L’avenir frappe à la porte !

Notre rapport au temps est sans doute très révélateur de ce que nous sommes. Ainsi, on peut voir des hommes qui perçoivent le passé et les événements qu’il contient – positifs ou négatifs – comme des éléments à jamais gravés dans la pierre la plus dure, comme des choses que l’on peut oublier mais qui resteront, malgré tout, présentes au plus profond de la conscience et, par conséquent, au cœur des jours à venir. D’autres hommes font un choix différent : celui de considérer que le passé se limite à lui-même, qu’il est, par nature, enfoui bien loin en arrière et que, par conséquent, il ne peut avoir la moindre influence sur nos décisions futures ou notre vie présente. Faut-il donc vivre avec le passé chevillé à nous ou avec le seul souci de l’éphémère ? C’est une manière de se demander ce qui fait l’homme : sa capacité à assumer sa propre histoire ou son aptitude à l’oublier ?

Lorsque le jour de Pessa’h Cheni – le deuxième Pessa’h – revient, il nous apporte aussi une réponse. Souvenons-nous : D.ieu avait ordonné de célébrer la fête de Pessa’h, d’offrir le sacrifice voulu, un événement spirituel essentiel. Et certains n’avaient pas pu le faire pour diverses raisons, dont ils étaient eux-mêmes souvent responsables. Puis ils vinrent voir Moïse. « Pourquoi cela nous serait-il retiré ? » supplièrent-ils. Leur demande était d’une sincérité absolue, elle s’éleva avec force jusqu’au Trône céleste et la réponse retentit : « Ils auront une deuxième chance. » Le deuxième Pessa’h – un mois après le premier – était né. Ce jour, qui tombe dès la semaine prochaine, nous livre ainsi une clé. Le passé existe bien et nous n’avons d’autre choix que de l’assumer mais ses conséquences ne sont jamais inébranlables. Il est, de fait, entre nos mains et nous avons le pouvoir de lui donner un autre sens. Les défaillances ne sont pas irréversibles. Elles peuvent être un nouveau point de départ, comme une base pour une nécessaire reconstruction, plus grande, plus belle, plus solide.

Tout cela est vrai pour chacun. L’insatisfaction est bien souvent le lot de celui qui choisit la conscience de préférence à l’illusion. Le deuxième Pessa’h relève que ce sentiment peut et doit être positif. Car il détient une puissance immense. Recommencer, refaire, rectifier, pour un avenir meilleur. A présent, tout est possible.


 « En son temps, Je le hâterai »

Le Talmud (Sanhédrin 98a) enseigne : « Il est écrit (Isaïe 60 : 22) ‘[le Machia’h viendra] en son temps, Je le hâterai’ ». Ces deux termes semblent contradictoires. Viendra-t-il quand son époque sera enfin venue – « en son temps », ou D.ieu choisira-t-Il de rapprocher cet avènement tant attendu – « Je le hâterai » ? Le Talmud résout cette apparente contradiction : « S’ils le méritent, ‘Je le hâterai’ ; s’ils ne le méritent pas, ‘en son temps’».

Il faut ici relever une idée importante. Le temps de la Délivrance arrivera dans tous les cas. Certes, chacun souhaite que ce soit le plus rapidement possible. Toutefois, même s’il était retardé, lorsque le moment arrivera, l’impureté, le mal ne pourront que disparaître d’eux-mêmes pour laisser place à cette nouvelle et grande lumière.

(d’après Chaarei Orah, p.87


 A’haré –Kedochim

A’haré

Après la mort de Nadav et Avihou, D.ieu donne un avertissement interdisant l’entrée non autorisée dans le Saint des Saints. Une seule personne, le Cohen Gadol (« le Grand Prêtre ») peut, une seule fois dans l’année, à Yom Kippour, pénétrer dans la pièce la plus intérieure du Sanctuaire pour y offrir à D.ieu le sacrifice des Ketorèt (« encens »).

Une des autres caractéristiques du service du Jour du Pardon est le « tirage au sort » exercé sur deux béliers, pour déterminer lequel sera offert à D.ieu et lequel sera envoyé dans le désert, chargé des péchés du Peuple d’Israël.

La Paracha A’haré avertit également contre le fait de n’apporter des korbanot (offrandes animales ou alimentaires) nulle part ailleurs que dans le Saint Temple, interdit la consommation du sang et détaille les lois prohibant l’inceste et d’autres relations déviantes.

Kedochim

La Paracha Kedochim commence par la déclaration : « Vous serez saints car Moi, l’Eternel votre D.ieu, Je suis saint ». S’ensuivent des dizaines de commandements par l’intermédiaire desquels le Juif se sanctifie et se lie à la sainteté de D.ieu.

Elles comprennent : l’interdiction de l’idolâtrie, la Mitsva de la charité, le principe d’égalité devant la loi, le Chabbat, la moralité, l’honnêteté dans les affaires, l’honneur et la crainte de ses parents et le respect de la valeur sacrée de la vie.

On peut également lire dans Kedochim la célèbre sentence, qualifiée par le grand Sage, Rabbi Akiba, de principe cardinal de la Torah, et dont Hillel disait : « Voilà toute la Torah, tout le reste n’est que commentaire », « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

 

« Malade d’amour »

Au début de la Paracha A’haré nous lisons : « D.ieu dit à Moché après la mort des deux fils d’Aharon… parle à ton frère Aharon. (Dis-lui qu’) il ne doit pas pénétrer constamment dans le Saint des Saints… »

Quel enseignement pouvons-nous tirer d’une loi qui ne semble s’appliquer qu’au Grand Prêtre ?

Dans son explication de la raison pour laquelle l’exhortation adressée à Aharon suit immédiatement la mort de ses deux fils, Rachi explique : « Cela est similaire à une personne malade qui reçoit la visite d’un médecin. Ce dernier lui ordonne : ‘Ne mange pas d’aliments froids et ne dors pas dans un endroit humide’. Vient alors un autre (médecin) qui lui enjoint : ‘Ne mange pas d’aliments froids et ne dors pas dans un endroit humide, pour ne pas que tu meures, comme l’a fait cet autre individu’ ». Le second l’a rendu plus attentif que le premier. C’est pourquoi le verset précise « après la mort des deux fils d’Aharon ».

