Semaine 38

  • Yom Kippour
Editorial

5770 : une année de Chabbat éternel

Une nouvelle année. Une année pleine de force, d’espérance. Une année au millésime comme emblématique – 5770. Nous y abordons à présent comme on arrive sur les rives d’un monde neuf, encore inconnu et déjà chargé de promesses. C’est Roch Hachana. La tentation peut exister de vivre ce jour essentiel comme une version juive d’un traditionnel «jour de l’an», entre réunion familiale et coutumes alimentaires. Si ces deux derniers aspects y sont bien présents, le cœur de cette double journée est, cependant, profondément différent. La mystique juive le décrit en des termes bouleversants : D.ieu fait exister le monde par Sa lumière. Cette vitalité indispensable à la vie, Il la renouvelle chaque année. C’est là la portée fondamentale du «jugement divin» dans cette période. C’est ainsi que, pour l’année qui se termine à présent, l’énergie spirituelle s’est peu à peu épuisée. Voici qu’à la veille de Roch Hachana, il n’en reste plus que les traces indispensables pour maintenir le monde à l’existence jusqu’à ce que l’œuvre spirituelle du jour assure l’avenir. A ce moment, D.ieu attend. Il attend chacun d’entre nous comme en un grand rendez-vous, pour un temps d’éternité : Roch Hachana, le jour si long et intense qu’il occupe deux périodes de vingt-quatre heures et non une seule.
C’est alors que retentit le cri – le Choffar qui réveille les cœurs endormis et lance comme un appel au Père de toute existence : «Entends-moi, sauve-moi.» Il n’est pas étonnant que chacun souhaite en entendre le son – lancinant, profond et victorieux. Il retentit dans toutes les synagogues du monde et partout où quelqu’un a besoin de l’entendre, là où il se trouve : chez lui, dans la rue etc. Un son qui abat les murailles, déchire les voiles qui obscurcissent le monde ou, parfois, notre propre vision. Cette année, le premier jour de fête étant Chabbat, le Choffar ne retentit qu’un seul jour, le second. Si cela rend ce son peut-être encore plus précieux, il faut être conscient que cette absence ne retire rien à la grandeur du moment. C’est le Chabbat lui-même qui en assume l’élévation spirituelle.
Pourtant, cela donne une coloration particulière à l’année qui commence ainsi. Ne devient-elle pas, d’une certaine manière, une année «Chabbatique» ? De fait, le Chabbat est bien un jour au-dessus du temps, en quelque sorte au-dessus du monde. Chacun y ressent un sentiment étonnant qui le porte au-delà de soi, qui lui apporte un supplément d’âme qu’on échoue à décrire. En un tel jour, le monde et son tumulte font silence et c’est une véritable sérénité du cœur qui règne. Cette qualité, au travers de Roch Hachana, s’étend à toute l’année qui s’ouvre alors. Jusqu’à être enfin, par nos efforts, celle du «Chabbat pour l’éternité», celle de le venue de Machia’h.

Etincelles de Machiah

Des récompenses matérielles

Les Sages décrivent longuement la prospérité matérielle qui nous attend dans le temps de Machia’h. Par exemple, «un arbre donnera des fruits le jour même où il sera planté» (Torat Cohanim sur Parchat Bé’houkotaï 26 : 4) ou «dans les temps futurs, la Terre d’Israël produira des délices et des vêtements de laine fine» (Talmud, traité Ketouvot p. 111b). Pourtant, en cette nouvelle époque, alors que «l’occupation du monde entier ne sera que de connaître D.ieu» (Michné Torah, Hil’hot Mela’him 12 : 5), quelle valeur peuvent avoir de telles choses ?

En fait, quand des récompenses matérielles sont accordées pour le service de D.ieu accompli, cela exprime le fait que Sa Torah n’est pas seulement un des éléments constituant la vie humaine. Bien au contraire, elle «est votre vie et la longueur de vos jours» (Nombres 30 : 20). Puisque la Torah est donc la totalité de l’homme et sa vitalité même, cela rejaillit sur tout ce qui le touche, tant dans le domaine matériel que spirituel.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,
Chabbat Parchat Behar-Bé’houkotaï 5751) H.N.

