !

Il suffit parfois d’un jour pour que tout change. La veille, on pouvait se sentir désemparé, soumis à la grisaille ambiante – climatique ou morale – comme la proie d’un monde désenchanté. Brusquement, sans que l’on sache véritablement pourquoi, une joie immense chasse tous les vents mauvais. En un instant, le soleil perce les nuages qui paraissaient jusqu’ici être le seul horizon. On s’interroge alors : que s’est-il passé ? Les choses sont-elles devenues différentes ? Et on se prend à penser : peut-être est-ce soi-même qui a changé ? Peut-être tout tient-il d’abord dans notre regard ? Il y a, dans tout cela, quelque chose de vrai. De fait, un changement s’est produit et nous avons changé également. C’est – faut-il le dire ? – que le mois d’Adar est arrivé.

Etrange mois que celui-là ! La tradition juive le présente comme celui de la joie sans limite, sans restriction. Certes, la fête de Pourim, déjà en perspective, et sa tonalité d’allégresse sans frein, n’y sont pas pour rien. Le Talmud ne va-t-il pas jusqu’à énoncer la sentence définitive : « Quand entre Adar, on multiplie la joie » ? N’est-ce pas surprenant ? Ainsi nous sommes invités à cesser de considérer le monde comme l’habitude nous y conduit trop souvent. Nous sommes invités à y voir un lieu de nouveauté, un endroit où seule règne la joie. Quelles que soient les éventuelles difficultés rencontrées, quels que soient les bouleversements suscités par la vie, en dépit même des soubresauts du monde, voici qu’il convient d’y voir, et par conséquent d’en faire, autant de victoires – merveilleuses, héroïques, éternelles. D’une certaine façon, ce changement profond nous dépasse, il nous entraine dans son avènement car, né du calendrier, il s’impose à nous comme un bonheur assumé.

On le disait : il a suffi du passage d’un jour. La veille, le mois précédent, celui de Chevat, nous illuminait de sa grandeur et nous nous efforcions de le vivre à sa hauteur. Aujourd’hui nous sommes en Adar et ce seul fait nous porte vers des élévations inespérées. Car la joie n’est pas une émotion simple, faite d’oubli des soucis légitimes et d’une apparence de contentement. Profonde, immense, elle ouvre les brèches dans les murailles du quant à soi. Elle rapproche les hommes, elle ouvre le monde à ce qui le dépasse. En un mot, la joie est l’arme absolue de la victoire dans l’éternel combat spirituel que chacun mène au quotidien. Un vieil adage ‘hassidique dit que, lorsqu’une armée marche au combat, elle y va en chantant et que ce chant-là – la joie qu’il exprime – est le signe de sa victoire à venir. Le mois d’Adar commence et, jour après jour, la joie grandit. Nous en sommes les porteurs et aussi les bénéficiaires. Il suffit que nous nous en saisissions pour qu’enfin nous soyons les acteurs et les témoins de son triomphe éternel.


 Chaque prière est un progrès

Pour la Délivrance du peuple juif, une Délivrance éternelle qui ne sera suivie d’aucun autre exil, nous devons augmenter nos prières, les premières et les dernières générations. Les prières des premières générations aideront celles des dernières générations.

Ce sera plus facile pour les dernières générations qui sont plus proches de la Délivrance finale. Leurs prières seront plus acceptées que celles des premières générations. Puisque le sujet est si important, il doit y avoir une abondance de prières, génération après génération, afin que les prières pour la Délivrance soient acceptées.

(d’après Beth Elokim LéHamabit, Porte de la prière, chap. 17)


 Terouma

Il est rappelé au Peuple d’Israël les treize matériaux qu’ils doivent apporter en contribution : de l’or, de l’argent et du cuivre ; de la laine teinte en rouge, bleu, violet ; du lin, des poils de chèvre, des peaux d’animaux, du bois, de l’huile d’olive, des épices et des pierres précieuses, à partir desquels, dit D.ieu à Moché, « ils Me feront un Sanctuaire et Je résiderai parmi eux ».

Moché reçoit, au sommet du mont Sinaï, les instructions détaillées sur la façon de construire cette résidence pour D.ieu, de manière à ce qu’elle puisse être immédiatement démontée, transportée et réassemblée, au cours du voyage du peuple dans le désert.

