Semaine 2

  • Chémot
Editorial
Histoire de saison
Le climat n’a-t-il pas une influence réelle sur le caractère et le comportement humains ? Un rayon de soleil suffit parfois à produire un trait de gaîté tandis que la grisaille dominante écrase souvent les velléités de conscience. C’est ainsi que, sans toujours qu’ils en soient tout à fait conscients, les hommes se mettent à l’unisson des tonalités de la période qu’ils vivent. Certes, même au plus sombre de la nuit, ils peuvent parvenir à faire s’élever la lumière et la fête de ‘Hanouccah en a été le plus brillant exemple. Cependant, chacun ressent la difficulté de maintenir l’effort sur la plus longue période. Comment ne pas être sensible à la torpeur générale descendue sur le monde de l’hiver ? De fait, l’homme aime la chaleur. Il aime que la clémence des températures soulève ou souligne les élans de son cœur. Ne parle-t-on pas, dans une de ces expressions qu’on oublie de décrypter avec l’attention qu’elle mérite, de «sentiments chaleureux» ? Comme pour nous dire que la chaleur, c’est la vie tandis que le froid est le caractère majeur de ce qui s’y oppose.
On rapporte ainsi qu’un jour d’hiver les disciples du Baal Chem Tov virent des paysans tailler une idole dans l’eau d’une rivière prise par la glace. Ils en furent bouleversés, voyant dans l’événement une interrogation majeure. «Comment est-ce possible ?» dirent-ils. «L’eau vive est la chose la plus pure du monde. Rituellement, s’y tremper permet d’effacer toute trace d’impureté spirituelle. Comment comprendre qu’on puisse en faire la chose la plus impure du monde : un objet d’idolâtrie ?» Ils allèrent poser la question à leur maître qui leur répondit : «C’est que l’eau était glacée. Entre la froideur et le rejet de tout ce qui est Divin, de la vie même, il n’y qu’une bien subtile séparation !» Le risque existe ainsi qu’à la froidure du dehors réponde la glaciation du cœur. Le risque existe que celui-ci cesse d’être le réceptacle de tout ce qui est beau en l’homme – la joie, la préoccupation de l’autre, la solidarité, toutes ces formes du bien ultime : le lien avec D.ieu –, qu’il ne soit plus que le reflet de la fermeture sur soi, comme une chambre aux trésors si férocement gardée que son propriétaire même s’en verrait interdire l’accès.
Mais, à la froideur d’un temps, il existe toujours un antidote. L’étude de la Torah est porteuse de chaleur et de vie et jamais desséchante. Le souci d’autrui et la volonté de partage mise en œuvre sont les facteurs du bonheur commun. D’une certaine manière, comme pour bien des choses, c’est l’homme qui est appelé à conduire les choses et non l’inverse. Les Sages l’ont dit en une forte phrase : «D.ieu mit le monde dans le cœur des hommes.» Il ne nous reste qu’à en faire le lieu manifeste de Sa Présence.
Etincelles de Machiah
Chaque prière est un progrès

Pour la Délivrance du peuple juif, une Délivrance éternelle qui ne sera suivie d’aucun autre exil, nous devons augmenter nos prières, les premières et les dernières générations. Les prières des premières générations aideront celles des dernières générations.
Ce sera plus facile pour les dernières générations qui sont plus proches de la Délivrance finale. Leurs prières seront plus acceptées que celles des premières générations. Puisque le sujet est si important, il doit y avoir une abondance de prières, génération après génération, afin que les prières pour la Délivrance soient acceptées.
(d’après Beth Elokim LéHamabit, Porte de la prière, chap. 17) H.N.
Vivre avec la Paracha
Chemot : Le bras étendu