Il s’agit donc d’intimer à Aharon de se conformer au commandement de D.ieu, pour éviter de subir le même sort que ses deux fils lorsqu’ils pénétrèrent dans le Saint des Saints, sans y avoir été autorisés.

Mais cela demande une explication. Quelqu’un de la stature d’Aharon aurait compris, sans qu’il ne soit nécessaire de le menacer de conséquences aussi terribles. Par ailleurs, pourquoi ce commandement devrait-il être différent de tous ceux qui lui ont été adressés ainsi qu’au Peuple juif, où n’était évoqué aucun effet dramatique, en cas de désobéissance ?

La mort de ses deux fils survint en conséquence du fait qu’ils « se rapprochèrent tant de D.ieu qu’ils en moururent ». Bien qu’ils aient réalisé qu’en se comportant           ainsi, ils risquaient de périr, cela ne les empêcha pas d’aspirer à atteindre un attachement si grand et une extase si puissante que leur âme quitta littéralement leur corps.

En d’autres termes, la disparition des deux fils d’Aharon n’était pas (seulement) une punition. C’est également le sens du terme « malade », dans un sens positif, comme l’indique le verset : « Je suis malade d’amour pour Toi » (D.ieu) (Chir Hachirim 2 :5). Aharon et ses fils étaient « malades d’amour » tant ils aspiraient à s’approcher de D.ieu. Il s’agissait d’un amour qui ne pouvait être étanché.

Il fut donc nécessaire que non seulement D.ieu empêche Aharon de pénétrer dans le Saint des Saints, chaque fois qu’il le désirait mais aussi qu’il soit averti des conséquences.

D.ieu savait que l’amour que lui portait Aharon était si grand qu’il voulait sans cesse pénétrer dans le Saint des Saints. Cependant, le laisser faire aurait eu pour résultat que son âme quitte son corps, comme cela s’était produit pour ses fils. D.ieu l’informa donc de la nécessité de garder son âme dans son corps, pour qu’il puisse accomplir sa mission dans le monde : celle de le transformer en résidence pour D.ieu.

La leçon que nous pouvons tirer de ce commandement adressé à Aharon est que chaque Juif possède la capacité d’aimer D.ieu, et, en fait, est enjoint de le faire, comme l’indique le verset : « Tu aimeras D.ieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (Devarim 6 :5).

Plus encore, chacun a l’aptitude de faire grandir son amour au point qu’il devienne positivement « malade d’amour ». Mais chacun doit aussi être mis en garde pour que son âme ne quitte pas son corps et qu’il accomplisse sa mission dans ce monde.

Ce point est à nouveau mis en lumière dans Kedochim, la seconde section de la Torah qu’on lit ce Chabbat et qui commence par les mots que D.ieu adresse au Peuple juif, leur disant qu’ils doivent être saints car « Moi, l’Eternel leur D.ieu, Je suis saint ». Ce verset nous informe que la sainteté de chaque Juif doit être d’une telle ampleur qu’elle en vient à ressembler à celle de D.ieu.

C’est aussi pourquoi, avant de donner la Torah, D.ieu dit au Peuple juif : « Vous serez pour Moi un royaume de prêtres et une nation sainte ». En d’autres termes, chacun a la capacité d’atteindre le niveau de sainteté d’un « Grand Prêtre », ressentant le même amour que celui d’Aharon et de ses fils. Plus encore, le potentiel que possède l’être humain pour la sanctification est tel qu’il peut même être comparé, à un certain niveau, à celui de D.ieu.


 Qu’est-ce que Pessa’h Chéni ?

Le 14 Iyar (cette année mercredi 10 mai 2017) est un jour de « réparation ». En effet, la Torah stipule que tout Juif qui n’avait pas pu offrir le sacrifice Pascal la veille de Pessa’h (donc le 14 Nissan) pouvait le faire un mois plus tard. Le texte (Bamidbar – Nombres 9 : 10 et suivants) précise : « Des Juifs qui n’avaient pas pu offrir le sacrifice demandèrent : « Pourquoi serions-nous diminués ? »… Celui qui serait impur au contact d’un mort ou qui se trouverait loin (le 14 Nissan) offrira le sacrifice le 14 Iyar au soir… ».

En souvenir de ce commandement, on ne récite pas ce jour-là le Ta’hanoun (prières de supplication) et, dans de nombreuses communautés, on mange un peu de Matsa.

De cette Mitsva, on apprend d’une part qu’il ne faut pas hésiter à exiger de D.ieu la possibilité d’accomplir une Mitsva (« Pourquoi serions-nous diminués ?... »). D’autre part, Rabbi Yossef Its’hak (le précédent Rabbi de Loubavitch) insistait : « Il n’existe pas de cause perdue ! Même celui qui est impur ou celui qui est « loin » ou qui a délibérément choisi de se trouver « loin » peut réparer ce manque ! ». On peut toujours rectifier et se rapprocher de D.ieu d’une manière ou d’une autre. 


 Ressentir la peine de l’autre - réellement !

Mes parents n’avaient pas été déportés eux-mêmes mais avaient perdu tous les membres de leurs familles pendant la Shoah. Ils se rencontrèrent après la guerre, se marièrent à Vienne où je suis né en 1951. Mais craignant la résurgence de l’antisémitisme, ils émigrèrent aux États-Unis.

En 1967, ma mère qui n’avait que 42 ans, découvrit qu’elle était atteinte d’une grave maladie – incurable à l’époque. Comme j’étais plutôt indiscipliné, elle suggéra que je passe une année dans une Yechiva en Israël afin que je me calme. J’aurais fait n’importe quoi pour ma mère et j’acceptai. Je me suis donc retrouvé à Keren BeYavné où j’étudiais intensément le Moussar (l’éthique, présentée dans les écrits de Rav Eliahou Dessler). Je fus pris en amitié par le directeur de la Yechiva, Rav ‘Haïm Goldvitcht et, par la suite, quand il se rendait aux États-Unis, je me proposais à chaque fois pour devenir son chauffeur personnel.

