Semaine 6

  • Yitro
Editorial
Du 15 au 22 Chevat
Comment qualifier une semaine qui commence et se conclue par des événements que la vision juive ne peut ignorer ou laisser sans conséquences ? Comment décrire une semaine dont tous les jours semblent comme égrener les instants d’un passage – du 15 Chevat ou ToubiChevat au 22 Chevat ? Lorsqu’on a rappelé que la première date est celle du «nouvel an des arbres» et la seconde celle du départ de ce monde, ou mieux celle de la Hilloula, de la Rabbanit ‘Haya Mouchka Schneerson, la femme du Rabbi, c’est un seul mot qui vient en cœur avant de se présenter aux lèvres : semaine de grandeur, semaine d’élévation, semaine de construction – de soi et du monde. Devant une période de ce type, nul ne peut retenir une impression étrange, faite à la fois d’émotion, de timidité et d’enthousiasme. C’est un peu comme si on s’était saisi, presque involontairement, d’une arme – toute pacifique – dont on pressent l’absolue puissance sans en connaître les mécanismes ni la portée. Peut-être est-ce une question de perspective ?
De fait, le 15 Chevat nous a parlé des arbres. Il nous a montré, une fois de plus, comme ceux-ci sont la figure symbolique de l’homme avec leurs racines profondes qui leur apportent les éléments nécessaires à la vie, leur tronc, image d’un développement harmonieux, et leurs fruits qui sont leur aboutissement et la garantie de leur pérennité au-delà d’eux-mêmes. Il nous a montré aussi comme tout cela nous parle de croissance, d’un mouvement continu vers plus haut que soi et – pourquoi ne pas le dire ? – vers le Ciel. Quant au 22 Chevat, il nous dit la vie de la Rabbanit qui, au côté du Rabbi, incarna le rôle, la présence et la noblesse de la femme juive. Qui ne se souvient de cette anecdote significative ? Des femmes offrirent à la Rabbanit une corbeille de fleurs en témoignage de respect et y joignirent une lettre de demande de bénédictions. La Rabbanit transmit la lettre au Rabbi, jugeant qu’elle lui était destinée. Le Rabbi répondit : «Pourquoi me la donner ? Elle peut aussi bénir.» Si les anecdotes veulent dire quelque chose, il y a ici comme l’écho d’un lien essentiel. Le 22 Chevat nous parle ainsi de fidélité et d’action.
Y a-t-il donc un rapport entre les notions de croissance et de fidélité, entre celles de progrès et d’action ? Autant qu’entre l’air et la vie, entre la vision et la lumière, entre l’espoir et le bonheur. Alors, cette semaine-ci, il faut la vivre. Et sa simple occurrence nous en donne à la fois la force et la clé. La vivre parce que c’est une semaine de vie. Parce que nous sommes, d’une certaine manière, les fruits de grands arbres, leur éternité assumée, et les enfants de l’œuvre qui culmina le 22 Chevat. Tout un programme.
Etincelles de Machiah
Plus grand que Moïse

Machia’h a une certaine supériorité même sur Moïse. Au début du texte de la Torah (Gen. 1 : 2), il est dit : «Et l’esprit de D.ieu planait…». A ce sujet, Les Sages enseignent (Berechit Rabba 2 : 4) : «Ceci fait allusion à l’esprit de Machia’h». Puis le verset continue : «…sur la face des eaux» ; ceci dénote un degré plus élevé que celui de Moïse qui reçut ce nom car «je t’ai tiré des eaux».
C’est la raison pour laquelle cet exil est si long – pour que ce niveau si élevé soit enfin atteint.
(d’après les Maamarim de l’Admour Hazakène sur les Parchiot, p.237) H.N.
Vivre avec la Paracha
Yitro : La percée

Et il advint, le troisième jour, quand vint le matin, qu’il y avait des tonnerres et des éclairs, un épais nuage sur la montagne, et le son du Choffar extrêmement fort ; et le peuple entier dans le camp trembla. Et Moché sortit le Peuple du camp pour rencontrer D.ieu et ils se tinrent au pied de la montagne…
Et D.ieu descendit sur le mont Sinaï, en haut de la montagne. Et D.ieu appela Moché en haut de la montagne, et Moché monta. (Chemot 19 :16-20)

