Le temps comme guide

Le fond de l’air n’a-t-il pas subtilement changé ? En ces jours de rentrée, c’est comme une atmosphère ou une lumière différente qui nous enveloppe. Sans bien savoir définir la nature de cette transformation – sans doute inattendue au retour de la parenthèse des vacances – nous en ressentons tous, plus ou moins consciemment, la réalité. Cela s’explique en un mot, à la fois simple et grand : Elloul. Le dernier mois du calendrier juif entre à présent dans le monde et rien n’est plus pareil.

On a coutume de dire que le judaïsme ne croit guère au hasard, imprégné qu’il est de la notion de providence Divine. Cette constatation trouve une application encore plus forte et évidente quand il s’agit d’une idée liée au calendrier. En effet, pour le peuple juif, celui-ci n’est pas qu’un instrument de mesure du temps, un simple outil utile pour suivre les jours qui passent. Il est un véritable guide de vie. Il nous indique un chemin du service de D.ieu. En ce qui concerne le mois d’Elloul, cela veut dire qu’il n’est pas question de le regarder uniquement comme le mois qui ferme le cycle annuel, avant le nouveau millésime. Il est ce mois irremplaçable de conclusion qui affirme ou restaure le sens de tout ce qui a été accompli jusqu’ici et ainsi prépare l’année à venir.

Le précédent Rabbi de Loubavitch décrit la période. Il souligne qu’alors même « les poissons tremblent dans les rivières. » Ce « tremblement » n’est manifestement pas l’expression d’une absurde terreur. C’est celle d’une conscience active : voici que chaque jour qui passe nous rapproche des grands rendez-vous d’automne, Roch Hachana et Yom Kippour. Comme de véritables retrouvailles – avec D.ieu, avec soi-même. Avant tout événement rare et précieux, il faut un temps de préparation. Nous y sommes : Elloul est parmi nous, comme le début d’un voyage de merveilles.

Aussi, à l’orée du mois, il faut entreprendre l’aventure. Il faut accepter la découverte. Ce voyage nous entraînera haut et loin. Il suffit que nous en soyons les dignes acteurs, le monde nouveau est à la porte. Pour une année bonne et douce.


 Le parachèvement

Le Talmud (Traité Sota 13b) enseigne: “L’observance d’un commandement n’est appelée que du nom de celui qui le parachève”. En d’autres termes, c’est celui qui conclut une Mitsva qui en acquiert le bénéfice.

Cette notion s’applique également à la venue de Machia’h. Bien que l’œuvre accomplie par les générations précédentes, dont il est dit (traité du Talmud Chabbat 112b) “les premiers étaient comme des anges”, soit infiniment supérieure à la nôtre, cependant “la Délivrance est appelée du nom de celui qui la parachève”. Or, elle viendra par le mérite de notre génération car c’est elle qui, par son effort, porte à son point culminant l’œuvre des générations passées.

(d’après Likouteï Si’hot, vol. XX, p. 104)


 Choftim

Moché donne l’instruction de nommer des juges et des officiers de police dans chaque ville (chaque portail). La justice doit s’accomplir rigoureusement.

Dans chaque génération, des hommes seront chargés d’enseigner la loi. Il faudra les écouter scrupuleusement.

La Paracha comprend également l’interdiction de pratiquer l’idolâtrie et la sorcellerie, les lois de nomination du roi, l’obligation de construire des villes de refuge.

Sont précisées les lois régissant la guerre.

La Paracha se conclut par la loi concernant la découverte, dans un champ, d’un assassinat dont on ignore l’auteur et la responsabilité de la communauté dans ce cas.

Cette Paracha est lue le premier Chabbat du mois d’Elloul. C’est un mois au cours duquel il nous faut agir pour compléter notre service divin de l’année qui s’achève et préparer l’année qui arrive.

Chacun des jours du mois d’Elloul a une importance cruciale puisqu’il complète, compense et élève le service du jour de la semaine correspondant de chaque mois de l’année qui vient de s’écouler et prépare celui de l’année qui vient. Pour donner un exemple, le 1er Elloul est lié au premier jour de tous les mois des années passée et future, le 2 Elloul, au second jour, etc.

Selon le principe suivant lequel « nous devons vivre avec le temps », c’est-à-dire trouver un enseignement relatif à notre vie, dans la Paracha hebdomadaire, l’on comprend aisément qu’il existe une relation entre les principes évoqués plus haut et la Paracha Choftim.

Elle commence avec le commandement de « nommer des juges et des policiers » dans toutes les villes. Ce concept renvoie au service divin personnel de chaque Juif. Le concept de « juge », celui qui tranche la loi, fait allusion à l’étude de la Torah qui nous enseigne le comportement adéquat à adopter. La police, qui veille à l’application de la loi, renvoie à l’application des actes eux-mêmes.

En nommant des juges et des policiers pour lui-même, le Juif s’assure que son comportement suivra les directives de la Torah.

Ce concept prend une perspective encore plus profonde par l’interprétation de « rempart » (les villes), ce qui se réfère à nos organes sensoriels : nos yeux, nos oreilles, etc. Ces organes sont les portails par lesquels nous faisons pénétrer les informations émanant de l’environnement extérieur et par lesquels nous y répondons. Nous devons nommer « des juges et des policiers » pour contrôler notre appréciation de ces stimuli et la réponse que nous leur apportons, les dirigeant dans le sens des valeurs de la Torah.

Cela fait apparaître le lien avec le mois d’Elloul, le mois de l’inventaire. A cette occasion, l’on met une plus grande emphase sur le fait de juger et de contrôler notre comportement pour compenser tous les manquements éventuels dans le service de l’année précédente et préparer le service de l’année qui arrive.

Ce concept est également en relation avec la conclusion de la Paracha qui discute de la Mitsva de Eglah Aroufah (le fait de tuer une génisse comme amendement pour un meurtre resté irrésolu). Le fait de désigner des « juges et des policiers » a pour intention de prévenir des événements indésirables de cette nature. Quand toutefois ils se produisent, bien que cela ait lieu « dans un champ », à l’extérieur des limites de la ville, il faut procéder au service nécessaire pour apporter le pardon.

Cela est également lié au service du mois d’Elloul, associé à la repentance de Yom Kippour et la préparant. En fait, il est expliqué que le cycle de repentance et de pardon de ces jours prend sa source dans la période de quarante jours que Moché passa sur le Mont Sinaï, commençant à Roch ‘Hodech Elloul et s’achevant à Yom Kippour (cela renvoie à la repentance pour le péché du Veau d’Or et le pardon accordé par D.ieu).

Le fait qu’un corps soit découvert « dans le champ » peut également être compris comme une métaphore pour « le roi dans les champs » qui décrit le service du mois d’Eloul :

« Avant qu’un roi n’arrive à la ville, les gens de la ville sortent l’accueillir dans le champ. Il est alors permis (et la permission en est garantie) à tous ceux qui le veulent d’aller l’accueillir. Il les reçoit avec un abord plaisant et leur témoigne une attitude souriante. »

Sortir ainsi pour accueillir le roi apporte le pardon car les 13 Attributs de Miséricorde Divine se révèlent au cours du mois d’Eloul.


 Quelles sont les coutumes du mois d’Elloul ?

A partir du 1er jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année mardi 22 août 2017), on ajoute dans la prière du matin et de l’après-midi le Psaume 27 et ce, jusqu’à Hochaana Rabba (cette année mercredi 11 octobre 2017) inclus.

Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d’Elloul – cette année, à partir du mercredi 23 août 2017 – 3 Tehilim (Psaumes) et ce, jusqu’à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.

A partir du second jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année mercredi 23 août 2017), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.

Dans un discours ‘hassidique, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi explique que, durant tout le mois d’Elloul, « le Roi est dans les champs », c’est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d’entre nous, accueille chacun avec un visage bienveillant et nous pouvons tout Lui demander. C’est pourquoi il est plus facile d’opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.

On a l’habitude de faire vérifier par un Sofer (scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines.

On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d’être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.


 Trois preuves que D.ieu existe…

Un jour, le téléphone sonna chez Rav Amitai Yemini, responsable du programme Loubavitch en hébreu à Los Angeles. Son interlocuteur se présenta comme Moché Mordjovitz, un ancien Israélien installé en Californie.

- Au secours ! Ma fille veut se convertir au christianisme la semaine prochaine ! Aidez-moi !

Effectivement, Anat, sa fille appréciait beaucoup l’émission de télévision qu’animait un certain curé tous les dimanches matin et, bien qu’elle n’ait que dix-sept ans, sa décision était prise, elle était convaincue.

Le soir-même, Rav Yemini arriva au domicile de la famille, une maison où ne se trouvait aucun signe évident de judaïsme, pas même une Mézouza à la porte.

- Comment espérez-vous que votre fille reste juive si votre maison ne possède même pas une Mézouza ? s’étonna-t-il.

Le père accepta que Rav Yemini en fixe une à la porte d’entrée et reconnut :

- Vous êtes le premier rabbin que je rencontre de toute ma vie. Personnellement, j’ai grandi dans un kibboutz appartenant au mouvement Hachomer Hatsaïr, c’est-à-dire la gauche israélienne la plus antireligieuse. Mon épouse et moi-même n’avons aucun lien avec le judaïsme. Un jour, notre fils a voulu fixer une Mézouza à la porte et je l’ai averti : « si tu agis ainsi, moi j’accrocherai un crucifix ! » Il a cédé. Mais… que ma fille se convertisse ? Jamais !

J’ai tenté de lui expliquer que, sans éducation juive, il n’y avait absolument aucune garantie que ses enfants ne s’assimilent pas au courant ambiant. Il ouvrit des yeux ronds :

- Que voulez-vous dire ? J’ai enseigné à mes enfants le meilleur de la littérature israélienne : Bialik, Tchernichovsky et bien d’autres… (des écrivains prestigieux certes mais peu portés sur la tradition juive authentique).

Je lui ai gentiment fait remarquer que la Torah s’apprenait dans d’autres livres, qu’il fallait donner à sa fille d’autres valeurs que celles qu’il préconisait… J’ai invité Anat à passer un Chabbat chez nous. Cela lui plut et elle est revenue chaque Chabbat. Petit à petit, elle s’intéressa à la Torah et pratiqua quelques Mitsvot.

Puis je reçus un autre coup de téléphone de son père :

- Rav Yemini ! Cela suffit ! Vous êtes allé trop loin ! Vous avez réussi à lui extirper cette folie de la conversion et je vous en remercie. Mais n’allez pas la rendre pratiquante ! Je ne l’accepterai pas !

J’ai dû passer des heures à le convaincre, des jours et des nuits pour qu’il ne l’empêche pas de suivre la nouvelle route qu’elle venait de choisir et la laisser acquérir une véritable culture juive à l’école de jeunes filles Beth Rivka de New York.

Les années passèrent. Un jour, ce fut Mme Mordjovitz qui téléphona à Rav Yemini :

- Moché mon mari doit subir une opération à cœur ouvert. La situation est très grave et les médecins ne nous laissent guère d’espoir ! Demandez pour nous une bénédiction au Rabbi !

Elle avait souvent entendu Anat raconter des récits miraculeux sur le Rabbi. Une heure plus tard, le Rabbi envoya sa bénédiction pour une guérison complète.

Après l’opération, les chirurgiens ne purent dissimuler un sourire de satisfaction devant le résultat positif absolument inattendu :

- Vous avez de la chance, M. Mordjovitz, vous êtes aussi fort qu’un taureau ! Quelle belle santé ! C’est incroyable !

« La même semaine, continue Rav Yemini, M. Mordjovitz me téléphona lui-même. Je supposais qu’il voulait me remercier. Je décidais de profiter de l’occasion pour aller le voir chez lui et discuter encore de judaïsme. Quand j’arrivai, le couple s’assit face à moi, ne sachant comment aborder le sujet :

- Voilà ! Cela fait dix ans que nous sommes mariés (il s’agissait du second mariage de M. Mordjovitz) et nous n’avons pas encore d’enfants. Depuis longtemps, nous avons perdu espoir, surtout que les médecins ont levé les bras devant notre situation. Mais maintenant, alors que nous avons vu de nos yeux l’accomplissement de la bénédiction du Rabbi… alors qu’auparavant, nous ne parvenions pas vraiment à croire mais peut-être… si cela ne vous dérange pas, nous pourrions demander une autre bénédiction au Rabbi, pour avoir des enfants…

Bien entendu, j’ai envoyé au Rabbi leur demande et, un mois plus tard, Moché me téléphona pour m’annoncer que sa femme était enceinte.