Vivre avec la Paracha

Roch Hachana : Le passe-partout

Une année, Rabbi Israël Baal Chem Tov dit à Rabbi Zeev Kitzes, l’un de ses disciples les plus anciens : «Ce Roch Hachana, c’est toi qui souffleras pour nous le Choffar. Je veux que tu étudies toutes les kavanot (pensées kabbalistiques) qui concernent le Choffar, pour que tu puisses y méditer pendant que tu l’utiliseras.»
Rabbi Zeev s’appliqua à la tâche avec joie et émotion : de la joie pour le grand privilège qui lui avait été accordé et de l’émotion devant cette immense responsabilité. Il étudia les écrits de la Kabbale qui discutent des nombreuses significations du Choffar et de ce qu’accomplissent ses sons dans les différents niveaux de la réalité et dans les diverses sphères de l’âme. Il prépara également une feuille de papier sur laquelle il nota les points essentiels de chaque kavanah, pour s’y référer quand il soufflerait du Choffar.
Finalement, le grand jour arriva. C’était le matin de Roch Hachana et Rabbi Zeev était sur la plateforme située au centre de la synagogue du Baal Chem Tov, au milieu des rouleaux de la Torah et entouré d’une mer de corps enveloppés dans des Talith. Son maître, le Baal Chem Tov, se tenait debout à sa table, située dans le coin sud-est de la pièce, le visage en feu. Le silence empreint de crainte était palpable dans la salle. Tous attendaient le point culminant du jour, les cris perçants et les sanglots du Choffar.
Rabbi Zeev chercha dans sa poche et son cœur s’arrêta de battre : le papier avait disparu ! Il se rappelait clairement l’y avoir placé là, le matin même, mais maintenant, plus rien. Il fouilla dans sa mémoire pour se remémorer ce qu’il avait appris, mais sa détresse devant ses notes perdues semblait avoir paralysé son cerveau : son esprit n’était plus qu’un grand trou noir. Des larmes de désespoir envahirent ses yeux. Il avait déçu son maître qui lui avait confié cette tâche sacrée. Maintenant, il devrait souffler dans le Choffar comme dans un simple cor, sans aucune kavanah ! Avec un cœur brisé, Rabbi Zeev souffla la litanie des sons requis par la loi, et évitant le regard de son maître, il rejoignit sa place.
A la conclusion des prières du jour, le Baal Chem Tov se dirigea vers le coin où Rabbi Zeev était assis, secoué par des sanglots sous son Talith. «Bonne fête, Reb Zeev, l’interpela-t-il. Aujourd’hui nous avons entendu des sons du Choffar des plus extraordinaires !»
«Mais Rabbi, je…»
«Dans le palais du Roi, reprit le Baal Chem Tov, il y a de nombreux portails et de nombreuses portes. Les gardiens du château possèdent de grands trousseaux où sont attachées de nombreuses clés, chacune convenant à sa serrure. Mais il existe une clé qui ouvre toutes les serrures, un passe-partout qui ouvre toutes les portes.
Les kavanot sont des clés. Chacune ouvre une porte différente dans notre âme, chacune permet d’accéder à une autre sphère dans les mondes spirituels. Mais il est une clé qui ouvre toutes les portes, qui ouvre pour nous les chambres les plus intérieures du Palais Divin. Ce passe-partout, c’est… un cœur brisé.»
Certaines choses nous sont importantes et nous en parlons. D’autres sont si importantes que les mots sortent dans un flot d’émotion, des mots riches, expressifs et vibrants.
Et puis il y a ces choses qui nous secouent jusqu’au fond de notre être. Des choses qui ne se soucient ni de la permission du cerveau ni des mots justes, car l’esprit ne peut les pénétrer, les mots les plus poignants ne peuvent les exprimer. Des choses qui ne peuvent se traduire que dans un cri, un hurlement et puis dans le silence.
C’est le son du Choffar : le cœur le plus profond de notre âme qui s’écrie : «Père ! Père !»