L’événement le plus considérable de l’histoire se tint le Chabbat, au sixième mois de l’an 2448 depuis la Création (1313 avant l’ère commune). En ce jour, tout le peuple d’Israël, plus de deux millions d’hommes, femmes et enfants, de même que les âmes de toutes les générations futures, se réunirent au pied du mont Sinaï pour recevoir la Torah de D.ieu. Depuis lors, cet événement a été consigné dans notre calendrier par la fête de Chavouot, «le temps du Don de notre Torah».
Mais la Torah que nous reçûmes au Sinaï était en notre possession depuis de nombreuses générations. Nos ancêtres étudiaient et accomplissaient toute la Torah avant qu’elle ne soit donnée, observant chacune de ses lois, y compris l’obligation de faire un érouv tavchilin (procédé pour préparer des aliments le jour d’une fête pour le Chabbat qui suit immédiatement) quand une fête tombe la veille de Chabbat. Aucun document nouveau ne fut dévoilé au Sinaï et aucun nouveau mode de comportement n’y fut révélé. Que nous fut-il donc donné au Don de Notre Torah ?
Le Midrach explique la signification de cet événement par la parabole suivante :
Un jour, un roi émit un décret : le peuple de Rome avait l’interdiction de descendre en Syrie et le peuple de Syrie avait l’interdiction de monter à Rome. De la même façon, quand D.ieu créa le monde, Il décréta en ces termes : «Les cieux appartiennent à D.ieu et la terre a été donnée à l’homme». Mais quand Il voulut donner la Torah à Israël, Il remania Son décret originel et déclara : «Les règnes inférieurs peuvent monter vers les règnes supérieurs et les règnes supérieurs peuvent descendre dans les règnes inférieurs. Et Moi-même Je commencerai, comme il est écrit : «Et D.ieu descendit sur le Mont Sinaï» et puis, «Et à Moché, Il dit : monte vers D.ieu». (Midrach Tan’houma, Vaéra 15, Midrach Rabbah, Chemot 12 :4)
Pendant les vingt-cinq premiers siècles de l’histoire, une guezérah, un décret séparait la réalité en deux mondes hermétiques : le spirituel et le matériel. Le spirituel ne pouvait pas être réellement importé sur terre, sa réalité même défiait le concret et le matériel ne pouvait être rendu transcendant et divin : sa nature le gardait prisonnier dans les limites des règnes inférieurs. Ainsi, la Torah, sagesse et volonté divines, ne pouvait avoir aucun effet réel sur le monde matériel. C’était un manifeste totalement spirituel, appartenant à l’âme de l’homme et à la réalité spirituelle des cieux. Ses concepts et ses idées pouvaient être appliqués à la vie physique, et l’étaient, mais cette dernière ne pouvait être élevée ; elle pouvait être améliorée et perfectionnée dans les limites de son potentiel, mais elle ne pouvait dépasser sa trivialité et sa subjectivité inhérentes.
Au Sinaï, D.ieu révoqua ce décret qui confinait la matérialité et la spiritualité dans deux domaines distincts. D.ieu descendit sur la montagne, apportant la spiritualité des cieux à la terre. Il convoqua Moché en haut de la montagne, permettant à l’homme de chair et de sang d’élever son être physique et le monde à un état bien plus élevé. La Torah pouvait désormais sanctifier le monde matériel
Cette rencontre entre D.ieu et l’homme au Sinaï introduisit un nouveau phénomène : le ‘heftsa chel kedouchah ou objet saint. Après l’épisode du Sinaï, quand un homme, être physique, prend une pièce d’argent, objet matériel, gagnée par ses efforts physiques ou ses talents, et la donne à la charité, ou quand il cuit de la farine et de l’eau, en fait du pain azyme (matsa) et la consomme à Pessa’h, quand il transforme un morceau de cuir, selon une forme et des mesures spécifiques, y insère des parchemins sur lesquels sont écrits des mots précis et les lie à sa tête et à son bras en tant que tefiline, l’objet avec lequel il a accompli la Mitsva est transformé. Une chose finie, matérielle devient sainte et sa substance et sa forme incorporent désormais la réalisation d’un désir et d’un commandement divins.
Les Mitsvot pouvaient être observées avant le Sinaï, et l’étaient. Mais, parce qu’elles n’avaient pas encore été commandées par D.ieu, elles n’avaient pas la capacité d’établir un pont entre la matière et l’esprit. Ce n’est qu’en tant qu’injonction de D.ieu, Créateur et Maître du matériel et du spirituel qu’une Mitsva peut dépasser les définitions naturelles de ces deux royaumes. Ce n’est qu’après le Sinaï qu’une Mitsva peut concrétiser le spirituel et sanctifier le matériel.