Quand, il y a quelque temps, il est retourné en Israël, il vint chez moi pour prendre congé. En me serrant les mains avec beaucoup d’émotion, il avoua :

- D.ieu existe ! Vous pouvez annoncer au monde entier que Mordjovitz du Kibboutz Hachomer Hatsaïr affirme que D.ieu existe ! Il m’est arrivé ici trois miracles : ma fille a trouvé sa voie, j’ai subi avec succès une opération délicate et nous avons mis au monde des enfants après dix ans de stérilité ! D.ieu existe !

Aharon Dov Halperin – Moussaf Pessa’h de Kfar Chabad

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2017

  


 Réeh

Moché prévient les Enfants d’Israël de la bénédiction qu’ils recevront s’ils vont dans le chemin de D.ieu et de la malédiction, dans le cas inverse.

Puis il leur adresse le commandement d’ériger le Temple et d’y offrir des sacrifices.

Il indique les punitions qu’encourront les faux prophètes et les pratiques idolâtres.

Les signes pour identifier les animaux et les poissons Cacher sont rappelés.

Suivent la Mitsva du prélèvement de la dîme et du premier-né animal, celles de la charité, de l’année chabbatique.

La Paracha s’achève sur l’évocation des pèlerinages à Jérusalem qui doivent avoir lieu à Pessa’h, Chavouot et Souccot.

La puissance de la vue

Une perception pénétrante

Nos Sages statuent : « Un témoin ne peut être juge ». Ils en donnent la raison : « Une fois qu’une personne a vu perpétrer (un acte criminel), elle ne pourra jamais trouver de raison valable pour le coupable ». Cela nous enseigne que la vue fait bien plus que de simplement apporter une information. Quand un juge entend rapporter les détails d’un crime par un témoin, il peut toujours réfléchir objectivement et envisager les circonstances atténuantes du méfait. Mais, s’il a lui-même été témoin de l’acte, il en sera trop influencé pour ne pas prendre parti.

Voir et entendre opèrent différemment. Quand une personne voit un événement ou un objet, elle en est pénétrée au-delà du niveau conscient. L’impression suscitée reste en elle, forte et puissante.

Quand, par contre, elle en entend parler, quand bien même la source est digne de confiance, une telle connexion ne peut s’établir et elle ne conçoit la chose qu’intellectuellement. C’est pourquoi il lui est possible d’aborder les faits sans passion et d’envisager d’autres points de vue.

Il existe une autre différence entre ces deux sens. Quand l’on voit un objet ou que l’on assiste à un événement, nous l’appréhendons dans sa globalité et ce n’est que dans un second temps que l’on en perçoit les détails. Mais quand l’on entend quelque chose, ce sont d’abord les détails qui sont captés et puis ils nous guident vers la compréhension de la totalité du sujet.

Ces deux éléments sont liés : c’est parce que l’on voit une entité dans sa totalité que l’expérience nous pénètre plus profondément. A l’inverse, quand l’on entend seulement les détails, il est plus aisé d’être influencé par d’autres informations.

Servir D.ieu par choix

Ces concepts concernent la Paracha de cette semaine, Rééh, qui commence ainsi : « Vois ce que Je mets devant toi aujourd’hui, une bénédiction et une malédiction ». Le texte poursuit en évoquant le libre-arbitre, la récompense et la punition : « La bénédiction (viendra) si tu obéis aux commandements… et la malédiction (viendra) si tu n’en tiens pas compte… et te détournes du chemin que Je t’ai ordonné. »

Moché indique au peuple que son observance des commandements de D.ieu ne sera pas une réponse spontanée. Au contraire, il leur sera constamment requis de faire des choix conscients.

Pourquoi D.ieu accorde-t-Il à l’homme le libre-arbitre ? Pour l’élever à un niveau supérieur dans son service divin. Si le choix entre le bien et le mal venait naturellement, l’homme n’en éprouverait aucune gratification. Qu’aurait-il gagné ?

C’est pour cette raison qu’il est confronté, à chaque étape de son progrès spirituel, à des obstacles qu’il doit surmonter par lui-même. Par nature, le mal n’a aucune substance et tout comme l’obscurité est repoussée par la lumière, le mal céderait instantanément à la puissance de la sainteté. Mais pour permettre qu’agisse le libre choix, a été attribuée au mal la force de présenter des obstacles aux forces de la sainteté. En fait, les forces du mal sont même équivalentes aux plus hauts niveaux spirituels, car il faut toujours que l’on puisse choisir entre le bien et le mal. Ainsi pouvons-nous observer, par exemple, que le choix de la quête de biens matériels peut aller jusqu’à dépasser l’entendement, au point que l’individu peut risquer sa vie à cette fin.

Cependant, ces challenges ont un but : celui que l’homme les affronte et les surmonte. Le bien qu’il réussit à répandre dans le monde, il ne le doit alors qu’à lui-même. Il n’est pas seulement le réceptacle de la miséricorde divine, il apporte sa propre contribution.

La vue comme aide, commandement et promesse

D’une part, les obstacles doivent être réels pour permettre à l’homme d’aller puiser ses forces les plus profondes, les surmonter et s’accomplir réellement.

Mais d’autre part, D.ieu ne veut pas que l’on échoue. Il nous donne la force de surmonter les difficultés que l’on affronte et nous aide à chaque pas.

Cela est indiqué dans le verset : « Vois, Je place devant toi… ». D.ieu permet à l’homme de voir la vérité de « la bénédiction et la malédiction ».

Voir crée une impression profonde. Quand l’on voit la nature du bien, auquel l’on peut parvenir par le bon choix, et la raison pour laquelle existe le mal, on peut alors faire le bon choix.

Le terme « vois » peut aussi être envisagé comme un ordre. Le service divin doit permettre à l’homme de voir le projet divin dans sa vie. Il ne reste pas un concept intellectuel et donne alors à l’homme une vigueur accrue pour accomplir sa mission.

Enfin, il s’agit également d’une promesse, celle que nous atteindrons ce niveau de conscience.

Voir la vérité

L’expression ultime du potentiel de la vue s’exprimera à l’Ere de la rédemption où s’accomplira la prophétie : « La gloire de D.ieu sera révélée et toute chair la verra ». Nous verrons directement que la Divinité est la vérité de toute existence.

Ce n’est pas une promesse lointaine mais une réalité imminente.

Publié dans 2017

 


 Ékèv

Moché poursuit son discours d’adieu en promettant aux Enfants d’Israël la prospérité en Terre sainte, s’ils suivent la voie de D.ieu.

Il leur fait également des reproches pour leurs erreurs passées. Mais Il leur adresse des paroles soulignant le pardon de D.ieu.

Il leur rappelle la Manne qui leur enseigna que l’on vit exclusivement grâce à D.ieu.

Il décrit l’abondance de la Terre d’Israël et insiste sur la Providence Divine.

Il leur ordonne de détruire les idoles.

On lit également ici le second paragraphe du Chema. C’est également la source du précepte de la prière et on y trouve une référence à l’ère messianique.

Récompense ?

L’une des distinctions essentielles entre le premier paragraphe du Chema (rappelé dans la Paracha de la semaine dernière) et le second paragraphe (qu’on lit cette semaine) est la référence faite, dans le second, à la récompense pour l’observance des Mitsvot.

Quel est le rôle des récompenses dans la vie juive ? Il semble que la réponse ne soit pas univoque.

D’une part, la croyance que D.ieu récompense un comportement juste et punit une transgression est l’un des 13 principes fondamentaux de notre foi.

Mais par ailleurs, on nous enjoint d’être « comme un serviteur qui sert son maître non dans l’espoir d’une récompense » (Maximes de nos Pères 1 :3).

De nombreux passages nous promettent les bienfaits de l’obéissance aux préceptes divins. Ils sont contrebalancés par une abondance d’écrits éthiques (tout particulièrement accentués dans les enseignements ‘hassidiques) décriant la récompense et la qualifiant de creuse et superficielle.

Ainsi, si D.ieu désire que nous « accomplissions un service sincère tout simplement parce qu’il s’agit de la vérité » (selon les termes de Maïmonide), pourquoi nous distrait-Il avec des promesses de récompense ? Est-il cohérent de donner à quelqu’un un avantage quand ce n’est pas essentiellement dans son intérêt le plus absolu ?

Mais peut-être n’envisageons-nous pas la question dans la bonne perspective.

Nous avons tendance à percevoir la récompense comme une motivation pour servir D.ieu ou comme la reconnaissance d’un accomplissement. Mais peut-être que l’objectif premier n’est en aucun cas notre propre bénéfice. Peut-être nous récompenser est-il gratifiant pour D.ieu Lui-même !

Les enseignements de la ‘Hassidout mettent l’accent sur le fait que toute la création, y compris notre service divin, est conçue pour servir les intérêts de D.ieu. Nous récompenser sert à D.ieu, c’est ce qu’Il veut.

Un parent aspire à donner à son enfant. Le désir d’un mari à faire pleuvoir des cadeaux sur son épouse est encore plus fort que l’enthousiasme de sa femme devant ces cadeaux. Car un objet matériel ne peut certainement pas capturer l’intensité de leur relation. C’est l’expression de son estime, et le plaisir qu’elle ressent en recevant ces présents, et en les appréciant, est bien plus grand que le bénéfice qu’elle tire de leur utilisation concrète.

Il peut être difficile d’accepter des cadeaux, parfois même quand ils récompensent des efforts. Et pourtant les refuser peut être ressenti comme une insulte. Comme c’est étrange ! Celui qui les reçoit suggère que le donateur garde son cadeau et le donateur en est blessé voire offensé. En acceptant le cadeau, l’on permet au bienfaiteur de s’exprimer, d’actualiser son besoin.

D.ieu est l’essence du Bien et l’instinct du bien est de faire le bien. Récompenser fait partie de la nature de D.ieu (bien que ce soit une nature qu’Il ait choisi d’assumer). Récompenser est la manière dont D.ieu S’exprime. Si nous nous fermons à cet aspect de D.ieu c’est (pour ainsi dire) comme si nous L’asphyxions !

Alors faites le bien car c’est votre devoir et acceptez la récompense avec la même obéissance. Recevoir fait également partie de votre service divin.

Publié dans 2017

 


 Vaét’hanane

Moché dit aux Enfants d’Israël que D.ieu ne lui a pas permis d’entrer en Terre Sainte et qu’il ne pourra contempler que du haut d’une montagne. Il poursuit la répétition de la Torah, évoquant les événements sans précédent qui se sont produits depuis la sortie d’Egypte. Il prédit que des générations futures se détourneront de D.ieu, pratiqueront l’idolâtrie, perdues parmi les nations, mais qu’elles reviendront à D.ieu et Ses commandements.

La Paracha inclut les Dix Commandements, le Chema Israël, les Mitsvot de l’amour du prochain, de l’étude de la Torah, des Tefilines et des Mezouzot.

La Paracha évoque les concepts les plus fondamentaux dans le Judaïsme, comme nous venons de le voir.

Quand devrions-nous nous absorber dans l’étude de la Torah ? Le verset mentionne quatre étapes ou moments différents :

« Quand tu es assis chez toi, quand tu es en chemin, quand tu te couches et quand tu te lèves ». Il s’agit ici d’une explication simple et conventionnelle des mots. C’est pourquoi le verset parle de la journée d’un individu au cours de laquelle il passe un certain temps chez lui. En général, cela se passe le soir ou depuis la soirée jusqu’au moment de se coucher.

L’on revient de sa journée de travail et l’on reste chez soi.

« Quand tu es en chemin » fait allusion à ce que font les gens durant le jour : aller travailler, travailler et rentrer à la maison.

« Quand tu es couché » a vraisemblablement lieu à la fin du jour et la nuit et « quand tu te lèves », c’est le matin.

Selon son sens simple, le texte nous indique donc que la Torah ne doit pas être reléguée à une petite partie de la journée mais elle doit pénétrer chacune de nos activités, depuis le moment où l’on se lève jusqu’à notre coucher.

