Semaine 12

  • Tsav
Editorial
Pourim pour chasser les ombres

Pourim est de retour. Quatre mots et tout est dit: la victoire de l'espoir sur les forces de la nuit, l'allégresse et la joie éternelle qui réduisent à néant les tenants de la désespérance. Tant de choses dans un simple et unique jour de fête ! Pourtant, ces idées n'ont jamais cessé d'accompagner le peuple juif, quelle qu'ait pu être la situation du temps ou l'atmosphère des jours. D'une certaine manière, elles ont modelé, peu à peu, sa façon d'être présent au monde. Elles ont fait de lui, jusque dans les périodes les plus sombres, un porteur de lumière.
Certains pourraient parfois penser que Pourim n'est jamais qu'une occasion de réjouissance de plus, certes agréable, particulièrement dans des temps difficiles, mais finalement de portée limitée. Ils pourraient croire que cela tient plus du folklore que d'une authentique spiritualité. Mais Pourim est une lumière qu'il faut laisser grandir en soi et dans le monde. C'est un feu de joie qu'il faut savoir faire vivre et entretenir. Car l'allégresse est à la fois chose merveilleuse et étonnamment fragile. Elle disperse les ombres, elle revitalise toutes les énergies mais, pour être présente, elle attend l'implication de chacun.
Dans ce sens, Pourim est comme un pont entre l'homme et cette vérité essentielle: la joie brise les barrières, anéantit les limites, assure la victoire de la lumière de l'âme sur la nuit des esprits. Ce pouvoir est si grand que, lorsque les évènements de Pourim arrivèrent historiquement, il réussit à transformer le déroulement des choses. Ce fut une transformation brutale qui fit naître un avenir là où, selon les plans d'Haman, il ne devait y avoir que les décombres d'un passé à jamais perdu. La vie s'installa là où rien ne laissait voir la moindre possibilité de résurgence.
Aussi, quand, à chaque Pourim, les rires disputent l'espace sonore au bruit des crécelles, c'est tout notre univers mental qui en résonne. Et cela retentit longtemps. Alors que la joie de la fête disparaît dans ses manifestations rituelles lorsque le jour descend, son empreinte est en chacun de nous pour toute l'année. C'est elle qui nous conduit sur tous les chemins de la vie; c'est encore elle qui est notre plus fidèle alliée. C'est toujours elle qui nous guidera sur le chemin de la plus grande lumière, celui de Machia'h.
Etincelles de Machiah
Nos Sages enseignent (Midrach Michlé 9: 2) que "toutes les fêtes seront annulées dans les temps futurs, en dehors de Pourim". Cette étonnante proposition fait référence à l'époque de Machia'h. Elle signifie que la révélation Divine sera alors si intense que celle habituellement suscitée par les fêtes apparaîtra aussi insignifiante que la flamme d'une bougie placée dans la lumière du soleil.
Cependant, Pourim est une exception. En effet, le miracle qui caractérise cette fête est lié au sacrifice de soi que les Juifs mirent en œuvre durant toute la durée de l'année où la menace d'Haman exista. De fait, s'ils avaient accepté de se convertir, le décret d'Haman ne se serait pas appliqué à eux. Ce sacrifice librement consenti entraîna une réponse Divine si extraordinaire que, même au temps de Machia'h, cette révélation apparaîtra toujours aussi sublime. Pour cela, elle ne disparaîtra jamais.
(D'après Séfer Hamaamarim 5626, p. 34)
Vivre avec la Paracha
Tsav
L’Autel extérieur

Rabbi Eléazar donnait une pièce au pauvre, et seulement après, il priait (Talmud Bava Batra 10a).

