Semaine 51

  • Vayéchev
Editorial
Plaidoyer pour la lumière

Mois de Kislev – temps de lumière. Que ce soit celle des enseignements du ‘Hassidisme (le 19 Kislev tombe cette semaine) ou celle de ‘Hanouccah (la semaine prochaine), tout nous indique qu’elle imprègne la période dont chacun des jours semble, de ce fait, porteur d’une aura particulière. Pourtant, la nuit semble aussi bien épaisse. Parfois, elle paraît si puissante que la lumière elle-même n’est plus, dans l’esprit de bien des hommes, qu’un motif de lointaine nostalgie. Et la pesanteur des choses fait comme un cocon autour de la conscience, habituant chacun à cette situation étonnante où, peu à peu, tout s’estompe dans un oubli plus ou moins consenti ou une indifférence plus ou moins assumée. C’est alors que la vie perd de ses couleurs et l’homme de son espérance.
Et pourtant la lumière est belle. Elle est si belle qu’elle est un vecteur de chaleur, un élément indispensable à l’existence. « Les hommes se rassemblent autour de la lumière » fait remarquer l’adage ‘hassidique – une manière de dire que celle-ci est, en quelque sorte, bien plus qu’elle-même. Elle est comme un pôle qui attire tous ceux qui ont reçu ce don précieux qu’est la vie humaine. Ils aiment y voir une assurance, comme une confirmation qu’ils ne sont pas seuls dans l’univers, abandonnés à un sort aveugle et dépourvu de sens. Ce n’est certes pas un hasard si les commentateurs du texte biblique l’ont choisie pour représenter la vitalité par laquelle D.ieu fait exister le monde. Car, de fait, elle est facteur de vie. Aussi loin que la mémoire historique remonte, la lumière a toujours été présente. Elle a accompagné le développement de la civilisation en chassant les ténèbres extérieures, elle continue d’avoir ce pouvoir : chasser celles de l’esprit et de l’âme. Les femmes et les jeunes filles juives le savent qui allument, chaque vendredi, les bougies de Chabbat.
Alors, il faut la laisser monter, en nous et autour de nous. C’est vrai, parfois la violence et la grossièreté du monde viennent nous défier. Elles nous crient au visage qu’elles veulent rester les maîtresses de l’univers. Elles savent prendre le visage monstrueux de la barbarie, celui de tous les dévoiements. Les porteurs de lumière se laissent-ils impressionner ? Jamais. Comme toujours, assurés de la justesse de leur combat de paix, ils avancent avec sérénité. Le cône de lumière qu’ils projettent pénètre enfin la substance des choses et révèle que la création est d’abord affaire de bien, de bonté. 19 Kislev, ‘Hanouccah, tous les jours, les semaines et les mois qui suivent : la vie est en marche et les temps de toute Lumière approchent.
Etincelles de Machiah
Le soleil et la lune
Le texte de la Torah (Gen. 38 : 28-30) nous annonce la naissance de Pérètz et Zara’h, fils de Yéhouda. A leur propos les commentateurs relèvent que Zara’h est comparable au soleil tandis que Pérètz l’est à la lune. Quel est le sens de cette parabole ?
Le soleil représente le mode de service de D.ieu des Justes. En effet, ceux-ci ne connaissent ni changement ni chute. Comme le soleil qui éclaire de façon constante, ils sont d’une perfection immuable. A l’inverse, la lune symbolise le service de D.ieu des Baalei Techouva, ceux qui ont commis des fautes et sont revenus à D.ieu. Ils ont ainsi connu la chute et redécouvert la plénitude, comme la lune qui décroit pour revenir à la perfection.
Cette idée explique pourquoi c’est de Pérètz, ancêtre de la dynastie du roi David, que descendra le Machia’h. Car un des apports essentiels de ce dernier sera justement de donner accès à la Techouva aux Justes puisque celle-ci est toujours d’une grandeur et d’une puissance inégalables !