Quand, aux XVIII et XIXèmes siècles, la Haskala, mouvement assimilationniste qui visait à moderniser le Judaïsme et les Juifs en prônant l’adoption d’une culture européenne laïque, sévit dans le monde juif, une certaine attitude domina : « Soyez des Juifs à la maison, si vous le désirez, mais des personnes respectables dans la rue. Si vous voulez pratiquer votre Judaïsme, faites-le chez vous. A la maison, en famille, vous pouvez mettre votre kippa, vos Tefilines, étudier la Torah, pratiquer les Mitsvot. Mais quand vous sortez dans le monde, quand vous allez travailler, soyez corrects. Vous n’avez pas besoin d’étaler publiquement votre Judaïsme. »

Cette attitude est diamétralement opposée aux paroles du Chema. Celui-ci affirme : « quand vous sortez, n’oubliez pas la Torah. Emportez-la Torah avec vous. Assurez-vous qu’elle est présente où que vous alliez, au travail, en voyage…

Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn (précédent Rabbi de Loubavitch) propose une autre perspective, profonde, de ce verset. Il souligne qu’en ce qui concerne l’activité de l’étude de la Torah, il existe plusieurs niveaux, plusieurs étapes. A chaque étape de la vie de l’homme, intervient la Torah.

« Quand tu es assis chez toi » est le statut de l’âme En Haut, avant qu’elle ne descende sur terre, dans le monde matériel. Là dans le Gan Eden, elle est « assise » devant D.ieu et étudie constamment la Torah.

Le verset peut aussi être interprété comme le statut de l’enfant dans le ventre de sa mère. La Guemara nous dit que lorsqu’une femme est enceinte, l’enfant, dans son ventre, étudie toute la Torah. Plus encore, « une bougie brille au-dessus de sa tête et il peut voir d’un bout du monde à l’autre ». Le verset se réfère donc à une période de la vie de la personne précédant sa venue au monde, où elle est complètement et exclusivement occupée à l’étude de la Torah.

L’étape suivante « quand tu es en chemin », évoque le moment où l’âme descend par étapes, jusqu’à pénétrer dans un corps physique, dans ce monde matériel. Là, grâce à l’étude de la Torah, elle apprend comment progresser (marcher) dans le domaine spirituel et même dans ses entreprises matérielles, quand elles sont menées par amour pour D.ieu. Il ne s’agit pas de l’état naturel de l’âme dont l’habitat véritable est En Haut. Quand elle pénètre dans un nourisson, elle doit apprendre à gérer ce monde nouveau tout en restant fidèle à D.ieu. Telle est la mission de l’âme dans ce monde.

Quand elle quitte sa résidence céleste et pénètre dans la sphère terrestre, l’âme doit passer par un certain nombre de descentes. Il faut commencer à lui enseigner Kamats Alèph (l’alphabet hébraïque) ou Beréchit Bara Elokim (le premier verset de la Torah : « au commencement D.ieu créa… »). C’est un niveau bien inférieur à celui qu’elle possédait avant la naissance de l’enfant. La Torah doit donc s’adapter à une âme dans un corps. Mais la conséquence en est, quand elle étudie la Torah de ce monde et pratique des Mitsvot concrètes, qu’elle parvient à un niveau supérieur à celui d’avant sa descente.

« Quand tu es couché » est l’étape suivante. Il s’agit du jour où l’âme est rappelée à son royaume céleste, lorsque le corps n’a plus de vie. Même alors, il continue à « étudier » toute la Torah qu’il a étudiée au cours de sa vie, comme nous l’enseignent les Pirké Avot, « les Maximes de nos Pères ». Même lorsqu’une personne est dans sa tombe, attendant la Résurrection des Morts, toute la Torah qu’elle a apprise dans sa vie la garde et veille sur elle.

Quand une personne meurt, aucune des possessions matérielles qu’elle a acquises ne l’accompagne. Sa maison, sa voiture, elle les laisse derrière elle. Mais sa Torah et ses bonnes actions l’accompagnent.

On raconte que lorsque les Allemands arrivèrent à Lyzansk, en Pologne, leur parvint une rumeur selon laquelle les Juifs avaient l’habitude d’enterrer avec eux de l’or et de l’argent. Ils allèrent à la tombe de Rabbi Elimélè’h et l’ouvrirent. Ils virent alors un petit homme, avec une barbe brune, qui semblait dormir. Pris de terreur, ils lâchèrent leur pelle et s’enfuirent. Cette nuit-là, les Juifs de la ville se rendirent au cimetière pour refermer la tombe profanée. Ils virent alors le corps complètement intact de Rabbi Elimélè’h. Un homme qui, tout au long de sa vie, avait fait totalement un avec la Torah, restait totalement un, après sa mort.

Ailleurs, la Guemara indique que lorsque quelqu’un étudie les enseignements d’un Tsaddik, les lèvres du corps, dans la tombe, murmurent les paroles de Torah avec celui qui les étudie.

Outre le fait que le corps est gardé et protégé par la Torah étudiée, l’âme qui est au Ciel, l’étudie aussi.

Enfin, « et quand tu te lèves » fait allusion à l’ère de la résurrection des morts. Il s’agit là encore d’une des pierres angulaires de notre foi. Chaque Juif, quel que soit le temps qu’il est resté dans sa tombe, sera réveillé avec la résurrection des morts. Et la Torah sera alors d’un niveau tout à fait différent. Aucune limite ne la rendra difficile à appréhender. Nous serons complètement libérés de toutes les préoccupations qui envahissent notre esprit, notre temps et nous perturbent. Avec la venue de Machia’h, tous ces obstacles s’écrouleront. Comme le statue le Midrach, « une nouvelle Torah jaillira de Moi », ce qui signifie que tous les secrets de la Torah, cachés durant l’exil, nous seront révélés. En d’autres termes, non seulement nous serons différents mais la Torah elle-même le sera également, plus profonde, plus claire et plus élevée. Que cela se produise de nos jours !

 

Publié dans 2017

 Champ de « vision »

Au cours de sa longue et tumultueuse histoire, le peuple juif a mérité bien des titres et des qualificatifs, certes pas toujours bien intentionnés. Dans la période que nous vivons, où souvenir rime avec tragédie, relevons ces appellations-là qui enferment un destin en quelques lettres. Comme ne pas redire que les Juifs constituent le « peuple du Livre » tant il est vrai qu’ils ont construit leur vie, la réalité de leur foi – et, d’une certaine manière, l’ensemble de la société des hommes – autour de ce Texte donné par D.ieu, il y a si longtemps mais de telle façon que le temps n’a aucune prise sur lui ? Comment oublierait-on la révolution qu’ils apportèrent au monde, spirituellement, moralement et intellectuellement, quand ils lui enseignèrent l’existence absolue d’un Créateur unique ? Comment alors ne pas retenir une désignation simple : peuple de la vision ?

Car, de manière presque paradoxale, la vision est bien souvent ce qui est le plus proche du réel, peut-être à son avant-garde. Elle donne un sens, conduit, suscite les avancées et prévient les erreurs. Le Chabbat que nous vivons cette semaine en porte le nom. Il est le « Chabbat de la vision ». Bien sûr, cela renvoie au texte des prophètes lu à la synagogue. Il s’agit d’Isaïe et c’est à sa « vision » qu’il est ici fait référence. Mais, cette appellation résonne haut et fort en dehors de son contexte. La vision, nous est-il enseigné ainsi, c’est celle que D.ieu accorde à chacun en ce jour, dernier Chabbat avant le jeûne du 9 Av : celle du troisième Temple, qui réapparaîtra au temps messianique. Il nous est donc donné de le voir dès à présent, comme un espoir et un encouragement.

La question se soulève d’elle-même : l’image est belle, voir le Temple comme en avant-goût de la Délivrance tant attendue. Mais, au-delà de l’affirmation des commentaires, qui peut prétendre avoir vu tout cela ? Est-ce donc bien d’une vision qu’il est question ? Peut-être est-ce justement là que s’exprime la grandeur d’un peuple visionnaire. Nous sommes profondément conscients que la vision est ici, présente, devant nous. De ce fait, elle nous pénètre de sa puissance et, même si elle n’est pas, pour le moment, dans notre champ – justement – de vision, son rayonnement est inestimable. Ce Chabbat, faisons une de ces choses que nous savons faire : entrons dans cette vision. La vie en sera différente


 Parachever l’œuvre

En notre temps, après toutes les épreuves traversées, ce temps qui est celui de la génération des « talons de Machia’h », selon le mot du Rabbi Précédent, Machia’h « se tient derrière notre mur » et n’attend que l’achèvement de l’œuvre confiée à notre génération.

Si on la compare à celle des générations qui nous ont précédés, cette œuvre est relativement facile. Il appartient donc à chacun de réaliser concrètement les termes du verset : « Le faible dira ‘je suis fort’ ». La seule décision ferme dans ce domaine fait apparaître les forces les plus profondes. Chacun peut donc agir bien plus qu’en des temps ou dans des conditions plus ordinaires.

(D’après les Iguerot Kodech du Rabbi de Loubavitch, vol. VIII, p. 353)


 Devarim

Devant l’assemblée des Enfants d’Israël, Moché répète la Torah ainsi que les événements qui se sont produits au cours du voyage de quarante années. Il leur adresse des reproches pour leurs iniquités et les enjoint de rester fidèles à leur héritage éternel. Moché rappelle qu’il a nommé des juges et des magistrats pour le seconder, le voyage depuis Sinaï dans le désert, l’épisode des explorateurs, le décret de D.ieu Qui attendra quarante ans avant de permettre au peuple d’entrer en Israël.

Moché évoque également quelques événements plus récents : les querelles avec Moav et Amon, les guerres contre les rois Emorites, l’installation des tribus de Réouven, Gad et une partie de Ménaché, le message qu’il a adressé à son successeur Yehouchoua, pour ses futures batailles dans la reconquête d’Israël : « Ne les crains pas car l’Eternel ton D.ieu combattra pour toi ».

De la bouche de D.ieu à Moché

Au début du livre de Devarim, le verset déclare : « A la quarantième année, le premier du onzième mois, Moché parla aux Enfants d’Israël à propos de tout ce que D.ieu lui avait ordonné les concernant » (Devarim 1 :3).

Que dit exactement Moché ?

Le Sforno (un commentateur) explique que Moché répéta toute la Torah révélée jusqu’à ce moment. En fait, c’est l’une des raisons pour laquelle le livre de Devarim est également connu sous le nom de Michné Torah, « la répétition de la Torah ».

Nos Sages notent que le livre de Devarim diffère des quatre premiers livres de la Torah dans la mesure où les premiers émanent de « la bouche de D.ieu » alors que Devarim vient de « la bouche de Moché ».

Cela ne signifie pas, à D.ieu ne plaise, que les mots du Michné Torah ne viennent pas de D.ieu. Il s’agit plutôt, comme l’explique Rachi, du fait que « Moché ne prononça pas le Michné Torah, pour les Juifs, de sa propre initiative mais qu’il le recevait de D.ieu et le répétait aux Juifs ».

Puisque les mots du Michné Torah ne sont pas ceux de Moché mais ceux de D.ieu, pourquoi les quatre premiers livres sont-ils considérés comme issus de la « bouche de D.ieu » alors que le quatrième est le produit de la « bouche de Moché » ? Quelle différence y a-t-il entre les quatre premiers livres et le cinquième ?

La sainteté inhérente à la Torah est telle qu’elle transcende complètement le monde matériel. Pour qu’elle puisse se révéler dans ce monde, un intermédiaire est nécessaire, un intermédiaire qui soit à la  fois supérieur à ce monde mais qui lui appartienne malgré tout. Cet intermédiaire établit un pont entre la Torah sacrée et ce monde matériel.

Moché était cet intermédiaire dans la mesure où s’alliaient en lui des éléments de ce monde et des niveaux supérieurs. Il est évident que son humilité n’était pas de ce monde. Mais en même temps, il avait atteint la perfection la plus absolue possible pour un être humain.

L’information qui est diffusée par le biais d’un intermédiaire peut se manifester de deux manières : soit elle passe à travers l’intermédiaire mais elle ne pénètre pas son être, tout ce qu’il fait étant de permettre sa révélation, soit la communication imprègne si totalement son être qu’il en est refaçonné, que sa personnalité est transformée par cette transmission. Cela a alors pour conséquence que chacun la reçoit en fonction de son propre niveau intellectuel.

Donnons une illustration : quand la pensée se traduit dans les doigts, par exemple quand on griffonne une idée ou que l’on fait une peinture, les doigts ne refaçonnent pas la pensée. Mais quand une pensée se transmet par l’émotion, cette émotion donnera de la couleur à cette pensée et en suscitera une transformation.

C’est là que réside la différence entre le cinquième livre de la Torah et les quatre qui le précèdent.