Le Temple de Jérusalem était une structure comparable à l’homme: ses pièces et son ameublement correspondaient aux différents organes et facultés qui forment l’être humain. Comme le soulignent nos Sages, quand D.ieu s’adressa à Moché: “ils Me feront un Sanctuaire et Je résiderai en eux” (Exode 25: 8). Il ne dit pas “Je résiderai en lui” mais “en eux”. En d’autres termes, alors que le Temple était le point central du service de l’homme pour son Créateur et le lieu qui exprimait le plus intensément la Présence Divine sur terre, l’objectif du service du Temple était que l’homme applique sa conscience et son expérience du Divin qui dominait dans le Temple, à tous les aspects de sa vie quotidienne. Ainsi, chacun des ustensiles du Temple et les services qui les utilisaient ont-ils leur équivalent dans la manière dont l’homme mène sa vie et sert son Créateur.
Les services accomplis dans le Temple tombent dans deux catégories générales: les “services intérieurs”, dans le Temple à proprement parler (le Hé’hal), et les “services extérieurs” dans la cour du Temple (la Azarah). Au niveau individuel, cela se traduit dans les deux domaines fondamentaux du comportement humain: le développement spirituel intérieur de la personne et les domaines plus extérieurs de sa vie: ses efforts pour raffiner son moi spirituel et ses implications avec son prochain et le monde environnant.

La trajectoire de la flamme
Le sentiment instinctif d’un individu peut l’incliner à mener son chemin de l’intérieur vers l’extérieur. En premier lieu, il s’absorbera dans les besoins internes de son âme, puis il tournera son attention vers des préoccupations “extérieures”. Ayant atteint une paix et une perfection intérieures, il sera en position d’influencer véritablement son environnement. “D’abord occupe-toi du feu qui doit brûler dans ton foyer, se dit-il, puis tu t’absorberas dans l’illumination de l’extérieur”.
Pourtant, dans le Temple, les choses ne se passaient pas ainsi mais exactement à l’opposé. La première tâche du jour consistait à allumer un feu sur le Mizbéa’h Ha’hitson, “l’autel extérieur” qui était érigé dans la cour du Temple. En fait, la loi de la Torah stipule spécifiquement que “l’autel intérieur” et la Menorah, le candélabre, qui se tenait dans la chambre intérieure du Temple, devaient être allumés à partir des feux du Mizbéa’h extérieur.
Les sept lampes à huile de la Menorah représentent la connaissance Divine de la Torah; “l’autel intérieur” correspond au raffinement et au perfectionnement des plus hautes facultés spirituelles de l’homme. Mais la gourmandise spirituelle n’est pas moins égoïste que son équivalence matérielle, et celui qui se préoccupe exclusivement de sa propre réalisation et de son propre accomplissement, même dans le sens le plus positif et le plus spirituel, renverse l’ordre dans son Temple personnel.
En réalité, plus un homme a de possessions, plus il a à donner aux autres. Il est aussi vrai que tant que la personne présente des lacunes dans certains domaines, il lui est certainement difficile de rectifier ces mêmes manques chez autrui. Il est donc évident qu’on ne peut ignorer le besoin d’autrui et se préoccuper d’abord d’atteindre soi-même la perfection!
Bien plus, nous réalisons souvent, lorsque nous essayons d’atteindre les autres, de les aider spirituellement, que les premiers bénéficiaires sont… nous-mêmes: une idée expliquée à autrui sera plus complètement et profondément comprise, l’aide apportée à un ami en situation difficile ouvre en nous des réserves de foi et de force morale dont nous étions loin d’être conscients.
C’est là la leçon implicite dans le fait que la Menorah et l’autel intérieur étaient allumés à partir du feu de la cour: porte-toi vers les autres, l’ “autre” en toi (c'est-à-dire ton moi matériel) et les autres au sens littéral, les autres auxquels tu peux apporter un peu de lumière et de chaleur dans leur vie parfois assombrie et froide. Cet acte d’illumination généreux saura à son tour allumer les feux du foyer des chambres intérieures de ton Temple personnel, au véritable et ultime sens. Ton étude et ta prière imprègneront ton esprit et ton cœur avec un sentiment et un attachement véritables au Tout Puissant.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le 'Hamets ?