Dans la chambre la plus intérieure du Sanctuaire, derrière un rideau tissé avec art, se trouvait l’Arche contenant les Tables de la Loi, gravées des Dix Commandements. Sur le couvercle de l’Arche, se tenaient deux anges enlacés, en or pur. Dans la chambre extérieure, s’élevait la Menorah à sept branches et était dressée la table sur laquelle étaient disposés « les pains de proposition ».

Les trois murs du Sanctuaire étaient constitués de quarante-huit planches de bois. Chacune d’elles était plaquée d’or et soutenue par une paire de socles en argent. Le toit était constitué de trois couvertures : a) des tapisseries de lin et de laine multicolores, b) une couverture de poils de chèvre, c) une couverture de peaux de taureaux et de Ta’hach. Devant le Sanctuaire, était tendu un écran brodé, tenu par cinq piliers.

Autour du Sanctuaire et de l’autel de cuivre, placé devant, des rideaux de lin pendaient, soutenus par soixante piliers de bois, avec des crochets et des garnitures en argent, renforcés par des piquets en cuivre.

La Paracha Terouma concerne la construction d’un Sanctuaire qui sera la « Résidence » de la Che’hina, un lieu central pour la Présence Divine, d’où la Divinité rayonnera dans le monde entier et l’inspirera.

D.ieu, la Divinité, est totalement spirituel. Cependant, le Michkan, le Sanctuaire doit être une structure matérielle, construite selon des mesures précises, indiquées par la Torah. Toutes sortes de matériaux sont utilisées dans son édification : de l’or, de l’argent, du cuivre, diverses peaux, du bois, etc.

Ces matériaux devaient être donnés par le peuple. Le montant obligatoire de certaines contributions était équivalent pour tout le monde pour que tous puissent avoir une part égale dans la construction du Sanctuaire. Mais d’autres contributions étaient volontaires, chacun apportant librement son offrande « selon la générosité de son cœur ».

C’est ainsi qu’on peut lire, au début de la Paracha : « Veyik’hou Li Terouma… », « et qu’ils prennent pour Moi une Terouma… », selon ce que leur cœur sera enclin à donner.

Le mot hébreu « Li », « pour Moi », semble superflu. Il aurait suffi de simplement dire : « Veyik’hou Terouma », « qu’ils prennent une Terouma ». Qu’apporte cette addition ?

Nos Sages suggèrent un certain nombre de significations. Rachi explique que « Li », « pour Moi », signifie Lichmi, « par amour pour Moi », impliquant ainsi que les gens doivent avoir à l’esprit qu’ils font cette contribution comme une Mitsva, par amour du Ciel et non pour des motivations personnelles, de quelque ordre qu’elles soient. En d’autres termes, bien que cette Mitsva, comme toutes les Mitsvot, apporte de nombreux bienfaits, quand on l’observe, elle doit être accomplie non pas pour ou parce ce qu’on peut en gagner mais pour la Gloire de D.ieu.

Il s’agit d’un principe général qui s’applique à toute la Torah, à toutes les Mitsvot : il faut les accomplir « Lichmo », « pour Son nom », par reconnaissance pour le bien qu’elles recèlent, pour elles-mêmes, pour D.ieu, sans autres motifs personnels.

Contribuer à la Tsedaka, à des œuvres de charité, Li, Lichmi, exclusivement par amour de la Mitsva et sans aucune considération pour  la réduction d’impôts, la gloire personnelle, par exemple, n’est pas toujours facile. Se départir de possessions que nous pourrions utiliser pour notre propre bénéfice en donnant à notre vie plus de confort, plus de luxe, ou simplement pour se permettre certains plaisirs personnels, peut nous plonger dans un conflit intérieur difficile. C’est pourquoi la Torah nous indique ici la manière de surmonter cette bataille qui se mène à l’intérieur de nous-mêmes.

En effet, le mot « Li » peut se prêter à une interprétation alternative. « Li », « pour moi » implique également « ce qui est à moi », « ce qui m’appartient ».

Notre verset initial se lit alors différemment :

« Parle aux Enfants d’Israël pour qu’ils prennent une offrande Li, de Moi », de ce qui M’appartient.