La Torah relate que «la fille de Pharaon… vit la corbeille parmi les buissons ; et elle envoya sa servante (ammatah) et elle la prit.» (Chemot 2 :5)
Une interprétation alternative de ce verset rend le mot hébreu ammatah comme signifiant : «son bras» plutôt que «sa servante». Ainsi, le verset se lit : «…elle tendit son bras et elle la prit.» Que signifie le fait que la fille du Pharaon tendît son bras ? Nos Sages expliquent que la corbeille contenant l’enfant Moché était hors d’atteinte pour elle. Néanmoins, elle tendit son bras. Un miracle se produisit et «son bras s’étendit à de nombreuses longueurs de bras», lui permettant de prendre l’enfant et de le sauver du décret de son père.
Une leçon extrêmement importante pour chacun d’entre nous se dégage de cet épisode. Bien souvent, nous sommes confrontés à une situation que nous n’avons aucun moyen de rectifier. Quelqu’un crie au secours, quelque chose demande notre aide et nous ne pouvons rien faire : selon tous les critères naturels, c’est hors de notre portée. Ainsi nous nous résignons à l’inaction, nous disant que, en tout état de cause, la petite aide que nous pourrions apporter ne résoudra rien du tout.
Mais la fille du Pharaon entendit les cris d’un enfant et tendit son bras. Une distance infranchissable la séparait de la corbeille où le bébé pleurait, et son acte semblait absolument inutile. Mais parce qu’elle fit tout ce dont elle était capable, parce que son bras ne pendait pas immobile alors qu’un être humain avait besoin de son aide, elle réussit l’impossible. Parce qu’elle tendit son bras, D.ieu étendit sa portée, lui permettant de sauver une vie et d’élever l’être humain le plus grand qui eut jamais existé sur la face de la terre.

L’éditeur cosmique
Quelle est la différence entre une belle page d’écriture et une page écrite maladroitement ? Dans cet ordre d’idée, quelle différence y a-t-il entre un livre qui apporte la joie et la lumière à ses lecteurs et un ouvrage dont émanent la haine et le mal ? Tous deux sont composés des mêmes lettres, des mêmes signes de ponctuation. Seuls leurs contenus sont différents.
Les mêmes caractères qui, alignés d’une certaine manière, composent une œuvre d’art, deviennent un écrit vulgaire ou barbare quand ils sont différemment ordonnés. Les mêmes mots peuvent devenir la célébration du bien ou une diatribe d’une violence absolue, selon l’ordre dans lequel ils sont placés.
C’est avec cette analogie que la Cabale explique le mystère du mal. Si tout vient de D.ieu, et que D.ieu est l’essence du bien, d’où vient le mal ? Mais, expliquent les Cabalistes, le mal est une non existence, vide de toute réalité ou de substance. Ce que nous connaissons comme «le mal» est une corruption du bien, les mêmes lettres, configurées différemment.
Cela explique comment nous avons la force de «transformer l’obscurité en lumière et l’amertume en douceur». Quand nous sommes confrontés à l’énormité du mal dans notre monde, nous devons nous rappeler que le mal n’est pas une existence à part entière, il est du bien qui a pris la forme du mal. Il ne nous est pas nécessaire de vaincre l’obscurité et de produire la lumière à sa place. Il ne nous faut pas éradiquer l’amertume et fabriquer la douceur pour la remplacer. Il nous faut simplement réorganiser les lettres. Ce dont le monde a besoin, c’est d’un bon éditeur.

L’âge de l’écriture électronique
Pendant des millénaires, l’écrivain qui «n’y arrivait» pas du premier jet devait tout recommencer.
Que ce soit en gravant les lettres sur de l’argile ou sur de la pierre, en écrivant sur du papyrus ou sur un parchemin ou encore en tapant à la machine, les premiers efforts de l’écrivain finissaient souvent par être détruits. Il pouvait effacer, appliquer du blanc effaceur, barrer des mots et en insérer d’autres entre les lignes ou dans les marges. Mais finalement, il n’était pas rare qu’une nouvelle feuille soit employée pour en recopier une version finale «propre».
Et puis est venu l’ordinateur et avec lui le traitement de textes. Maintenant l’écrivain peut jongler avec les mots, transférer des phrases entières d’une page à l’autre, sauvegarder des lignes de paragraphes inadéquats et les insérer dans un autre contexte. D’un bout du monde à l’autre, le bruit des pages froissées pour être jetées commence à mourir.
Rabbi Israël Baal Chem Tov, le fondateur de la ‘Hassidout, enseignait que «tout ce que fait ou entend une personne doit lui enseigner une leçon dans son service de D.ieu». Tout, que ce soit un phénomène naturel, un caprice de la nature humaine, un progrès technologique ou une information nouvelle, tout nous dit quelque chose à propos du but de notre vie. Parce que le monde dans lequel nous vivons, notre monde quotidien, matériel est le miroir du monde spirituel.
Nous savons que l’histoire est un processus, un processus dans lequel toute la création avance vers l’accomplissement de sa fonction d’être «une demeure pour D.ieu». L’apogée de l’histoire est l’Ere de Machia’h, une époque où toute ignorance, toute animosité, toute souffrance seront éliminées de la surface de la terre. Ce sera une ère où les lettres de la création seront parfaitement ordonnées de sorte que les forces mêmes qui épelaient le mot «mal» seront désormais canalisées en forces du bien.
L’évolution de l’écriture reflète l’acheminement de notre monde vers cet idéal. Dans les générations précédentes, la tâche d’ «éditer» les forces de la création était alourdie par les faux départs, les efforts abandonnés et les ressources gâchées. Mais aujourd’hui, nous vivons à l’ère de l’écriture électronique. Aujourd’hui la tâche d’aligner les lettres de notre vie dans la configuration adéquate est plus accessible qu’elle ne l’a jamais été.
Le Coin de la Halacha
Comment pratiquer la Mitsva de Ahavat Israël, l’amour de chaque Juif ?

