Samedi, 16 juillet 2016

  • Houkat
Editorial

 Comme un souffle nouveau

Tous les mois du calendrier juif présentent, chacun pour ce qu’il est, des qualités particulières. Bien sûr, le mois de Tamouz ne fait pas exception à cette règle mais les observations auxquelles il conduit peuvent sembler surprenantes. De fait, le mot «Tamouz» fait partie de ces dénominations ramenées de Babylone par nos ancêtres. Selon les commentateurs, il s’agissait là d’une divinité païenne dont le rite consistait à la mettre près du feu, à la chaleur, d’où l’usage d’un tel nom pour le mois le plus chaud. Comment a-t-on donc pu choisir de continuer à s’y référer alors que l’exil babylonien était terminé ? N’aurait-on pas dû retenir une appellation plus juive ?

Un enseignement sans doute essentiel se cache dans un tel choix. L’idée est connue : la chaleur du mois de Tamouz, pour la pensée juive, évoque la présence plus fortement révélée du Nom de D.ieu. C’est dire que cette chaleur a des connotations spirituelles particulièrement fortes et positives. Cela ne contredit-il pas l’origine même du nom de ce mois ? C’est que les temps changent. A l’époque de l’exil à Babylone, l’œuvre de transformation du monde, menée par le peuple juif au travers de la Torah et de ses commandements, n’a pas encore pris toute son ampleur. Mais voici que les siècles sont passés et les actes quotidiens de tous ont modifié la donne. Voici que ce qui semblait n’être que chaleur d’impureté peut devenir enthousiasme de sainteté. Du reste, ne voit-on pas, à la période contemporaine, le mois dans son ensemble prendre une nouvelle dimension avec des dates telles que le 3 Tamouz, la Hilloula du Rabbi, et, dès le début de la semaine prochaine, les 12 et 13 Tamouz, dates de la libération du précédent Rabbi des prisons soviétiques ?

C’est bien une libération à fêter qui se profile et celle-ci concerne chacun. Car la victoire qu’elle représente est celle du Bien sur le Mal, de la liberté sur l’oppression, finalement de la justice. Il y a comme un souffle nouveau qui se lève ainsi sur le monde et, plus particulièrement, sur le mois. Il faut en être conscient car nous avançons avec lui et il nous portera, si nous le voulons, plus loin et plus haut que ce que l’on peut imaginer.

Etincelles de Machiah

 Un rire profond

Les Psaumes (126 :2) annoncent que, lorsque le Machia’h sera venu, «notre bouche se remplira de rire». Certes, ce nouveau temps sera celui d’une joie sans limite, cependant que signifie précisément le rire dans un tel contexte?

En hébreu, la valeur numérique du mot «rire» est 414. C’est également celle de l’expression «Or Eïn Sof» qui signifie «lumière infinie» de D.ieu. Cette correspondance nous indique justement le sens profond de ce rire : la révélation de D.ieu. Infinie, elle nous conduira au plus haut et au plus essentiel du «plaisir» divin.

(d’après Likouteï Torah, Bamidbar p. 191)

Vivre avec la Paracha

 ‘Houkat

Résumé

Moché étudie les lois de la Vache Rousse dont les cendres purifient la personne qui a été en contact avec un corps sans vie.

Après quarante ans de voyage dans le désert, le Peuple d’Israël arrive dans le désert de Sine. Miryam meurt et le peuple a soif. D.ieu dit à Moché de parler à un rocher et de lui ordonner de produire de l’eau. Moché est en colère contre les rebelles et frappe la pierre. De l’eau en sort mais Moché apprend de D.ieu que ni lui ni Aharon ne pénétreront en Terre Promise.

Aharon meurt au Mont Hahar et lui succède, dans la grande prêtrise, son fils Elazar. Des serpents venimeux attaquent le camp des Bné Israël, après une nouvelle explosion de mécontentement lors de laquelle le peuple «parle contre D.ieu et Moché». D.ieu dit à Moché de placer un serpent d’airain sur un haut bâton et promet que tous ceux qui le regarderont seront guéris. Le peuple chante un chant en l’honneur du puits miraculeux qui leur donne de l’eau dans le désert.