Quand nous acquérons des biens, très souvent nous n’appréhendons pas la vérité et la réalité de ce qui se passe. Nous avons tendance à penser que c’est seulement grâce à nos propres aptitudes, nos propres efforts que nous avons pu accumuler cette richesse. Et c’est pourquoi nous la considérons comme notre propre fortune, comme des possessions qui nous appartiennent et dont nous pouvons disposer comme bon nous semble. Nous oublions que notre vie, notre existence, notre santé, notre énergie, tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes, tout vient du Tout-Puissant, du Créateur de l’univers et de tout ce qu’il renferme. Ainsi, tout ce que nous possédons appartient-il en réalité à D.ieu et pas à nous.

C’est pourquoi la Paracha déclare : « D.ieu parle à Israël et dit : ‘offrez des contributions généreuses et construisez le Sanctuaire. Ne pensez pas ou ne dites pas que vous donnez quelque chose qui vous appartient car tout est à Moi’. Ainsi, Veyik’hou Li : prenez et donnez de quelque chose qui est à Moi ».

Le roi David abonde également dans ce sens : « Car toute chose vient de Toi et c’est de ce qui T’appartient que nous Te donnons ».

On peut retrouver le même principe dans les Pirké Avot (Les Maximes de nos Pères) : « Donne-Lui (c’est-à-dire à D.ieu) de ce qui Lui appartient car toi et tout ce qui est à toi est (en fait) à Lui »

Cette attitude fondamentale, qui consiste à reconnaître que nous dépendons de D.ieu, nous empêche, d’une part, de tomber dans l’arrogance et la prétention. Par ailleurs, elle assure que nous accomplirons nos obligations à l’égard de D.ieu et de nos prochains. Elle nous permet de reconnaître la valeur inhérente du Bien pour lui-même et d’agir dans cette perspective.


 Comment s’occuper d’un malade Chabbat

C’est une Mitsva de profaner le repos du Chabbat pour sauver la vie d’une personne - même s’il existe un doute que la vie soit en danger. De plus, il est recommandé de réagir le plus vite possible pour prendre les mesures nécessaires.

Si le médecin estime que la vie de la personne risque d’être en danger ou que sa situation risque de se détériorer si elle n’est pas traitée le jour même du Chabbat, on doit être prêt à profaner le Chabbat pour elle.

Si la personne elle-même pense que sa vie est en danger, on profane le Chabbat pour elle – même si le médecin estime que ce n’est pas le cas.

Si un jeune enfant est enfermé derrière une porte, est tombé dans un trou, a disparu ou est retrouvé errant dans la rue dans un état douteux et qu’on ignore où se trouve sa famille, on profane la sainteté du Chabbat pour lui.

On donne au malade tout médicament ou traitement susceptible de le guérir ou, au moins, d’empêcher que la situation n’empire – même si ce n’est qu’une vague possibilité et qu’on n’est même pas certain que cela aidera.

On peut tout faire pour alléger les souffrances du malade, pour le renforcer ou le rafraîchir même si cela n’a pas de relation avec sa guérison. Par exemple, on peut chauffer de l’eau s’il a besoin d’une boisson chaude. Si un non-Juif est disponible pour cela, on lui demandera de chauffer l’eau.

On peut prendre des médicaments pour diminuer la douleur si celle-ci est si violente qu’elle empêche d’apprécier le Chabbat.

Il convient de préparer avant Chabbat tout ce qui risque d’être nécessaire en cas d’urgence (accouchement etc.).

 (d’après Chemirat Chabbat Kehil’hata - N’shei Chabad Newsletter N° 7601)


 Science-fiction ?

« J’ai grandi dans le quartier hassidique de Crown Heights (New York) dans les années 40 et j’ai eu la chance et le grand privilège de connaître le Rabbi. Il marchait dans la rue, me parlait et me dit de l’appeler « Mister Mena’hem » parce que je n’arrivai pas à retenir son nom de famille (Schneerson). Ce n’est que lorsque j’ai vu une photo de lui dans les années 50 que je réalisai que mon cher « Mister Mena’hem » était devenu officiellement le Rabbi.