Un jour, en 1969, il me téléphona pour me demander si je pouvais l’accompagner à un rendez-vous avec le Rabbi de Loubavitch. « Bien sûr ! » répondis-je comme à l’accoutumée. « A quelle heure ? » continuai-je innocemment. Je dois avouer que quand il répondit : « Deux heures du matin ! », j’ai ravalé ma salive d’étonnement mais, puisque j’avais promis, je m’exécutai. Quand nous sommes arrivés devant le 770 Eastern Parkway, il entra dans le bureau tandis que je l’attendais à l’extérieur.

Ma mère était de plus en plus malade. Un des médecins proposait de tenter une opération tandis qu’un autre préconisait de fortes séances de radiothérapie. Tous deux se montraient très pessimistes. Toute la famille était bouleversée et ni mon père ni ma mère n’étaient en mesure de prendre une décision aussi cruciale. Je me dis que je pouvais peut-être profiter de l’entrevue de Rav Goldvitcht pour demander un conseil au Rabbi. Quand mon Rav sortit du bureau, je me faufilai et demandai au Rabbi si je pouvais lui parler moi aussi. Il était 3 heures trente du matin et je pensais qu’il répondrait : « Je suis maintenant fatigué, demandez un rendez-vous à mon secrétaire ! » mais, bien au contraire, il me fit entrer dans son bureau.

Je dois préciser que mon père avait déjà demandé une bénédiction à un autre Rabbi ‘hassidique : celui-ci avait recommandé de changer le prénom de ma mère et nous avait donné une liste de Tehilim (Psaumes) à réciter. Je supposais que le Rabbi me donnerait le même genre de directives. Ce ne fut pas le cas. Il commença par me demander comment je m’appelais, où j’habitais et quelle était la situation médicale exacte de ma mère. Il s’avéra qu’il connaissait les médecins qui la soignaient et, quand il entendit leurs sombres pronostics, il se montra très en phase avec ma peine et m’aida à me préparer au pire. Il ne chercha pas à me consoler en prédisant un miracle éventuel et, justement à cause de son réalisme, il parvint à capturer mon cœur. A ce moment, je réalisai qu’il était certainement l’homme le plus intelligent sur terre. A la fin de l’entrevue, il me demanda : « Je vous en prie ! Tenez-moi informé de ce qui va arriver ! ». Je n’avais que dix-huit ans et, du haut de ma ‘Houtspa bien américaine, je rétorquai instinctivement : « Vous me dites cela par politesse ? Ou souhaitez-vous réellement entendre de mes nouvelles ? ». Et il me répondit : « Je ne dirai jamais quelque chose que je ne ressens pas ! ».

En sortant, bien que le Rabbi m’ait fait comprendre que je devais me préparer pour le pire, je ne me sentis pas triste. Au contraire : j’avais l’impression qu’un lourd fardeau avait été retiré de mes épaules. Comme si le Rabbi m’avait annoncé : « Quoi qu’il arrive, cela sera pour le bien ! ». Le résultat fut que je pus aider ma mère à choisir le traitement qui l’aiderait à garder une certaine qualité de vie au lieu de la tourmenter physiquement alors qu’il n’y avait pas de chance réelle de succès. Elle décida de rejeter les deux options qu’on lui avait proposées et de se contenter de soins palliatifs qui lui permirent de vivre au mieux le peu de temps qui lui restait. Elle vécut relativement sereinement deux mois puis tomba dans le coma dont elle ne se réveilla pas.

Après son décès, je retournai voir le Rabbi pour discuter d’autres problèmes. Je ressentais que je pouvais avoir confiance en lui. Je pouvais lui avouer : « Rabbi ! Je suis en crise, je ne crois plus vraiment en D.ieu ! J’aime le judaïsme, j’aime beaucoup certains rituels mais ils ne sont pas partie intégrante de ma vie ! ». A chaque fois, les réponses du Rabbi étaient absolument profondes et incroyables – taillées pour moi sur mesure.

Un jour, il me demanda : « Gardez-vous la cacherout ? Mettez-vous les Téfilines ? Respectez-vous le Chabbat ? ». Je répondis honnêtement : « Non ! ». Il continua, sans paraître offusqué par ma franchise : « Si je vous demande quelque chose sans condition préalable, me promettrez-vous de l’accomplir ? ». Confiant, je déclarai : « Oui ! Vous pouvez me demander ce que vous voulez, je l’accomplirai ! ». Il me regarda droit dans les yeux et demanda : « Accepterez-vous, vous et votre épouse, d’allumer les bougies de Chabbat chaque vendredi soir ? ». J’acceptai.

Et, à partir de ce jour, nous n’avons jamais raté une seule fois l’allumage des bougies de Chabbat. Le vendredi soir devint sacrosaint pour toute la famille. Quand nos enfants étaient adolescents, ils ne se rendaient à aucune sortie le vendredi soir. Bien que mon travail au laboratoire pour développer de nouveaux médicaments soit très prenant, j’ai toujours réussi à rentrer à l’heure à la maison le vendredi soir.

Allumer les bougies de Chabbat à l’heure requise peut sembler être une Mitsva très simple mais, pour notre famille, ce fut un changement radical. Les repas de Chabbat devinrent spéciaux, ouvrir notre maison pour des invités le Chabbat devint évident et toute l’atmosphère devint différente.

Pour moi, tel fut le génie du Rabbi : s’il m’avait demandé de devenir pratiquant à 100 %, j’aurais pu essayer mais cela n’aurait pas duré. Avec cette unique Mitsva, il a maintenu notre famille dans le chemin du judaïsme et mes filles l’ont aussi incorporé pleinement dans leurs vies.

Professeur Charles Samuel Ramat – Neurotrop BioScience - JEM

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2017

 Bien plus qu’un temps qui passe

Depuis le début de la fête de Pessa’h, nous sommes entrés dans un temps plus complexe qu’à l’accoutumée, comme marqué par des caractères opposés. Voici qu’en effet l’Omer et son décompte ont commencé. C’est, d’une part, l’époque de l’impatience qui sépare la sortie d’Egypte du Don de la Torah. Une impatience doublée d’une élévation spirituelle progressive qui fait que chaque jour semble différent de celui qui l’a précédé comme de celui qui le suivra. C’est, d’autre part, un temps où la joie fait l’objet d’une retenue que le caractère jubilatoire de l’attente évoquée plus haut ne permettrait pas d’imaginer. Souvenir d’un épisode tragique de l’histoire juive, rappel des méfaits de la désunion et du manque de respect de l’autre, un trait de gravité souligne de ce fait les jours qui passent.