Moché conduit le peuple dans ses batailles contre les rois Emoréens, Si’hon et Og (qui cherchent à empêcher le passage du peuple d’Israël à travers leurs territoires) et dans la conquête de leurs terres qui se situent à l’est du Jourdain.

 

La Paracha commence avec le verset : «Voici le décret de D.ieu» et poursuit en décrivant le processus de purification requis après qu’une personne a été en contact avec un corps humain sans vie.

Nos Sages expliquent que le terme ‘Houkat, «décret»,  évoque une loi qui ne peut être comprise par la logique humaine. Car tout le concept de la pureté et de l’impureté rituelles n’est pas quelque chose qui peut être saisi par notre intellect.

Pourquoi quelqu’un qui aurait été en contact avec un corps devrait-il être considéré comme impur ? Il n’a ni péché ni transgressé une interdiction. Bien au contraire, prendre soin d’un corps, le préparer pour l’enterrement et l’enterrer constituent un acte de bonté immense pour la personne qui a quitté ce monde et pour sa famille. Pourquoi celui qui accomplit un tel acte n’aurait-il pas le droit de pénétrer dans le Temple ou de prendre part à la consommation des sacrifices, parce qu’il s’est rendu impur ?

Cela va encore plus loin. Une fois que la Torah a décrété que la personne qui a été en contact avec un corps est devenue impure, le procédé qui lui est indiqué pour regagner sa pureté est encore plus difficile à comprendre.

En fait, le Midrach relate que lorsque D.ieu dit à Moché qu’une personne devenait ainsi impure, son visage perdit sa coloration et il s’exclama : «Comment une telle personne peut-elle regagner sa pureté ?». Et même après que D.ieu lui eut indiqué le processus de purification, utilisant les cendres de la Vache Rousse (ce qui est le sujet de cette Paracha), Moché demanda : «est-ce suffisant ?».

D’où venait la difficulté qui se posait à Moché ?

Dans tous les autres cas d’impureté rituelle, il s’agissait, en fait,  d’une personne vivante. Tant qu’il existe une connexion entre l’âme et le corps, l’âme, qui est «une véritable partie de D.ieu», peut surmonter toute déficience spirituelle et va, en fait, jusqu’à élever le corps à un statut où il peut également devenir pur. Mais après que l’âme a quitté le corps et que le lien entre eux a été coupé, cette dynamique n’est plus possible. La mort apporte avec elle une notion de fin. Apparemment, l’âme n’a plus aucun lien avec le corps dont il ne reste que la dimension matérielle, physique. C’est la raison pour laquelle le corps, lui-même, est une source d’impureté. Une fois qu’une telle impureté a été transmise à une autre personne, il apparaîtrait que la pureté ne peut jamais être regagnée.

D.ieu informe cependant Moché que ce lien entre l’âme et le corps n’est jamais totalement coupé. Pendant que l’âme habitait le corps, il étudiait la Torah et accomplissait les Mitsvot. La conséquence en est que la qualité Divine de la Torah s‘imprègne dans le corps, de façon permanente. Même après le départ de l’âme, ce lien Divin perdure. C’est pourquoi, il n’y a aucune notion de fin, associée à l’impureté transmise par un corps, et l’on peut retrouver la pureté, même après un contact avec la mort.

Toutefois, cette possibilité est un «décret», quelque chose que notre esprit ne peut réellement comprendre. Car l’intellect humain ne peut appréhender une relation entre quelque chose qui est matériel et quelque chose qui est spirituel que lorsque les deux sont en contact. Mais de la perspective de D.ieu, le matériel et le spirituel ne sont jamais véritablement séparés et même quand, selon toutes apparences, il n’existe plus de lien, l’empreinte du spirituel reste marquée, à tout jamais. Plus encore, cette empreinte spirituelle nous permet de gagner la prise de conscience de la vérité ultime : même notre existence matérielle est une expression de la Divinité. De ce point de vue, l’impureté n’est que temporaire.