J’avais sept ans et il m’avait demandé quels livres je lisais. Je venais de découvrir à la bibliothèque municipale des livres de science-fiction, entre autres ceux de Robert Heinlein et d’Isaac Asimov. Il était intrigué à l’idée d’enseigner les sciences à de jeunes enfants au travers de romans de vulgarisation. Je lui suggérai de les lire et qu’il les aimerait lui aussi mais il répondit qu’il ne lisait que des livres juifs.

Un an plus tard à peu près, en 1948, je lui racontai avoir lu le livre Foundation d’Isaac Asimov. Il évoque une fondation secrète créée par un « psycho-historien » nommé Hari Saldon. Le but de cette psycho-histoire et de la Foundation était de parfaire l’univers, du moins c’est ce que je lui exposai, en insistant pour qu’il le lise.

Par la suite, « Mister Mena’hem » me dit qu’il avait lu le livre – ce qui m’enchanta – et me conseilla de me concentrer sur Asimov et non sur Heinlein. (Et il avait raison). Il continua et me dit qu’il avait écrit à Asimov et avait reçu une réponse. J’étais en admiration du fait qu’il avait reçu une lettre de ce célèbre auteur (sans réaliser lequel des deux devait s’estimer le plus honoré… Je vous ai dit que je n’avais aucune idée de l’identité de l’homme à qui je parlais si librement ni surtout combien il deviendrait célèbre !).

Puis il me demanda ce que je pensais de l’idée d’établir une Fondation. Je trouvais l’idée épatante et le lui dis. Il m’annonça alors qu’il allait justement établir une Fondation : j’en fus si excitée que je me mis à sauter de joie en le suppliant de m’y intégrer. Il accepta et, effectivement, je participai un certain temps à son initiative. Il s’agissait d’envoyer des Chlou’him, des émissaires partout dans le monde pour aider les Juifs à retrouver leurs racines juives. Peut-être d’autres choses dont je ne me souviens pas ? Qui sait ?... »

Amicalement

Ne’hama Cohen – Tamiment, PA

Telle fut la lettre que reçut Rav Simon Jacobson il y a quelques années et que moi, (David Boas) j’ai racontée plusieurs fois. Dernièrement quelqu’un m’a demandé de lui prouver que cette histoire était vraie. J’étais à Jérusalem et demandai à un de mes contacts à Brooklyn d’en vérifier les détails. Il en parla avec Rav Simon Jacobson qui confirma avoir reçu cette lettre en 1996. Mais mon contact ne parvenait pas à localiser la dame en question. Comme il travaillait pour JEM (Jewish Educational Media, qui enregistre des témoignages de personnes ayant connu le Rabbi), il estima que Ne’hama Cohen serait certainement une personne très intéressante à interviewer et il persévéra. Finalement il parvint à découvrir son adresse en Pennsylvanie. Durant deux semaines, il lui téléphona tous les jours mais personne ne décrochait.

Finalement lundi 27 janvier 2014, quelqu’un décrocha le combiné. Une voix d’homme. Il s’avéra que c’était un policier qui informa l’homme de JEM que Ne’hama Cohen venait de décéder à l’âge de 74 ans à l’hôpital. Le policier était venu dans son appartement pour déterminer si elle avait de la famille qui s’occuperait des funérailles. Mais quand il avait découvert qu’elle vivait seule et n’avait pas de famille, il s’apprêtait à suivre les procédures légales dans ce cas-là, c’est-à-dire à procéder à son incinération (D.ieu préserve !).

L’homme de JEM, en entendant cela, contacta immédiatement le Chalia’h local, l’émissaire du Rabbi dans cette ville. Celui-ci procéda aux coups de téléphone nécessaires pour organiser un enterrement juif traditionnel pour la défunte qui avait eu l’honneur de connaître « Mister Mena’hem » plus d’un demi-siècle auparavant.

Le Rabbi avait veillé jusqu’au bout à cette petite fille, lui évitant au dernier moment l’incinération et veillant, par l’intermédiaire de ses émissaires, à lui assurer les derniers honneurs.

