Semaine 52

  • Mikets
Editorial
Une histoire d’huile

‘Hanouccah est, à n’en pas douter, une fête merveilleuse. Elle éclate à nos yeux en multiples prodiges qui dansent comme les flammes de lumière au sommet du chandelier de la célébration qui commence cette semaine. L’idée a souvent été relevée : même si elle fut le temps d’une grande et surprenante victoire militaire, la fête de ‘Hanouccah ne marque pas cet événement. Elle souligne paradoxalement une histoire très simple, celle de l’huile qui ne se consuma pas en une seule journée, comme cela aurait été naturel, mais en huit jours, le temps d’en préparer une nouvelle. Et c’est très modestement pour cette raison-là que les Juifs, partout dans le monde, se réjouissent pendant toute une semaine ! Nous sommes bien loin ici du choc des épées, de l’affrontement des héros et des nobles clameurs du combat – même si tout cela exista. D’huile et de lumière : c’est de cela qu’est faite, à présent, notre espérance.
Pourquoi l’huile ? Bien sûr, l’histoire de ‘Hanouccah lui donne un rôle central. Mais, nous le savons, chaque aspect de notre tradition, jusqu’au plus petit, loin d’être l’effet du hasard, est l’expression d’une réalité plus profonde. L’huile est justement un élément chargé de sens. Présent au cœur de l’olive, il en est comme l’essence et n’apparaît que lorsqu’on a pressé cette dernière. N’est-ce pas là l’image même du destin de chacun qui, pris dans les contraintes du monde, est capable de donner ce qu’il y a de meilleur en lui, le profond de ce qu’il est vraiment ? Plus encore, l’huile est ce liquide aux propriétés étonnantes qui, quand il entre en contact avec un corps solide, l’imprègne totalement et profondément. C’est ainsi à elle qu’est comparé l’enseignement du Baal Chem Tov et de ses successeurs, la ‘Hassidout, qui bouleverse tout ce qu’elle touche et constitue une expression d’essence.
Si la fête de ‘Hanouccah est si précieuse à tous – par sa grandeur, sa chaleur, l’appel qu’elle fait retentir jusque dans l’espace public – c’est sans doute aussi pour ces raisons-là. Elle sait dire ce qu’il faut qu’on entende en ces temps de tumulte. Elle sait donner à voir ce qu’il faut qu’on regarde en ces temps d’obscurité. D’une certaine manière, elle nous montre un chemin : celui d’une victoire éternelle, faite de paix et de sérénité, construite sur l’assurance que les forces de la nuit ne peuvent que céder devant l’ampleur du jour qui se lève. Comme l’exil qui recule devant les pas du Machia’h.
Etincelles de Machiah
Comme le lever du soleil

C’est un verset explicite dans la Torah : « Par Ma vie, la gloire de D.ieu emplira toute la terre ». D.ieu promet qu’à la fin, le jour viendra où Sa gloire emplira le monde entier. Nous devons y croire avec la même foi que nous mettons à croire au lever du soleil chaque matin. Car, à la fin, le Royaume des Cieux sera établi. Mais il nous appartient d’attendre avec impatience ce jour.
(D’après Midbar Kdémot du ‘Hida) H.N.
Vivre avec la Paracha
Mikets : La sagesse de Yossef

Le Pharaon, roi d’Egypte, fait deux rêves, pouvons-nous lire dans la Paracha de cette semaine. Dans le premier, le souverain se voit debout sur les berges du Nil.
Et voici que sortirent du fleuve sept vaches, belles et grasses et elles se nourrirent dans l’herbe. Et voici que sept autres vaches sortirent après elles du fleuve, laides et décharnées et elles se tinrent près des autres vaches sur le bord du fleuve. Et les vaches laides et décharnées dévorèrent les sept vaches belles et grasses. (Beréchit 41 :1-4)
Dans son second rêve, Pharaon voit sept épis de grains maigres et flétris avaler sept épis pleins.
Aucun des sages d’Egypte qu’il a consultés ne peut offrir au Pharaon une interprétation de ses rêves qui le satisfasse. Alors, «le jeune esclave hébreu», Yossef, est convoqué et conduit du donjon de la prison vers le palais. Yossef interprète les rêves comme signifiant que sept années d’abondance, symbolisées par les sept vaches grasses et les sept épis pleins, seront suivies par sept années de famine, figurées par les sept vaches décharnées et les sept épis flétris. Les sept années de famine seront si épouvantables qu’elles «avaleront» et effaceront toute trace de l’abondance antérieure. Yossef donne alors au Pharaon des conseils pour gérer cette situation : «Maintenant, le Pharaon doit rechercher un homme de prévoyance et de sagesse et lui faire gouverner l’Egypte. Un système de rationnement devra être mis en place en Egypte, pendant les sept années de richesse», explique Yossef, «où le grain sera engrangé en prévision des sept années de famine.»
Le Pharaon est stupéfait par la clairvoyance de Yossef. «Il n’existe personne qui comprenne si bien et soit si avisé que toi» dit-il à Yossef. «Tu seras en charge de ma maison et tout mon peuple sera dirigé en fonction de ta parole…» Et de fait, Yossef est nommé vice-roi d’Egypte.