Perspectives

Aujourd’hui, les concepts que l’on vient d’aborder représentent un «décret». Ils dépassent notre compréhension normale et quotidienne. Car l’état d’esprit qui domine est celui d’une conscience matérielle. Nous avons une relation avec le spirituel, le considérant comme quelque chose d’abstrait et qui dépasse notre réalité quotidienne. Dans le meilleur des cas, quand nous entretenons une relation active entre le spirituel et le matériel, il est possible que nous apprécions l’influence du spirituel. Mais le matériel reste toujours dominant et parfois va même jusqu’à éclipser complètement le spirituel.

Cependant, dans le futur ultime, tout cela changera. La nature véritablement Divine de la totalité de l’existence sera révélée et nous apprécierons que non seulement l’âme mais aussi le corps sont une expression de D.ieu. Cela nous permettra de comprendre différemment le monde matériel. Au lieu de le considérer comme la source des plaisirs et des satisfactions physiques, nous en ressentirons l’essence Divine profonde.

Cela introduira une ère nouvelle, une ère où, selon les paroles des prophètes, «Je ferai en sorte que l’esprit d’impureté partira de la terre» et «la mort sera avalée pour l’éternité». Alors, le corps, lui-même, sera une source de vie éternelle. Et plus encore, même ceux qui sont partis reviendront à la vie.

 

Le Coin de la Halacha

 Quel respect doit-on accorder aux Cohanim (descendants d’Aharon, le Grand-Prêtre) ?

C’est une obligation de la Torah, valable en tous temps et en tous lieux, d’accorder du respect aux Cohanim et de leur donner priorité pour tout ce qui concerne le spirituel. Ainsi, on appellera un Cohen en premier pour la lecture publique de la Torah le Chabbat et les autres jours de lecture. (Le Cohen peut proposer de sortir un instant de la synagogue pour laisser sa place à un «simple Juif»).

Dans toute réunion, on demandera au Cohen de parler en premier ; on l’honorera en lui laissant être le premier à réciter la bénédiction Hamotsi sur le pain avant le début du repas et c’est lui qu’on servira en premier en lui donnant la meilleure part. C’est le Cohen qui aura l’honneur de réciter le Zimoun pour inviter les convives à réciter le Birkat Hamazone (après le repas) ou toute autre bénédiction destinée à rendre quitte un groupe de personnes comme la prière en commun. Toutes ces marques d’honneur sont obligatoires sauf si se trouve présent quelqu’un de plus important ou de plus érudit.

Lors d’un repas, on n’accorde d’honneur au Cohen que si tous les convives sont des invités et qu’il n’y a pas de maître de maison ou si tous sont des « maîtres de maison ». Cependant, s’il y a là un maître de maison – même s’il est Cohen ou érudit - il laisse l’invité prononcer les bénédictions car ainsi, l’invité aura l’occasion de bénir le maître de maison. Toutefois, le maître de maison peut choisir de prononcer lui-même les bénédictions ou de donner à un autre convive cet honneur. La personne à qui l'on propose cet honneur ne doit pas le refuser car « D.ieu accorde la bénédiction à celui qui bénit le premier ».

Un particulier ne demandera pas un service à un Cohen car même de nos jours (alors qu’il n’y a plus de sacrifices dans le Temple), le Cohen possède une sainteté supérieure. Cependant, si le Cohen accepte de passer outre ses prérogatives (et il en a le droit) ou s’il retire lui-même un intérêt de cela (par exemple il sera payé pour cela ou il considère comme un honneur de pouvoir rendre service), on peut le lui demander. On évitera de lui demander un service dégradant, même s’il affirme ne pas s’en offenser – à moins que ce ne soit son métier.

Certains affirment qu’un Cohen ne doit pas demander des services à un autre Cohen.

(d’après Rav Yossef Ginsburgh – Sichat Hachavoua N° 1539)

Le Recit de la Semaine

 « Frangement » vôtre…

Yaïr Benezra ne pourra jamais oublier ce mardi 13 octobre 2015. Ce radiologiste était sorti de sa maison de Raanana pour prendre le bus 437 vers Tel-Aviv, afin de se rendre chez un de ses clients. A l’arrêt, se trouvaient déjà une femme avec ses deux enfants. Soudain, Yaïr remarqua un homme qui s’avançait et qui éveilla ses soupçons : il suait à grosses gouttes et se conduisait de façon bizarre.