Yerachmiel Tilles - Ascent - Safed

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018

 22 Chevat : plus qu’un message

Les grandes dates interrogent toujours de la même façon : revenant d’année en année, offrent-elles d’autres perspectives que mémorielles et commémoratives ? Il est vrai que, bien souvent, elles sont seulement l’occasion de célébrations obligées, officielles et incontournables. Voici pourtant que, cette semaine, revient le 22 Chevat, l’anniversaire du décès de la Rabbanite ‘Haya Mouchka, la femme du Rabbi de Loubavitch. Elle quitta ce monde en 5748-1988 et l’événement retentit encore, non seulement dans le cœur de ceux qui la connurent mais, plus largement, comme instaurant un jour porteur d’enseignement, d’action et d’espoir.

Ce n’est évidemment pas par hasard que le 22 Chevat se tient à New York le congrès international des Chlou’hot, ces femmes envoyées dans tous les pays du monde avec leur mari et qui assument la tâche de transformer les endroits où elles vivent, à la fois enseignantes, directrices d’institutions etc. Chargées de tout cela par le Rabbi, elles savent conduire ceux qu’elles rencontrent vers un temps meilleur. Et si elles ont choisi cette date pour se retrouver chaque année, c’est qu’elle recèle une puissance particulière.

La vie de la Rabbanite en est une expression à valeur d’exemple. Elle connut les plus grands bouleversements de l’histoire : l’oppression stalinienne en URSS, les tragédies de la guerre et l’invasion allemande en France. Elle resta cependant fidèle à ce qu’elle était, sans jamais reculer ou renoncer. Son nom en porte témoignage : ‘Haya Mouchka. « ‘Haya » signifie « vivante », comme pour dire que cette vie est si intense et si profonde qu’elle ne connaît jamais d’interruption au-delà même de la disparition physique. « Mouchka », le musc, un parfum à la fois précieux et subtil. Le parfum, disent les commentateurs, a le pouvoir de réconforter l’âme malgré son caractère presque immatériel. Il s’attache à celui qui en est porteur.

« Vie » et « parfum », c’est en soi un programme, une manière de vivre. Nous vivons un temps où ces notions si essentielles manquent bien souvent. Perclus par la pesanteur des choses, l’homme en vient à oublier ce qui l’entraîne au-delà de lui-même et lui confère toute la noblesse de l’humain. La Rabbanite, par sa vie, nous montre le chemin. Tout est possible. Le monde peut changer et l’avenir retrouver ses couleurs. Demain chantera. A New York, les Chlou’hot réunies l’affirment. Plus qu’un message, le 22 Chevat est la date de naissance d’une action.


 Chaque prière est un progrès

Pour la Délivrance du peuple juif, une Délivrance éternelle qui ne sera suivie d’aucun autre exil, nous devons augmenter nos prières, les premières et les dernières générations. Les prières des premières générations aideront celles des dernières générations.

Ce sera plus facile pour les dernières générations qui sont plus proches de la Délivrance finale. Leurs prières seront plus acceptées que celles des premières générations. Puisque le sujet est si important, il doit y avoir une abondance de prières, génération après génération, afin que les prières pour la Délivrance soient acceptées.

(d’après Beth Elokim LéHamabit, Porte de la prière, chap. 17)


 Michpatim

A la suite de la révélation au Sinaï, D.ieu donne une série de lois pour le Peuple juif. Elles incluent les lois concernant le serviteur contractuel, les compensations en cas de meurtre, d’enlèvement, d’assaut et de vol, les lois civiles pour rembourser les dommages, les prêts et les responsabilités des « quatre gardiens », enfin les lois dirigeant la conduite des cours de justice.

On y lit également les lois interdisant les mauvais traitements à l’égard des étrangers, l’observance des fêtes saisonnières, les dons agricoles à apporter au Temple de Jérusalem, l’interdiction de cuire ensemble le lait et la viande et la Mitsva de la prière. La Paracha Michpatim comporte en tout 53 Mitsvot : 23 commandements positifs et 30 commandements négatifs.

D.ieu promet de conduire le Peuple d’Israël en Terre Sainte et le met en garde contre les pratiques païennes de ses habitants.

