Samedi 21 juin 2014

  • Kora’h
Editorial

 Plus haut, plus vite

L’anecdote est connue : un des premiers maîtres du ‘hassidisme, Rabbi Zoussia d’Anipoli, enseigna qu’il avait appris de nombreuses choses en réfléchissant au comportement du voleur ; il en avait déduit la nécessité de la discrétion, du dévouement, de la continuité dans l’effort etc. C’est dire que tout ce que le monde offre à notre regard est, de la même manière, source d’inspiration. Or, sans doute en est-ce la saison, les jours qui passent et beaucoup de ceux qui sont immédiatement à venir donnent à suivre le spectacle de compétitions diverses. Et nombreux sont ceux pour qui il s’agit là d’événements majeurs, de ceux qu’on ne manquerait pour quasiment rien au monde. Dans une optique plus soucieuse de l’âme que du corps, cela pourrait paraître anodin. Pourtant, le fait est de nature à retenir l’attention car de telles rencontres présentent toutes des traits caractéristiques : envie de vaincre, capacité de dépassement de soi, limites toujours repoussées et, au moins pour certaines d’entre elles, sens de l’effort commun.

Ces idées-là sont importantes. Mises en œuvre dans le cadre du service de D.ieu, elles peuvent changer une vie, donner accès à un monde nouveau. Car, en dernière analyse, le judaïsme tout entier est fondé sur la notion de progrès, sur cette possibilité donnée à chacun de transformer les choses, d’être l’acteur de son avenir et non le jouet des vicissitudes du temps. Savoir que l’avancée est un objectif concret – quel que soit son niveau spirituel du moment – que tout est toujours modifiable – quelle que soit la pesanteur des choses – c’est détenir une clé, celle d’une existence que l’on peut diriger et ainsi rendre signifiante. Savoir que la victoire est au bout de l’effort et que combattre ensemble réalise bien plus que l’addition d’individualités mêmes brillantes, c’est donner corps à l’idée de fraternité.

Voici que l’on retrouve ici une de ces vérités anciennes et nouvelles. L’homme est la créature suprême voulue par D.ieu afin de mener le monde à son accomplissement. Le chemin est tracé et, même si l’ascension peut être longue, nous savons déjà que le sommet est à portée et que les moyens de l’atteindre sont entre nos mains.

Etincelles de Machiah

 Se préparer

Quand on arrive dans un lieu nouveau, on s’habille de manière conforme à cet endroit. Sans un vêtement convenable, il est difficile de s’y installer.

Nous sommes tout près de l’entrée du Chabbat. Il faut nous préparer à la venue du Machia’h.

D’après Sefer HaSi’hot 5696 p. 18

Vivre avec la Paracha

 Un véritable dirigeant

La Paracha de cette semaine relate comment Kora’h entra en confrontation avec Moché en protestant : «Toute la nation est sainte et D.ieu est parmi eux. Pourquoi t’ériges-tu au-dessus de l’assemblée de D.ieu ?»

Pour comprendre cette histoire, il nous faut nous concentrer sur différentes approches du leadership. L’une d’entre elles s’appuie sur le charisme. Un tel dirigeant attire le peuple parce qu’il «brille». Il projette une image d’un futur très prometteur. Kora’h était riche, il avait de l’humour et il promettait au peuple un avenir meilleur. C’est la raison pour laquelle il attirait dans son sillage de nombreux hommes crédules.

Moché était avare de paroles et avait des difficultés à communiquer. Les gens trouvaient difficile de le comprendre. Néanmoins, ils savaient que de Moché émanait la vérité de D.ieu. Il ne tirait pas la source de sa force de sa personne elle-même mais de son aptitude à se dépasser.

C’est la dissonance dans les sentiments qu’il inspira qui conduisit au conflit. Parce que Moché ne leur fit pas de promesses étincelantes, ils ne furent pas très inspirés par son message. Mais par ailleurs, ils prirent conscience, et D.ieu le leur rappela constamment, que Moché était le messager de D.ieu. Il ne prononçait pas ses propres paroles. Il ne disait que ce que D.ieu voulait qu’il dise.

Ce que cela semble impliquer est que Kora’h était attirant mais Moché, droit. Cela voudrait-il donc dire que choisir Moché aurait signifié choisir la rigueur en renonçant au plaisir ?

Moché mérite plus que cela. Un dirigeant comme Kora’h pourvoit aux besoins de ses adeptes de manière superficielle. Il leur offre des gratifications rutilantes et immédiates. Mais il n’investira pas l’énergie nécessaire pour pénétrer dans l’essence de ses fidèles.