Dans les quatre premiers livres, Moché servit de canal, comme dans la première forme de transmission et la Torah resta une communication qui émanait de la « bouche de D.ieu », alors que dans le Michné Torah, les mots de D.ieu étaient « habillés » dans l’intellect de Moché et sont donc considérés comme venant de la « bouche de Moché ».

Quel est l’avantage de cette seconde forme de communication ? Il semblerait qu’elle implique une certaine chute dans la sainteté !

Quand un flux de connaissance divine ne s’habille pas dans l’intellect d’un intermédiaire humain, il est difficile de l’appréhender totalement car une telle connaissance est, par définition, au-delà de la faculté intellectuelle de celui qui la reçoit et l’intermédiaire n’a rien fait pour la rendre plus accessible.

C’est ainsi que si la Torah n’avait été transmise que par le biais des quatre premiers livres (c’est-à-dire par la « bouche de D.ieu »), il aurait été impossible pour les Juifs de la comprendre véritablement. Mais quand Moché leur répéta la Torah dans ses propres mots (c’est-à-dire de la « bouche de Moché »), elle devint compréhensible.


 Qu’est-ce que le 9 Av ?

Le 9 Av commémore de tristes dates de l’histoire juive, comme l’épisode des explorateurs, l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, de nombreux pogromes mais surtout la destruction du saint Temple de Jérusalem par les Romains en l’an 70 de l’ère commune.

Les garçons à partir de treize ans et les filles à partir de douze ans doivent jeûner depuis la veille (cette année lundi 31 juillet 2017 à partir de 21h 30, horaire de Paris) jusqu’au soir (cette année mardi soir 1er août 2017 à 22h 15). En cas de maladie ou de faiblesse, on consultera un Rabbin compétent à propos du jeûne.

On mange un repas normal avant le début du jeûne. Puis un repas comportant uniquement du pain trempé dans de la cendre et un œuf dur.

Le 9 Av, on ne se lave pas, sauf les mains le matin, ou pour des raisons d’hygiène.

Au matin, on ne récite pas la bénédiction : « Chéassa Li Kol Tsorki » (« Qui veille pour moi à tous mes besoins ») car on ne porte pas de vraies chaussures en cuir.

On n’étudie pas la Torah, (sauf certains passages de Jérémie par exemple), et on assiste à un « Siyoum », à la conclusion du traité Talmudique Moèd Katane (qu’on peut aussi écouter sur Radio J dimanche à 14h 30).

Jusqu’au milieu de la journée de mardi (environ 13h 30, 14 h) on ne s’assoit pas sur une chaise mais seulement sur un petit tabouret, en signe de deuil. On évite de dire bonjour, sauf aux personnes qui ont oublié qu’on ne se salue pas le 9 Av.

Lundi soir, on lit les Lamentations de Jérémie (Meguilat E’ha). Mardi matin, on fait la prière sans Talit ni Téfilines, ni Ta’hanoun et on lit les « Kinot ». Mardi après-midi, on met Talit et Téfilines pour la prière de Min’ha et on rajoute les passages « Na’hem » (« Console les endeuillés de Sion ») et « Anénou » (« Répond-nous »).

Mardi soir, à l’issue du jeûne, on se lave les mains rituellement (sans bénédiction) et on se rince la bouche. On enlève les chaussures en toile et on remet les chaussures en cuir. On prononce la bénédiction de Kiddouch Levana pour la lune.

On peut s’occuper du linge (lessive…) et se couper les cheveux à partir de mercredi 2 août 14h.

On ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin jusqu’au milieu de la journée du mercredi 2 août.


 Examen de Guemara

En 1973, j’avais huit ans et j’étudiais dans la classe de Reb Yeshayahu Weber, un véritable ‘Hassid, dans le ‘Héder situé à côté de la Yechiva Loubavitch Torat Emet à Jérusalem. En décembre, mon frère Rav Nachman Yossef se maria à New York. Je ne saurais jamais assez remercier mes chers parents qui, malgré mon jeune âge, m’ont emmené aux Etats-Unis et m’ont ainsi fait entrer en Ye’hidout (entretien privé) chez le Rabbi (à l’époque, seuls quelques élèves de notre école avaient eu ce privilège car il était très rare d’entreprendre un voyage si long et si cher avec de jeunes enfants). Je me souviens très bien de l’ambiance festive de ces quelques jours passés sur place ; je n’étais pas à même de comprendre les discours et les longs développements ‘hassidiques mais je garde un souvenir très vivace de l’allumage de la grande ‘Hanoukia dans la synagogue, en présence du Rabbi.

Bien entendu, le moment le plus intense de ce séjour fut la Ye’hidout. Nous avons tous revêtu nos vêtements de Chabbat pour la circonstance, mes parents, ma sœur et moi. Le Rabbi s’est longuement intéressé à moi et m’a fait subir un examen sur ce que j’étudiais à l’époque au ‘Héder. Grâce à mes frères, j’ai compris dès ma sortie de Ye’hidout l’importance de ce que je venais de vivre et ils ont consigné par écrit toute cette conversation.

Le Rabbi me parlait en yiddish et je répondais en yiddish. En voici le compte-rendu :

- Qu’étudies-tu actuellement ?

- Le traité (talmudique) Baba Metsia.

- Comment s’appelle ton professeur ?

- Reb Yeshayahu Weber.

- Quelle est la loi si on trouve un objet sans aucun signe distinctif ?

- On n’est pas obligé de proclamer (qu’on l’a trouvé pour retrouver le propriétaire).

- Pourquoi ? Voici quelqu’un qui a travaillé… qui a dépensé de l’argent etc. Cela lui appartenait. Pourquoi n’est-on pas obligé de proclamer (et de tenter d’identifier le propriétaire) ?

Je balbutiai. Puis je répondis :

- Parce qu’il n’y a pas de signe distinctif ! (Mon père vint à mon aide et rajouta que, certainement, le propriétaire avait abandonné tout espoir de retrouver l’objet).

Le Rabbi désigna de sa main droite le Sirtouk (redingote noire portée par les ‘Hassidim) qu’il portait puis me demanda :

- Comment agirais-tu si tu trouvais mon Sirtouk ? Proclamerais-tu (que tu l’as trouvé) ?

- Oui, répondis-je, car chaque personne porte un vêtement d’une taille différente (qui lui confère donc un signe distinctif).

- Quelle est la loi si on trouve des « filets de poissons » ou des « ronds de figues » ? (exemples cités dans la Guemara).

- Ils lui appartiennent.

- Pourquoi ?

- Parce que tout le monde les attache de la même façon. Ce n’est donc pas un signe distinctif.

- Qu’apprends-tu dans le Na’h (les Prophètes) ?

- (Le livre de) Yehochoua (Josué).

- Pourquoi n’a-t-on pas tué la famille de Ra’hav (la femme qui avait caché les espions envoyés par Yehochoua pour déterminer comment conquérir la ville de Jéricho) ? (Cette famille) faisait-elle partie de la tribu de Réouven, Chimone ou Lévi ?

- Parce que Ra’hav avait sauvé les espions envoyés par Yehochoua (et j’ai raconté toute l’histoire).

Ensuite le Rabbi posa quelques questions à ma sœur puis prit dans un des tiroirs de son bureau un petit verre (qui était ébréché sur un côté) qui contenait deux pièces d’un dollar. Sur l’une, il y avait une silhouette d’homme et sur l’autre une silhouette de femme. Le Rabbi fit passer les pièces d’une de ses mains à l’autre, plusieurs fois, puis m’offrit la pièce avec la silhouette d’homme et expliqua :

- Puisque je t’ai « fatigué », je te donne un dollar. Quand tu retourneras en Erets Israël, tu raconteras cette entrevue à ton professeur ainsi qu’à tous les élèves de ta classe.

Puis le Rabbi donna l’autre pièce à ma sœur.

Bien entendu, dès mon retour en Israël, j’ai tout raconté à mon professeur ainsi qu’aux élèves de ma classe comme le Rabbi me l’avait spécifié.

Des dizaines d’années sont passées depuis et ce n’est que récemment que j’ai saisi combien cette entrevue avait eu des répercussions considérables. Lors d’une réunion, j’ai eu l’occasion de m’asseoir à côté de mon ancien professeur et nous avons échangé des souvenirs avec, entre autres, le récit de ma Ye’hidout. Reb Weber me confia alors :

- Tu n’étais qu’un enfant de huit ans mais tu ne peux pas savoir combien ta Ye’hidout a tout changé pour moi ! Je n’étais alors qu’un jeune homme ; j’aimais enseigner et je m’efforçais de remplir au mieux mes obligations dans ce domaine mais je n’étais pas vraiment satisfait. De plus en plus de jeunes ‘Hassidim partaient s’installer dans des endroits reculés, dans le monde entier, afin de disséminer le judaïsme et je n’arrêtais pas de penser que je devais peut-être agir de même plutôt que de rester « cloué » avec un groupe d’enfants dans une école de Jérusalem… Je serais peut-être plus utile à la cause du judaïsme si je m’occupais d’une communauté, ailleurs dans le vaste monde…

J’avais écrit plusieurs fois au Rabbi à ce sujet mais n’avais jamais reçu de réponse de sa part. De ce fait, bourré de doutes, je vivais dans l’expectative. Puis tu es revenu de chez le Rabbi qui t’avait demandé de rapporter le contenu de l’entrevue à ton professeur et tes camarades. Je n’avais besoin de rien d’autre ! J’ai compris que c’était là une réponse claire du Rabbi : ma mission dans la vie était de m’occuper d’éducation.

De plus, en réfléchissant aux questions posées et à la façon dont le Rabbi les avait posées, j’ai compris plusieurs messages quant à la façon d’enseigner…

Effectivement, Rav Weber a continué à enseigner et a exercé une très bonne influence sur des centaines d’élèves, bien davantage que tout autre professeur. Il a développé une façon originale enseigner la Guemara aux élèves qui avaient du mal à s’y intéresser et ses compétences éducatives sont absolument considérables. La façon dont le Rabbi m’avait « forcé » à mieux comprendre et expliquer la loi de l’objet perdu pour m’obliger à réfléchir plutôt que d’ânonner des mots appris par-cœur l’avait interpelé. Je me souviens aussi comment, face à mon bouleversement, le Rabbi m’avait regardé avec le sourire d’un père et avait attendu patiemment que je reprenne mes esprits.

Il est possible que les élèves de ma classe aient également été favorablement impressionnés par tout ceci – par la toute première mission que le Rabbi m’avait confiée personnellement… Ce fut la première fois que je parlais « en public » et cela m’a « ouvert le tuyau » puisque je suis devenu un conférencier presque professionnel.

Lors d’une réunion ‘hassidique, dernièrement, j’ai raconté cette Ye’hidout à Nahariya, la ville dont je m’occupe et quelqu’un m’a fait remarquer à propos d’une des questions posées par le Rabbi : « Il est vrai que le Rabbi possède de nombreux « Sirtouks perdus », des Juifs disséminés ici et là… Il nous appartient de les transformer en Juifs conscients de leur judaïsme. Nous devons proclamer que nous sommes déterminés à les rendre à leur juste propriétaire, à D.ieu qui ne désespère d’aucun Juif… ».

Rav Baruch Wilhelm – Kfar Chabad N° 1712

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2017

 De plain-pied dans l’espoir

« Entre les limites » : c’est le nom que nos Sages ont donné à ces trois semaines qui s’étendent entre le 17 Tamouz et le 9 Av. Nous sommes donc entrés dans cette période et elle marque les épisodes les plus dramatiques de l’histoire juive. Ne s’agit-il pas ici de dates, soulignée chacune par un jeûne, qui décrivent la destruction du Temple de Jérusalem et le début de notre exil ? De fait, le judaïsme qui sait l’importance de la ritualisation, a donné à ce temps de l’année une connotation de retenue, de tristesse qui en fait, sans doute, un moment moins aisé à vivre. Pourtant, il existe deux façons de considérer de tels événements. On peut n’en retenir que la tristesse décrite mais on peut y lire aussi les ferments de l’espoir. On peut y voir uniquement la fin d’un monde mais on peut aussi y préparer l’émergence d’un nouveau temps. Au-delà du jeûne et des prescriptions incontournables de la loi juive, c’est là que se trouve l’enjeu. Le temps que nous commémorons est celui de la destruction, ne nous appartient-il pas d’en faire celui de la reconstruction ?