Durant Pessa'h, on n'a le droit ni de posséder ni de consommer du 'Hamets. Il faudra donc avant le mercredi 16 avril 2003 se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple: le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d'hygiène.
C'est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc... avant Pessa'h, afin d'éliminer toutes les miettes.
Pour éviter de posséder, même involontairement du 'Hamets à Pessa'h, on remplira une procuration de vente, qu'on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le 'Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente doit parvenir au rabbin au plus tard la veille de Pessa'h, mardi soir 15 avril 2003.
Durant tout Pessa'h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le 'Hamets et la vaisselle 'Hamets qu'on n'utilisera pas durant Pessa'h mais qu'on pourra “récupérer” une heure après la fête, jeudi soir 24 avril 2003.
F. L.
De Recit de la Semaine
POURIM SADDAM

“Hello, Maman ! J’ai reçu mon ordre de mobilisation aujourd’hui ! dit David Zuk au téléphone, d’un ton apparemment détaché. Je pars demain matin pour l’Arabie Saoudite !”
“Oh, non !” dit sa mère, en pleurant déjà à l’autre bout du fil. Et son “non” résonnait aux oreilles de son fils de vingt ans.
“On m’a affecté au 101ème Régiment” dit David dont la voix n’était déjà plus si assurée et qui se cramponnait aux parois de la cabine téléphonique.
Le 101ème Régiment, surnommé “Les Aigles Hurlants” avait combattu en 1ère ligne sur tous les fronts: durant les deux guerres mondiales, en Corée et au Vietnam. Peu de ses soldats étaient revenus vivants…
La mère de David essayait de trouver les mots pour encourager son fils, mais c’était dur. Elle n’avait jamais très bien compris les choix de son fils: à seize ans, il était subitement devenu pratiquant et avait exigé de ne manger que cachère. Puis, deux ans plus tard, il s’était engagé volontairement dans l’armée… Que pouvait-elle dire ou faire devant ces choix incongrus ?
Mais maintenant, en entendant cette nouvelle, elle ne put que soupirer: “Je te l’avais bien dit !”
La Guerre du Golfe avait éclaté un mois plus tôt, le 17 janvier 1991. “Maman, on dit que la guerre durera au moins un an. Je ne sais pas quand je te reverrai. Je t’aime, Maman !”, parvint-il à murmurer en sentant ses forces l’abandonner.
En sortant de la cabine téléphonique, David contempla les sommets enneigés de sa base du Kentucky. Quand les reverrait-il ? Il avait entendu une rumeur qui circulait dans la base: quelqu’un avait prédit que la guerre serait terminée à Pourim. “Pourim n’est que dans un mois. C’est ridicule !”, pensait-il.
Effectivement Saddam Hussein aurait aimé la comparaison avec Haman, le persécuteur des Juifs dans le royaume de Perse, il y avait plus de deux mille cinq cents ans. Il s’était vanté de pouvoir “brûler la moitié d’Israël” avec ses Scuds chargés de gaz mortels. Ces missiles tueraient des milliers d’Israéliens, prouvant aux nations arabes qu’Israël était vulnérable, que D.ieu avait abandonné le “peuple élu” et que Saddam avait été choisi pour gouverner le monde. Le scénario semblait être une plaisanterie… jusqu’à ce que Saddam envahisse le Koweït.
Maintenant David allait devoir défendre le Koweït et l’Arabie Saoudite. Quelle ironie ! Il mit plus de ferveur que d’habitude dans sa prière du soir alors qu’il se tenait tourné vers Jérusalem (Au fait, de quel côté se tournerait-il en Arabie Saoudite ?). Avant de s’endormir, il repensa aux Scuds de fabrication soviétique qui avaient été “améliorés” avec des charges explosives fournies par les Européens : il étaient capables d’aplatir des tours de vingt étages tout en diffusant dans l’atmosphère des gaz mortels comme autant de poignards se répandant à des dizaines de kilomètres alentour.