Mais avant même d’avoir pu comprendre ce qui se passait, Yaïr sentit que l’homme le poignardait. C’était un terroriste, habitant le village d’Arham au nord de Jérusalem. Yaïr réagit immédiatement et se battit contre l’assaillant, malgré ses blessures. Les passants qui assistèrent à la scène intervinrent eux aussi très rapidement et l’aidèrent à prendre le dessus. Ils neutralisèrent le terroriste jusqu’à l’arrivée des forces de sécurité qui l’emmenèrent pour l’interroger puis le juger.

De fait, Yaïr avait été atteint de cinq coups de couteau !

«Ces coups de couteau me causèrent une douleur très intense », raconta Yaïr par la suite, pensivement. « Mais comme j’avais remarqué qu’il y avait à côté de moi une femme avec deux enfants, je me sentais obligé et déterminé à empêcher cet assassin de les poignarder eux aussi ! L’homme (si on peut ainsi qualifier ce genre de créature) avait crié « Allah Akbar » et, dans ses yeux, je voyais qu’il avait l’intention de me tuer !».

Yaïr décrivit ainsi les moments qui suivirent l’attentat : «Dès que l’assassin eut été maîtrisé, les passants s’occupèrent de me porter secours. Je perdais beaucoup de sang et il fallait au plus vite me faire un garrot. Dans l’affolement, il ne faut pas trop réfléchir et, en attendant l’ambulance avec les infirmiers et docteurs des premiers secours, on enroula autour de mes plaies mes Tsitsit (les franges attachées au Talit Katane que je portais sous la chemise) de façon à stopper l’hémorragie. Quand les secouristes arrivèrent, ils constatèrent avec satisfaction l’efficacité de ce garrot improvisé et m’emmenèrent, toutes sirènes hurlantes, vers le Centre médical de Kfar Saba où j’ai été très bien soigné.

Ce n’est qu’après coup que je me souvins de ce qui m’était arrivé le matin même. En me levant, j’avais eu un petit problème : la veille, j’avais lavé mon Talit Katane et il n’avait pas eu le temps de sécher. J’en possédais un autre, tout neuf, que je venais d’acheter pour l’inaugurer au mariage de ma sœur. D’un côté, le mauvais penchant me suggérait de ne pas porter de Tsitsit juste aujourd’hui mais j’avais finalement décidé de me comporter comme il convient et de ne pas marcher même une journée sans Tsitsit. J’avais donc mis mon tout nouveau Talit, tout propre, sans attendre le jour du mariage. En le mettant, j’avais ressenti une énergie nouvelle, comme un soulagement d’avoir pris la bonne décision.

De fait, mes Tsitsit n’avaient pas seulement servi de garrot ce jour-là. Ils m’avaient aussi sauvé la vie d’une autre manière puisqu’ils m’avaient servi de «carte d’identité». En effet, durant le combat que j’ai mené farouchement avec le terroriste, il y a eu des moments où son poignard se trouvait enfoncé sous ma main et il était difficile pour ceux qui tentaient de nous séparer de déterminer avec certitude qui était l’assaillant et qui était la victime ! Ma Kippa était tombée par terre et les passants n’auraient pas pu savoir auquel des deux elle appartenait ! Mais quand ils ont remarqué mes Tsitsit, le doute n’était plus permis et ils ont compris qui ils devaient aider et surtout ils n’ont pas commis l’erreur tragique de tenter de me neutraliser !

Aujourd’hui, je considère la Mitsva des Tsitsit tout à fait différemment. Parfois, les gens ont du mal à mettre le Talit Katane, surtout en été quand il fait tellement chaud. Mais, à mes yeux, ils sont aussi indispensables que des lunettes sans lesquelles on ne peut pas voir. Ou comme un médicament absolument vital. Nos Tsitsit nous protègent et nous ne devons pas nous en passer ! ».

Depuis cet attentat, Yaïr s’intéresse de plus près aux Tsitsit : «Maintenant, quand je vais acheter des Tsitsit et qu’on me propose plusieurs modèles, je sais lequel choisir : j’exige le Talit Katane de la meilleure qualité !»

Mena’hem Cohen – Sichat Hachavoua N° 1538

Traduit par Feiga Lubecki