Semaine 51

  • Vaye’hi
Editorial
Voir autrement

Il est connu que le calendrier rythme largement la vie juive, qu’il lui donne ces pulsations régulières qui en soulignent les points forts et les temps de souvenir et de conscience. Cette semaine, dès son premier jour, nous plonge dans un univers particulier. En effet, c’est la semaine du 10 Tévet et quelque chose a changé dans notre perception des choses.
Ce jour-là, énonce la liturgie, “le roi de Babylone se rapprocha...”. Il faut entendre par là qu’il mit le siège devant Jérusalem. C’est certes un évènement dramatique, à telle enseigne que, plus tard, le prophète Ezéchiel se vit enseigner par un ange que ce jour devait être considéré comme celui du début de l’exil d’Israël et, à ce titre, institué comme un jour de jeûne.
Pourtant, le mot employé en hébreu est bien “se rapprocha” et non “mit le siège”. Le terme choisi est d’autant plus étonnant qu’il peut se traduire aussi bien en français par “soutint”. Quelle distance sépare cependant ces deux notions: “mettre le siège” et “soutenir” sont des idées à l’opposé l’une de l’autre! Tandis que la première évoque la destruction et la chute, la seconde implique, au contraire, la vie qui continue et se renforce. C’est là un des secrets de la tradition juive: elle sait lire les évènements de différentes manières.
De fait, est-il précisé, l’avancée des armées babyloniennes pouvait avoir un sens très différent de celui qui, malheureusement, finit par se concrétiser. Elle aurait pu signifier un véritable soutien à cette source de lumière que constituent Jérusalem et le Temple pour l’ensemble des hommes. Elle ne fut synonyme de destruction que parce que le lien de chacun avec le judaïsme, avec D.ieu ne se révéla pas digne, en ce temps, du projet divin. Les actes ont toujours cette puissance ; ils entraînent immanquablement leurs conséquences. C’est ainsi que commença le siège de la Ville Sainte.
Bien des siècles sont passés depuis lors mais le jeûne du 10 Tévet nous rappelle d’année en année l’actualité de cette histoire. Chacun possède en soi les forces de faire de ce monde le lieu de paix et de sérénité dont tous les hommes rêvent. Chacun par son attachement à D.ieu, à Sa Torah, à Ses commandements, a le pouvoir de faire apparaître la lumière du cœur de l’obscurité, la liberté du cœur de l’oppression, le bonheur du plus fort de la tragédie. Sachons simplement nous en saisir.
Etincelles de Machiah
Comprendre notre temps

Le Talmud (traité Sotta 49a) enseigne : “Dans (la période des) talons de Machia’h… chaque jour, sa malédiction est supérieure à celle du jour précédent”. Le texte dépeint ici une situation dramatique : alors que le monde s’approche enfin du temps de la venue de Machia’h, voici que la situation générale est décrite comme empirant de jour en jour ! En quoi est-il nécessaire de préciser tout cela ? Ne suffit-il pas de vivre ces événements, faut-il encore que la Torah insiste sur leur caractère négatif croissant ?
Précisément, si la Torah ne nous l’avait pas annoncé, nous aurions pu en ressentir un véritable désespoir car nous n’aurions pas compris le sens de ce qui se déroulerait sous nos yeux. Une fois que nous le savons, nous comprenons que c’est la fin de l’exil qui s’annonce et nous poursuivons notre effort spirituel avec encore plus de conviction.
(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch
19 Tévet 5742)
Vivre avec la Paracha
VAYE’HI : le secret

"Et Yaakov appela ses fils et leur dit: "réunissez-vous pour que je puisse vous dire ce qu'il adviendra à la fin des jours" (Genèse 49:1)

Le Talmud explique que "Yaakov désirait révéler à ses fils ‘la fin des jours’ (Kets Hayamim, le temps de la Rédemption finale et complète par Machia'h), mais à ce moment précis la Présence Divine le quitta".
Cela soulève une question évidente: pourquoi Yaakov désirait-il faire une telle révélation? Qu'aurait permis une telle connaissance? Bien plus, si les enfants d'lsraël avaient connu la date de la venue de Machia'h, cela n'aurait-il pas eu un effet néfaste sur leur moral? N'aurait-il pas été désespérant de savoir que la Rédemption n'aurait pas lieu avant au moins 3500 ans?