Le premier Scud lancé sur Israël par l’Irak était tombé sur un immeuble dans un quartier très peuplé de Tel-Aviv: en pleine nuit, quatre cents appartements abritant mille deux cents personnes avaient été endommagés ou complètement détruits. Les hôpitaux de Tel-Aviv étaient sur le qui-vive. Les ambulances étaient arrivées: un homme se plaignait de quelques égratignures provoquées par les bris de vitres; une femme avait une petite plaie qu’elle aurait pu soigner chez elle avec des pansements. C’était tout. Même les non-religieux qualifiaient cela de miracle.
Durant la première semaine de guerre, l’Irak avait envoyé deux douzaines de Scuds qui avaient causé des dommages considérables. Le premier Chabbat, un Scud tomba sur une synagogue installée dans un préfabriqué: deux cents personnes s’y trouvaient en train de prier. Le souffle de l’explosion projeta les fidèles comme des pantins. Seule la paroi-est, contre laquelle se tenait l’armoire protégeant les rouleaux de la Torah, était restée intacte. Quand le premier Ministre, Its’hak Shamir et le maire de Tel-Aviv, Chlomo Lahat, avaient visité l’endroit, ils n’en avaient pas cru leurs yeux: personne n’avait été blessé.
Le lendemain matin, David embarqua avec plus de trois cents soldats dans un 747 qui fit une escale à Rome avant de se poser dans la ville portuaire de Dahran: le soleil tapait fort sur les étendues immenses du sable blanc le plus fin que David ait jamais vu. Il faisait 45° à l‘ombre. Mais il n’y avait pas d’ombre.
Le lendemain de son arrivée, il fut réveillé par la sirène: en trois secondes, il réussit à mettre son masque à gaz, mais son cœur battait à tout rompre. Nul gaz ne fut détecté et il put donc l’enlever au bout de quelques minutes mais Saddam avait gagné une première manche: le moral des troupes était atteint. Saddam avait un autre allié: le désert, sa chaleur torride et la rareté de l’eau. Les soldats n’auraient droit qu’à une douche par semaine.
Et Saddam continuait d’envoyer ses Scuds contre Israël, mais malgré les énormes dégâts, il n’y avait curieusement que très peu de victimes. La plupart des gens avaient fini par croire que ce n’était que des feux d’artifice…
Puis le 25 février au matin, David reçut l’ordre de se rendre avec une centaine de soldats à Al Khobar. Le soir même, un fragment de Scud s’abattit sur la base: une gigantesque explosion entendue à des kilomètres de là détruisit le baraquement. Il ne resta plus qu’un cratère de ruines. 28 soldats avaient été tués et 88 soldats grièvement blessés. L’avion qui aurait dû transporter David avait eu une panne et il ne se trouvait donc pas à Al Khobar: il avait échappé à la mort.
La guerre s’intensifia, les forces alliées avaient été tétanisées par cet événement. David fut envoyé au front, à 50 km du village d’Our Kassdim, lieu de naissance du patriarche Avraham, celui qui avait refusé de se prosterner devant les idoles et qui était sorti vivant de la fournaise où Nimrod l’avait précipité. La nuit, David pouvait contempler les millions d’étoiles dans le ciel: D.ieu n’avait-il pas promis à Avraham que sa descendance serait aussi nombreuse que les étoiles du ciel ?
Soudain, le 27 février, on annonça que la guerre était finie: le Koweït avait été libéré et l’Irak était envahi. Deux semaines plus tard, l’hebdomadaire Newsweek titrait en couverture: “Un triomphe aux proportions prophétiques !”. Ce n’est qu’à son retour aux Etats-Unis que David apprit que la guerre avait pris fin le jour de Pourim.
Tous les soldats du 101ème Régiment revinrent sains et saufs, avec David. Ils célébrèrent leur retour avec de grandes fêtes de remerciement à D.ieu.
Quelques mois plus tard, David passa un Chabbat chez Rav Zalman Posner à Nashville, Tennessee. Celui-ci lui tendit un fascicule contenant les déclarations publiques du Rabbi de Loubavitch. David n’avait jamais entendu parler du Rabbi. Mais il apprit alors que le Rabbi avait, longtemps auparavant, annoncé que la Guerre du Golfe s’achèverait à Pourim.
Après son service militaire, David s’inscrivit à la Yechiva, école talmudique, de Morristown, New Jersey.

Tzvi Jacobs
traduit par Feiga Lubecki