Trois questions
Les commentateurs débattent de trois questions majeures concernant ce remarquable épisode.
Tout d’abord, il est difficile de comprendre comment, à la suite de l’interprétation des rêves, Yossef se permit de donner au Pharaon des conseils pour faire face à la famine imminente. Comment un esclave qui venait à peine d’être libéré ne craignit-il pas d’offrir au roi de l’Egypte un avis qui n’avait pas été sollicité ? D’autre part, il ressort clairement du récit que le Pharaon fut réellement impressionné par la solution que proposa Yossef. Mais il ne faut pas être bien savant pour suggérer que, si on attend sept années d’abondance suivies de sept années de famine, il faut emmagasiner des provisions pendant la première période. En quoi le conseil de Yossef était-il génial ?
Enfin, le Pharaon fut stupéfait par l’interprétation que donna Yossef de ses rêves eux-mêmes, ce qu’aucun de ses sages n’avait pu concevoir. Mais cette interprétation paraît simple et évidente. Quand les vaches sont-elles grasses ? Quand la nourriture est abondante. Quand sont-elles décharnées ? Quand elles n’ont rien à manger. Quand le grain est-il plein ? Quand la récolte est riche. Quand est-il flétri ? En temps de famine. Pourquoi le Pharaon fut-il si émerveillé par l’explication de Yossef ? Pourquoi personne d’autre ne put proposer la même ?

Unir les vaches
Durant un discours de l’année 1973, le Rabbi présenta l’explication suivante :
Les experts égyptiens proposèrent bien l’interprétation de Yossef pour les rêves du Pharaon. Mais ils l’abandonnèrent parce qu’elle ne tenait pas compte d’un détail important.
Dans le premier rêve, ils voyaient comment les sept vaches laides et décharnées qui sortaient après les sept belles vaches «se tenaient à côté des autres vaches [grasses] au bord du fleuve.» En d’autres termes, il y eut un moment où les quatorze vaches furent présentes ensemble et c’est seulement après que les vaches maigres commencèrent à avaler les grasses. C’est ce détail du rêve qui poussa les experts à rejeter l’interprétation que Yossef offrirait plus tard au Pharaon et les obligea à rechercher des explications plus farfelues les unes que les autres.
Comment est-il concevable que coexistent l’abondance et la famine ? Soit les vaches grasses sont présentes seules, soit les décharnées. Mais les deux ensemble ? Les sept années de famine ne peuvent être simultanées aux sept années d’abondance !
Le génie de Yossef apparut quand il dit au Pharaon comment se préparer à la famine future, il ne lui offrit pas un conseil inopportun sur la manière de diriger son pays. Mais le conseil faisait lui-même partie de l’interprétation du rêve. Yossef avait compris que la coexistence des deux groupes de vaches contenait la solution pour la famine qui s’annonçait. Durant les années de plénitude, l’Egypte devait «vivre» avec les années de famine comme si elles étaient déjà actuelles. Même pendant qu’elle jouissait de l’abondance, l’Egypte devait déjà imaginer la réalité de la famine à venir et mettre chaque jour de côté des aliments pour pouvoir l’affronter. Les sept vaches décharnées devaient être bien présentes et vivantes dans l’esprit et dans le comportement, pendant les années des vaches grasses. En conséquence, si ce système était implanté en Egypte, la nation continuerait à jouir de l’abondance des années riches, même pendant la famine. Les sept vaches grasses seraient encore présentes même pendant l’ère des vaches maigres.
Ce qui enthousiasma surtout le Pharaon fut la démonstration que fit Yossef du fait que ces rêves ne constituaient pas seulement la prédiction des événements futurs mais apportaient également les instructions à suivre pour y faire face. Ils n’évoquaient pas seulement les problèmes mais également leurs solutions.