Il est ainsi demandé aux hommes de vivre, dans le même temps, sur deux plans comme si cela allait de soi. De fait, dans notre vie quotidienne, il existe souvent des situations ambivalentes du même type qui résistent à l’analyse rationnelle mais auxquelles nous parvenons à donner un sens. Car, d’une certaine manière, l’enjeu de la création est là. Il appartient à chacun de tracer son propre chemin et de choisir avec sagesse le but qu’il s’assigne.

La période de l’Omer est, aussi, pour cette raison, une invitation à cette grande aventure spirituelle que constitue – n’ayons pas peur des mots – la recherche de la perfection. Elle donne à celui qui le désire les moyens de progresser de degré en degré jusqu’au moment indépassable que constituera, lors de la fête de Chavouot, le Don de la Torah et la rencontre avec D.ieu. Il ne s’agit pas là d’un temps ordinaire ni de jours anodins. Il fait, au contraire, ressentir comme une palpitation d’infini dans l’existence de tous. Il revient à chacun de savoir faire le choix nécessaire : celui de l’avancée. Il nous portera de degré en degré jusqu’à la liberté absolue, couronnement de la Délivrance annoncée par les prophètes, que Machia’h nous apportera.


 «En son temps, Je le hâterai»

Le Talmud (Sanhédrin 98a) enseigne : «Il est écrit (Isaïe 60 : 22) ‘[le Machia’h viendra] en son temps, Je le hâterai’». Ces deux termes semblent contradictoires. Viendra-t-il quand son époque sera enfin venue – «en son temps», ou D.ieu choisira-t-Il de rapprocher cet avènement tant attendu – «Je le hâterai» ? Le Talmud résout cette apparente contradiction : «S’ils le méritent, ‘Je le hâterai’ ; s’ils ne le méritent pas, ‘en son temps’».

Il faut ici relever une idée importante. Le temps de la Délivrance arrivera dans tous les cas. Certes, chacun souhaite que ce soit le plus rapidement possible. Toutefois, même s’il était retardé, lorsque le moment arrivera, l’impureté, le mal ne pourront que disparaître d’eux-mêmes pour laisser place à cette nouvelle et grande lumière.

(d’après Chaarei Orah, p.87


 Tazrya-Metsora

Tazrya

La Paracha Tazrya poursuit le sujet des lois de pureté et d’impureté, de l’impureté rituelle et de la pureté rituelle.

Une femme qui donne naissance doit suivre un processus de purification, qui comporte l’immersion dans un Mikvé (un bassin d’eau naturelle) et des offrandes apportées au Temple. Tous les garçons doivent être circoncis le huitième jour de leur vie.

Tsaraat (souvent traduit par « lèpre ») est une plaie surnaturelle qui peut également toucher les vêtements. Si des taches blanches ou roses apparaissent sur la peau d’une personne (rouge foncé ou vertes sur les vêtements), l’on doit faire appel à un Cohen. S’appuyant sur l’observation de différents signes, comme une croissance de la zone atteinte après une mise en quarantaine de sept jours, le Cohen prononce que la tache est Tamé (impure) ou Tahor (pure).

La personne affligée de Tsaraat doit résider seule à l’extérieur du campement (ou de la ville) jusqu’à ce qu’elle soit guérie. Les parties touchées du vêtement sont enlevées. Si la Tsaraat s’étend ou revient, tout le vêtement doit être brûlé.

Metsora

La Paracha Tazrya décrivait les signes du Metsora (malade de la peau), terme désignant une personne affligée d’une maladie spirituelle qui la mettait en état d’impureté rituelle. La lecture de Metsora commence par donner les détails de la manière dont le Metsora guéri est purifié par le Cohen (prêtre), selon une procédure particulière utilisant deux oiseaux, de l’eau de source dans un ustensile en terre, un morceau de bois de cèdre, un fil écarlate et une branche d’hysope.

Une maison peut être également atteinte de Tsaarat, lors de l’apparition de taches vertes ou rouge foncé sur les murs. Dans un processus s’étendant sur dix-neuf jours, un Cohen détermine si la maison peut être purifiée ou si elle doit être démolie.

L’impureté rituelle est aussi engendrée par des pertes masculines ou féminines, ce qui nécessite l’immersion dans un Mikvé.

Tazrya-Metsora

Les deux parties de la Torah que nous lisons cette semaine se concentrent toutes deux sur le sujet de Tsaraat. La plus grande partie des écrits traduit ce terme par le mot « lèpre », ce qui ne semble pas approprié. Bien que certaines manifestations physiques soient similaires à celles de la lèpre, (et, précisons-le, pas entièrement), il s’agit d’une affliction tout à fait différente. En effet, elle ne touche pas uniquement le corps mais également les habits et même les maisons.

Comme le soulignent nos Sages, Tsaraat relève essentiellement d’un problème spirituel. Bien que cela affecte le corps, sa source est un problème de l’âme. Plus précisément, cela résulte du fait que l’on s’est peu soucié du Lachone Hara, du fait de répandre de la médisance.

Nos Sages expliquent que le processus de purification pour la Tsaraat est une conséquence directe des actes qui ont été commis. Par ses paroles médisantes, l’individu a suscité un éloignement, une mise à distance entre des personnes, les séparant les unes des autres. C’est pourquoi l’impureté qui l’atteint requiert qu’il vive seul, en dehors du camp où vivent les autres. Puisqu’il a causé une séparation entre les êtres, il est lui-même puni en étant séparé.

Apparemment, l’on pourrait penser qu’il devrait rester parmi les siens et apprendre d’eux comment se conduire positivement. La Torah nous enseigne le contraire. Tout d’abord, il doit goûter à l’amertume de l’isolement et de la solitude. Ce n’est qu’après avoir compris leurs effets et pris conscience que c’est ce que lui-même a produit par sa propre conduite, qu’il sera poussé à changer. Tant qu’il est persuadé que ce qu’il a dit n’est pas si grave, que même s’il a eu tort de tenir ces propos, la situation n’est pas si sérieuse, il ne ressentira jamais la nécessité de s’amender et de changer d’attitude.