Le peuple juif est comparé à une seule âme qui rayonne dans de nombreux corps ; chaque rayon éclaire sa mission unique et remplit son rôle crucial. Ensemble nous composons une symphonie dans laquelle chaque instrument est unique et essentiel. Le peuple juif est une grande famille, chacun est concerné par le bien-être de l’autre, chacun est prêt à aider l’autre, chacun est heureux de la joie de l’autre.
Celui qui aime chaque Juif pourra également aimer le reste de l’humanité : de tous temps, les mendiants non-juifs savaient frapper d’abord à la porte des Juifs. Par ailleurs, si nous ne nous occupons pas en priorité des Juifs, qui le fera ?
En 1976, le Rabbi de Loubavitch encouragea particulièrement cette Mitsva de « Ahavat Israël ».
- déclarez, avant la prière du matin : « Haréni Mekabel Alaï Mitsvat Assé Chel Veahavta Leréara Kamo’ha » (Je m’engage à appliquer le commandement positif : tu aimeras ton prochain comme toi-même).
- parlez seulement positivement des autres Juifs. N’écoutez pas les racontars, sauf dans des cas très particuliers (en vue d’un mariage ou d’une embauche par exemple).
- cherchez à faire du bien à un autre Juif.
- aidez-le à accomplir les Mitsvot et à connaître son identité juive.
- respectez ses biens et son argent.