Un Moché est différent. Son souci est de donner à son peuple la force de découvrir et d’accomplir sa mission dans la vie. Chaque individu a été créé dans le but d’accomplir une mission divine qui lui est propre. Un Moché est différent. Il ne donne pas de réponses rapides et de solutions toutes faites. Il va plutôt inciter l’homme à pénétrer dans le fond de son être et comprendre ce que D.ieu attend de lui.

Il est vrai que cela requiert de la personne de se projeter au-delà du présent immédiat. Elle ne doit pas aspirer au plaisir immédiat mais à ce qui est véritablement juste et vrai. C’est un plus grand défi mais aussi une réussite bien plus gratifiante. Car si quelque chose est vrai, bien que cela demande plus de sacrifice, au moment présent, cela conduit au bien véritable. Bien plus encore, le bien qui en résultera sera continu et perdurera dans l’avenir.

Moché donne au peuple une vision à long terme qui lui permet de vivre sa vie avec un but profond et dans la joie. Il fait surgir cette forme de bonheur qui jaillit de l’intérieur quand nous accomplissons quelque chose qui a du sens. Au lieu de ne viser qu’à une élévation immédiate, Moché aspire à la véritable réalisation de notre raison de vivre. Et la prise de conscience de cette mission le remplit de vitalité et de joie. Il est enthousiaste dans sa vie quotidienne parce que chaque acte qu’il accomplit résonne de signification.

Dans chaque génération, nous pouvons rencontrer des leaders comme Moché et Kora’h. De la même façon, chacun d’entre nous peut être un Moché ou un Kora’h. En effet, que ce soit dans notre foyer, dans notre lieu de travail ou parmi nos amis, nous agissons tous, à un moment ou à un autre, comme des dirigeants. Quand nous exerçons donc ce potentiel de leadership, nous ne devons pas nous concentrer sur l’intérêt personnel, immédiat, que ce soit le nôtre ou celui de la personne que nous cherchons à impressionner, mais sur des objectifs bien plus élevés.

Perspectives

Le problème du leadership évoque également l’Ere de la Rédemption. Car alors, il ne s’agira pas simplement d’une époque où l’humanité parviendra à son accomplissement total. Ce sera l’Ere de Machia’h. Un homme, Machia’h, initiera les changements qui embrasseront l’humanité tout entière.

Et pourquoi suivrons-nous Machia’h ? Pas à cause de son charisme et certainement pas à cause d’une campagne remplie de promesses.

Nous suivrons Machia’h parce qu’il portera un message de vérité. Ce qu’il dira aura un réel impact et nous reconnaîtrons qu’il s’agit du but et de l’objectif de la destinée humaine. Car lorsque nous sommes mis face à face avec la vérité, nous la reconnaissons. En fait, la vérité nous valorise et nous hisse à son niveau, éveillant en nous le potentiel de véritablement la réaliser. Telle est la clé du leadership de Machia’h.

Une grande partie du peuple soutenait Kora’h et Moché lança donc un défi : Kora’h et ses deux cent cinquante adeptes apporteraient des encens en offrande, ainsi qu’Aharon le Grand-Prêtre. D.ieu accepterait l’une des offrandes et ceux qui avaient apporté l’autre mourraient. Ce fut l’offrande d’Aharon que D.ieu accepta et la terre s’ouvrit et avala Kora’h et toute sa faction.

Mais qu’y avait-i de si grave dans la revendication de Kora’h ? Il semblerait même qu’elle ait pu être fondée. Puisque tous les membres du peuple sont saints, chacun d’entre eux possède une étincelle de Divinité. Pourquoi donc une personne devrait-elle «s’ériger» au-dessus des autres ? Et pourquoi D.ieu apporta-t-Il son support à Moché et Aharon ?

La réponse à ces questions dépend de la compréhension que l’on peut avoir de la dynamique du leadership. Il ne fait aucun doute que toute la nation était sainte mais pour exprimer cette sainteté, le peuple devait être motivé et inspiré. Et cela requérait un dirigeant, un Moché.

Un dirigeant donne à son peuple la force de réaliser son potentiel et de l’exprimer. Sans un tel homme, et bien que les membres du peuple possèdent des qualités extraordinaires, ils risquent de rester passifs et de ne pas les utiliser ni de les exprimer.