Certes, le défi semble immense. Comment pourrions-nous avec nos faibles moyens, inverser un processus historique dont les Sages n’ont pas manqué de relever les raisons spirituelles ? Il existe, pour cela, une arme particulière. Elle est, à la fois, ancienne et nouvelle et porte le beau nom d’étude. Ainsi D.ieu annonce-t-il dans le Talmud qu’il considérera celui qui étudie les lois relatives au Temple de Jérusalem comme s’il l’avait construit. Comment mieux dire que cette édification a un sens et une portée d’abord spirituels ? Comment mieux dire que, dans ce cadre, elle peut être entreprise dès aujourd’hui ?

Alors redisons-le : les textes existent, y compris traduits en français. Ils s’appellent : « Lois de la Maison d’Election » dans le Michné Torah de Maïmonide, Michna « Midot », prophétie d’Ezéchiel qui décrit le Temple de Jérusalem que le Messie construira… Ils sont tous à notre portée. Peut-être finalement est-ce là une des manières de voir le monde : ne pas le limiter à la tristesse et au regret du passé mais voir l’avenir qui se lève, celui de la liberté et de la paix retrouvées, celui, enfin, des temps messianiques. Et si tout cela commençait, justement, par l’étude ?


 Quand le Chabbat viendra

A propos du verset (Exode 20 : 8) « Souviens-toi du jour du Chabbat pour le sanctifier », Rachi écrit : « Souviens-toi du jour du Chabbat constamment de telle sorte que, si tu trouves quelque chose de spécial (pendant la semaine), mets-le de côté pour Chabbat ».

Il en est de même pour la Délivrance future. Même si nous sommes encore en exil, nous devons toujours garder en tête la venue de la Délivrance et nous y préparer car (Talmud, traité Tamid) « ce jour sera entièrement Chabbat et repos pour l’éternité ».

(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, 11 Sivan 5744)


 Matot-Massé

Matot

Moché transmet les lois concernant l’annulation des vœux.

Une guerre est engagée contre Midian pour son rôle dans la dégradation morale d’Israël.

La Torah procède au compte-rendu du butin et de son partage.

Les tribus de Réouven, Gad et plus tard la moitié de celle de Menaché demandent des terres à l’est du Jourdain. Moché finit par accepter cette requête à condition qu’ils se joignent d’abord au reste du peuple dans sa conquête d’Israël.

Massé

Sont listés les quarante-deux étapes et campements du Peuple juif, depuis son départ d’Egypte.

Sont données les limites de la Terre Promise et sont désignées des villes de refuge.

Les filles de Tsélof’had se marient dans leur propre tribu pour préserver l’héritage paternel.

Les deux tribus et demie

Les tribus de Réouven, Gad et la moitié de celle de Ménaché voulaient s’installer à l’est du Jourdain, terres extrêmement fertiles et où leurs troupeaux pourraient paître aisément. Ainsi eux pourraient se consacrer à l’étude de la Torah. Cette demande, qui suscita, au préalable la colère de Moché, ne ressemble-t-elle pas aux arguments des Explorateurs, désirant rester dans le désert où ils pourraient consacrer tout leur temps à l’étude de la Torah et à la prière, sans préoccupations matérielles ?

Cela est infirmé dans la mesure où les membres de ces tribus promirent à Moché qu’ils pénétreraient en Israël avec le reste du peuple. En effet, ils étaient prêts à laisser leur femme, leurs enfants et leurs possessions sur la rive est et à marcher en tête du peuple pour conquérir la terre et aider les autres à s’y installer. Ils ne reviendraient à leurs propres territoires que lorsque tout le monde serait établi.

Et c’est alors que Moché accepta leur demande.

D.ieu désire que le Peuple juif réside en Israël et fasse de la Torah et des Mitsvot son quotidien. Il faut cultiver, construire, édifier le pays, servir D.ieu dans de multiples activités. Et bien que beaucoup de temps soit consacré aux activités matérielles, s’en acquitter dans l’esprit de la Torah permet de construire une Dirah Beta’htonim, une résidence pour D.ieu dans le monde ici-bas.

Certes, notre peuple a également besoin de personnes qui vouent leur temps à la prière et à l’étude. Mais ces gens doivent prendre part à l’établissement en Erets Israël, comme le firent Réouven, Gad et la moitié de la tribu de Ménaché.

C’est en aidant ceux qui passent la plus grande partie de leur temps à travailler la terre qu’ils peuvent, eux-mêmes, servir D.ieu dans la sérénité d’une vie de berger tranquille.

Consoler le père- Consoler l’enfant

Les Parachiot de Matot et Massé sont réunies et lues le même Chabbat, à deux occasions : quand ce Chabbat précède le mois de Mena’hem Av (ce qui est le cas, cette année) ou quand ce Chabbat est le premier du mois de Mena’hem Av.

Nos Sages commentent que toutes les sections de la Torah sont liées à la période au cours de laquelle elles sont lues. Il nous revient donc de conclure que Matot et Massé sont liés au mois de Mena’hem Av.

Ce lien est encore plus marquant que celui qui unit ces deux portions avec la période des trois semaines de demi-deuil, connue sous le nom de Bein Hamétsarim, au cours de laquelle elles sont toujours lues.

Il est une coutume juive, et une coutume juive est elle-même considérée aussi sacrée qu’une loi, de se référer au mois d’Av, quand on bénit ce mois nouveau, par les termes de Mena’hem Av.

Le sens littéral de cette expression est rendu par « consoler le père ». Ainsi, cela signifie que le Peuple juif console son Père dans les Cieux. Et D.ieu, notre Père, a besoin de consolation, comme on le comprend d’après les paroles de nos Sages qui affirment que D.ieu s’exclame : « Malheur au Père Qui a exilé Ses enfants ! » (Bra’hot 3a).

C’est dans le même esprit que l’on peut comprendre le lien entre Mena’hem Av et les Parachiot Matot et Massé. Un Juif désire la consolation, durant ce mois mais il ne la désire pas tant pour lui-même que pour son père. Ce concept est développé dans ces sections de la Torah.

Massé relate la manière dont D.ieu ordonna à Moché de combattre les Midianites, en ces termes : « Arrache aux Midianites la rétribution du Peuple juif… » (Bamidbar 31 :2). Cependant, quand Moché transmit ce commandement au Peuple juif, il dit : « Pour arracher la rétribution de D.ieu à Midian ».

Le Sifri commente : « Moché dit au Peuple Juif : ‘ne vous ne vengez pas de la chair et du sang. Vous vengez (D.ieu), Celui Qui parla et (fit) exister le monde ».

Ce thème trouve un écho dans la Paracha Massé. En effet, le verset statue : « Vous ne souillerez pas la terre… dans laquelle Je réside. Car Moi, D.ieu, réside au sein du Peuple juif ». Et le Sifri de commenter : « Les Juifs sont aimés (par D.ieu). Même lorsqu’ils sont souillés, la Che’hina (la Présence Divine) réside parmi eux… Les Juifs sont aimés (de D.ieu). Où qu’ils soient exilés, la Che’hina est avec eux… et quand ils reviennent, la Che’hina revient avec eux ».

C’est ainsi que l’exil n’affecte pas seulement le Peuple juif mais, pour ainsi dire, la Che’hina est également en exil. Il est donc aisé de comprendre que la Délivrance de la Che’hina est d’une importance capitale. C’est la raison pour laquelle Mena’hem Av, « consolation du Père », met l’accent sur l’apaisement de D.ieu.

Mais il nous faut encore comprendre pourquoi Mena’hem Av n’évoque pas la consolation de l’enfant, la consolation du Peuple juif.

Cela vient du fait qu’un Juif est si profondément « enraciné » dans D.ieu que tout ce qu’il veut, tout ce qu’il désire, son statut d’exilé, etc., ne sont pas considérés comme lui appartenant à lui seul. S’il est exilé, son père, pour s’exprimer ainsi, est automatiquement dans l’exil. De la même façon, la consolation du Père est la consolation de Ses enfants.

Il ne peut donc y avoir de plus grande consolation pour les enfants que Mena’hem Av, la « consolation du Père ».


 Quand commencent « les neuf jours » ?

A partir de Roch ‘Hodech Av (cette année lundi 24 juillet 2017 et jusqu’au mardi 1er août inclus), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin (sauf Chabbat) en souvenir des jours terribles qui aboutirent à la destruction du Temple de Jérusalem en l’an 70 de l’ère commune.
On ne fait pas de couture, on ne lave pas de linge (sauf pour les petits enfants ou les grands malades) et on ne repasse pas. On ne met pas de vêtements fraîchement lavés et repassés, sauf s’ils ont déjà été portés quelques instants avant cette période. On ne prend pas de bain et on évite les pratiques sportives dangereuses (par exemple la baignade en piscine ou à la mer).

On évite de passer en jugement.


 Devoir filial

En 1971, alors que nous vivions à Tachkent (Ouzbékistan), mon frère Chalom Ber obtint la permission de quitter l’Union Soviétique et put s’installer aux États-Unis. A son arrivée, il envoya au Rabbi une photo de la tombe de son père, Rabbi Lévi Its’hak Schneerson : celui-ci avait été Rav de la grande ville de Yekaterinoslav en Ukraine mais avait été arrêté par les Soviétiques pour son « activisme contre-révolutionnaire », entendez : ses efforts pour maintenir vivant le judaïsme. Emprisonné, torturé, il avait finalement été exilé au Kazakhstan où il décéda à 66 ans le 20 Mena’hem Av 1944, à Alma Ata (à environ 500 kilomètres de Tachkent).

Plus tard, quand Chalom Ber se rendit à New York dans la synagogue du 770, le Rabbi, qui n’avait pas pu assister à l’enterrement de son père, le remercia pour la photo. Le Rabbi posa de nombreuses questions : « Qui est enterré à côté de mon père ? Est-ce bien un cimetière juif ? Etc... ».

Le Rabbi observa attentivement la photo et remarqua le délabrement de la pierre tombale. Celle-ci était en si mauvais état que certains mots étaient effacés. Soudain le Rabbi demanda : « Vous m’avez dit que des membres de votre famille étaient restés sur place. Pouvez-vous leur demander de procéder à des réparations ? ».

Mon frère accepta et nous envoya une lettre avec la requête du Rabbi. Quand nous avons lu de quoi il s’agissait, il sembla évident que c’était moi qui devais m’en charger puisque mon père (qui, lui aussi, avait purgé des années de camp au Goulag) n’était plus en mesure d’effectuer des travaux de ce genre. Au début, cela m’angoissa : je venais de recevoir moi aussi (après des mois et des années d’attente !) la permission de quitter le pays avec mes parents ; il était prévu que nous partions définitivement dans un mois. Si les autorités découvraient que je m’occupais d’une pierre tombale juive, on pourrait facilement annuler tous ces plans !

Mais, par ailleurs, c’était le Rabbi lui-même qui avait formulé cette demande : j’étais donc prêt à risquer ma propre liberté. J’ai commencé par chercher puis trouver un bloc de marbre dans lequel je pourrais tailler la pierre tombale. La pierre originale était en pierre normale puisqu’en temps de guerre, il avait été impossible de trouver du marbre. Mon père organisa une collecte de fonds pour acheter ce matériau de qualité.

Puis se posa la question de la gravure. D’un côté, il nous fallait un professionnel mais, de l’autre côté, nous tenions à ce que ce soit un Juif pratiquant et, malgré tous nos efforts, nous n’en trouvions pas.

Le temps passait et j’étais désespéré. J’écrivis une lettre à mon cousin Gershon Ber qui vivait à New York à l’époque et lui demandai de se renseigner auprès du Rabbi pour savoir comment procéder. De plus, je butais contre un autre problème : que faire de l’ancienne pierre tombale ? J’attendis la réponse avec impatience mais elle ne me parvint jamais. Finalement, je découvris à Tachkent même Gavriel, un vieux Juif pieux originaire de Boukhara, dont le père avait effectué ce genre de travail. Il savait comment agir mais il me prévint que cela prendrait du temps. Nous avons stipulé qu’il devrait se tremper au Mikvé (bain rituel) chaque jour avant de s’occuper de cette œuvre sacrée. Nous l’emmenions en taxi, d’abord chez nous : derrière le buffet de la cuisine, nous avions secrètement construit un Mikvé !

Finalement, le grand jour arriva, la pierre tombale fut prête. Je me rendis avec le regretté professeur Herman Branover (spécialiste mondial de thermodynamique) à Alma Ata. Durant tout le voyage, je tremblais : si nous étions arrêtés, que dirait la police si elle perquisitionnait la voiture ? D.ieu merci, tout se passa bien et, avec Rav Yossef Neymotin qui habitait sur place, nous pûmes enlever l’ancienne pierre et la remplacer par la nouvelle. Mais que faire de l’ancienne ?