Avez-vous besoin de D.ieu ?
Avez-vous un véritable ami ?
La sagesse de la présentation de Yossef au Pharaon frappe par sa clarté quand nous réfléchissons sur le message spirituel qui se cache derrière cette histoire. Car, on le sait, les récits que rapporte la Torah ne font pas que décrire des épisodes intervenus à un certain moment de l’histoire mais ils détaillent des récits et éternels qui se produisent continuellement dans le cœur de l’homme.
Nous vivons tous des cycles de plénitude et des cycles de famine. Il y a des périodes où tout va très bien. Très à l’aise, souvent lors de tels moments, nous oublions d’investir du temps et de l’énergie à cultiver une véritable intimité avec notre famille, à développer des relations réelles avec nos amis et à créer un lien sincère avec D.ieu. Nous nous suffisons à nous-mêmes… Cependant, quand arrive une période de famine, quand surgit une crise grave (à D.ieu ne plaise), nous ressentons soudain le besoin d’aller chercher à l’extérieur et d’entrer en relation avec ceux que nous aimons et avec D.ieu.
Telle est l’essence de la sagesse de Yossef : ne jamais séparer les années de richesse des années de famine. Quand nous vivons l’abondance, ne nous laissons pas aveugler et désensibiliser à ce qui est réellement important dans la vie. Les priorités que nous cultivons pendant les «bonnes années» nous soutiendront également quand nous en aurons besoin.
Le Coin de la Halacha
Comment allume-t-on les lumières de ‘Hanouccah le vendredi après-midi 23 décembre 2011 ?

Il convient, avant l’allumage, de faire d’abord la prière de Min’ha.
Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d’abord les deux bénédictions :
(1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Léhadlik Ner ‘Hanouccah».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah.
(2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamine Hahème, Bizmane Hazé».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui a fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci.
On allumera d’abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède, etc… à l’aide de la bougie appelée «Chamach».
On aura pris soin de mettre assez d’huile dans les 4 godets (ou d’avoir prévu 4 bougies assez grandes) pour durer jusqu’à une demi-heure après la nuit, c’est-à-dire jusqu’à environ 17h 52 (heure de Paris). Après l’allumage, on récite «Hanérot Halalou».
Ensuite, les jeunes filles et les petites filles allumeront leurs bougies de Chabbat (après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsédaka (charité) ; les femmes mariées allumeront au moins deux bougies.
Tout ceci devra être terminé avant 16h 39 (heure de Paris) le vendredi 23 décembre.
Une jeune fille (ou une femme) qui habite seule devra elle aussi procéder d’abord à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah puis des bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.