Le Peuple d’Israël proclame « Nous ferons et nous entendrons tout ce que D.ieu nous a ordonné ». Laissant Aharon et Hour en charge du camp, Moché monte sur le mont Sinaï pour recevoir la Torah de D.ieu et y reste quarante jours et quarante nuits.

La Paracha de cette semaine, Michpatim, est la première qui suit le Don de la Torah, lu la semaine dernière, dans la Paracha Yitro.

Le mot Michpatim ou « statuts » ne désigne pas tous les commandements de la Torah mais plutôt ceux que l’intellect humain peut appréhender, ceux que même sans la Torah les hommes observeraient d’eux-mêmes.

Rabbi Chalom Dov Ber, cinquième Rabbi de Loubavitch, avait l’habitude de citer nos Sages qui affirmaient que même si la Torah ne nous avait pas été donnée, à D.ieu ne plaise, nous aurions appris la discrétion d’un chat, etc.

Ces comportements émanent de l’intellect humain.

Cependant, dans la Paracha sont évoqués non seulement les Michpatim, lois que l’on comprend intellectuellement et rationnellement, mais également les ‘Houkim, ces lois à l’autre extrême, qui dépassent complètement l’entendement humain, qui n’ont aucune explication rationnelle, comme peut l’être l’interdiction de consommer ensemble du lait et de la viande.

Pourquoi devrions-nous inclure ces ‘Houkim, qui sont des lois sans fondement rationnel, dans une Paracha qui s’appelle Michpatim, évoquant des lois qui ont toutes une explication rationnelle ?

La ‘Hassidout explique que la façon dont sont accomplis les Michpatim présente un avantage.

Quand on comprend intellectuellement une Mitsva, on l’accomplit avec un plus grand enthousiasme, avec plus de plaisir et plus d’énergie. En effet, dans l’exécution de cette Mitsva sont impliqués tous les aspects de notre être, y compris notre intellect. On ne l’accomplit pas seulement parce qu’on doit le faire, parce que c’est notre devoir, mais étant donné que l’on saisit la grandeur de la Mitsva, son projet, on s’y implique avec davantage d’énergie.

La pensée ‘hassidique nous explique un concept très important : toutes les Mitsvot, quelles qu’elles soient, possèdent en elles-mêmes cet aspect des Michpatim. Elles ont toutes, dans une certaine mesure, un lien avec la compréhension rationnelle.

Comment cela peut-il être possible alors que les ‘Houkim, comme nous l’avons vu, sont complètement irrationnels ?

Il est expliqué que, s’il est vrai que le contenu de ces lois est totalement inaccessible à l’entendement humain, nous ne pouvons ainsi saisir pourquoi la consommation simultanée du lait et de la viande n’est pas autorisée, nous pouvons toutefois comprendre en quoi consiste leur accomplissement concret et quel est l’effet de la Mitsva.

Le mot Mitsva, qui signifie littéralement « commandement », possède la même racine que le mot Tsavta qui veut dire « connexion », « lien ». Cela implique que l’accomplissement d’une Mitsva a des effets prodigieux.

En effet, par essence, il serait absolument impensable qu’un être humain fini, doté d’une personnalité et d’un intellect limités, puisse nouer un lien quelconque avec un Créateur infini. Cela paraît totalement impossible.

Et pourtant c’est là l’accomplissement de la Mitsva, dans le sens de Tsavta. La Mitsva rend possible le lien entre un être humain fini et D.ieu infini.

Par nous-mêmes, nous ne pourrions pas imaginer qu’il existe une manière de nous lier avec l’Infini mais quand cet Etre Infini nous donne le moyen de nous lier à Lui, cela devient possible.

C’est la raison pour laquelle lorsque nous accomplissons un ‘Hok, une Mitsva qui ne s’appuie sur aucune explication rationnelle, nous ne pouvons impliquer notre intellect et peut-être manquons-nous d’enthousiasme en ce qui concerne le contenu de la Mitsva. Mais l’effet que produit cet accomplissement, le fait que nous accomplissions un acte qui n’a pas d’explication rationnelle, auquel nous ne comprenons rien, cela, nous sommes à même de le saisir. En accomplissant ce ‘Hok, cet acte irrationnel, nous nous lions à notre Source Infinie, dans une unité merveilleuse que l’on ne peut trouver nulle part ailleurs dans l’univers.