Bien que chacun possédât une étincelle essentielle divine, il était de la responsabilité de Moché de permettre la révélation de cette Divinité. Chacun possédait le potentiel mais comme l’indique le récit biblique, ils faillirent, à maintes occasions, à réaliser ce potentiel. C’est Moché qui les motivait, les faisait aller de l’avant pour exprimer ce qu’ils étaient réellement.

Le Coin de la Halacha

 Comment se prépare-t-on à un voyage ? (suite)

Avant de partir en voyage, on veille à se munir de Tseda Ladérè’h (provisions pour la route), même si des repas cachères sont prévus par la compagnie d’aviation (voir Hala’ha de la semaine dernière).

Rabbi Yehouda Ha’hassid recommandait de ne pas cirer ses chaussures le jour du voyage.

On prend congé de sa famille et de ses amis sur des mots de Hala’ha et de façon joyeuse mais pas en pleurant.

Si on a oublié quelque chose à la maison, on évite de retourner une fois qu’on est parti, sauf si c’est important ; si possible on demande à celui qui reste de sortir apporter l’objet en question.

Il est préférable de ne partir qu’après avoir procédé à la prière du matin ; si possible, on étudiera aussi au moins un peu de Torah. Avant de partir, on pose la main sur la Mezouza.

On accompagne le voyageur quelques pas : c’est une grande Mitsva pour celui qui accompagne, c’est une protection pour celui qui voyage. Le Baal Chem Tov recommandait que le voyageur ne dise pas de façon explicite à l’accompagnateur de retourner chez lui.

Une fois qu’on a franchi quelques kilomètres en dehors de toute habitation, on prononcera Tefilat Hadérè’h, la prière du voyageur – si possible debout ; il est recommandé de la prononcer après une autre bénédiction, par exemple la bénédiction après avoir mangé.

F.L. (d’après Rav Shmuel Bistritzky – Hamitsvaïm Kehil’hatam)

Le Recit de la Semaine

 Le mal absolu ?

Je suis né à Detroit (Michigan) en 1945, dans une famille juive qui n’était pas pratiquante. A l’époque, tous les garçons juifs célébraient leur Bar Mitsva mais on affirmait en plaisantant que, pour des gens comme nous, c’était 99 % Bar et un pour cent Mitsva.

En 1963, j’entrai à l’Université, y étudiai la philosophie et obtins mes diplômes. Durant ces quatre ans, j’avais réussi à jeter au loin le dernier un pour cent de ma Bar Mitsva et usai les 99 pour cent restant littéralement : je devins chanteur dans un bar de l’université de Ann Arbor.

Puis arriva le jour où un professeur célèbre qui avait pris une quantité impressionnante de LSD fit une conférence. J’allai l’écouter, debout, avec des milliers d’autres étudiants car la salle était bondée. Il expliqua l’importance de consommer cette nouvelle drogue psychédélique qui vous permet, selon lui, de découvrir de nouveaux aspects de votre personnalité et de devenir ce que vous êtes vraiment. Il ajouta que quiconque mériterait d’être ainsi illuminé par cette substance ne ferait de mal à personne. Puis il ajouta qu’il n’existait qu’un seul mal absolu dans le monde…

J’attendais avec avidité le nom de ce mal absolu. J’avais déjà décidé en mon for intérieur que, dès qu’il aurait achevé sa conférence, j’essaierai cette nouvelle drogue qui devait - disait-il - apporter la réponse à tous les problèmes du monde.

Et il donna le nom de ce mal absolu : les Juifs et leur D.ieu jaloux…

A l’époque, mon identité juive était inexistante – j’étais à peine conscient que j’étais juif. Mais cet homme qu’on estimait très intelligent affirmait que les Juifs étaient mauvais : je voulais comprendre qu’est-ce qu’il trouvait dans les Juifs qui était si mal et comment il était parvenu à cette conclusion.

Pour comprendre, je lus la Bible et fus étonné, en lisant le Livre de la Genèse, que la Bible n’était pas du tout biblique. Je veux dire, Avraham n’accomplit aucun miracle ; Isaac et Jacob ne parlaient ni du ciel ni de l’enfer ; ils ne prononçaient aucun sermon, ils n’accomplissaient aucun rituel : toutes ces choses font partie des autres religions mais là, je n’en trouvais pas de traces.

Je devins obsédé pour comprendre Avraham, Isaac et Jacob. Toutes les autres religions, je pouvais les comprendre – j’avais étudié la théologie comparative à l’université, surtout les philosophies orientales et je savais que les religions vous promettent de nouveaux pouvoirs, des révélations, de nouveaux plaisirs ou des lumières éblouissantes. Mais ici, il n’y avait pas de promesses. Même les quelques promesses que D.ieu avait faites aux Patriarches, Il ne les avait pas tenues de leur vivant. Moïse n’était jamais entré en Terre Promise. Donc je ne comprenais pas du tout de quoi parlait le judaïsme.

