Semaine 28

  • Pin’has
Editorial
Gan Israël : pour la vie !
Il existe des mots évocateurs, des termes qui emportent la joie, l’émotion, tout un bonheur de vivre. Il en est un, lié à la même période chaque année, et cette récurrence fait parfois perdre de vue sa beauté et sa grandeur. Cela s’appelle « Gan Israël » et la pratique française dénomme l’entreprise du nom, presque absurdement administratif, de « centres aérés ». Le Gan Israël est cependant bien autre chose et seule l’habitude fait que nous peinions à en percevoir la merveille. Car c’est de vies d’enfants qu’il s’agit. De fait, pendant toute la période, ils sont des milliers d’enfants juifs qui se retrouvent dans ce cadre, partout dans le monde. Venus de tous les horizons familiaux, intellectuels, mentaux, sociaux ou culturels, plus ou moins proches ou lointains de la tradition juive, des plus pratiquants aux plus oublieux, ils vivent là comme une manière de plénitude. Si l’entreprise est certes au « centre » des choses, ce dernier ne se contente pas d’être simplement « aéré » ; il est l’air lui-même. Il est cette source de vie irremplaçable qui assure que demain verra encore grandir le bonheur.
Cela ressemble à un rêve : un lieu où les enfants viennent parce qu’ils le désirent avec force, un lieu où le judaïsme s’apprend naturellement, non comme un objet d’étude mais comme une partie de soi-même, comme un élément chevillé à l’âme. C’est pourtant une réalité sereine. Les centres Gan Israël sont ouverts depuis le début du mois de juillet et souvent au mois d’août. Ils existent partout où ils sont nécessaires, il suffit de se renseigner sur le plus proche de chez soi. Quand on y réfléchit, ils ont un nom bien évocateur. « Gan Israël », cela se traduit littéralement par « jardin d’Israël ». Comme un jardin qui produit des fruits de délice, tout ce qui fait l’agrément et le plaisir du monde.
C’est ainsi que le choix se présente : faire de ce temps un moment d’allégresse ou une période d’ennui, le transformer en un enrichissement ou l’abandonner comme un dépérissement, y retrouver ce que l’on est pour mieux le vivre toute l’année ou... Tout cela dépend finalement, comme bien des choses, d’une simple décision. Il faut savoir la prendre. Les enfants le méritent et le demandent. Et cette demande porte loin. Elle sait ouvrir les Portes du Ciel sans que rien ne puisse s’y opposer. Elle résonne ainsi pure dans l’éternité jusqu’à susciter pour tous des bénédictions infinies, et amener la réalisation de la plus grande de nos espérances : la venue de la Délivrance.
Etincelles de Machiah
Une prière spontanée
Deux vieux ‘hassidim racontaient, un jour, ce qu’ils avaient eu l’occasion de voir chez les Rabbis qu’ils avaient connus. Un groupe s’était formé autour d’eux, buvant littéralement leurs paroles. Une longue discussion s’engagea alors et déboucha sur une question : comment serait le monde quand Machia’h viendrait ?
Un des vieux ‘hassidim entreprit d’y répondre : «Quand Machia’h viendra, un Juif se lèvera le matin pour se préparer à prier – et sa prière coulera spontanément. De même, pendant toute la journée, chaque instant sera utilisé pour l’étude de la Torah et le service de D.ieu. Et tout viendra naturellement, sans effort».
(d’après la tradition orale) H.N.
Vivre avec la Paracha
Pin’has : Le combat des femmes

On ne sait pas grand-chose de la vie de Ma’hlah, Noah, ‘Hoglah, Milkah et Tirtsah. Mais à un moment crucial de l’histoire du peuple d’Israël, ces cinq sœurs, filles de Tsélof’had, fils de ‘Héfer, influencèrent profondément l’approche juive du monde.
Tsélof’had appartenait à la génération, née dans l’esclavage égyptien, libérée par l’exode et à laquelle avait été promise en héritage la terre de Canaan. Bien que cette génération ne méritât pas elle-même de prendre possession de la terre, quand ses enfants traversèrent la rivière du Jourdain pour la conquérir, c’est en qualité d’héritiers de leurs pères qu’ils le firent. Chaque famille reçut sa part de terre, partagée proportionnellement entre les six cent mille membres de la génération du désert.
Tsélof’had avait cinq filles mais pas de fils. Les lois de l’héritage, comme elles étaient initialement données dans la Torah qui ne reconnaissait que les héritiers mâles, ne permettaient pas d’attribuer sa part à ses descendantes. Ma’hlah, Noah, ‘Hoglah, Milkah et Tirtsah refusèrent d’accepter ce fait et adressèrent à Moché une pétition : «Pourquoi le nom de notre père serait-il éliminé de sa famille, sous prétexte qu’il n’a pas de fils ? Attribue-nous un état parmi (les héritiers des) frères de notre père».
Moché présenta leur requête à D.ieu qui répondit : «Les filles de Tsélof’had parlent justement. Donne-leur… la part de leur père». Et D.ieu instruisit Moché d’inclure la clause suivante dans les lois de l’héritage : «si un homme meurt et n’a pas de fils, tu transmettras sa part à sa fille».