Le Choffar, le retour et le couronnement
Roch Hachana comporte trois étapes dans le service divin exprimant les trois niveaux d’attachement à D.ieu.
1) Le lien créé par l’accomplissement des Mitsvot.
Un Juif est, pour ainsi dire, séparé de D.ieu et ce qui forme et crée le lien entre lui et D.ieu est précisément l’observance de Ses commandements. Ce lien s’exprime par la Mitsva du jour : le Choffar.
2) Un lien plus profond qui ne dépend pas des Mitsvot.
Ce niveau s’exprime par le retour : même celui qui a péché ressent du regret et se repent. Cependant, même ce niveau qui dépasse le lien créé par les Mitsvot, leur est connecté. Les regrets d’un homme se réfèrent à sa non-observance et précisément sa résolution de la rectifier. Puisque cette résolution est liée aux Mitsvot, elle implique l’être humain, une entité séparée qui se lie à nouveau à D.ieu grâce à elles.
3) Le Zohar déclare que «le Peuple Juif et D.ieu sont totalement Un», c'est-à-dire qu’un Juif et D.ieu forment la même entité, pour ainsi dire. Ce niveau d’unicité s’exprime par le couronnement de D.ieu. Le lien par les Mitsvot et le lien par le retour ne se réalisent qu’après le couronnement. Ce n’est qu’alors qu’une obéissance générale envers le Roi est possible (et le retour pour y avoir failli). Néanmoins, avant le couronnement (avant la prière où l’on dit : «Proclame-moi Roi sur toi»), qu’est-ce qui conduit le Juif à ressentir le besoin de la Royauté de D.ieu, au point qu’il Lui demande d’accepter le couronnement et de l’accepter, lui, comme serviteur ? La réponse est que le Juif, par essence, fait un avec le Créateur et qu’ainsi il ne peut exister sans son Roi.

Le Coin de la Halacha

Le coin de la Hala’ha

Que fait-on la veille de Roch Hachana (cette année vendredi 18 septembre 2009) ?

On ne récite ni le Ta’hanoune ni les Psaumes 20 et 86 durant la prière du matin. On ne sonne pas le Choffar, afin de marquer la différence entre la coutume (du mois d’Elloul) et l’obligation (de Roch Hachana).
En présence de dix hommes, chacun récite le texte de «Hatarat Nedarim», l’annulation des vœux, afin de ne pas commencer la nouvelle année tant qu’on n’aurait pas accompli tout ce qu’on a promis l’année précédente : en effet, à Roch Hachana, chacun promet de mieux faire. Mais quelle serait la valeur d’une telle promesse si on n’a pas tenu les promesses de l’année précédente ?
On se coupe les cheveux, on s’immerge dans le Mikvé et on revêt les vêtements de fête car on est confiant que D.ieu jugera chacun avec miséricorde.
On augmente les dons à la Tsedaka (charité) en s’assurant que chacun a de quoi faire face aux dépenses de la fête.
Nombreux sont ceux qui se rendent au cimetière sur les tombes des êtres chers disparus et des Tsadikim (Justes) afin qu’ils intercèdent en faveur de leurs descendants et de leurs fidèles.
De nos jours, on évite de jeûner et on préfère donner à la Tsedaka (charité) l’argent équivalent aux repas consommés (en général une somme multiple de 18).

Que fait-on à Roch Hachana ?

Vendredi 18 septembre 2009, après avoir mis des pièces à la Tsedaka, les femmes, les jeunes filles et les petites filles allument les bougies de Roch Hachana (avant 19h 36, horaire de Paris) en récitant les bénédictions suivantes :
1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Vechel Yom Hazikarone» ;
«Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifié par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière de Chabbat et du jour du Souvenir». et 2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé ».
« Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre, qui nous as maintenus et nous as fait parvenir à ce moment ».
Après la prière du soir, on se souhaite mutuellement : «Lechana Tova Tikatev Vete’hatème» - « Sois inscrit(e) et scellé(e) pour une bonne année ».
Après le Kiddouch, on se lave les mains rituellement et on trempe la ‘Halla dans le miel (et ce, jusqu’à Hochaana Rabba, vendredi 9 octobre 2009 inclus).
Ensuite on trempe un morceau de pomme douce dans le miel, on dit la bénédiction : «Barou’h Ata… Boré Péri Haèts» et on ajoute : «Yehi Ratsone Milfané’ha Chete’hadèche Alénou Chana Tova Oumetouka» («Que ce soit Ta volonté de renouveler pour nous une année bonne et douce»). Durant le repas, on s’efforce de manger de la tête d’un poisson, des carottes sucrées, une grenade et, en général, des aliments doux, pas trop épicés, comme signes d’une bonne et douce année.
Samedi soir 19 septembre, les femmes, les jeunes filles et les petites filles allument les bougies de la fête (après 20h 40, horaire de Paris) à partir d’une flamme allumée avant la fête, avec les bénédictions :
1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Yom Hazikarone» ; et 2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé».
On aura auparavant placé sur la table un fruit nouveau, qu’on mangera juste après le Kiddouch, avant même qu’on se lave les mains pour commencer le repas. Durant le Kiddouch on prononcera aussi les bénédictions de la Havdala «Boré Meoré Haèch» en regardant les bougies et «Hamavdil Bène Kodech LeKodech». On ne prononce pas la bénédiction sur les bonnes odeurs.
Dimanche 20 septembre, on écoute la sonnerie du Choffar. Si on n’a pas pu l’entendre à la synagogue, on peut encore l’écouter toute la journée.
Dimanche 20 septembre après-midi, après la prière de Min’ha, on se rend près d’un cours d’eau et on récite la prière de Tachli’h.
Après la tombée de la nuit à 20h 38 (heure de Paris), on récite la Havdala sur une coupe de vin avec seulement la bénédiction sur le vin et celle de «Hamavdil Bène Kodech Le’hol».
Durant les deux jours de Roch Hachana, on évite les paroles inutiles et on s’efforce de lire de nombreux Tehilim (Psaumes).
Jusqu’à Yom Kippour inclus, on ajoute dans la prière du matin le Psaume 130 et on récite matin et après-midi (sauf Chabbat) la prière «Avinou Malkénou» («Notre Père, notre Roi»). On ajoute certains passages de supplication dans la prière de la «Amida» - en particulier : on termine la 3ème bénédiction en louant «Hamélekh Hakadoch» (le Roi Saint).
On multiple les actes de charité et, en général, on s’efforce d’être davantage scrupuleux dans l’accomplissement des Mitsvot.