Un précédent qui rend puissant
Nous qui poursuivons dans notre vie la mission d’imprégner le monde de l’éthique et des idéaux de la Torah, pouvons tirer une importante leçon de ce qui précède.
Au Sinaï, nous fûmes investis de la mission de servir de «lumière pour les nations», de concrétiser dans notre propre vie et d’enseigner à toute l’humanité que, quelles que soient les conditions du moment, du lieu ou de la société, il existe une vérité qui dépasse tout, sans équivoque, ordonnée par D.ieu et un code moral auquel il nous faut adhérer.
Il se peut que, parfois, nous soyons confrontés à ce qui paraît être un monde indifférent, voire résistant. Il se peut que certains préceptes de la Torah ne paraissent pas s’appliquer à la réalité d’aujourd’hui.
Alors la Torah nous relate que la voix qui transmettait le message de D.ieu n’avait pas d’écho. Elle imprégna chaque objet, chaque réalité de l’univers. Si bien que quelle que soit la résistance qu’ils paraissent opposer, celle-ci n’est que superficielle et temporaire. Car au Sinaï, la présence de chaque être créé était totalement réceptive, totalement en accord avec la bonté et la perfection voulues par D.ieu.
Le Coin de la Halacha
Les femmes ont-elles l’obligation d’étudier la Torah ?

L’étude de la Torah comporte en fait deux volets :
- l’obligation de connaître les lois afin de les accomplir comme il convient.
- l’obligation de l’étude «Lichma», pour l’étude elle-même.
Les femmes - qui sont souvent occupées avec l’entretien de leur maison et l’éducation de leurs enfants – ne sont pas astreintes à l’étude de la Torah «Lichma».
De ce fait, elles ne sont pas soumises à l’obligation d’étudier par exemple les raisonnements de la Guemara (Talmud). Mais il n’y a pas lieu de les en empêcher si elles le souhaitent.
Par contre, elles doivent connaître les lois qu’elles devront appliquer, c’est-à-dire toutes les Mitsvot négatives ainsi que les Mitsvot positives qui ne sont pas limitées par le temps. Elles sont donc astreintes à l’obligation de connaître D.ieu, d’aimer D.ieu et de Le craindre. Pour parvenir à cela, elles étudieront les 24 livres de la Torah Ecrite avec les commentaires, en particulier celui de Rachi qui inspire l’amour et la crainte de D.ieu.
On les encouragera aussi à étudier la ‘Hassidout qui permet de s’approcher de la connaissance de D.ieu.
Par ailleurs, les femmes qui encouragent l’étude de la Torah de leurs mari, frère, fils etc… ont une part dans cette étude.
F. L. (d’après Hali’hot Bat Israël)
De Recit de la Semaine
« Et on l’appellera… ‘Haya Mouchka ! »

« Mon père, le Rabbi (Rachab) expliqua un jour en audience privé : « Depuis que D.ieu a demandé à notre père Avraham : va pour toi (loin) de ton pays » et qu’il est écrit : « Avraham voyagea… », nous avons entamé le processus de Birourim, de distinction et purification. La Providence Divine pousse l’homme à voyager vers l’endroit où les étincelles divines qu’il doit purifier attendent leur rédemption.
Les Tsadikim – qui ont une vision claire du but de leur vie – savent où se trouvent les Birourim qui les attendent et s’y rendent volontairement. Quant aux autres, la Cause de toutes causes et le Maître de toutes choses provoque les circonstances qui les amèneront vers l’endroit où les attendent leurs Birourim ». (Hayom Yom Roch ‘Hodech ‘Hechvane)