Deux générations
L’exode et la conquête de la terre sont les deux événements qui encadrent les quarante années durant lesquelles nous fûmes forgés comme le peuple représentant les deux approches fondamentales de la vie.
«Sortir d’Egypte» représente la libération de l’âme de tout ce qui limite et inhibe sa véritable essence et son désir réel.
«Conquérir et s’installer en terre de Canaan» signifie conquérir le monde matériel et le développer pour en faire une «Résidence pour D.ieu», un environnement réceptif à la bonté et la perfection de son Créateur et qui exprime ces qualités.
La génération du désert réussit dans la première de ces entreprises mais échoua dans la seconde. Ils s’extirpèrent de la culture païenne et de la mentalité d’esclaves dans lesquelles ils étaient immergés, raffinant leur âme au point de mériter recevoir la Vérité des Vérités, directement de D.ieu, au Sinaï. Mais ils repoussèrent la tâche de «conquérir et s’installer dans le pays», refusant d’abandonner leur héritage spirituel dans le désert pour agripper la matérialité du monde, de se consacrer au travail nécessaire pour transformer «la terre de Canaan» en «Terre sainte». Il fut donc décrété qu’ils finiraient leur vie dans le désert, laissant à leurs enfants la tâche de s’installer sur la terre à leur place.
Au niveau individuel, chacun d’entre nous est confronté à ces deux tâches, au cours de notre vie : l’entreprise de libérer et de concrétiser le potentiel spirituel de notre âme et le défi de faire de notre environnement et de notre vie matérielle un lieu saint et divin. Nous devons tous lutter pour faire la transition entre une enfance et une jeunesse consacrées au développement et au perfectionnement de notre personne et une vie adulte où nous allons nous impliquer, de façon productive, dans le monde extérieur.

Une conquête différente
Mais les gens sont tous différents les uns des autres. Selon les mots du Talmud : «Tout comme leurs visages sont différents, leurs caractères sont différents». Il existe des caractères audacieux et des caractères soumis, des natures agressives et des dispositions passives. Certains sont prêts à relever tous les défis, d’autres évitent toutes les confrontations orageuses et sont dépourvus d’instinct combatif.
C’est là que réside le sens profond des lois de l’héritage comme elles furent ordonnées par D.ieu, en réponse à la pétition des filles de Tsélof’had.
«Si un homme… n’a pas de fils» : si une personne reconnaît dans son moi intérieur un manque d’agressivité ou de combativité «viriles», elle pourrait en déduire qu’elle n’a pas de rôle à jouer dans «la conquête de la terre». Une telle personne peut être encline à consacrer toute son énergie à se raffiner elle-même et à laisser la tâche de sanctifier un monde impur à ceux qui ont «des fils».
La Torah stipule alors : la conquête et l’installation sur la terre ne sont pas des tâches exclusivement masculines. Chacune des âmes d’Israël possède une «part de la terre», un coin du monde matériel qu’elle a la force et la mission de posséder, de civiliser et de sanctifier. Il est de fait que c’est une tâche qui demande souvent de l’agressivité et la confrontation ; mais il existe aussi une approche «féminine» pour transformer la matérialité de notre vie et en faire une «Terre Sainte».
«Si un homme… n’a pas de fils, tu transmettras sa part à sa fille». Le fait même que, par nature, une personne soit dénuée de l’agressivité du «combattant masculin» indique qu’elle a été dotée de l’aptitude à transformer son entourage par le biais de «sa fille», utilisant l’aspect doux, compatissant et pacifique de son âme.
C’est là la loi révélée par les filles de Tsélof’had : toutes les conquêtes ne trouvent pas le succès en dominant son adversaire. Parfois, la réceptivité et l’empathie sont bien plus efficaces pour surmonter l’hostilité de «l’ennemi» et transformer sa nature elle-même. L’absence d’«héritier masculin» dans l’âme peut en réalité indiquer la présence d’un moi «féminin» tout aussi capable de réclamer la part de son âme dans le monde et de la transformer en Résidence pour D.ieu.
Le Coin de la Halacha
En quoi consiste l’obligation d’aimer son prochain comme soi-même ?

L’obligation d’aimer son prochain s’applique à chaque Juif, même celui qu’on n’a jamais vu. On doit mettre en avant les points positifs de chacun, veiller à ses biens et son honneur comme aux siens propres. «Ce qu’il désire, je dois le désirer pour lui et tout ce que je désire pour moi, je le désire pour lui».
Cette Mitsva (commandement divin) est la base de nombreuses autres Mitsvot comme l’interdiction de voler, de nuire, de se moquer… et elle est la seule garantie d’une vie sociale harmonieuse. Ainsi, on rendra visite aux malades, on ira consoler les endeuillés, on veillera à ce que les jeunes mariés ne manquent de rien, on accueillera des invités…
Cette façon d’aimer son prochain est la marque distinctive du peuple juif qui est capable d’aider l’autre sans motif ultérieur.
Quiconque déteste un autre Juif transgresse une interdiction de la Torah, quels que soient les torts dont celui-ci ait pu se rendre coupable. Il est aussi interdit de se venger et de garder une rancune pour ses actions. Il vaut mieux choisir le moment opportun pour arranger la situation qui est souvent due à un malentendu. Bien évidemment, on évitera à tout prix d’adresser des reproches en public.
Il est recommandé d’aimer particulièrement les érudits et leurs disciples ainsi que les convertis qu’on aidera à s’adapter à leur nouveau style de vie et qu’on accueillera dans la communauté.
Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi (auteur du Tanya et du Choul’hane Arou’h Harav) recommandait de déclarer chaque matin avant la prière : «Je prends sur moi l’obligation de respecter le commandement : Tu aimeras ton prochain comme toi-même». Ce préalable permet de dévoiler le grand amour de D.ieu pour chaque Juif au point qu’Il désirera envoyer la délivrance finale et complète avec la venue de notre juste Machia’h.