Soudain, l’un d’entre nous eut une idée : nous devions ériger une petite barrière de ciment autour de la tombe et y incorporer les morceaux brisés de la pierre abîmée. Puis nous avons pris une photo et avons récité quelques Tehilim (Psaumes).

Quelques temps plus tard, nous avons quitté l’Union Soviétique pour New York où nous avons vu le Rabbi pour la toute première fois.

Durant l’entrevue, le Rabbi nous offrit trois Matsot puisque la fête de Pessa’h approchait. Puis il nous remercia : « Bien que je ne veuille pas vous enlever le mérite qui vous revient très certainement, je tiens à rembourser vos dépenses. En tant que fils, il m’incombe d’accomplir mon devoir filial. Donc je vous prie d’adresser la facture à mon secrétaire qui vous remboursera rapidement ». Après l’entrevue, nous sommes allés voir Rav Hadakov, le secrétaire, qui nous remboursa en tenant même compte du cours du change entre le rouble et le dollar.

Quand nous avons ensuite rendu visite à mon cousin Gershon Ber, je lui demandai : « Qu’est-il arrivé à la lettre que je t’avais envoyée ? ». Il l’avait effectivement reçue et le Rabbi avait répondu. Mais sa lettre ne nous était jamais parvenue, sans doute censurée par le KGB, la police secrète qui scrutait attentivement chaque lettre qui provenait de l’étranger. Par curiosité, je demandai ce que le Rabbi avait suggéré et voici donc quelle avait été sa réponse : « Bien qu’il soit difficile de trouver une pierre tombale, le dicton de nos Sages est bien connu : Si tu essaies vraiment, tu réussiras sûrement ! A propos de l’ancienne pierre, vous devez la réduire en petits morceaux et les enterrer tout autour de la tombe ». C’était exactement ce que nous avions fait, comme si, de New York, le Rabbi nous avait envoyé cette idée en tête !

Après avoir pris tant de risques et m’être tant impliqué pour mener à bien cette mission sacrée, je ressentis que tout cela en avait valu la peine. Les remerciements du Rabbi et son soulagement d’avoir enfin accompli ce devoir filial me sont allés droit au cœur.

Rav Eleazar Gorelik – Chalia’h du Rabbi à Melbourne (Australie) - JEM

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2017

 Il faut construire…

Temps de commémoration, temps où l’on se souvient que des événements dramatiques se produisirent… Entre le 17 Tamouz et 9 Av, les jours s’écoulent comme autant d’étapes d’une chute annoncée : de la première brèche dans la muraille de Jérusalem à la destruction du Temple. Certes, voilà qui n’incite guère à la gaîté. Comment, après le début de notre trop long exil, peut-il y avoir encore une place pour le bonheur ? Et pourtant, la tristesse n’est jamais une solution. Elle n’est généralement qu’abandon. Parce qu’elle conduit au désespoir, même si elle est réelle, légitime et compréhensible, les Sages l’ont toujours rejetée avec la plus grande fermeté. Ordre n’est-il pas donné : «Servez D.ieu dans la joie» ? Les commentaires n’indiquent-ils pas que D.ieu «ne réside que sur l’homme joyeux» ? Mais où sont donc les sources du bonheur retrouvé ? En cette période où l’histoire même parle de destruction, comment faire vivre l’espoir ?

Le judaïsme nous livre parfois de ces intuitions fulgurantes : «Celui qui étudie la structure du Temple, Je le considérerai comme s’il l’avait construit». Ainsi le Talmud fait-il s’exprimer D.ieu. C’est dire qu’en cette période de toutes les destructions, il est possible de vivre la reconstruction. En cette période de début d’exil, chacun a le pouvoir immense de la plus vraie des libérations, celle qui passe par l’étude et par la pensée, formes premières de l’action. Bien sûr, il est loisible de s’interroger : l’étude peut-elle vraiment être cet instrument libérateur ? Est-elle autre chose qu’une démarche intellectuelle, évidemment précieuse mais limitée par sa propre nature ? C’est précisément le sens de l’affirmation talmudique citée. L’étude d’un texte ne vaut pas que par la recherche de connaissance qu’elle incarne. Elle est littéralement créatrice. Lorsque l’homme s’y consacre, qu’il y investit ses facultés intellectuelles, sa pensée fait aussi œuvre de création. Dès lors, il n’est plus un simple spectateur de cette architecture prodigieuse qui fut celle du Temple, il en est le bâtisseur.

Il est difficile de décrire le sentiment de plénitude qui pénètre alors celui qui, élevé par l’étude, en ressent tout l’apport, pour lui et pour le monde qui l’entoure. Sans doute est-ce quelque chose qu’il faut vivre… Aujourd’hui, les textes sont accessibles à tous, y compris, souvent, en traduction française. Traités talmudiques Midot ou Tamid, prophétie d’Ezechiel etc., à lire comme on vit : avec joie.


 Le prophète Elie

Le prophète Malachie annonce (3: 22) : “Je vous enverrai le prophète Elie avant que vienne le grand et terrible jour de D.ieu”. En d’autres termes, c’est Elie qui sera chargé de faire savoir que Machia’h arrive. Quel est donc le rapport particulier entre lui et cet événement ?

Il nous est rapporté que le prophète Elie raffina son corps à tel point que, lorsqu’il quitta ce monde, son corps s’éleva également dans le ciel dans une colonne de feu. Un tel état de spiritualisation parfaite est précisément caractéristique de la Délivrance car, en ce nouveau temps, l’aspect physique de l’homme aura atteint ce même degré de parachèvement. Aussi “toute chair verra que la bouche de D.ieu a parlé” (Isaïe 40 : 5). C’est cela qu’incarne, d’ores et déjà, le prophète Elie.

(d’après Likouteï Si’hot, vol. II, p. 160)


 Pin’has

Pin’has est récompensé pour avoir été zélé et reçoit de D.ieu « l’alliance de paix » et la prêtrise.

Après un recensement du peuple qui compte 601.730 hommes entre vingt et soixante ans, Moché reçoit les instructions concernant la division de la terre d’Israël entre les tribus.

Les filles de Tsélof’had obtiennent de D.ieu, après une pétition, le droit pour des femmes d’hériter quand il n’y a pas de frères.

Moché transmet à Yehochoua le pouvoir pour lui succéder et conduire le Peuple juif en Terre d’Israël.

La Paracha se termine avec la liste des offrandes à apporter lors de diverses occasions

Atteindre l’essence

La prêtrise peut-elle être une récompense ?

La Paracha de cette semaine commence ainsi : « Pin’has, fils d’Elazar… a calmé Ma colère contre les Enfants d’Israël en défendant avec zèle Ma cause auprès d’eux… C’est pourquoi… Je lui ai accordé une alliance de paix. Lui et ses descendants posséderont une alliance éternelle de prêtrise parce qu’il a agi avec zèle au nom de son D.ieu ».

Une question se soulève : l’acte de Pin’has, l’exécution de Zimri, comme il est décrit à la fin de la Paracha de la semaine dernière, demandait du courage et du sacrifice. Il est sûr qu’il méritait d’être loué et récompensé. Cependant, il est curieux que Pin’has reçut « une alliance éternelle de prêtrise » comme gratification. Car la prêtrise ne peut s’obtenir par des entreprises humaines. Elle ne dépend en aucun cas d’accomplissements spirituels.

Comme le commente Rachi, tout comme l’on ne peut changer le matin en soir, l’on ne peut altérer la définition de la prêtrise. Puisque Pin’has n’était pas, auparavant, un Cohen, comment sa conduite, aussi vertueuse qu‘elle ait pu être, lui fit mériter cette distinction ?

Un service sans limite appelle une réponse sans limite

Pour répondre à cette interrogation, il nous faut comprendre la qualité de Pin’has dont la Torah fait l’éloge : son zèle. Pourquoi l’utilisation de ce terme ? Tout d’abord, Pin’has risqua sa vie. Bien que Zimri fût épaulé par toute sa tribu, et qu’il leur aurait été aisé de tuer Pin’has, il ne prit pas en compte le danger qu’il courait. Ce qui le préoccupait était le danger spirituel qui menaçait le Peuple juif et pour éliminer cette menace, il était prêt à donner sa propre vie.

De plus, l’engagement de Pin’has impliquait une dimension encore plus profonde. Nos Sages relatent que lorsqu’un Juif cohabite avec une non Juive, « le zélé a (le droit) de le frapper ». Cependant, « bien que ce soit une loi, aucune décision n’en est issue ». Cela signifie que si quelqu’un venait interroger un tribunal juif pour savoir s’il doit commettre un tel acte, la cour ne devrait pas lui commander de le faire.

Ainsi, non seulement Pin’has risqua-t-il sa vie, mais il le fit, quand bien même il n’en avait pas l’obligation. S’il avait laissé les choses se passer, personne ne l’aurait critiqué. Mais il agit différemment : il prit lui-même l’initiative et souleva ainsi les critiques. Nos Sages statuent qu’il agit contre le désir des sages et que si D.ieu ne l’avait pas loué, comme nous l’avons lu plus haut, il aurait été mis au ban et jeté dans l’ostracisme.

Qu’est-ce qui le motiva donc ? Il voulait « calmer la colère que D.ieu éprouvait envers les Enfants d’Israël ». Il avait compris ce qui devait être fait pour atteindre ce but et il était prêt à prendre tous les risques pour ce faire.

C’est cela le zèle : le fait de mettre de côté son bien-être spirituel et son bien-être physique, et de se lancer dans un engagement sans limite pour accomplir la volonté de D.ieu. Quand une personne prend un engagement sincère d’une telle nature, l’étincelle Divine, que chacun d’entre nous possède, peut jaillir.

Et par le même biais, une telle approche suscite une réponse sans limite de D.ieu. Car lorsqu’un homme va au-delà de ses limites, dans son service de D.ieu, D.ieu lui accorde des récompenses qui ne se confinent pas dans les lois naturelles. C’est donc pour cette raison que Pin’has reçut le statut de Cohen.

Tempérer le zèle par l’amour

Nos Sages identifient Pin’has au prophète Eliahou.

Et de fait, le service du prophète Eliahou se caractérisait également par le zèle, comme il est écrit : « J’ai été très zélé par amour pour D.ieu, le seigneur des armées ». Pourtant, quand Eliahou fit cette déclaration, il opposait sa propre conduite à celle du Peuple juif en général, auquel il reprochait d’ « avoir abandonné l’alliance (de D.ieu).

D.ieu refusa d’accepter ces paroles de critiques. Il nomma Eliahou « ange de l’alliance » et le chargea d’assister à toutes les circoncisions du Peuple juif, à tout jamais, pour qu’il puisse témoigner de leur fidèle adhésion à l’alliance de D.ieu.

D.ieu enseigna à Eliahou que son zèle devait se tempérer d’Ahavat Israêl, d’amour pour chacun des membres de notre peuple, et qu’il devait s’efforcer de rechercher ses qualités. Ces caractéristiques devinrent tellement inhérentes à la mission personnelle d’Eliahou que lorsque le prophète Mala’hi évoque le retour d’Eliahou pour annoncer la venue du Machia’h, il déclare qu’Eliahou « fera retourner le cœur des pères à leurs enfants et le cœur des enfants à leur père ». De même Rambam, lorsqu’il décrit la mission d’Eliahou, statue qu’ «  il ne viendra que pour établir la paix ».

C’est ainsi que, dès le début, pour indiquer cette direction, D.ieu dit à Pin’has qu’en récompense de son zèle, Il lui donnait « une alliance de paix ».

Prendre l’initiative

Ces deux élans, le zèle et la paix, sont d’une actualité essentielle. Nombreux sont les membres de notre peuple qui vivent étrangers à leurs propres racines. Et pourtant, l’avenir de notre peuple dépend d’un engagement emprunt de zèle pour perpétuer notre héritage. Car c’est l’intime conviction, jaillissant de l’étincelle divine que nous possédons tous, qui pénètre l’autre. Les arguments intellectuels ne peuvent pénétrer le cœur. Un cœur s’ouvre à un cœur. C’est un engagement emprunt de zèle, tempéré par la chaleur et l’amour qui peut inciter les autres à découvrir l’étincelle divine qu’ils possèdent eux-mêmes.

On peut entrevoir encore une autre dimension au zèle de Pin’has. Il n’était pas le dirigeant du Peuple juif. Moché, Eléazar et les Anciens occupaient des postes hiérarchiques bien plus importants. Et cependant, quand le besoin s’en fit sentir, Pin’has n’attendit pas les ordres des dirigeants. Il prit lui-même l’initiative.