(D’après Likoutei Si’hot vol. XXX –
Parachat Vayéchev II) H.N.
Vivre avec la Paracha
Vayéchèv : Reouven et Yehouda


Dans les bénédictions qu’il donna à ses enfants avant de quitter ce monde, Yaakov assigna à chacun d’eux une tâche particulière dans la formation du Peuple Juif. Les douze fils de Yaakov devinrent les douze tribus d’Israël dont toutes les vocations individuelles réalisent la mission d’Israël.
A Yehouda, le quatrième fils de Yaakov fut confié le rôle de souverain et dirigeant, dans les mots mêmes de Yaakov: “le sceptre ne quittera pas Yehouda, pas plus que la plume du législateur ne quittera ses descendants; devant lui les nations se soumettront jusqu’à la venue de Chiloh”. Depuis le Roi David, tous les dirigeants légitimes du Peuple Juif : les rois, les nessiim (les princes), les exilarques, et ce jusqu’à Machia’h, ont appartenu et appartiendront à la tribu de Yehouda.
Par le droit, la souveraineté aurait dû appartenir à Reouven, le fils aîné de Yaakov. Mais Yehouda avait péché contre son père, perdant de ce fait son droit qui fut alors transféré à Yehouda. Pourquoi Yehouda ? Nos Sages identifient deux qualités qui lui valurent la position suprême en Israël :
a) Quand les autres fils de Yaakov complotèrent pour tuer Yossef, Yehouda sauva sa vie: « Quel bienfait tirerons-nous en tuant notre frère et en couvrant son sang? » argua Yehouda, « vendons-le aux Ismaélites et ne lui faisons pas de mal de nos propres mains, car il est notre frère, de notre chair ». Les autres acceptèrent et Yossef fut sorti du puits infesté de serpents dans lequel il avait été jeté. Puis il fut vendu comme esclave.
b) Yehouda reconnut publiquement sa culpabilité dans l’épisode avec Tamar, sauvant ainsi de la mort elle-même et les deux fils qui allaient lui naître.
Il semblerait toutefois que Reouven ne fut pas moins vertueux que Yehouda. En fait en relation à ces deux domaines, les actes de Reouven furent plus grands et ses intentions plus pures.
En ce qui concerne le complot pour tuer Yossef, ce fut Reouven qui sauva le premier la vie de Yossef en suggérant à ses frères qu’au lieu de le tuer, il était préférable de le jeter dans le puits. Comme l’atteste la Torah, il agit ainsi “pour le sauver de leurs mains et le rendre à leur père” (Reouven ignorait que le puits était rempli de serpents et de scorpions). La Torah témoigne également que Reouven n’était pas présent lorsque Yossef fut vendu et relate son choc lorsqu’il ne le retrouva pas dans le puits alors qu’il était revenu l’en sortir, et ses reproches à l’encontre de ses frères pour l’acte qu’ils venaient de commettre.
Yehouda, quant à lui, ne fit que suggérer une façon plus profitable de se débarrasser de Yossef (la Torah n’évoque pas d’intentions cachées de sa part) et fut responsable de la vente de Yossef comme esclave. En fait plus loin, nous voyons les autres frères accuser Yehouda “C’est toi qui nous as dit de le vendre. Si tu nous avais dit de le ramener [à la maison] nous t’aurions écouté” (Rachi Beréchit 38:).
En ce qui concerne la pénitence publique de Yehouda, là encore il avait été surpassé par Reouven. Reouven admit également qu’il avait péché et s’en repentit. Mais alors que Yehouda se trouvait devant le choix d’admettre sa responsabilité ou de causer la disparition de trois vies innocentes, dans le cas de Reouven, il ne devait affronter aucun dilemme semblable. Plus encore, sa pénitence ne s’interrompit pas avec la reconnaissance unique de sa culpabilité mais continua à consumer son être tout entier pendant de nombreuses années. En fait, la raison pour laquelle Reouven n’était pas présent lors de la vente de son frère Yossef, neuf années après son méfait contre son père, était qu’“il était occupé, vêtu d’un sac [habit de deuil] et jeûnait”.