F. L.

De Recit de la Semaine

Histoire
Jamais sans mon Choffar !

Je me souviens du premier Roch Hachana que j’ai passé à Conejo Valley, il y a 25 ans, au début de ma prise de fonction en tant qu’émissaire du Rabbi.
Le premier jour, après la prière, j’expliquai à la poignée de fidèles qui avaient choisi de fréquenter la synagogue ce jour-là, la coutume de «Tachli’h» : je les avais invités à me suivre jusqu’au cours d’eau le plus proche.
Tandis que nous avancions vers le lac, quelqu’un me fit remarquer que nous pouvions emprunter un raccourci par le parking d’un immeuble. Là une vieille dame qui marchait, en s’aidant d’un déambulateur, nous aperçut et les larmes aux yeux, s’écria : «Gut Yom Tov ! Bonne fête ! Gut Yom Tov» !
Nous nous sommes arrêtés et lui avons à notre tour souhaité «Gut Yom Tov» et «Chana Tova». Et elle nous a expliqué la raison de son émotion.
Quelques semaines auparavant, elle avait subi une opération de la jambe et avait donc du mal à marcher. C’était la première fois de sa vie qu’elle ne s’était pas rendue à la synagogue pour Roch Hachana. Toute la journée, elle avait pleuré pour cela ! De fait, c’était sa première sortie dans ce parking et qui avait-elle rencontré ? Un groupe de Juifs se dirigeant vers le lac pour Tachli’h ! Une synagogue ambulante pour ainsi dire.
Je lui souhaitai une prompte guérison en ajoutant que, certainement, l’année prochaine elle pourrait prier à la synagogue. Puis nous avons continué notre route.
Alors que je me tenais devant le lac en récitant la prière de Tachli’h, je réalisai que je n’avais pas été à la hauteur. Je venais de rencontrer une dame qui avait supplié le bon D.ieu : «Maître du monde ! Je n’ai pas écouté le Choffar aujourd’hui, c’est la première fois que je n’ai pas pu aller à la synagogue pour Roch Hachana et je me sens si triste !»
Dans le ciel, D.ieu avait entendu sa prière, lui avait donné la force de sortir de son lit pour la première fois depuis des semaines et avait «arrangé» qu’elle rencontre un émissaire du Rabbi de Loubavitch (qui se rendait justement à Tachli’h en prenant précisément ce raccourci) qui porterait certainement un Choffar sur lui au cas où il rencontrerait un Juif qui ne l’avait pas entendu ce jour-là…
Tout avait été parfaitement arrangé par le Tout-Puissant – sauf un ingrédient fondamental : cet émissaire débutant - moi - avait oublié de prendre son Choffar ! De fait, c’était toute ma légitimité d’émissaire qui était remise en question !
J’étais horrifié ! Cette femme avait prié du plus profond de son cœur et D.ieu avait écouté ses prières mais j’avais tout fait rater !
Sur le chemin du retour, j’insistai pour reprendre le même raccourci, peut-être se trouvait-elle encore dans le parking. Mais non, elle n’était plus là. Cette nuit, je n’arrivai pas à m’endormir. J’avais trahi la mission que le Rabbi m’avait confiée, j’avais trahi cette femme, j’avais déçu le Bon D.ieu !
Le second jour de Roch Hochana, je racontai cette anecdote aux fidèles de la synagogue et demandai des volontaires qui m’aideraient à retrouver cette femme. Nous sommes retournés sur le parking et sommes véritablement allés de porte en porte : «Avez-vous vu une dame qui marche avec un déambulateur ?» Non, personne ne savait de qui on parlait puisque c’était la première fois qu’elle était sortie… Pendant une heure, oui une heure, nous avons frappé à toutes les portes jusqu’à ce que quelqu’un nous indique un des appartements…
