Semaine 3

  • Yitro
Editorial

 Tous des arbres ?

Nous venons à peine, le dernier Chabbat, de commémorer, pour la 64ème fois, le 10 Chevat, le jour où le Rabbi succéda à son beau-père, devenant le Rabbi de Loubavitch. Voici que survient alors, par définition moins d’une semaine plus tard, le 15 Chevat, le «nouvel an des arbres», ce jour où, selon l’enseignement du Talmud, D.ieu juge les arbres et qui, même s’il n’est pas associé à un jour de fête au sens strict, ressort comme un point de joie sur le tissu des jours. Faut-il n’y voir qu’un hasard de calendrier ? C’est qu’il y a comme un lien profond entre ces dates successives. Il a été abondamment dit que le 10 Chevat n’est pas un simple anniversaire mais bien le début d’un nouveau temps qui a vu les retrouvailles entre le judaïsme, la pratique de ses commandements et de larges segments du peuple juif, comme une sorte de révolution. Quels sont donc la place et le sens du 15 Chevat ?

Ce «nouvel an» est aussi la marque d’une renaissance. Certes, les commentateurs relèvent qu’à ce moment, avant le début du printemps, c’est le tout premier frémissement qui monte au cœur des arbres. Après la période où le froid a endormi la nature, c’est d’un retour de la vie qu’il s’agit. Et cela nous concerne au premier chef, d’abord au titre d’utilisateurs des arbres et des fruits qu’ils nous prodiguent, mais aussi en tant qu’arbres métaphoriques nous-mêmes. «L’homme est un arbre des champs» dit le texte. Affirmation surprenante mais ô combien légitime. Le parallèle s’impose de lui-même : parler de «racines», de «branches» et de «fruits» ne peut être que puissamment évocateur du destin des hommes. Gardons-nous cependant de ne voir le propos que comme une image facile. Il décrit profondément la réalité des choses : sans racines – dans tous les sens du terme – quel espoir de fruits pourrions-nous avoir ?

Et finalement le 10 Chevat ne nous a-t-il pas donné le même message ? Vitaliser ou retrouver des racines, faire grandir ce que nous sommes, faire que toute notre vie ait un sens parce que nous portons les «fruits» qui donneront un lendemain à toutes les générations à venir : l’œuvre du Rabbi continue de montrer sa puissance. Le 15 Chevat exprime aussi tout cela. De date en date, nous voici au cœur des choses – à prendre à cœur.

Etincelles de Machiah

 Tout à coup !

Un jour, le Rabbi Précédent entendit un des ‘hassidim citer à un de ses amis le mot connu : «Au moment de la venue de Machia’h, le tailleur et le cordonnier seront occupés à leur travail et Machia’h arrivera tout à coup !» Le Rabbi intervint alors et dit : «Oui, ce sera exactement comme cela !»

Une autre fois, des ‘hassidim se tenaient près du bureau du Rabbi et parlaient de la venue de Machia’h, comment se produirait la Délivrance. Le Rabbi sortit brusquement de la pièce où il se trouvait et déclara : «C’est ainsi qu’il arrivera !»

(D’après Kfar ‘Habad n°626) H.N.

Vivre avec la Paracha

 Yitro

 Et il se retrouvait naufragé, isolé sur une île déserte. Il passa en revue les quelques objets qui avaient échappé, comme lui, au naufrage : quelques outils, quelques objets et un livre. Il prit le livre et le mit à l’abri car il réalisa qu’il serait sa seule source de stimulation intellectuelle.

Sur l’île, il y avait de grandes réserves d’eau potable, de fruits et d’animaux qui lui permirent de survivre. Mais l’homme était intéressé par quelque chose de plus que la simple survie. Alors que fit-il pour progresser ? Il lut son livre. Et il le relut et le relut encore. Sept années passèrent jusqu’au jour où un navire l’aperçut. Il avait alors tant étudié le livre que non seulement il avait acquis la connaissance de son contenu mais également celle de son auteur. Il comprenait à quels aspects de la personnalité de l’auteur faisaient référence les traits de ses personnages et pourquoi leurs destinées se croisaient.

La métaphore se réfère au Livre des livres, la Torah. Mais la Torah n’est pas simplement un livre. C’est un outil qui nous permet de connaître D.ieu Qui l’a composé. Par cette connaissance de D.ieu, toute notre conception de l’existence change. Nos relations avec notre prochain s’enrichissent également et sont plus gratifiantes. Car lorsque nous étudions la Torah, notre processus intellectuel s’aligne sur celui de D.ieu et nous considérons autrui comme Il le désire.