Et c’est là la source de la joie et de l’enthousiasme que nous devons ressentir dans l’accomplissement de ce type de Mitsva.

Nous pouvons dès lors l’accomplir comme les Michpatim, comme les lois que nous comprenons, dans ce cas précis, non parce que nous en comprenons le sens mais parce que nous avons réalisé quelle était l’idée de la Mitsva, l’accomplissement et l’effet de la Mitsva qui nous permet de nous attacher à la source Infinie de toute vie et de toutes les bénédictions.


 Qu’est-ce que les « quatre Parachiot » ?

Nos Sages ont institué de lire, en plus de la Sidra hebdomadaire, une « Paracha » supplémentaire durant les semaines qui précèdent Pourim et Pessa’h.

  • • La première s’appelle « Chekalim ». Elle rappelle la nécessité pour chacun de donner chaque année un demi-Chékel pour l’entretien du Temple et l’achat des sacrifices communautaires. Cette Paracha (Exode 30 – 11 à 16) est lue le Chabbat qui précède Roch ‘Hodech Adar (cette année le Chabbat Michpatim 10 février 2018). On sortira donc deux rouleaux de la Torah :

- un pour la Paracha de la semaine : Michpatim (sept montées)

- un pour la Paracha Chekalim (un appelé qui lira aussi la Haftara tirée du livre des Rois (11. 17 pour les Séfaradim ou 12. 1 à 17 pour les Achkenazim).

  • • La seconde s’appelle Za’hor et rappelle la nécessité de se souvenir d’Amalek (Devarim - Deutéronome 25. 17 à 19). Elle est lue le Chabbat précédant Pourim, cette année Chabbat Tetsavé, le 24 février 2018. La Haftara relate le combat du roi Chaoul contre Amalek (Samuel I – 15 1 à 34).
  • • La troisième s’appelle Para (Bamidbar – Nombres 19. 1 à 16) et rappelle la nécessité de se purifier avant la fête de Pessa’h. Elle est lue Chabbat Vayakhel-Pekoudé, 10 mars 2018. La Haftara rappelle la pureté du Temple (Ezékiel. 16 à 38).
  • • La quatrième s’appelle Ha’hodech (Chemot – Exode 12. 1 à 20) et rappelle l’importance du mois de Nissan et le sacrifice pascal. Elle est lue le Chabbat Vayikra, Roch Hodech Nissan, le 17 mars 2018. Ce Chabbat, on sortira 3 rouleaux de la Torah : pour Chabbat, pour Roch ‘Hodech et pour la Paracha Ha’hodech. On lira la Haftara dans Ezékiel de 45. 15 à 46.18.

 Le fils du pharmacien

Bien que mon père fréquentât la synagogue chaque matin, on ne pouvait pas le qualifier de pratiquant : il ne portait pas la Kippa et sa pharmacie restait ouverte sept jours sur sept. A l’époque (fin des années 50, début des années 60), les pharmacies ne ressemblaient pas à celles de maintenant. Les médicaments n’étaient pas vendus en boîtes toutes prêtes, il fallait concasser les ingrédients à la main et calculer les doses exactes pour chaque client. De fait, mon père servait pratiquement de docteur pour les clients qui lui demandaient conseil. On peut dire qu’il vivait dans ce magasin et ma mère l’y aidait souvent.

Nous n’étions pas Loubavitch mais, avec le temps, mon père développa une certaine relation avec le Rabbi et ma mère avec la Rabbanit ‘Haya Mouchka. Celle-ci venait souvent à la pharmacie pour acheter des médicaments – pas spécialement pour elle-même ou le Rabbi mais pour d’autres personnes. Elle emmenait parfois ma mère dans sa voiture pour faire des courses dans le quartier. Souvent elles m’emmenaient.

Mon père avait de grandes discussions avec le Rabbi. Parfois il me prenait avec lui mais j’étais jeune et leurs conversations philosophiques ou économiques ne m’intéressaient pas. Je restais dehors et jouais au ballon. Mais à partir du jour où j’ai brisé une fenêtre, on ne me laissa plus venir…

Le Rabbi tentait de convaincre mon père de fermer le magasin Chabbat. Mon père prétendait que les gens dépendaient de lui et qu’en préparant des médicaments, il contribuait à sauver des vies. Mais le Rabbi insistait : « Vous pouvez fermer Chabbat ! Les gens qui viennent à la pharmacie ne sont pas en danger de mort ! C’est important pour votre âme juive de fermer le Chabbat et vous irez mieux sur le plan spirituel ! ».