Notre Torah évolue autour du ‘Hessed, de la bonté. Mais parfois, la véritable bonté consiste à ne pas accepter, à ne pas permettre à une personne de continuer à agir sans qu’elle ne se raffine. Il est plutôt impératif de la forcer à s’arrêter, à rompre avec son mode opérationnel pour qu’elle sente le mal qu’elle fait. Cela lui permettra de se remettre en question, de s’engager dans une nouvelle voie et de développer les ressources d’amour qui lui sont inhérentes, qu’elle possède, comme tous les hommes, au fond de son cœur.

Cependant, bien que celui qui était atteint de Tsaraat soit envoyé vivre seul, loin de tous les autres, il n’était pas abandonné dans un isolement total.

Il recevait la visite du Cohen, un prêtre, dont la conduite est caractérisée par l’amour et la bonté. Il pouvait ainsi donner à la personne atteinte un modèle sur lequel appuyer la redéfinition de son identité.

En fait, cette visite rendue à la personne ainsi punie est en soi un exemple de la bonté du Cohen. Pour servir dans le Temple, le Cohen devait être pur. Or, le contact avec le Metsora le rendait impur. Il était pourtant prêt à faire ce sacrifice et aller vers lui afin de lui permettre de reconstruire son lien avec le Peuple juif.

Perspectives

L’idée d’obliger quelqu’un à se raffiner est également liée avec la venue du Machia’h. L’un des signes qu’indique Maïmonide, pour nous permettre d’identifier le Machia’h, est qu’ « il obligera le Peuple juif à renforcer son observance de la Torah ». Pourquoi « l’obliger » ? Pourquoi les hommes ne serviraient-ils pas D.ieu volontairement, de leur propre choix ?

La raison en est que notre perception et notre compréhension de la spiritualité sont limitées. Machia’h élèvera les hommes à un niveau supérieur dans leur relation avec D.ieu, niveau auquel ils n’auraient pu accéder par eux-mêmes. Puisqu’il est inaccessible à nos aptitudes et à notre perception, nous ne le désirons pas. Il est en effet clair qu’une personne ne peut désirer quelque chose qu’elle ne peut atteindre. En fait, y parvenir irait à l’encontre-même de notre nature. C’est pour cela que nous serons forcés, obligés par la puissance inspiratrice de Machia’h, de nous dépasser et d’atteindre ce niveau plus profond de compréhension.


 Pourquoi lit-on un chapitre de Pirké Avot, les « Maximes de nos Pères », chaque samedi après-midi, entre Pessa’h et Chavouot ?

Entre Pessa’h et Chavouot, nous nous préparons à revivre le don de la Torah au mont Sinaï. Pirké Avot est un traité talmudique qui contient des recommandations éthiques et morales. En lisant un chapitre par Chabbat, nous pouvons raffiner notre personnalité et notre comportement, de façon à mériter de recevoir la Torah.

Dans de nombreuses communautés, on continue la lecture de ces six chapitres tout au long de l’été jusqu’au Chabbat qui précède Roch Hachana. En effet, durant l’été, certains ont tendance à se montrer moins stricts dans leur observance des Mitsvot : il convient donc de se renforcer spirituellement pour éviter tout relâchement.


 Contre tous les pronostics

La terrible nouvelle frappa la famille Spitzer comme un coup de tonnerre en plein été : « Mélanome malin » ! Tel était le diagnostic sans appel des médecins. La cruelle maladie avait été repérée chez leur fille âgée d’à peine dix-neuf ans et se répandait dans le système lymphatique. L’avenir s’annonçait très sombre !

Pour les parents, c’était comme si une épée planait au-dessus de leurs têtes. Inquiets, ils ne savaient vers qui se tourner. La nouvelle se répandit dans la famille proche puis dans un cercle plus élargi.

On était en 1981. Le vendredi soir, on entendit des coups frappés à la porte de la maison de Rav Yaakov Moché Spitzer, l’oncle de la jeune fille. Celui-ci dirigeait les institutions des ‘Hassidim de Tsanz en Israël. Il ouvrit la porte à son voisin, Rav Leibl Friedman, un érudit respectable et reconnu : « J’ai entendu ce qui arrive à votre nièce. Écoutez-moi : dès la fin de Chabbat, prenez tous les documents médicaux et allez à New York demander conseil et bénédiction au Rabbi de Loubavitch ! Et agissez comme il vous le dira ! ».

L’oncle était très étonné. Rav Friedman s’identifiait au courant des Juifs lituaniens, adeptes du mouvement Novardok, orienté vers le Moussar (moralisateur) plutôt que vers le courant ‘hassidique… Mais son conseil n’en avait que davantage de valeur ! Dès samedi soir, Rav Spitzer se mit à organiser son voyage en demandant l’intervention du député Mena’hem Porush (alors vice-ministre du travail) afin d’obtenir au plus vite un visa pour les États-Unis. Dimanche soir, l’oncle de la jeune fille se trouvait déjà dans l’avion.

A son arrivée à New York, il se rendit directement dans le quartier de Crown Heights à Brooklyn et frappa à la porte de son ami d’enfance, le regretté Rav Binyamin Klein, un des secrétaires du Rabbi. Celui-ci l’accueillit chaleureusement, l’écouta attentivement et promit de lui arranger dès que possible une entrevue privée avec le Rabbi.

Effectivement, à une heure du matin, Rav Spitzer se retrouva dans la salle d’attente devant le bureau, avec une foule d’autres personnes, chacune avec ses problèmes, plus urgents les uns que les autres. Certains avaient attendu des mois avant d’obtenir ce rendez-vous avec la personnalité la plus marquante du judaïsme mondial. Bien vite cependant, Rav Spitzer fut admis dans le bureau et ressentit alors une très forte impression de sainteté et de pureté, au point qu’au début, il eut du mal à s’exprimer.

Le Rabbi lui demanda la raison de sa visite. Rav Spitzer s’apprêta à étaler les documents médicaux sur la table mais le Rabbi n’en avait pas besoin.

- Voici les conclusions des médecins, déclara Rav Spitzer, étonné, en prenant une profonde inspiration.

- Je sais, répondit calmement le Rabbi. Mais dites-moi, vous, quel est le problème.

Rav Spitzer décrivit brièvement la situation et conclut avec le pronostic des médecins : « Il ne lui reste plus qu’un mois… ».