«J’ai bon cœur. Je veux aider les autres, voilà ce qui est important. Laissez-moi me concentrer sur faire le bien pour de mon prochain. Et quand je m’en serai acquitté, je me consacrerai alors à faire ce qui est bien pour D.ieu».

Ces paroles ne constituent pas un argument original. Bien au contraire, au cours de notre histoire, nous l’avons souvent entendu refaire surface. Et pourtant, depuis ses origines, le judaïsme n’a jamais accepté cette approche. Au Mont Sinaï, quand D.ieu nous a donné les Dix Commandements, Il les a divisés en deux groupes. Les quatre premiers commandements se concentrent sur notre relation avec D.ieu : croire en Lui, ne pas servir d’idoles, ne pas utiliser Son nom en vain, garder le Chabbat. Les six autres commandements évoquent nos relations avec nos congénères : il s’agit d’honorer notre père et notre mère, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d’adultère, ne pas porter de faux témoignages et ne pas envier.

Ces deux groupes de commandements furent donnés ensemble, les commandements relatifs entre les hommes et D.ieu venant en premier. Pourquoi ?

Parce que, de notre propre chef, nous ne pouvons être sûrs d’être toujours bons. Nous avons besoin de références objectives pour diriger notre conduite. Un homme peut avoir les meilleures intentions du monde mais quand il s’agit de leur réalisation, il peut arriver à porter gravement atteinte à son prochain.

Comment cela se peut-il ? En fait, «l’amour couvre tous les défauts» et l’amour-propre est la forme d’amour la plus puissante. A cause de la place prépondérante qu’occupent notre propre personne, ce que nous aimons et ce que nous pensons être juste, nous pouvons perdre de vue ce qui arrive à l’autre. Et bien que nous le blessions, nous en arrivons à penser que ce que nous faisons est bien.

Il y a un peu plus d’une génération, cette thèse aurait pu être contestée sur les fondements de la logique. Mais aujourd’hui, nous sommes tous témoins de ce qui arrive quand la nécessité de références divines est ignorée. Au début du vingtième siècle, le modèle de la civilisation, le maître de la science, de la culture, de la philosophie et de la morale était l’Allemagne et, en tant que nation, elle représentait le succès des efforts humains pour s’améliorer.

Et pourtant, cette nation perpétra le plus hideux des crimes et les atrocités les plus horribles de l’histoire, et tout cela au nom du progrès de l’humanité. Mais plus grave encore, la canaille n’était pas seule à soutenir ces actes. D’une façon générale, les défenseurs de la science et de la culture ne s’opposèrent pas non plus au régime nazi. En fait, c’est une grande majorité qui y collabora.

Livré à lui-même, l’homme peut ne pas percevoir la motivation de ses actes ou leurs conséquences. C’est la raison pour laquelle la Torah nous donne des règles objectives de justice et de moralité. Il faut s’y tenir, non parce que nous pensons qu’elles sont valables et bénéfiques mais parce qu’elles constituent la loi de D.ieu, immuable et éternelle.

Cette approche nous empêche également de tomber dans l’autre extrême : celui des individus qui proclament qu’ils sont religieux mais qui n’ont aucune idée de ce que signifie se comporter honnêtement avec autrui. Quand les règles de morale sont comprises comme étant la loi de D.ieu, de tels individus ne peuvent continuer à adopter cette double attitude. Ils ne peuvent se cacher derrière un habit de sainteté alors qu’ils agissent malhonnêtement. Car la Torah nous conduit non seulement au développement spirituel et à une étroite relation avec D.ieu mais également à l’essor en tant que peuple et à des relations humaines développées et harmonieuses.

Voir plus loin

Lorsqu’il évoque la venue de Machia’h, Maïmonide écrit : «C’est la principale dynamique du sujet. Cette Torah, avec ses lois et ses statuts, est éternelle. On ne peut rien y ajouter ni en retrancher».

Les paroles de Maïmonide ont pour but, d’une part, de bien différencier le concept juif sur les apports de Machi’ah de celui des autres religions. Cela est évident dans la conclusion de son texte, longtemps censurée dans les versions courantes de son œuvre mais récemment publiée : «Celui qui ajoute (aux Mitsvot), y retranche ou donne une interprétation erronée de la Torah, impliquant que les Mitsvot ne doivent pas être comprises littéralement, est, à coup sûr, un hérétique».