Mais bien sûr, le samedi était surtout le jour le plus rentable pour un pharmacien. Les gens ne travaillaient pas et en profitaient pour faire leurs courses. Donc mon père ne fermait pas le magasin et le Rabbi continuait à argumenter avec lui à ce sujet.

Puis un Italien ouvrit une pharmacie non loin de là et le Rabbi en profita pour faire réaliser à mon père que les gens ne dépendaient plus de lui : l’autre pharmacie était ouverte 24 heures sur 24, sept jours sur sept et quelqu’un d’autre pouvait donc « sauver des vies ».

Acculé, mon père protesta cependant : « Mais qu’en sera-t-il de ma Parnassa ? Le samedi est le jour qui me procure plus de rentrées que tous les autres jours de la semaine ! ».

Le Rabbi répondit par une lettre :

« A propos de la question de la Parnassa et l’effet immédiat que la fermeture Chabbat et les jours de fêtes juives aurait sur vos affaires, il est important de réaliser… que ce qui compte vraiment, ce n’est pas tant la quantité d’argent qui est gagnée mais la façon dont cet argent sera utilisé. Toute personne sensée préférera gagner moins mais utiliser ses gains pour des dépenses saines et agréables plutôt que gagner davantage et dépenser cet argent chez le docteur entre autres : car alors, il y a non seulement les dépenses mais aussi le trouble et la douleur que cela implique, D.ieu préserve ! A y bien réfléchir cependant, on doit garder à l’esprit que l’argent gagné d’une façon contraire à la Loi Divine ne peut pas servir à des buts utiles ; le gain apparent n’est qu’illusoire et même pire ! Donc, de quelque point de vue qu’on se place (religieux, moral ou économique), il n’existe aucune justification pour garder votre magasin ouvert Chabbat et les jours de fêtes juives et cela ne présente aucun intérêt pour vous. Par contre, obéir à la Loi Divine vous apportera d’autres bénédictions, pour une bonne santé et la prospérité, aussi bien matérielle que spirituelle ». Le Rabbi concluait sa lettre avec des bénédictions pour la fête de Pessa’h qui approchait avec ces mots : « Puisse la saison de notre liberté vous apporter à vous ainsi qu’aux vôtres, une pleine mesure de libération de tous doutes et anxiétés et la véritable libération dans le plein sens du terme… ».

C’est ce qui convainquit mon père de fermer la pharmacie le Chabbat.

Quant à moi, je commençai assez jeune à graviter autour des Loubavitch. Quand j’étais un adolescent, de nombreux Juifs quittèrent le quartier de Crown Heights ; la synagogue de mon père qui avait compté parfois jusqu’à 500 fidèles n’en abritait plus qu’une trentaine. Mais les Loubavitch étaient de plus en plus nombreux. J’y allais le Chabbat matin, leur synagogue du 770 Eastern Parkway était remplie avec peut-être mille ou deux mille personnes, une mer de gens. Ils portaient tous des costumes sombres et des chapeaux noirs et je détonnais avec mes tee-shirts rouges ou mes vestons à carreaux. Je me souviens que le Rabbi me regardait et me reconnaissait.

A cette époque, le Rabbi et la Rabbanit étaient aisément accessibles et on pouvait facilement les approcher. Je me souviens de la chaleur qui émanait d’eux et qui faisait que même un enfant comme moi se sentait à l’aise.

Et je constate que cette chaleur est présente dans toutes les communautés Loubavitch dans le monde entier. Quand j’ai fait mon Aliya et que je me suis installé en Israël, j’ai fini par adhérer à la communauté Loubavitch de Tékoa parce que je m’y suis senti bien accueilli – quelle que soit la façon dont je suis habillé. Et cet accueil chaleureux est pour moi la marque de fabrique du Rabbi.

Harvey Milstein - JEM

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2018