La même chose s’applique aujourd’hui, car chacun de nous a une contribution personnelle à apporter. Avec l’assurance qui naît de la vérité de notre conviction, nous devons prendre l’initiative de répandre le bien et la paix.

Ces efforts précipiteront la venue du temps où Eliahou, identifié comme Pin’has, reviendra. Alors « la voix du héraut annoncera de bonnes nouvelles », la venue du Machia’h et la Rédemption de notre peuple et de toute l’humanité.


 Qu’est-ce qu’un Siyoum ?

Un « Siyoum » est une fête qu’on organise lorsqu’on a achevé l’étude d’un traité talmudique. Le Rabbi avait demandé qu’on organise un Siyoum pendant chacun des « neuf jours » puisqu’une telle joie sainte est permise durant cette période. On peut participer à un Siyoum sur certains sites Internet ou en écoutant, depuis le lundi 24 juillet jusqu’au mardi 1er août 2017, à la radio juive une personne qui achève l’étude du traité Midot ou Moëd Katane par exemple. Restez à l’écoute !

Halakhot de Hil'hot Beth Habe'hira (du Rambam - Maïmonide)

- lois sur le Beth Hamikdach - à étudier pendant les "3 semaines"

  1. C’est un commandement positif de construire un édifice en l’honneur de D.ieu, destiné à ce qu’on y apporte les offrandes et que l’on y vienne pour les fêtes trois fois par an, ainsi qu’il est dit « ils Me feront un Sanctuaire ». Le Tabernacle construit par Moché Rabbénou prescrit par la Torah ne fut que provisoire, ainsi qu’il est dit « car vous n’êtes pas encore arrivés à ce jour etc..». (Chapitre 1, Halakha 1)
  2. Voici les éléments essentiels de l’édification du Temple. On y construit le Kodech (Emplacement Saint), le Kodech Hakodachim (Saint des Saints), et devant le Kodech un emplacement qui est appelé Oulam. L’ensemble des trois est appelé Heikhal. On construit une autre enceinte autour du Heikhal à distance, à la façon des tentures limitant la Cour qui se trouvaient dans le Sanctuaire du désert. Tout ce qui est entouré par cette enceinte, dans la même disposition que la Cour du Tabernacle, est appelé Azarah (Cour), et le tout est appelé Mikdach (Temple). (Chapitre 1, Halakha 5)

 Il reviendra !

La triste histoire de ‘Hanna avait commencé en 1946. Après la Seconde guerre mondiale, une toute petite fenêtre d’opportunités s’était ouverte : la Pologne et l’Union Soviétique avaient signé un traité permettant aux Polonais qui avaient fui devant l’avance allemande de revenir dans leur pays. De nombreux Juifs de Russie avaient saisi cette occasion pour se faire passer pour des Polonais et ainsi réussir à quitter le « paradis communiste » où toute étude ou pratique du judaïsme était interdite. On avait trafiqué les passeports de citoyens polonais décédés pendant la guerre afin d’en faire profiter des Juifs russes qui seraient enfin libres de pratiquer leur foi. Dans une atmosphère fébrile, certains ‘Hassidim s’étaient spécialisés dans cette œuvre de sauvetage et organisaient des convois autorisés à passer la frontière d’ordinaire hermétique entre l’Union Soviétique et le monde libre.

Berel et ‘Hanna Gurewitz s’étaient mariés quelques mois auparavant. Eux aussi souhaitaient plus que tout sortir enfin de cette immense prison russe. On leur procura de faux papiers : ‘Hanna reçut son passeport immédiatement tandis qu’on assura Berel qu’il recevrait le sien dans la ville d’où partaient les trains pour la Pologne.

Mais tout se compliqua. Ils arrivèrent à Lvov, près de la frontière. Les voyageurs souhaitant continuer jusqu’en Pologne devaient descendre du train pour présenter leur passeport. Berel se trouva dans une position dangereuse : sans laissez-passer, il pouvait être accusé de trahison envers la mère-patrie. Les deux époux étaient placés face à un terrible dilemme : si ‘Hanna sortait seule du pays, sans son mari, elle n’aurait pas la moindre idée du temps que durerait cette séparation et elle risquait même de se retrouver Agouna (femme dont le mari a disparu ; elle ne peut donc pas se remarier). Certains ‘Hassidim présents suggérèrent même d’organiser au plus vite un divorce afin d’éviter une probable tragédie : en effet, Berel risquait d’être arrêté et envoyé en Sibérie d’où il ne reviendrait peut-être pas ! Mais dans les conditions qui prévalaient dans le train, il fut impossible de procéder à un divorce religieux en bonne et due forme. Et, de toute manière, ni ‘Hanna ni Berel ne voulaient envisager une telle « solution ».

Lors du contrôle des passeports, Berel affirma qu’il était citoyen polonais mais qu’il avait perdu ses papiers. Il eut la chance qu’on ne parvint pas à prouver qu’il était de fait citoyen russe et il échappa donc à une sévère condamnation. Cependant, il serait jugé pour avoir perdu ses papiers.

Sa jeune femme eut du mal à accepter de se séparer de lui. Ce moment fut insupportable pour tous les deux et les compagnes de ‘Hanna durent la forcer à remonter dans le train tandis qu’elle sanglotait à fendre l’âme du soldat russe le plus insensible.

‘Hanna continua le trajet jusqu’en Pologne, fut transférée avec les autres passagers dans un camp de D.P. (« Personnes Déplacées ») à Pouking, en Allemagne puis arriva à Paris. Elle y habita dans la maison de sa sœur et son beau-frère. Elle trouva du travail dans la couture et les retouches dans un magasin de vêtements. Mais elle ne cessait de pleurer et de s’angoisser quant au sort de son mari. Sa seule consolation venait des quelques mots que lui prodiguait son voisin, le ‘Hassid Its’hak Goldin. Chaque matin, elle le rencontrait avant de se rendre à son travail et il lui répétait : « ‘Hanna, ne vous inquiétez pas ! Je suis sûr que votre mari reviendra ! ». Elle s’agrippait à ses mots comme un naufragé s’agrippe à un fétu de paille et s’arrangeait chaque matin pour le rencontrer et s’imprégner de son optimisme.

Mais les jours et les mois passaient et nul n’avait aucun signe de vie de Berel. A un moment donné, ‘Hanna, désespérée, envisagea même de retourner en Union Soviétique et d’y remuer ciel et terre pour le retrouver. Elle écrivit à ce sujet à Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le précédent Rabbi de Loubavitch, qui s’était installé à New York. Mais elle reçut une réponse ferme et sans ambiguïté : « Il vaut mieux que ce soit lui qui revienne vers elle plutôt qu’elle vers lui ». Cette réponse l’encouragea et elle resta à Paris.

Et Berel ? Lors d’une parodie de procès comme le pouvoir soviétique en avait le secret, il fut condamné à deux ans d’emprisonnement. Les ‘Hassidim restés sur place tentèrent de le faire gracier. A un moment donné, ils avaient même réussi à obtenir qu’un détenu soit libéré et ils avaient pensé évidemment à Berel. Mais, dans un geste d’une grande noblesse d’âme, celui-ci demanda à ce que cette permission soit plutôt octroyée à une jeune femme, elle aussi d’origine ‘hassidique, Tsipa Kozliner. Effectivement, celle-ci fut libérée tandis que Berel fut envoyé au loin, comme esclave dans un camp de travail.

Un an et demi après la douloureuse séparation de ‘Hanna et Berel, un miracle se produisit. Le gouvernement polonais se plaignit à son puissant voisin russe : tous les ressortissants polonais n’étaient pas encore rentrés au pays ! Une seconde fenêtre apparut alors et, pendant huit semaines, la frontière entre les deux pays s’entrouvrit, laissant passer même les citoyens polonais qui avaient égaré leurs précieux passeports.

Un jour, le commandant du camp convoqua Berel et lui demanda son état-civil. Pris de panique, Berel avait oublié tous les détails de sa fausse identité et il préféra se taire. Il craignait qu’on veuille l’envoyer en Sibérie et supplia le commandant de le garder dans le camp (qui n’avait pourtant rien d’une colonie de vacances et où les privations, la faim et les coups étaient courants). Le commandant le gifla et lui ordonna de le suivre. Berel fut amené dans la ville de Brisk, à la frontière entre la Russie et la Pologne et, à sa grande surprise, on lui ordonna : « Traverse la frontière ! ».

Il prit ses jambes à son cou et se retrouva en Pologne. Là, il erra de ville en village en recherchant des ‘Hassidim de Loubavitch. Finalement, il rencontra un Juif pratiquant qui le renseigna : « Tu recherches des Loubavitch ? J’en connais un, à Paris ! Il s’appelle Its’hak Goldin et voici son adresse ! ». Berel n’avait que très peu d’argent sur lui, juste de quoi envoyer un télégramme à l’adresse qu’on lui avait indiquée avec ces quelques mots : « Berel Gurewitz est vivant. En Pologne ».

Comment décrire les cris de joie quand on reçut le télégramme à Paris ? Its’hak Goldin, celui qui avait promis à ‘Hanna que son mari reviendrait fut l’ange qui lui annonça la bonne nouvelle : « ‘Hanna ! Chaque jour, quand je vous promettais que vous reverriez votre mari, je ne croyais pas un seul des mots que je proférais ! Mais avais-je le choix ? Quand je vous voyais, une femme jeune, si triste et désespérée, les mots sortaient d’eux-mêmes de ma bouche ! ».

Berel et ‘Hanna mirent au monde onze enfants, tous ‘Hassidim de Loubavitch et impliqués dans l’action communautaire. De plus, ils fondèrent et dirigèrent pendant des dizaines d’années le séminaire Beth Rivka à Yerres, dans la banlieue parisienne, où des milliers de jeunes filles de tous horizons reçurent et reçoivent encore une éducation juive traditionnelle.

Rav Yossef Yits’hak Gurewitz – Sichat Hachavoua N° 1591
Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2017

L’éternelle victoire

Vive la liberté ! C’est cette exclamation qui peut retentir en cette nouvelle semaine qu’éclaire les 12 et 13 Tamouz, dates de la libération de Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le précédent Rabbi de Loubavitch, des prisons puis de l’exil soviétiques. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une liberté retrouvée qui ne concerna pas seulement son bénéficiaire, le Rabbi Précédent, mais qui fit souffler un vent nouveau dont les effets se firent encore sentir bien longtemps plus tard. A cette époque, le pouvoir stalinien avait imaginé que la violence pouvait venir à bout de l’éternel judaïsme. Il avait rêvé d’anéantir une vision par la force de l’arbitraire et le terrorisme des hommes sans morale. De fait, beaucoup crurent que la réussite de son entreprise était inévitable. Beaucoup se dirent qu’une poignée d’hommes ne peut résister durablement à un tel écrasement et que toute la grandeur du Rabbi Précédent ne pourrait rien y faire. Certes, il avait tenu tête à l’intimidation et, malgré la férocité de ses ennemis, avait réussi à maintenir un réseau clandestin d’écoles juives, de bains rituels etc. Mais pour combien de temps ? Son emprisonnement était la conséquence logique de cet entêtement irrationnel, pensa-t-on sans doute.

Le 12 Tamouz apporta sa réponse éclatante. Rien ne résiste à la justice, à la vérité, à la confiance en D.ieu et à l’assurance que tout cela donne. Pas plus que l’obscurité, aussi profonde soit-elle, ne peut espérer vaincre la lumière, la force et la violence ne peuvent espérer l’emporter sur de telles notions. Ce recul de l’immense puissance soviétique d’alors, la reconnaissance des implications de ce recul manifestèrent qu’une nouvelle époque était en train de naître. De fait, le Rabbi Précédent fut libéré de prison, relâché de son exil et autorisé à quitter le pays aux conditions que lui-même posa. Il continua son œuvre outre-atlantique et on sait aujourd’hui les résultats qu’elle produisit.

Cette histoire n’est pas seulement celle d’un héroïsme ancien ou d’une victoire du passé, qui nous intéresserait, au mieux, au titre d’une nostalgie de grandeur. Elle est d’abord, plus qu’un exemple, une leçon pour notre temps. Nous savons que, dans bien des endroits du monde, et particulièrement dans ces régions si chères au cœur du peuple juif, la violence, la barbarie aveugle, l’oppression sont les moyens choisis pour faire entendre leur voix – celle de la terreur – par ces hommes qui renient tout sentiment humain. Parfois on peut légitimement s’interroger : est-il possible de continuer d’être des porteurs de lumière parmi les serviteurs de l’obscurité ? Alors, ne l’oublions pas : la lumière vainc toujours et pour l’éternité.