F. L.
De Recit de la Semaine
Le message de Yossef

J’ai eu la chance d’assister un Chabbat ‘Hanouccah à l’une des réunions ‘hassidiques du Rabbi. A l’époque, je me rapprochais de la pratique religieuse mais je ne me sentais pas encore impliqué à fond. Cependant, comme je comprenais le yiddish, je pouvais comprendre plus ou moins certaines paroles du Rabbi.
A un moment donné, le Rabbi expliqua le verset (Genèse 43. 32) : «Ils posèrent (le repas) pour lui à part, pour eux (les frères de Yossef) à part et pour les Egyptiens qui mangeaient avec eux à part car les Egyptiens ne pouvaient pas manger avec les Hébreux, car c’était détestable pour les Egyptiens».
Le Rabbi cita le commentaire de Rachi : «Car c’était détestable pour les Egyptiens : c’était une chose haïssable de manger avec les Hébreux et Onkelos donne une raison pour cela». De fait Ounkelos (qui avait traduit la Torah en araméen) expliquait que l’agneau était l’idole des Egyptiens et que ceux-ci ne pouvaient donc pas le consommer avec les Juifs.
Bien entendu, le Rabbi ne contredisait pas le commentaire de Rachi mais il ajouta qu’il était possible de donner à cela une signification supplémentaire. Yossef, le juste, ne souhaitait pas prendre son repas avec les Egyptiens.
Aux Etats-Unis, le repas de midi est très important. C’est souvent au cours de ce repas dans les entreprises que se nouent les contacts et que se finalisent les contrats entre hommes d’affaires.
Le Rabbi expliqua que Yossef était l’homme le plus influent en Egypte. Il aurait pu profiter du repas de midi pour conclure des affaires dans le domaine économique. Mais lui, le vice-roi d’Egypte, mangeait seul, à part, en partant du principe : «Si je suis ton vice-roi, je n’ai pas besoin de manger avec toi ; et si j’ai besoin de manger avec toi, je ne suis pas digne d’être ton vice-roi !»
J’étais assis là, parmi des milliers de Juifs et j’entendais le Rabbi ; je me suis dit : «Ici à Brooklyn, dans cette forteresse du judaïsme ‘hassidique, je porte évidemment la Kippa». Mais à l’époque, au travail, je ne portais pas la Kippa et je n’en avais même pas une dans ma poche… Qu’allait-il se passer quand je rentrerais au Minnesota ou que je quitterais les Etats-Unis ? Etais-je sûr que la Kippa resterait sur ma tête ? Etais-je bien en train de me conduire comme Yossef le juste ?»
Jamais le Rabbi ne m’avait parlé du port de la Kippa. Mais à la suite de ce discours, je pris la résolution de la porter toujours sur ma tête.
Malgré mes craintes, je n’enregistrai aucune réaction de mes élèves ou de mes collègues à l’université. Au bout de quatre mois, cependant, une de mes étudiantes me demanda timidement : «Professeur Green ! Cela fait déjà quatre mois que le 25 décembre est passé. Vous continuez pourtant à en porter les oripeaux… ?»
L’autre «problème», c’était les conférences que je donnais dans diverses institutions. Un jour, je devais parler dans un hôpital catholique : je le fis avec la Kippa sur la tête. Comme toujours dans ces cas-là, les auditeurs avaient la liberté de poser des questions à la fin de la conférence. Huit cents personnes se trouvaient dans l’auditoire et il était impossible que chacun le fasse directement. On fit donc circuler des cartons sur lesquels chacun pouvait écrire ses interrogations. Quelqu’un était chargé de les trier.
C’est alors qu’arriva la dernière question. Le présentateur respira profondément puis lut le papier : «Professeur Green ! C’est la question que chacun d’entre nous se posait depuis le début ! Elle est signée par deux bonnes sœurs qui sont ici présentes.
«Nous désirons comprendre, avant que vous ne quittiez l’amphithéâtre, pourquoi vous portez ce morceau de tissu sur la tête !»
En entendant cela, je me dis : «Ça y est ! Nous y sommes ! Un an et demi s’est passé et on me pose enfin «la» question ! Et toute la salle est soudain terriblement silencieuse dans l’attente de ma réponse !»
D’une voix ferme, je répondis : «Mon Rabbi m’a appris que chaque fois qu’un homme marche sur ses deux pieds, sa tête se trouve au-dessus de tout son corps. Ce fait risque d’entraîner l’homme à croire qu’il est la créature la plus haute, la plus parfaite au monde. C’est pourquoi nos Sages nous ont conseillé de poser quelque chose sur la tête afin que nous soyons toujours conscients qu’il existe quelque chose au-dessus de nous, un Etre supérieur, D.ieu. Ceux d’entre vous qui se sont déjà rendus à New York ont peut-être entendu que cette Kippa y est aussi appelée «Yarmoulka» ; c’est, en fait, une abréviation de l’expression «Yaré Malka», deux mots araméens signifiant : «la crainte du Roi» ou «la crainte du Ciel».
Et j’ajoutai avec un sourire : «Parfois j’en suis conscient, parfois j’oublie… mais j’espère que cet acte continu m’aidera à rester conscient !»
J’avais terminé mon explication, je me suis rassis. Au début, il y eut un silence impressionnant.
Plus de huit cent catholiques se levèrent spontanément et se mirent à applaudir à tout rompre pendant de longues minutes…
Rav Feller, le Chalia’h (émissaire) du Rabbi au Minnesota – raconta par la suite cet épisode au Rabbi. Quant à moi, j’avais ressenti que, à ma modeste échelle, j’avais compris et réussi à véhiculer le message de Yossef le Juste.

Professeur Velvel Green (Z”l)
Kfar Chabad n°1412
traduit par Feiga Lubecki