L'opportunité
Dans "le Cantique de la Mer" (la louange que chanta le Peuple Juif au bord de la Mer Rouge au moment où il fût délivré des armées de Pharaon), nous pouvons lire un verset: "amène-les à la montagne de Ton héritage, la base de Ta résidence, Ô D.ieu, que Tes mains ont établie" (Exode 15:17). Le Zohar explique que si nous avions été méritants, D.ieu Lui-même nous aurait conduits en Terre Sainte et Lui-même aurait construit le Beth Hamikdach (le Temple) à Jérusalem, par des actes éternels et indéfectibles. En d'autres termes, notre exode de l'Egypte aurait constitué la Rédemption ultime. Ce n'est qu'à cause d'une série d'échecs de notre part, dont la faute du Veau d'Or et celui des explorateurs, que notre entrée en Terre d'Israël et la construction du Beth Hamikdach furent entreprises par des moyens humains et furent aussi éphémères et susceptibles d'être corrompues que leurs auteurs. Aussi attendons-nous toujours le jour où D.ieu Lui-même nous rassemblera de tous les coins de la terre et reconstruira le Beth Hamikdach, rendant Sa présence dans notre vie manifeste et éternelle.
C'était cette fin que Yaakov désirait révéler. Si nous avions su que notre exode d'Egypte (qui avait été prédit dans l'alliance entre Avraham et D.ieu) était destiné à être la Rédemption ultime et définitive, nous aurions certainement été enclins à saisir le moment et assurer que tout son potentiel soit vraiment réalisé.

Construire dans l'obscurité
Néanmoins, D.ieu empêcha Yaakov de faire sa révélation à ses enfants. La "fin des temps" devait rester un mystère, même si son dévoilement aurait pu encourager nos efforts à perfectionner le monde et à le préparer pour sa Rédemption. Car pour que l'homme participe réellement au perfectionnement de la Création, il est crucial que le cadre temporel de la venue de l'ère messianique lui reste inconnu.
Comme nous l'avons dit précédemment, la Rédemption finale est un acte définitif et éternel; ainsi si l'homme doit tenir un rôle essentiel dans sa réalisation, ce doit être par des actes qui sont également définitifs et éternels. Cela justifie l'état de Galout (exil) dans lequel nous nous trouvons: un état de mouvance physique et spirituelle, un état dans lequel la Main de D.ieu qui guide l'histoire reste cachée et dans lequel nos vies semblent abandonnées au hasard et au caprice. Quand une personne conserve son intégrité et sa loyauté à l'égard de son Créateur, même dans de telles conditions, elle manifeste alors un engagement "éternel", un engagement que ne peuvent entraver les limites du temps et de l'espace.
Cet exil n'est pas seulement quelque chose dont nous devons être sauvés, c'est aussi la condition qui permet notre participation active dans le processus de la Rédemption. Et “Galout” signifie être dans l'obscurité: habiter dans un monde dans lequel un voile de matérialité obscurcit le riche contenu spirituel; un monde qui est oublieux de sa propre avancée vers la perfection harmonieuse. Ce n'est que dans de telles conditions que nos actes positifs revêtent l'éternité qui caractérisent l'ère messianique. Si nous devions être conscients de la fin des temps, nos actes n'auraient qu'une nature provisoire, entravés par notre claire vision d'où nous sommes et vers où nous tendons.

Le savoir subconscient
Et pourtant, Yaakov nous révéla la fin des temps. Non qu'il nous informa exactement du temps de la venue de Machia'h, D.ieu l'en empêcha et à juste titre. Mais le fait même qu'il désira nous le dire eut son effet. La Torah déclare que "D.ieu accomplit le désir de ceux qui Le craignent" (Psaume 145:19); si Yaakov désirait que nous le sachions, alors à un niveau ou à un autre, ce savoir nous fut communiqué.
Bien plus, Yaakov est l'un des trois Avot (Patriarches) d'Israël dont nos Sages ont dit qu'ils "servent exclusivement à véhiculer la Volonté Divine, à chaque moment de leur vie". Si Yaakov désirait que nous connaissions le secret de la "fin des temps", ce ne put être qu'un désir correspondant à la Volonté Divine. D.ieu veut que nous désirions savoir, voire que nous sachions, de sorte que nous soyons stimulés par ce désir et cette connaissance. Mais en même temps, Il ne nous permet pas de le savoir expressément, pour que nos actes soient intègres et inconditionnels, indépendants d'une telle "information intérieure".
Ainsi nous menons notre vie dans l'obscurité, privés de toute conscience de notre place dans l'histoire. Quelques secondes avant que se lève le jour, nous ne percevons que la plus obscure des nuits. Mais cela n'apparaît qu'à la surface de notre vie, au niveau où nous agissons pour apporter la Rédemption dans le monde. Sous cette apparence, existe une âme consciente, une âme réglée sur le temps supérieur, une âme sensible aux moments les plus opportuns pour la Rédemption et capable de révéler cette connaissance et ce potentiel.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce qu’une Mezouzah ?