Par ailleurs, une vérité plus profonde y est recélée. Le Don de la Torah représente un tournant dans l’histoire spirituelle du monde : D.ieu Se révéla à l’homme et lui donna un code de lois. Puisque ces lois sont divines, tout comme D.ieu, elles ne changent pas.

C’est la raison pour laquelle nous ne nous attendons pas à ce que Machia’h change pour nous la Torah et révèle de nouvelles lois. Puisque la Torah est la vérité de D.ieu, rien ne peut être fait pour l’améliorer.

Cependant, la Torah est infinie et illimitée, comme D.ieu Lui-même. Bien qu’elle ne fasse l’objet d’aucun changement, à l’Ere de la Rédemption, de nouvelles dimensions nous en seront révélées, qui éclipseront les enseignements de l’âge présent. Car aujourd’hui, ne nous est découvert qu’un reflet limité de l’essence de la Torah. Mais à l’époque de Machia’h, nous pourrons apprécier la Torah dans sa vérité profonde.

Le Coin de la Halacha

 En quoi consiste l’obligation de Kissouy Haroch ?

La Torah précise que chaque femme mariée (ou qui a été mariée selon la loi juive) doit couvrir les cheveux de sa tête car cela contribue à son honneur. D’après les récits de nos Sages, il apparaît que, de tous temps, les femmes juives ont été particulièrement attentives à ne pas laisser apparaître leurs cheveux.

Même si un seul décisionnaire a permis de laisser apparaître éventuellement quelques cheveux sur le côté, cela ne serait permis que dans les endroits où cela est devenu une habitude.

Mais la majorité des décisionnaires estiment qu’il ne faut en aucun cas laisser dépasser même peu de cheveux, comme il est d’ailleurs de tradition dans les communautés Ashkénazes et la plupart des communautés Séfarades. On pourrait comprendre d’après certains que des permissions seraient admises à l’intérieur de la maison mais la majorité des décisionnaires s’y opposent fermement.

Les Sages racontent qu’une femme nommée Kim’hit mérita d’avoir sept fils qui devinrent tous Cohen Gadol car «les murs de sa maison n’avaient jamais vu ses cheveux». Le Zohar promet que les femmes qui pratiquent correctement cette Mitsva mériteront – elles ainsi que leurs maris et leurs enfants – les plus grandes bénédictions, dans tous les domaines : santé, famille, finances.

La Torah n’interdit pas à une femme de se rendre belle – à condition que ce soit dans les limites de la décence et de la discrétion. De nos jours, il est recommandé (par presque tous les décisionnaires) de porter une perruque plutôt qu’un foulard ou un chapeau parce que :

- Souvent le foulard ou le chapeau glisse et laisse apparaître des cheveux alors que la perruque recouvre tous les cheveux, constamment.

- Si elle se trouve dans un environnement étranger, la femme pourrait être tentée d’enlever son foulard ou du moins le faire glisser subrepticement pour laisser apparaître quelques cheveux. Ceci est évidemment impensable avec une perruque.

F.L. (d’après Rav Yossef S. Ginsburgh – Pinat Hahala’ha)

Le Recit de la Semaine

 Votre uniforme royal

En septembre 2007, je me trouvais à Monte Carlo pour un mariage.

Le samedi matin, nous avions prié à la synagogue locale avant de nous rendre à l’Hôtel de Paris. En entrant dans le lobby, j’eus la surprise d’apercevoir une grande présence sécuritaire. J’appris alors que le légendaire leader sud-africain, Nelson Mandela, était hébergé à l’hôtel. De fait, il était assis dans l’une des salles du lobby où je passais justement.

Instinctivement, je souhaitai rencontrer cet homme dont on racontait beaucoup de bien. Les mesures de sécurité étaient draconiennes : je demandai à l’un de ses gardes du corps si je pouvais m’approcher afin de bénir l’ancien président d’Afrique du sud. C’est alors qu’un autre membre du service de sécurité me demanda ce que je désirais. Le premier expliqua que j’étais un rabbin désireux de bénir Mandela en ce jour saint du Chabbat. Ils acceptèrent de me laisser entrer.