- Comment ? s’étonna le Rabbi. Plus que… ? (Il ne voulait à l’évidence pas répéter des paroles aussi négatives). Retournez en Israël, contactez le professeur Aryeh Durst (directeur du département chirurgical de l’hôpital Hadassah Ein Kerem à Jérusalem et dites-lui que c’est moi qui vous envoie vers lui !

- Mais le médecin nous a prévenu que l’opération ne ferait que retarder un peu l’issue fatale et qu’elle n’a aucune chance de s’en sortir ! protesta faiblement Rav Spitzer. Le Rabbi insista :

- Le professeur effectuera l’opération et vous verrez qu’il ne restera plus aucune trace du problème ! conclut le Rabbi en ajoutant sa bénédiction : elle guérira complètement et D.ieu lui accordera une belle et longue vie, avec des enfants et des petits-enfants !

Bouleversé, Rav Spitzer tenta encore de répéter les paroles des médecins mais une fois de plus, le Rabbi l’empêcha de revenir en détail sur leur sombre pronostic : « Ce n’est pas la peine ! Elle est déjà en bonne santé ! ».

Dès le lendemain matin Rav Spitzer annonça à son ami Rav Binyamin Klein : « Elle est déjà en bonne santé ! ». Il n’était évidemment pas nécessaire de convaincre le secrétaire du Rabbi qui aida même son ami à avancer la date de son retour afin de pouvoir accomplir au plus vite ces instructions.

Le dimanche suivant, Rav Spitzer accompagna son frère à l’hôpital Hadassah. Au début, la secrétaire refusa de les recevoir mais la discussion animée arriva aux oreilles du professeur Durst et, quand il entendit que c’était le Rabbi qui les envoyait, il s’empressa de les recevoir personnellement – bien que la gravité de leur problème le dépassait !

- Je vais tenter l’opération et que D.ieu aide ! s’engagea-t-il après avoir parcouru les documents médicaux.

Le mercredi, le professeur procéda à l’opération. Contre toute attente, aux yeux de toute son équipe incrédule et de toute la famille angoissée, la jeune fille guérit. Complètement. Par la suite, elle se maria et est maintenant une mère de famille comblée.

Les années passèrent. Un jour, Rav Spitzer rendit une visite de condoléances et rencontra « par hasard » le Professeur Durst. Il se présenta en rappelant les circonstances dans lesquelles ils s’étaient déjà croisés. Le professeur compléta son histoire de son point de vue :

- Je me souviens avoir effectué l’opération. J’ai réussi à enlever les cellules infectées. Mais je dois avouer que j’étais très pessimiste. La maladie avait déjà atteint un stade avancé et se répandait dans le sang et donc dans tout le corps. C’était pour cela que les premiers médecins avaient refusé de l’opérer car c’était contraire à l’éthique médicale. Moi je n’avais accepté que parce que le Rabbi l’avait demandé et que j’avais entendu parler de lui. Mais le fait que l’opération ait réussi et que la jeune fille ait complètement guéri, c’est un véritable miracle. Mes collègues médecins n’aiment pas entendre ce genre de commentaires mais moi, je crois en une force supérieure. Dans ce cas, j’ai vraiment vu un miracle du Ciel !

Lévi Shaikevitz – Si’hat Hachavoua N° 1579 - JEM

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2017

 Vivante liberté !

Grande période que celle qui s’ouvre devant nous ! De fait, voici que le long voyage de la liberté s’engage dès à présent. Nous avons vu naître et s’élancer le mois de Nissan et ses dates premières qui nous ont donné à vivre et à ressentir. Nous avons pris la force naturellement communiquée par la date du 11 Nissan, anniversaire de la naissance du Rabbi, et tout ce qu’elle porte en elle d’accomplissements et de décisions nouvelles, comme une source d’énergie jamais affaiblie. Et, dans ce voyage tant attendu, déjà le point d’où nous sommes partis s’efface à l’horizon. Il ne peut en être autrement : la liberté nous entraîne, rien ne peut nous retenir ou nous faire revenir sur nos pas. Nous parvenons donc peu à peu en haute mer, le grand navire de l’histoire nous porte et nous en sommes à la fois les passagers et les pilotes.

Car c’est bien ainsi que doivent nous apparaître la fête de Pessa’h et tous ses lendemains. La liberté, pour nous, n’est pas terre inconnue. Elle est ambition de chaque jour, conquête de chaque instant. Lorsque nos Sages enseignent « il n’est d’homme libre que celui qui se consacre à la Torah », c’est bien de cette forme ultime de liberté, à la fois individuelle et collective, profonde et extériorisée, qu’ils parlent. Le temps que nous traversons en est le moment majeur. Il est cette parenthèse dans le fil des jours, propice à toutes les prises de conscience et à tous les changements. Nous sortons historiquement, rituellement et spirituellement d’Egypte. C’est dire que le fardeau de la servitude ne limite plus notre conscience. Tout s’ouvre à nouveau devant nous et nous sommes capables de toutes les décisions.

Le mois de Nissan ne nous quittera jamais plus. « En Nissan », disent nos Sages, « ils furent libérés et en Nissan ils seront libérés », signifiant ainsi que la liberté ne fut pas celle d’une époque, elle est nôtre et trouvera sa concrétisation finale par la venue du Messie. Ici et maintenant, elle ne cessera plus de chanter dans notre cœur et notre esprit. Pour toujours vivre dans et par nos actes.


 Juste un bouton à presser

Maïmonide nous enseigne qu’un seul homme, par un seul acte, a le pouvoir d’amener «le salut et la délivrance» au monde entier.

En notre temps, nous le voyons concrètement : n’importe qui, même un enfant, par une petite action, peut presser un bouton et causer un changement considérable dans le monde. Combien plus est-il donc vrai que, par une seule action – presser le bon bouton – pour accomplir la volonté de D.ieu, nous pouvons changer le monde et y amener la Délivrance !

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 10 Chevat 5746) 


 Pessa’h : Le paradoxe de l’exil

Il est possible que l’une des dimensions les plus difficiles de l’exil soit la façon dont il domine notre processus intellectuel. Après de nombreuses années d’esclavage en Egypte, nos ancêtres éprouvaient de la difficulté à imaginer un autre type d’existence. Quand la promesse de libération de Moché Rabbénou ne se matérialisa pas immédiatement, le Peuple Juif « ne tint pas compte des paroles de Moché, à cause d’un état d’esprit brisé et du dur labeur » (Chemot 6 :9).