Une Mezouzah est un parchemin sur lequel un scribe qualifié a écrit à la main et avec une plume d’oie les deux premiers paragraphes du Chema (Deutéronome 6-4 à 9 et 11-13 à 21). Ce parchemin est ensuite roulé et, généralement, placé dans un étui étanche avant d’être fixé, en position inclinée, à droite de la porte quand on entre.
On place une Mezouzah à la porte d’une résidence fixe, que ce soit une maison, un magasin, un atelier, un bureau et même, selon Rav S. Z. Auerbach, un mobile-home. On ne met pas de Mezouzah à l’entrée d’une Souccah ou d’une tente.
La porte qui nécessite la pose d’une Mezouzah doit avoir deux poteaux extérieurs et un linteau qui les relie au-dessus. Même s’il n’y a pas de porte mais qu’il y a “la forme d’une porte”, on mettra une Mezouzah. Pour tous les cas litigieux (caves, portails, balcon, débarras etc…), on se renseignera auprès d’un rabbin compétent.
Les femmes comme les hommes sont soumises à l’obligation de la Mezouzah et peuvent donc procéder à sa pose. Un garçon de moins de 13 ans et une fille de moins de 12 ans ne peuvent y procéder.
Lorsqu’on entreprend des travaux de peinture ou de rénovation, on veillera à ce que les ouvriers n’enlèvent pas la Mezouzah pour la remettre en place, qu’ils n’y mettent pas de peinture ou d’eau qui risquerait d’abîmer le parchemin et les lettres.
Il convient de faire régulièrement vérifier, par un scribe expert, que la Mezouzah est toujours “cachère”, que des lettres ne se sont pas effacées.