F. L. (d’après Tsvi Freeman – www.chabad.org/aharei 2009)
De Recit de la Semaine
Entêté à ce point…

Dans le cadre de son action pour le rétablissement du Beth ‘Habad à Bombay, Rav Avraham Berkowitz a pris contact avec les autorités municipales, la communauté et, bien sûr, le consulat israélien. C’est ainsi qu’il a rencontré Roni qui lui a raconté combien il avait aimé se rendre au Beth ‘Habad et discuter avec les regrettés Rav Gabriel Noa’h Holtzberg et son épouse – que leur sang soit vengé.
«J’étais pratiquement un membre de la famille Holtzberg, j’appréciais chaque moment passé en leur compagnie, je tenais en haute estime ce qu’ils représentaient. Mais il se passa un jour un événement qui me fit les apprécier encore davantage.
Un jour, un officier israélien de haut rang se rendit à Bombay, sans doute pour acheter des armes et pour d’autres missions qu’il vaut mieux garder secrètes. En tant que fonctionnaire au consulat, je fus affecté à son service afin de l’aider dans ses déplacements et ses contacts.
A la fin de la semaine, je l’informai qu’avec mon épouse, nous avions l’habitude de passer le vendredi soir au Beth ‘Habad pour la prière d’accueil du Chabbat, le Kiddouch et le repas traditionnel – dans une ambiance sympathique que je regrette tant. J’ai invité cet officier à se joindre à nous. Il a hésité puis a finalement accepté de nous accompagner.
Le Beth ‘Habad était conçu de telle sorte qu’au premier étage se trouvait l’accueil et le restaurant tandis qu’au second étage se trouvait la synagogue. Nous avions déjà l’habitude de monter directement au second étage pour la prière et seulement après, de redescendre dans la salle à manger. Mais notre invité préféra rester au premier étage : «En Israël je ne fréquente pas la synagogue, je ne le ferai pas non plus ici !» expliqua-t-il d’un ton décidé, sans le moindre mot d’excuse. Nous sommes donc montés sans lui.
Comme d’habitude, Rav Gabi nous a accueillis avec un grand sourire. D’autres hommes sont arrivés. Finalement nous étions huit, neuf avec Rav Gabi. Il nous en manquait donc un pour avoir Minyane, les dix hommes requis pour les prières principales.
Il se faisait tard. Rav Gabi se tourna vers nous et demanda : «Peut-être l’un d’entre vous connaît un autre Juif qui ne serait pas trop loin d’ici et à qui on pourrait demander de compléter le Minyane ?»
- Tout à fait ! me hâtai-je de répondre. Il y a quelqu’un qui se trouve juste à l’étage en dessous, je vais l’appeler !
Je suis descendu : l’officier était affalé sur un des fauteuils, très à l’aise, serein. Je lui ai expliqué qu’il nous manquait juste un homme pour pouvoir commencer la prière en commun : pouvait-il monter nous rendre service ?
- Pas question ! s’écria-t-il d’un ton ferme. En Israël je n’ai pas l’habitude de prier et sûrement pas dans une synagogue. Et je ne suis pas venu ici pour prier !
Un peu déçu de son manque de coopération, je suis remonté et, penaud, racontai à Rav Holtzberg que j’avais échoué dans ma mission. Rav Gabi décida alors de descendre lui-même tenter de le convaincre. Quelques minutes plus tard, il remonta, seul. L’officier n’avait eu aucun scrupule de refuser une seconde fois et avait même ironisé : «On voit que tu n’as jamais rencontré un Israélien têtu !»
C’est ainsi qu’il n’y eut pas de prière en communauté ce vendredi soir au Beth ‘Habad de Bombay. Nous avons prié chacun pour soi, en regrettant silencieusement de n’avoir pas eu la possibilité de louer le Créateur autant qu’il se doit le Chabbat. Puis nous sommes descendus au premier étage où nous attendait l’officier. Le repas fut très agréable, comme d’habitude ; la Rabbanit Rivkie avait préparé des mets copieux et délicieux, nous avons chanté et l’atmosphère était particulièrement joyeuse. Après le Birkat Hamazone, la prière après le repas, nous avons pris congé des Holtzberg en les remerciant chaleureusement mais, pour eux, c’était normal d’accueillir ainsi des invités même imprévus, même peu coopératifs.
Quelques semaines plus tard, des terroristes barbares faisaient irruption dans le Beth ‘Habad de Bombay, Rav Gabi Holtzberg et son épouse Rivkie ainsi que quatre autres Juifs de passage furent assassinés. Comme tous les membres du consulat israélien, comme tous les Juifs de par le monde, je ressentis un choc terrible : j’avais perdu des amis chers ; le judaïsme avait perdu un couple extraordinaire.
Durant les Chiva, les sept jours de deuil, je reçus un appel de l’officier haut gradé qui avait refusé de compléter le Minyane. Lui, l’officier si fier et condescendant, pleurait au téléphone comme un enfant : «Depuis que j’ai entendu ce terrible attentat et son dénouement tragique, je ne peux penser à autre chose ! Te souviens-tu de ma conduite si peu courtoise ce vendredi soir ? Alors tu te souviens sûrement de la façon dont Rav Gabi a réagi. Et si tu n’as pas vraiment fait attention, je vais te le rappeler maintenant. Il n’a pas montré le moindre signe d’agacement, il ne m’a adressé aucun reproche, même pas une allusion au fait que sa prière de Chabbat n’avait pas été aussi réussie qu’il l’aurait désiré. Bien au contraire ! L’ambiance générale était exceptionnellement chaleureuse et moi, il a fait de moi la star de la soirée. Son discours sur la Sidra de la Semaine était remplis de citations du Rabbi de Loubavitch concernant l’importance des soldats de Tsahal, l’armée de défense d’Israël : comment ils protègent la Terre d’Israël et combien j'ai du mérite d’occuper de hautes fonctions au sein des forces qui assurent la sécurité du peuple juif.
Je suis sorti du Beth ‘Habad avec un moral gonflé à bloc et une fierté renouvelée. Mais j’avais aussi appris beaucoup de choses sur les relations humaines : pas un mot de rancune, pas une seule pensée de revanche, que de l’amour gratuit pour un frère juif, même si celui-ci n’avait pas été à la hauteur…
Mais je voulais te dire encore autre chose et tu peux le raconter à tous les Loubavitch que tu rencontres : l’assassinat dans ces conditions atroces du couple d’émissaires du Rabbi m’a bouleversé, traumatisé : j’ignore si je peux agir à ce sujet mais je te promets au moins une chose : à partir d’aujourd’hui, à toute occasion et en tout endroit – en Israël ou ailleurs – si on me demande de compléter un Minyane, je n’aurais qu’une seule réponse : oui !

Rav Avraham Berkowitz
Président du Fonds de reconstruction du Beth ‘Habad de Bombay
Kfar Chabad n°1348
traduit par Feiga Lubecki