Quand j’approchai de l’ancien président, il leva les yeux et exprima une grande satisfaction. J’étais vêtu comme tout ‘Hassid le jour du Chabbat, avec redingote noire et chapeau noir : de plus, comme je venais de quitter la synagogue, mon Talit blanc à rayures noires était encore posé sur mes épaules.

Après de brèves présentations (je suis directeur du mouvement Loubavitch à Moscou), Mandela m’invita à prendre place à côté de lui. Il me demanda de bien vouloir le bénir et affirma qu’il était très ému que j’accepte de le bénir en ce jour saint de Chabbat. Il mentionna également combien il aimait quand « son » rabbin, le Grand-Rabbin Cyril Harris le bénissait à son retour en Afrique du sud.

En observant ce grand homme qui avait souffert durant des décennies en prison, qui avait combattu pour la liberté et avait réussi à cicatriser les plaies d’une nation déchirée par l’apartheid, je brûlai de lui poser une question : avait-il déjà établi une comparaison entre sa propre histoire et celle du Joseph de la Bible ?

Sans hésiter, Mandela répliqua qu’il avait ressenti une grande proximité avec Joseph, emprisonné à vie mais qui avait trouvé une force rare intérieure grâce à une perspective positive et avait finalement émergé en tant que leader charismatique. Mandela se mit à rire et remarqua : «Mais j’ai passé bien plus d’années que lui en prison !».

Je lui demandai alors :

- Est-en en l’honneur de la tunique multicolore de Joseph que vous portez vos fameuses chemises de couleur appelées ‘les chemises de Madiba’ ?

- Non, répliqua-t-il. Je porte ces chemises pour représenter mon peuple et leur lutte pour représenter les belles cultures et traditions différentes de l’Afrique.

Il caressa avec douceur le continent africain brodé sur sa chemise de soie noire confectionnée sur mesure.

Nous parlions librement. Il commenta mon habit et déclara : «Quand je vous vois habillé ainsi, cela me rappelle ma visite dans la synagogue au Cap un Chabbat matin, quelques jours après mon élection». Lors de ce premier contact avec la communauté en mai 1994 dans la synagogue «Green and Sea Point Hebrew Congregation», le Grand-Rabbin, Rav Harris, l’avait invité à assister à l’office du matin.

Mandela se souvenait comment il s’était adressé à la salle bondée et avait appelé la communauté juive locale à implorer les membres de leurs familles qui avaient fui le pays de revenir pour reconstruire ensemble une Afrique du sud démocratique. (Il faut se souvenir qu’à l’époque, tous les «experts» prédisaient un bain de sang dans ce pays à l’arrivée de Mandela au pouvoir mais seul le Rabbi de Loubavitch avait rassuré les Juifs inquiets que la transition se passerait pacifiquement – comme ce fut le cas effectivement – et qu’il n’était pas nécessaire de quitter le pays). Mandela avait alors demandé à la communauté locale de ne pas craindre un gouvernement d’union nationale et avait promis : «Ensemble nous réussirons».

Il rappela alors : «Quand j’ai rejoint ma voiture, mon chauffeur me tendit un cadeau offert par une dame qui avait assisté à mon discours à la synagogue ce matin : c’était une belle chemise noire, avec un motif représentant un poisson doré. J’ai décidé de porter cette chemise lors de la séance d’ouverture du parlement de notre nouveau gouvernement démocratique. Après que j’ai porté cette chemise, cette dame (la styliste Desre Buirski) continua à m’envoyer des chemises. Nous sommes devenus de bons amis et elle dessina des centaines de chemises rien que pour moi. Celles-ci m’ont aidé à porter mon message de paix tout autour du monde. Tout cela, ajouta-t-il avec un sourire, «débuta par ma visite à la synagogue un samedi matin !».

Je me levai et le remerciai pour sa générosité à l’époque et pour m’avoir accordé l’honneur de lui parler. Avant que je ne parte, Mandela me félicita pour mon habit ‘hassidique traditionnel : «Je suis heureux de vous voir habillé ainsi. Vous devez toujours être fier de porter les vêtements traditionnels de la foi juive comme une marque d’honneur !» Et, en me tendant la main, il ajouta : «Souvenez-vous, jeune rabbin que, quand vous revêtez votre uniforme royal, vous représentez tout ce que symbolise la Bible : comment tous les humains sont les enfants de D.ieu, créés à l’image de D.ieu, quelles que soient leur origine, leur couleur ou leur foi !»

Rav Avraham Berkowitz – L’Chaim N° 1302 Traduit par Feiga Lubecki