F. L. (d’après Hamitsvaïm Kehala’ha)
De Recit de la Semaine
Un mini-sanctuaire

Le voyage de Melbourne à Queenscliff avait été long et fatiguant. Le Chalia’h (émissaire du Rabbi) avait achevé sa conférence, il était tard mais il était ouvert à la discussion. Ses auditeurs l’avaient écouté attentivement et les questions fusaient. Malgré son épuisement, il tentait de répondre à chacun avec patience et intelligence.
Alors que les gens se pressaient autour d’un buffet bien garni, une dame s’approcha du rabbin et demanda à lui parler en privé.
«Mes parents étaient des survivants de la Shoah» commença-t-elle. «Nous sommes arrivés en Australie après la guerre, sans un sou en poche. Vous pouvez imaginer combien mon enfance a été difficile, je ne voyais aucune joie dans le judaïsme. Je ne peux en blâmer mes parents : ils luttaient pour gagner de quoi manger tout en tentant de se remettre des horreurs qu’ils avaient vécues. Notre éducation juive était pratiquement inexistante et je ressentis que je n’étais pas obligée d’épouser un Juif. Je me suis donc mariée avec le premier venu, j’ai mis au monde deux enfants mais me sentais malheureuse. J’ai divorcé puis j’ai rencontré celui qui est actuellement mon mari. C’est un homme charmant, nous nous entendons à merveille mais j’ai besoin de votre conseil. Voyez-vous, il est chrétien.
Entre-temps, mon premier mari s’est converti à l’Islam et mes deux fils sont fortement influencés par ses convictions.
J’ai toujours essayé de rappeler à mes enfants qu’ils sont juifs (puisque le judaïsme se transmet par la mère). Maintenant, je voudrais accomplir davantage de Mitsvot. Mais comment puis-je le faire sans causer plus de tension et de bouleversement dans mon foyer ?»
Surpris par cette requête, le jeune rabbin réfléchit un moment : dans son esprit défilèrent les discours que le Rabbi avait prononcés en diverses occasions. Finalement, il proposa : «Pourquoi ne consacreriez-vous pas une pièce de votre maison – où même juste un coin – pour en faire un «Mikdach Méat», un mini-sanctuaire ? Vous fixerez une Mezouza à la porte et placerez une boîte de Tsedaka (charité) ainsi qu’un livre de prières et d’autres livres saints. Le vendredi après-midi, vous y allumerez les bougies de Chabbat avec la bénédiction. Avec l’aide de D.ieu, cette lumière et cette sainteté se répandront dans le reste de la maison !»
Le conseil du Rabbi amena un rayon d’espoir dans le cœur de Ruth : «Oui, exactement ! Je vais commencer avec juste un coin de la maison qui deviendra un sanctuaire en miniature où il sera évident que D.ieu est Un !»
Elle ne perdit pas de temps et établit dans un coin de sa maison un endroit où elle alluma ses bougies en priant de tout son cœur pour que cette lumière illumine son foyer et la vie des membres de sa famille.
Les changements intervinrent progressivement mais dans la bonne direction et le «sanctuaire» s’étendit petit à petit.
Les années passèrent et Ruth rencontra à nouveau le rabbin qui n’était plus si jeune : ses cheveux et sa barbe avaient grisonné mais elle le reconnut immédiatement.
Toute la famille de Ruth pratiquait maintenant le judaïsme sans complexes. Son mari, après avoir observé les changements graduels dans sa maison, s’était intéressé au judaïsme puis s’était converti sincèrement.
«Merci mille fois pour votre conseil, Monsieur le rabbin ! Votre idée de mini-sanctuaire dans un coin de la maison s’est révélée fantastique ! Vous m’avez convaincue de la puissance d’un peu de sainteté !»
Le rabbin pensa qu’il y avait une erreur sur la personne. Il ne se souvenait ni de Ruth ni de son «idée fantastique». Elle lui rappela alors gentiment tous les détails de leur conversation, des années auparavant, et il se souvint.
- Je vois maintenant, confia-t-il plus tard à son épouse, la force des mots qu’a prononcés le Rabbi !
- Et moi, conclut-elle, je reste émerveillée devant la force de volonté d’une femme juive !

Mina Gordon – Melbourne, Australie
N’shei Chabad Newsletter n°7105
traduite par Feiga Lubecki