Pour obtenir des réponses, je fréquentais différentes synagogues et contactais de nombreux rabbins. Mais je ne trouvai aucune réponse satisfaisante jusqu’à ce qu’en 1971, je rencontrai un ‘Hassid de Loubavitch, le regretté Rav Itche Meir Kogan qui me conseilla : « Tu dois poser tes questions à cet homme ! » en désignant une photo du Rabbi de Loubavitch. Cela signifiait douze heures de voiture depuis le Michigan jusqu’à New York mais je le fis.

J’arrivai pendant un Farbrenguen (réunion ‘hassidique) au Quartier Général du 770 Eastern Parkway : il y avait là quelque chose comme 500 ou 700 ‘Hassidim qui chantaient une très belle mélodie. J’adore la musique – je suis un musicien professionnel – mais je n’avais jamais entendu pareille musique. Celle-ci me transporta dans une toute autre perspective, ouverte et positive.

Puis le Rabbi se mit à parler. Il parla pendant deux heures en yiddish, une langue que je ne connaissais pas du tout mais je le regardai et j’observai les ‘Hassidim. J’ai constaté que le Rabbi ne parlait pas comme un gourou, il ne tentait pas de mettre les gens en transe. Au contraire, il s’adressait vraiment à son public et toute l’atmosphère était quelque chose que je n’avais jamais expérimenté auparavant. Ce n’était pas spirituel, ce n’était certainement pas physique. C’était quelque chose de très réel.

Je me suis demandé : qui est cet homme ? Ce ne peut pas être une personne normale. Mais ce n’est pas non plus un ange ou une sorte de mystique. Alors qui est-il ? Et soudain je réalisai : C’est un Juif comme Avraham, Isaac et Jacob. Et je me suis dit : « C’est un Juif et je suis juif ! Je reste ici ! ».

Je suis resté pour apprendre comment être comme Avraham, Isaac et Jacob, comment faire de ce monde en endroit meilleur. J’ai étudié dans une Yechiva – Hadar Hatorah - et je me suis vraiment investi dans l’étude, jour et nuit. Mais il me restait une question, une question qui me hantait vraiment.

Puis j’ai eu le privilège d’entrer en Ye’hidout, entrevue privée pour « être ensemble en unité avec le Rabbi ». Le but est d’éveiller un niveau de votre âme qui est cette part qui veut agir dans ce monde pour le réparer et en faire un endroit meilleur.

Quand je vis le Rabbi, je lui confiai mon grand problème ; je lui dis que les religions orientales ne m’avaient jamais intéressé. Leurs philosophies - révélations et nirvana - étaient séduisantes mais, à la base, c’était des religions égoïstes, concernées uniquement par le bien-être de l’individu et non celui des autres. Mais le christianisme était différent ; les chrétiens suivaient un homme qui déclarait : « Jetez tout, ne croyez qu’en D.ieu et, de cette manière, vous trouverez la sainteté ». Je n’avais jamais, même un instant, pensé que cet homme était un dieu mais j’estimai qu’il avait apporté un message nouveau et important. Je confiai au Rabbi : « Cette idée n’arrête pas de troubler mon esprit ! Que dois-je faire ? »

Le Rabbi répondit : « Votre mission actuellement est d’étudier la Torah et d’oublier complètement tout cela. Toute vérité qui pourrait se trouver dans cette religion a son origine dans la Torah ».

J’insistai : « Si j’étudie la Torah, pourrais-je prouver que le christianisme est faux ? »

Le Rabbi affirma : « Non, ce n’est pas votre travail ! Votre travail est de vous concentrer sur ce qui est bon. Vous devez étudier la Torah, le Talmud, les lois juives et les écrits ‘hassidiques ! »

Dès que le Rabbi acheva ces mots, je devins calme. C’était comme si j’étais devenu une autre personne, comme si – spirituellement – il avait renforcé quelque chose en moi et je réalisai que mon bonheur ne viendrait pas de cette direction. Avec ces quelques mots, le Rabbi avait enlevé de mes épaules un énorme fardeau et, à partir de cet instant, je pouvais me concentrer sur le fait d’être juif.

(JEM) - Rav Tuvia Bolton – Directeur de la Yechiva Ohr Tmimim – Israël

Traduit par Feiga Lubecki