Aujourd’hui, il en va de même. Après des milliers d’années d’exil, de nombreux Juifs considèrent les concepts de Machia’h et de la Délivrance comme étrangers à eux.

Cependant, si nous observons de plus près ces concepts, cette position se renverse et soulève la question de la raison d’être elle-même de l’exil. L’âme de chaque Juif est une étincelle de D.ieu, un potentiel illimité qui reflète l’infinité divine. Plus encore, chaque fois que les Juifs partent en exil, ils sont accompagnés par la Che’hina, la Présence de D.ieu (Meguilah, 29a). Comment donc l’infinité de D.ieu peut-elle être enfermée dans les limites de l’exil ? Force nous est de dire que cette situation paradoxale ne peut exister que parce que D.ieu la veut et la désire. D.ieu seul a la puissance de limiter Sa révélation et de Se confiner, avec le Peuple Juif, en exil. Il est sûr qu’Il n’aurait pas choisi cette trajectoire en l’absence d’un dessein défini qui ne pouvait être accompli différemment.

Acquérir la richesse de l’Egypte

Le projet voulu par D.ieu, en créant la situation de l’exil, peut se comprendre en analysant le premier exil : celui d’Egypte. Dans Son alliance avec Avraham, D.ieu décréta (Beréchit : 15 :13-14) : « Tes descendants seront des étrangers dans une terre qui n’est pas la leur. Ils les serviront et subiront des souffrances (qu’ils leur infligeront) pendant quatre cents ans… Je jugerai la nation qu’ils servent et par la suite, ils partiront avec de grandes richesses ».

C’est ce décret qui s’accomplit quand le Peuple Juif descendit en Egypte.

La conclusion du décret selon laquelle, « par la suite, ils partiront avec de grandes richesses », est la clé pour comprendre la raison d’être de l’exil. Juste avant la sortie d’Egypte, D.ieu ordonna à Moché (Chemot : 11 :2) : « Parle, Je te prie, aux oreilles du peuple et que chaque homme demande à son proche, et chaque femme à sa proche, des ustensiles d’argent et des ustensiles d’or ».

L’expression « Je te prie » implique une requête. Nos Sages expliquent que, par cette demande, D.ieu disait : « Que ce Tsaddik (Avraham) ne dise pas : la prophétie selon laquelle « ils les serviront et ils subiront des souffrances » a été accomplie mais la promesse selon laquelle « et par la suite, ils partiront avec de grandes richesses » n’a pas été accomplie». Ainsi, l’acquisition de la richesse de l’Egypte était-elle un objectif non seulement pour les Juifs mais, pour ainsi dire, pour D.ieu Lui-même.

Révéler la Divinité cachée

L’acquisition de la richesse d’Egypte fait partie de la mission spirituelle globale du Peuple juif dans le monde et aide à expliquer le but de l’exil. La force divine qui soutient l’existence du monde est cachée dans sa substance matérielle. Au Peuple Juif a été assignée la tâche de révéler cette Divinité profonde en utilisant des objets matériels, dans un objectif de sainteté. Comme l’affirme une célèbre prière ‘hassidique : « D.ieu, Tu as donné à Ton peuple des bénédictions matérielles et ils Te montrent comment ils peuvent les transformer en spiritualité ». En utilisant nos bénédictions matérielles pour servir D.ieu, nous transformons le monde entier en demeure pour Lui.

A chaque étape de son histoire, a été attribuée au Peuple Juif une dimension spécifique du monde à élever. Par leur servitude en Egypte, ils purent révéler la force divine latente en terre d’Egypte. Une fois leur tâche achevée, ils acquirent toute la richesse de l’Egypte.

Une mission similaire leur fut confiée dans les exils suivants. Nos Sages déclarent que D.ieu exila le Peuple juif pour que des convertis puissent se joindre à eux. La ‘Hassidout explique le mot « convertis » comme n’incluant pas seulement les individus qui deviennent juifs mais aussi les étincelles de la force vitale divine, cachées dans la substance matérielle du monde et révélées par le service de notre peuple.

C’est ainsi que les Juifs ont erré, à travers l’histoire, de pays en pays, accomplissant une mission divine unique, celle de révéler les étincelles de Divinité dans des terres différentes, par le biais de l’utilisation de la matière pour l’accomplissement des Mitsvot.

Préparer le monde pour la Rédemption

Chaque Juif a reçu une mission personnelle : révéler la Divinité dans la portion de la terre que la Providence Divine lui a assignée. Puisque cette mission est nécessaire pour que s’accomplisse le projet ultime du monde, nos âmes ne sont pas quittes tant qu’elles n’ont pas achevé cette tâche. Quand un homme se détache de son implication dans le monde, même s’il se dévoue à une vie d’étude et de prière, il ignore l’intention divine fondamentale.

A quoi servent les hauteurs spirituelles qu’il atteint s’il n’accomplit pas la volonté de D.ieu ? Le but auquel doit aspirer chacun n’est pas seulement son raffinement personnel mais plutôt celui du monde entier.

Il est clair que s’impliquer dans la matérialité lance un défi, crée la possibilité de laisser-aller et de déclin spirituel. Cependant, en restant conscients de la raison pour laquelle D.ieu nous a envoyés en exil, nous pouvons surmonter cette épreuve et parvenir au succès à la fois spirituel et matériel.

Le grand nombre d’années de l’esclavage d’Egypte était une étape nécessaire dans le processus qui devait conduire à l’Exode. De la même façon, le but de l’exil présent est la Rédemption ultime. Puisqu’alors, la Divinité Se révélera en tous lieux et dans tout, le service qui prépare cette révélation doit également tout inclure.

C’est donc pour cette raison que notre peuple a été dispersé de par le monde et s’est impliqué dans chaque aspect de l’existence. En dernier ressort, les efforts de chacun, pour faire de son environnement un lieu où se révèle la Divinité, préparera le monde entier à l’Ere où « la terre sera remplie de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent le lit de l’océan ».


 Qu’est-ce que le compte du Omer ?