Sioux Falls, dans le Dakota du sud, est l’un de ces rares endroits où il n’y a pas d’émissaire du Rabbi, car il s’y trouve très peu d’habitants juifs.
Mais c’est là que devait se dérouler le procès de Shalom Mordechai Rubashkin.
Lors d’une suspension de séance, Shalom Mordechai et son épouse Laya sortirent prendre l’air. Un homme s’approcha d’eux :
- Etes-vous Shalom Mordechai Rubashkin ?
- C’est exact ! Qui êtes-vous ?
- Je m’appelle Leonard ; j’habite à Peoria, Illinois.
- Et que faites-vous ici, à Sioux Falls ?
- Pour des raisons personnelles. Mon Rav – Rav Langsam, l’émissaire du Rabbi à Peoria - m’a conseillé de vous chercher, si je dois rester à Sioux Falls.
- Chalom Ale’hem ! Heureux de faire votre connaissance ! Mais qu’est-ce qui vous amène dans ce coin perdu ?
- Malheureusement ma sœur, qui a 61 ans, est mourante. A l’hôpital, on ne lui donne plus que quelques jours… ou moins ! Je suis venu passer ces derniers moments avec elle.
- Pouvons-nous lui rendre visite ? Réciter quelques Tehilim (Psaumes) à son chevet ?
- Je suis désolé mais je ne pense pas que cela aura de l’effet. Ma sœur n’a plus rien de juif depuis des années. Nous sommes nés à Sioux Falls, donc loin de toute communauté organisée ; moi j’ai déménagé en Illinois mais elle est restée ici et s’est mariée à un non-Juif.
Le procès devait reprendre, Shalom Mordechai et Laya retournèrent au tribunal. Quand ils en ressortirent, à 17 heures, Leonard les attendait :
- J’ai parlé avec le mari de ma sœur ; il respecte le fait que sa femme soit née juive et accepte la visite de rabbins à son chevet.
Shalom Mordechai se dépêcha de rassembler quelques jeunes étudiants de Yechiva qui l’avaient accompagné et ils se rendirent à l’hôpital. Là, dans la chambre de la dame, ils récitèrent la prière de Min’ha avec Kedoucha et Kaddich. Puis ils ouvrirent leurs livres de Tehilim (Psaumes).
- Au fait, quel est le prénom hébraïque de votre sœur pour que nous puissions choisir les versets correspondant à son nom ? demanda Shalom Mordechai. Et quel est votre prénom juif ?
- Ma sœur s’appelle ‘Haya Mouchka et moi, je m’appelle Mena’hem Mendel !
Tous dans la pièce – sauf Leonard et sa sœur – eurent un sursaut d’étonnement. Leonard semblait ne pas comprendre l’importance de ces prénoms – de fait celui du Rabbi de Loubavitch et de sa défunte épouse !
- Est-ce votre Chalia’h (émissaire du Rabbi) qui vous a donné ces prénoms ?
- Pas du tout ! Ce sont les prénoms que nos parents nous ont donnés à la naissance !
Leurs parents étaient originaires de Russie et avaient probablement un lien avec les ‘Hassidim de Loubavitch.
Le fils de ‘Haya Mouchka était présent lui aussi. Quelqu’un suggéra qu’il mette les Téfilines. On en parla à Leonard. Il éclata de rire malgré la gravité du moment : « Mon neveu ne se considère certainement pas comme juif ! Jamais il n’acceptera ! » Shalom Mordechai ne l’entendait pas ainsi : « Je vais lui parler ! » Il prit le neveu à l’écart et expliqua : « Votre mère est juive. Elle est née juive et a une âme juive, une Nechama. Selon la tradition, vous aussi vous êtes juif et possédez une Nechama. La plus grande chose que vous puissiez accomplir pour la Nechama de votre maman dans l’état où elle est, est d’accomplir le commandement de mettre les Téfilines ! »
Le fils accepta. Là, au chevet de sa mère, on l’aida à mettre les Téfilines – bien évidement pour la première fois de sa vie. Lui – comme tous ceux qui étaient présents dans cette chambre d’hôpital – était très ému et touché par cette expérience.
Le lendemain matin, ‘Haya Mouchka était décédée. Mais elle avait mérité, le dernier jour de sa vie, d’entendre un Minyane (dix hommes) réciter Min’ha, la Kedoucha et le Kaddich ; elle avait vu son fils mettre les Téfilines pour la première fois et, au fond, devenir Bar Mitsva, ce qui le mènerait sans doute plus loin sur le chemin du judaïsme. Elle avait quitté ce monde comme une femme juive…

Chaya Sarah Silberberg
Shmais News Service – Shluchos Network
traduite par Feiga Lubecki