F. L. (d’après Rav E. Wenger)
De Recit de la Semaine
Le Rabbi nous a sauvés du Liban

En 1982, l’armée israélienne, suite à des attentats meurtriers, pénétra au Liban afin d’en extirper les terroristes. Les soldats entrèrent dans la petite ville de Bamachmadon et, en patrouillant dans les rues, eurent la surprise d’entendre une mélodie juive jouée au piano. C’est ainsi qu’ils découvrirent une famille juive, les Luzia. Celui qui jouait du piano était le fils de 12 ans, Tsion. Bien entendu, les soldats sympathisèrent avec la famille et, en apprenant que Tsion aurait bientôt 13 ans, ils persuadèrent ses parents d’aller en Israël pour y célébrer sa Bar Mitzva.
Suivant la consigne du Rabbi, des ‘Hassidim de Loubavitch avaient suivi les soldats au Liban pour prendre contact éventuellement avec des familles juives. Quand ils rencontrèrent les Luzia, ils furent agréablement étonnés par la chaude ambiance religieuse qui régnait dans leur maison. Ils prirent une photo de M. Eli Luzia, faisant la prière du matin, enveloppé dans son Talit et couronné de ses Téfilines. Ils offrirent aussi spontanément de les aider, matériellement et spirituellement. La première chose que les Luzia demandèrent fut qu’ils réparent le Mikvé (bain rituel) local, ce qu’ils firent immédiatement. Puis, comme les ‘Hassidim imprimèrent un livre de Tanya, ils leur en offrirent un exemplaire.
La Bar Mitsva devait se dérouler en Tichri, le mois des fêtes. Toute la famille Luzia se prépara pour ce premier bref séjour en Israël : une jeep de l’armée israélienne leur fit traverser la frontière et toute la famille put célébrer la Bar Mitsva en compagnie des soldats et des ‘Hassidim qu’ils avaient connus au Liban. Les ‘Hassidim, comme d’habitude, écrivirent au Rabbi à New York pour l’informer de ce qui s’était passé et joignirent à leur lettre la photo d’Eli. Le Rabbi s’intéressa beaucoup à cette famille et envoya des billets d’avion pour que tous ses membres passent les fêtes de Souccot avec lui à New York.
Il ne fut pas facile pour les Luzia, citoyens libanais, d’obtenir des visas pour les Etats-Unis. Cependant les ‘Hassidim insistèrent tant et si bien auprès des autorités compétentes que, la veille de Souccot, les Luzia arrivèrent à New York, où l’atmosphère si spéciale, si joyeuse, les conquit.
A Hochaana Rabba, ils purent enfin passer devant le Rabbi qui distribuait du gâteau au miel aux milliers de fidèles.
Eli en profita pour offrir au Rabbi un cadeau : une coupe en argent dont une extrémité pouvait servir de verre de Kidouch et l’autre, plus étroite, de petit verre à liqueur pour boire “Le’haïm”, “A la vie”. Le Rabbi examina le verre de tous les côtés, remercia Eli et lui donna un morceau de gâteau pour toute la communauté juive du Liban. Puis le Rabbi souhaita de nombreuses bénédictions, en français, car c’était la langue que Mme Aliza Luzia connaissait le mieux.
Quand Eli demanda au Rabbi sa bénédiction pour retourner au Liban après Sim’hat Torah, il fut surpris que le Rabbi l’interrompe fermement et lui dise clairement de ne pas retourner. Ils n’avaient quitté le Liban que pour une courte période et n’avaient emporté avec eux que le strict minimum. Eli implora le Rabbi pour qu’il le laisse au moins retourner quelques jours, le temps de vendre sa maison, d’emporter quelques bagages. Mais encore une fois, le Rabbi répéta d’un ton sans équivoque qu’ils ne devaient pas retourner au Liban, même pour une courte période. Et le Rabbi continua à les bénir.
Ne pas retourner au Liban était pour les Luzia une pilule très dure à avaler. “ C’était notre premier test, dit Aliza. C’était comme si nous avions entendu qu’un incendie avait détruit toutes nos possessions. Nous étions subitement privés de maison, d’argent, de tout. C’était terrifiant, mais je savais dans mon cœur que nous obéirions au Rabbi ”.
A l’époque, Aliza avait de gros problèmes de santé et les médecins lui avaient recommandé de se faire opérer, de sorte qu’elle ne puisse plus avoir d’enfant. Elle demanda au Rabbi ce qu’elle devait décider. Avec un grand sourire, le Rabbi lui dit : “Vous aurez un autre enfant !”.
Aliza était stupéfaite. Elle avait déjà la quarantaine et son plus jeune enfant avait treize ans. Bien sûr, elle avait désiré avoir un autre enfant, une fille, mais cela ne semblait pas du tout réalisable. “La promesse du Rabbi, dit Aliza, sonnait comme un “prix de consolation”, pour compenser la difficulté à ne pas retourner au Liban. Il semble que le Rabbi, dans sa grande compassion, voulait nous redonner espoir, une direction pour l’avenir”.
Quelques jours plus tard, ils retournèrent en Israël où ils durent tout recommencer à zéro. Une semaine après, ils entendirent avec horreur que leur ville natale au Liban avait été investie par les terroristes qui, de sang-froid, avaient assassiné toute la population.
Toutes leurs difficultés d’intégration étaient maintenant oubliées quand ils réalisèrent que le Rabbi leur avait littéralement sauvé la vie.
Aliza se rendit chez le médecin quelques mois plus tard : elle eut un choc quand celui-ci lui annonça qu’elle était enceinte. Il tenta de la convaincre de ne pas mener à terme cette grossesse, vu son âge, car elle risquait, selon lui, de grosses complications. Aliza, se souvenant des paroles du Rabbi, décida de passer outre et, dix mois après son entrevue avec le Rabbi, mit au monde une robuste petite fille qui s’appelle Ruth.
Ruth a maintenant dix-neuf ans ; elle est une source inépuisable de satisfaction pour ses parents et un souvenir vivant de leur rencontre avec le Rabbi.

Traduit par Feiga Lubecki