Une œuvre parfaite

Pendant le temps de l’exil, l’offrande de sacrifices est impossible du fait de l’absence de Beth Hamikdach. Certes, les Sages ont instauré les prières en remplacement de ces cérémonies. Cependant, un tel remplacement est, semble-t-il, imparfait comme l’exprime la liturgie : “Et là, (dans le Beth Hamikdach, après la venue de Machia’h) nous ferons devant Toi…. Selon l’ordre de Ta volonté”.

C’est précisément cette idée qui pose question. L’œuvre spirituelle accomplie par la prière est supérieure à celle des sacrifices, la première s’attachant à l’âme de l’homme tandis que la seconde porte sur son aspect animal. Pourquoi, dès lors, souligner l’importance primordiale des sacrifices ?

En fait, l’impossibilité d’offrir un sacrifice en temps d’exil a également un sens spirituel : comme l’homme est attaché “en bas”, il n’a pas la force d’élever “l’animal” et doit se contenter d’agir sur l’âme par la prière. En revanche, lorsque le Machia’h viendra, l’homme parviendra à la plénitude et son œuvre pourra englober tous les aspects.

(D’après Torah Or, Vaye’hi 46b) 


Balak

Balak, roi de Moav, engage le prophète Bilaam pour maudire le Peuple juif. Incapable d’y parvenir, ce sont des paroles de bénédictions qui sortent de sa bouche ainsi que la prédiction de la venue de Machia’h.

Le peuple faute avec les filles de Moav qui les poussent à pratiquer l’idolâtrie. L’un des princes de tribu conduit publiquement une princesse Midianite dans sa tente. Pin’has les tue alors tous deux, ce qui met immédiatement fin à la plaie qui s’était abattue sur le peuple.

 

Un Sage et sa conduite

Le Talmud relate (Sanhédrin 63b) :

Quand Oula vint (à Babylone, en provenance d’Erets Israël)… Rava lui demanda : «  Où as-tu passé la nuit ? »

(Oula) lui dit : « A Kalnebo ».

(Rava) répondit : « N’est-il pas écrit : ‘Et tu ne mentionneras pas le nom d’autres dieux ?’»

(Oula) répondit : « Rabbi Yo’hanan a enseigné ce qui suit : ‘(Le nom de) n’importe quel faux dieu rappelé dans la Torah peut être mentionné’ ».

Apparemment, une question se soulève : bien qu’il soit permis de mentionner le nom d’un faux dieu rappelé dans la Torah, il ne semble pas désirable de le faire. Plus encore, nos Sages indiquent l’importance d’un discours raffiné, soulignant comment, dans plusieurs exemples, la Torah ajoute des mots supplémentaires plutôt que de citer le mot Taméh, « impur ». Il est sûr qu’Oula aurait pu trouver le moyen de répondre à la question de Rava, sans évoquer le nom d’un faux dieu.

La puissance de la Torah

La difficulté que l’on vient de souligner peut se résoudre en observant l’explication de l’enseignement de Rabbi Yo’hanan proposée par le Yeréim.

« A partir du moment où la Torah mentionne (le nom d’un faux dieu), il est d’ores et déjà annihilé. C’est pour cette raison même que si la Torah l’a mentionné, nous pouvons le mentionner ».

Le statut du Yeréim ne peut pas se comprendre dans son simple sens littéral. Car il existe de fausses déités auxquelles la Torah se réfère, comme Baal Péor, cité à la fin de la Paracha de cette semaine, dont le service s’est perpétué bien longtemps après. 

L’interprétation semble plutôt souligner que la mention que fait la Torah d’un faux dieu annihile son importance aux yeux de celui qui étudie cette partie de la Torah. Les mots de la Torah l’imprimeront de la futilité du service d’autres idoles, prouvant que ces déités n’apportent rien à ceux qui les révèrent et que, lorsque les Juifs ont erré et les ont adorés, ils en ont été sévèrement punis.

Pour aller plus loin, chaque Juif désire observer la Torah et ses Mitsvot et méprise les faux dieux. Le fait même d’étudier la Torah réveille en lui ce désir profond et inspire à chacun le désir de se consacrer à la Torah et de rejeter toute autre forme de service.

Et « c’est pour cette raison même que si la Torah l’a mentionné, nous pouvons le mentionner ». Quand un Juif étudie la Torah et s’y identifie, il fait jaillir le potentiel Divin qui y est contenu. Cela lui donne de la force, lui permettant de mentionner un faux dieu pour annihiler son influence.

Une transition spirituelle

Nous pouvons désormais comprendre la conduite d’Oula. Nos Sages statuent (Avoda Zara 8a):

« Un Juif vivant en Diaspora sert de fausses divinités dans la pureté ». Car en Erets Israël, la Providence Divine se dévoile de façon plus visible alors qu’en Diaspora, l’influence Divine se cache dans l’ordre naturel. Tout comme le service des idoles implique de baisser la tête devant elles, ainsi, lorsque l’on vit en Diaspora, on subjugue son processus intellectuel aux forces qui contrôlent l’ordre naturel.

Au moment de quitter la sainteté d’Erets Israël et de pénétrer en Babylonie, Oula sentit la transition spirituelle et ressentit le besoin d’insister sur l’annihilation des faux dieux. Faisant appel à la force de la Torah qu’il avait acquise par son étude, en Erets Israël, il mentionna le nom de ce faux dieu, dans l’intention de détruire son influence.

Annihiler et transformer

La discussion que l’on vient d’évoquer apporte un éclaircissement sur une question que soulève le nom de la Paracha de cette semaine : Balak. Balak était un homme impie, un roi immoral qui haïssait le Peuple juif et voulait le détruire. Pourquoi son nom a-t-il donc été immortalisé par le nom de cette Paracha ? Nous Sages déclarent que l’on ne doit pas nommer quelqu’un sur le nom d’un impie. Il est donc évident que cela s’applique a fortiori pour le nom d’une section de la Torah.

Mais ce que l’on a dit précédemment apporte une explication. Nommer la Paracha Balak est un moyen de détruire les forces qui lui sont associées. Et comme le relate la Torah, le dessein de Balak fut totalement renversé. Le nom Parachat Balak est une source éternelle d’influence positive, démantelant toute force qui tente de nuire au Peuple juif.

Et comme nous pouvons le lire dans le récit de la Torah, non seulement le projet de Balak fut-il détourné mais Bilaam, que Balak voulait utiliser pour maudire le Peuple juif, le bénit-il, ajoutant également des bénédictions qui seront manifestes avec la venue de Machia’h. Le nom Balak sert-il donc non seulement à la destruction du mal mais également à sa transformation en une influence positive.


Qu’est-ce que le 17 Tamouz ?

Cette année, le jeûne du 17 Tamouz tombe le mardi 11 juillet 2017.

On ne mange ni ne boit depuis le matin (à 3h 29, heure de Paris) jusqu’à la tombée de la nuit (22h 43 à Paris).

C’est en ce jour que Moché Rabbénou (Moïse notre Maître) brisa les premières Tables de la Loi, suite au péché du Veau d’or. Bien plus tard, le sacrifice quotidien fut interrompu lors du siège de Jérusalem. Une première brèche apparut ce jour-là dans les murailles de la ville sainte. Enfin, Apostomos brûla un rouleau de la Torah et une idole fut déposée dans le Temple, toujours un 17 Tamouz.

Durant les trois semaines suivantes, jusqu’au 9 Av (mardi 1er août 2017), on augmente les dons à la Tsedaka. On évite d’acheter de nouveaux vêtements et on ne prononce pas la bénédiction « Chéhé’héyanou » (par exemple sur un fruit nouveau). On ne se coupe pas les cheveux, on n’écoute pas de musique joyeuse et on ne célèbre pas de mariage. On évite de passer en jugement.

Suite à l’appel du Rabbi, à partir du 17 Tamouz, nous intensifions l’étude des lois de la construction du Temple (dans le livre d’Ezékiel, le traité Talmudique Midot et le Rambam – Maïmonide).

Durant les neuf jours qui précèdent le 9 Av (à partir du dimanche soir 23 juillet 2017), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin. Par contre, on assistera à un Siyoum (ou on l’écoutera sur radio J à partir du lundi 24 juillet à 14h 30), ce qui est une joie permise durant cette période.


Qui donne à qui ?

Notre histoire nous transporte à Szerdahely, alors en Hongrie (maintenant Dunajska Streda en Slovaquie…).

Kalman, le responsable de la synagogue locale, était un homme honnête, sincère, respecté et aimé de tous. Parmi ses nombreuses occupations au service de la communauté, il prenait surtout à cœur l’allumage des bougies pour éclairer les fidèles durant la prière. Pour cela, il se préparait mentalement et prenait soin d’ajuster sa ceinture de prière. Tout en allumant les mèches, il priait dans ses mots simples : « Puisse D.ieu apprécier l’œuvre de mes mains comme lorsque Aharon le Grand-Prêtre allumait la Menorah dans le Sanctuaire ».

Un jour, Barou’h le boucher, un homme simple lui aussi, entra et observa avec quelle conviction Kalman s’activait en allumant les bougies. Comme il aurait voulu lui aussi effectuer cette belle action ! Soudain il eut une idée :

- Je te propose une pièce d’or si tu me laisses le mérite d’allumer les bougies dans la synagogue !

- L’argent ne m’intéresse pas ! s’indigna Kalman, je préfère la Mitsva elle-même !

Mais le boucher persista : chaque jour, il suppliait Kalman de lui céder le droit de le remplacer jusqu’à ce que, lassé, Kalman décide de solliciter l’arbitrage de Rav Aszod. Très étonné par ce litige, le vénérable rabbin réfléchit puis trancha :

- Si vraiment toi, Kalman, tu estimes n’agir que pour le compte du Ciel et que tu ne veux recevoir aucune récompense pour cela, alors sache que c’est aussi une grande Mitsva que d’aimer son prochain ! Je te conseille donc de céder à Barou’h le droit d’allumer les bougies. Cependant, puisqu’il convient qu’il paie pour la Mitsva, tu devras aussi accepter la pièce que le boucher te donnera. Mais ne dépense pas l’argent ! Mets les pièces de côté et, un jour, tu sauras comment les utiliser !

Bien que Kalman ressente un pincement de cœur, il accepta docilement la suggestion du Rav. C’est ainsi que, chaque jour, Barou’h le boucher se rendait à la synagogue, donnait une pièce d’or à Kalman puis allumait les bougies avec ferveur – ignorant le rôle du Rav dans ce soudain revirement de Kalman.

Fidèle à sa parole, Kalman mettait de côté ces pièces.

Les années passèrent et le vent tourna : le boucher toujours si prospère connut des difficultés financières au point qu’au moment de marier sa fille, il n’eut même pas les moyens de payer le mariage et d’honorer sa promesse de subvenir aux besoins du jeune couple. Désespéré, le boucher se rendit chez le Rav pour exposer son problème. Celui-ci ne répondit pas mais convoqua Kalman, en précisant qu’il devait apporter la caisse avec les pièces d’or. Les deux hommes furent très surpris de se retrouver face à face :

- Ouvre la boîte et compte les pièces, ordonna le Rav.

Kalman s’exécuta, sous l’œil vigilant du Rav et du boucher. La boîte contenait exactement la somme que le boucher avait promise aux futurs beaux-parents de sa fille !

- L’heure de ces pièces d’or est arrivée, commenta le Rav. Elles ont été utilisées pour la Mitsva d’allumer les bougies de la synagogue, elles apporteront maintenant la lumière dans un nouveau foyer juif ! Kalman, donne ces pièces à Barou’h afin que sa fille puisse se marier !

Et Kalman s’exécuta, heureux.

En racontant cette histoire, Rav Aszod remarquait : « Combien d’enseignements pouvons-nous retirer de ces deux Juifs simples ! On peut admirer la droiture de Kalman qui accepta de céder la Mitsva qu’il chérissait tant. Deuxièmement : Barou’h avait toujours pensé qu’il donnait de l’argent à Kalman alors qu’en fait, la Mitsva lui rendit un bien immense à lui-même plus tard. Mais surtout : le fait d’allumer des bougies pour la synagogue apporta la lumière aux âmes de Kalman et de Barou’h ! ».

Elchonon Isaacs – chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2017