Le Rabbi explique qu’en ce qui concerne les qualités personnelles, Reouven dépassait, en effet, Yehouda, à la fois dans la pureté de ses intentions à l’égard de Yossef, et dans l’intensité de sa repentance sur ses manquements.
Mais Yehouda fut celui qui dans les faits sauva Yossef, alors que Reouven sans le vouloir l’avait mis en danger mortel. Dans le même esprit, la repentance de Yehouda sauva trois vies alors que les remords de Reouven n’aidèrent personne ; en fait s’il n’avait pas été préoccupé de son sac de deuil et son jeûne, il aurait pu empêcher que Yossef soit vendu en esclavage.
En fait, Reouven garda ses droits de fils aîné de Yaakov pour tout ce qui le concernait en tant qu’individu. Mais il perdit son rôle de chef en négligeant les préalables essentiels pour cette fonction. Pensant que dans l’instant Yossef était en sécurité, il se précipita pour s’occuper de ses propres prières et de sa pénitence, oubliant que se soucier de son prochain doit toujours prendre la priorité sur ses propres aspirations, quelque pieuses qu’elles soient.
Alors que Reouven pria et jeûna, Yehouda agit. Yehouda gagna la fonction de chef d’Israël en reconnaissant que lorsque l’autre est dans le besoin, a besoin de nous, nous devons mettre de côté nos considérations et nos préoccupations personnelles et nous impliquer. Même si nos motivations manquent de perfection, il est des situations où l’on ne peut se permettre d’attendre.
Le Coin de la Halacha
Les femmes et jeunes filles ont-elles l’obligation d’allumer la ‘Hanoukia ?

Réponse : Les femmes et jeunes filles ont subi de terribles restrictions durant l’occupation gréco syrienne.
Par ailleurs, la victoire militaire fut en grande partie due à l’action héroïque d’une femme, Yehoudit. C’est pourquoi les femmes et filles ont l’obligation d’assister à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah par un homme. Dans le cas où il n’y a pas d’homme (ou garçon de plus de treize ans) pour les rendre quitte, elles allumeront leurs propres lumières de la fête.
Que doit faire celui qui rentre chez lui très tard le soir de ‘Hanouccah ?
Normalement on doit allumer les lumières de ‘Hanouccah de façon à «publier le miracle», donc quand les gens sont réveillés.
On peut allumer les lumières de ‘Hanouccah en principe toute la nuit, à condition que quelqu’un soit éveillé dans la maison. Si tout le monde dort, il faudrait normalement réveiller au moins une personne.
Cependant celui qui allume sa ‘Hanoukia alors que plus personne n’est éveillé ne sera pas réprimandé pour cela.
Comment agissent les élèves d’un internat ?
Selon certaines opinions, ils sont considérés comme membres d’une même famille et doivent donc allumer chacun leur ‘Hanoukia dans le réfectoire ; s’ils le désirent, ils peuvent avoir la «Kavana», l’intention de ne pas se rendre quitte et allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher qui est considérée comme leur véritable demeure.
D’autres décisionnaires tranchent qu’ils doivent a priori allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher.
Enfin, certains décisionnaires séfarades estiment que les pensionnaires d’un internat sont rendus quitte de leur obligation d’allumer du fait que leur père allume chez lui à la maison en pensant à eux.
Si on allume la ‘Hanoukia en public, dans une synagogue ou une fête, doit-on prononcer les bénédictions ?
De nombreux décisionnaires tranchent qu’il faut allumer la ‘Hanoukia avec les bénédictions dans tout endroit où des Juifs se réunissent, que ce soit lors une fête, dans un restaurant, un mariage etc… afin de rendre le miracle public.