Je frappai à la porte. Je m’excusai devant l’homme qui m’ouvrit : «Je sais que la question peut paraître bizarre mais votre femme marche-t-elle avec un déambulateur ? A-t-elle été opérée il y a quelques semaines ?»
- Oui ! répondit-il d’un ton bourru.
- Alors je voudrais sonner le Choffar pour elle, je l’ai rencontrée hier, c’est toute une histoire, je suis envoyé par le Rabbi de Loubavitch…
Il me claqua la porte au nez. Je toquai encore une fois : «Excusez-moi ! Cela ne prendra que deux minutes, je ne cherche pas à vendre quoi que ce soit…»
- Partez ! ordonna-t-il sèchement.
Là je sentis que ma Techouva n’avait pas été acceptée. J’avais raté et ce ne serait pas très facile de réparer. Lentement je m’apprêtais à repartir quand j’entendis la femme appeler de la terrasse : «Monsieur le rabbin ! Ne partez pas !» Elle m’avait aperçu à travers les branchages.
- Oh, vous êtes donc là ! Je suis venu sonner le Choffar pour vous ! Mais ce monsieur ne me laisse pas entrer !
- N’y faites pas attention ! C’est mon mari !
- Comment puis-je ne pas le remarquer puisque c’est lui qui me bloque l’entrée vers vous ?
- Je vais lui dire de vous laisser entrer !
C’est ainsi que j’ai pu entrer mais l’homme s’empressa de disparaître.
- Que se passe-t-il ? demandai-je à la femme.
- Il en veut aux Juifs pratiquants ! Notre fils est devenu pratiquant et ne veut plus manger chez nous car ce n’est pas assez cachère pour lui.
Je lui expliquai que D.ieu avait entendu sa prière, qu’il existe un Rabbi qui envoie des émissaires sonner le Choffar un peu partout dans le monde.
- Puis-je vous demander si votre mari a écouté le Choffar aujourd’hui ?
- Ni aujourd’hui, ni hier…
Avec sa permission, je frappai à la porte de sa chambre.
- Je suis venu sonner le Choffar pour votre femme. Je sais que vous en voulez à votre fils et je vais m’en occuper demain : nous essaierons de lui procurer une plaque électrique et un peu de vaisselle pour qu’il vienne manger chez vous, ce n’est pas si compliqué. Aujourd’hui, la Mitsva c’est d’écouter le Choffar !
A ma grande surprise, il accepta. Alors que je portai le Choffar à ma bouche, il s’écria :
- «Stop ! J’ai besoin d’une Kippa !» Il partit en chercher une, je remis le Choffar à la bouche mais :
- Stop ! Mon frère aussi n’a pas écouté le Choffar !
- Il est ici ?
- Non ! Je vais lui téléphoner !
- Heu ! Stop ! On ne peut pas téléphoner le jour de Roch Hachana !
- Je ne vous ai pas demandé de le faire ! C’est moi qui vais lui téléphoner !
- Vous ou moi, c’est interdit ! (Je crus qu’il allait se mettre en colère. Mais il resta calme).
- Bon ! Alors je vais le chercher en voiture !
- Non plus ! Donnez-moi son adresse, je me rendrai chez lui après avoir sonné le Choffar chez vous !
- Pas du tout ! Je vais aller le chercher avec vous !
C’est ainsi que nous sommes partis tous les deux chercher son frère.
Alors qu’il m’avait claqué la porte au nez quelques minutes auparavant, maintenant il m’accompagnait pour chercher encore un autre Juif qui allait écouter le Choffar !
Tels furent mes débuts et c’est avec ce message que je continue jusqu’à ce jour, jusqu’à la venue de Machia’h !

Rav Bryski – Conejo, Californie.
Extrait d’un discours prononcé lors du Congrès des émissaires du Rabbi
traduit par Feiga Lubecki