C’est une Mitsva de la Torah de compter les quarante-neuf jours de l’Omer à partir du second soir de Pessa’h (mardi soir 11 avril 2017) jusqu’à la veille de Chavouot (lundi soir 29 mai 2017 inclus). Si on n’a pas compté de suite après la prière du soir (Arvit), on peut encore compter durant la nuit jusqu’à l’aube. Si on ne s’en souvient que pendant la journée, on peut compter, mais sans réciter la bénédiction. Et le soir suivant, on continue de compter avec la bénédiction. Si on a oublié toute une journée, on devra dorénavant compter chaque soir sans la bénédiction.

Quelles sont les lois de cette période du Omer ?

Hommes et femmes ont l’habitude de ne pas entreprendre de « travaux » (tels que ceux interdits à ‘Hol Hamoed) depuis le coucher du soleil jusqu’à ce qu’ils aient compté le Omer.

On ne célèbre pas de mariage et on ne se coupe pas les cheveux, en souvenir de l’épidémie qui décima les 24.000 élèves de Rabbi Akiba à cette époque du Omer. Les Séfaradimes respectent ces lois de deuil jusqu’au 19 Iyar (lundi 15 mai 2017) ; les Achkenazim depuis le 1er Iyar (jeudi 27 avril 2017) jusqu’au 3 Sivan au matin (dimanche 28 mai 2017) à part la journée de Lag Baomer (dimanche 14 mai 2017).

La coutume du Ari Zal, suivie par la communauté ‘Habad, veut qu’on ne prononce pas la bénédiction de Chéhé’héyanou (sur un fruit nouveau par exemple) durant toute la période du Omer et qu’on ne se coupe pas les cheveux jusqu’à la veille de Chavouot (cette année mardi matin 30 mai 2017).

Un garçon qui aura trois ans après Pessa’h, fêtera sa première coupe de cheveux à Lag Baomer (dimanche 14 mai 2017) et celui qui aura trois ans après Lag Baomer la fêtera la veille de Chavouot (mardi 30 mai 2017).

Il n’y aucune restriction sur les promenades ou les séances de piscine et baignade.


 Ce fut la plus grosse erreur de ma vie…

J’avais treize ans à la naissance de ma petite sœur. L’accouchement s’était très mal passé et ma mère avait failli y laisser la vie. Elle dut se rendre une fois par mois à New York pour des check-up effectués par de très grands spécialistes. On était au mois d’Adar, en 1982. Le médecin déclara à ma mère : « Mme Rokeach, j’ai découvert quelque chose de problématique et il faut vous opérer. Comme c’est une opération très dangereuse, je propose de l’effectuer après Pessa’h afin que vous puissiez célébrer la fête en famille ».

Dès son retour à la maison, ma mère, effondrée, téléphona à la Rabbanite ‘Haya Mouchka (qui la considérait comme sa fille puisqu’elles étaient de lointaines cousines) en lui demandant d’en parler au Rabbi. La réponse du Rabbi fut rapide et sans appel : il ne fallait absolument pas tarder et ma mère devait se faire opérer immédiatement, sans attendre Pessa’h. Le Rabbi précisait qu’on venait de célébrer Pourim, par le mérite d’une femme, la reine Esther et par l’intermédiaire de Morde’haï : or mon père s’appelait justement Morde’haï ! C’était donc le moment idéal pour se faire soigner. De plus, la période entre les fêtes de Pourim et Pessa’h est rattachée à la délivrance, alors pourquoi hésiter ?

Ma mère rappela à la Rabbanite que le médecin avait qualifié l’opération de « très risquée », qu’il craignait qu’elle n’y survive pas et c’était pourquoi on lui avait conseillé d’attendre après Pessa’h. La Rabbanite transmit fidèlement ce message au Rabbi puis confirma en son nom : « Mon mari le Rabbi insiste qu’il ne faut pas attendre ! ». Angoissée, ma mère demanda : « Mais que répondrai-je au médecin qui ne comprendra pas pourquoi je veux précipiter l’intervention ? ». Le Rabbi fit répondre, toujours par l’intermédiaire de son épouse : « Dites-lui que c’est moi qui ait demandé de ne pas retarder ! ».

Ma mère s’exécuta en précisant que c’était le Rabbi qui lui avait demandé de ne pas attendre. Le docteur était furieux que le Rabbi se mêle de problèmes médicaux : « On pose des questions au Rabbi pour des sujets religieux mais, quand il s’agit de problèmes médicaux, on demande l’avis des médecins ! Pourquoi avez-vous demandé l’avis d’un Rabbi ? ».

Ma mère expliqua patiemment que le Rabbi était notre oncle (éloigné), que nous le respections énormément ; elle demanda donc au médecin de mettre de côté sa fierté et d’agir selon la volonté du Rabbi. Cela ne lui plut pas du tout mais comme ma mère était une de ses patientes privées (donc lucratives) il ne pouvait pas refuser. Il procéda néanmoins à un nouvel examen avant de commencer et, quand il obtint les résultats, il devint pâle comme un fantôme : « Qui est ce Rabbi qui vous a demandé de ne pas attendre ? Je dois le rencontrer : il vous a sauvé la vie ! Si nous avions attendu après Pessa’h, vous ne seriez déjà plus de ce monde ! » constata-t-il en tremblant.

L’opération se déroula de la meilleure manière possible mais ma mère dut rester à l’hôpital plusieurs semaines, ce qui incluait Pessa’h. Mon père décida qu’il resterait avec elle à l’hôpital.

Quand ma grand-mère informa la Rabbanite que mes parents ne seraient pas là pour Pessa’h, celle-ci m’invita spontanément à passer toute la fête chez elle ! Ma grand-mère me transmit cette invitation mais je refusai ! Je craignais que, si je devais passer la fête chez le Rabbi et la Rabbanite, le Rabbi me pose des questions sur la Guemara que j’étudiais à la Yechiva ! Ma grand-mère tenta de me persuader d’accepter mais j’avais tellement peur que je refusai catégoriquement !

Jusqu’à ce jour, je ne peux pas me pardonner ce que je considère comme la plus grande erreur de ma vie.

Imaginez : j’aurais pu prendre tous les repas de Pessa’h chez le Rabbi et la Rabbanite !

Chémi Rokeach

Traduit par Feiga Lubecki

Publié dans 2017