F. L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)
De Recit de la Semaine
Juste un mot

Je visitai Moscou avec Natacha, une collègue juive de la colonie de vacances pour jeunes pionniers soviétiques dans laquelle je m’étais engagée, par idéalisme. On était en 1991 et Natacha espérait que moi, juive américaine, je pourrais lui enseigner le judaïsme tel que l’avait pratiqué ses ancêtres. Mais je n’en connaissais pas beaucoup plus qu’elle.
J’avais 19 ans mais mon judaïsme ne se définissait que par quelques principes négatifs : jamais je n’aurais de sapin dans ma maison le 25 décembre, jamais je n’entrerais dans une église, jamais je ne porterais une croix en pendentif. Mais il me fallait réfléchir longuement avant de trouver quelque chose que, oui, je ferais parce que je suis juive.
J’étais venue en Russie dans le cadre d’un programme d’échange culturel suscité par la Glasnost entre les gouvernements américain et soviétique. Dans la colonie de vacances, non loin de Moscou, les enfants me pointaient du doigt : «Amerikanka» !, l’Américaine comme s’ils avaient aperçu une quelconque star du show-biz américain. Mais je m’aperçus très vite que le fait que j’étais juive était bien moins intéressant à leurs yeux : pour eux le judaïsme n’était même pas une religion mais plutôt une sorte de maladie chronique, débilitante, dont ils souhaitaient sincèrement que je me débarrasse au plus vite.
J’étais la seule juive à des kilomètres alentour. Et l’antisémitisme était palpable, presque effrayant. Je ne me suis jamais sentie aussi juive de ma vie.
Tout à coup Natacha et moi nous les apercevons de l’autre côté de la rue Arbat. Trois jeunes gens barbus en costumes sombres, aux chapeaux noirs. Non, ce n’est pas possible ! Mais si ! Des Juifs orthodoxes en plein Moscou !
Si je les avais rencontrés là où j’habite, à Baltimore, je me serais sentie aussi différente d’eux que d’un chauffeur de taxi sikh avec un turban jaune.
Mais ici j’avais l’impression de retrouver des frères ! Je les hélais de loin, en anglais : «Hé, que faites-vous à Moscou ?»
Eux aussi étaient stupéfaits. L’un répondit qu’il venait de Brooklyn, les deux autres d’Australie : ils organisaient une colonie de vacances Loubavitch pour enfants juifs.
- Moi aussi, je suis venue pour une colonie de vacances !
Ils me demandèrent s’il s’agissait de la même colonie qu’eux.
- Non ! Moi je prends part à la colonie Zorki des pionniers russes !
- Comment ?
Trois secondes de silence atterré. Tous trois me regardèrent comme si je leur avais juste affirmé que j’habitais sur Vénus et que je m’apprêtais à y retourner bientôt. Pourquoi réagissaient-ils ainsi ? me demandai-je. Ne réalisent-ils pas que c’est eux qui ressemblent à des zombies et non pas moi ?
- Dites-moi, demanda celui de Brooklyn tout en lissant sa barbe, comment vous appelez-vous ?
- Jenny Freedman.
- Non ! Quel est votre prénom hébraïque ?
Voilà une question qu’on ne m’avait pas posée depuis ma Bat Mitsva ! Mais, à ma grande surprise, je m’en souvenais ! «Hanna !»
Il devint très sérieux. Plus sérieux qu’aucun visage de seulement vingt ans ne m’était jamais apparu. «Je dois vous dire, ‘Hanni Freedman, que vous avez un très bon cœur. Vous êtes venue en Russie pour aider des enfants et c’est une mission humanitaire noble et digne de louanges. Mais le fait est que si vous n’aidez pas ces enfants russes, quelqu’un d’autre le fera. Mais si nous, Juifs, nous ne nous unissons pas pour aider les milliers d’enfants juifs ici, personne ne le fera !»
J’étais stupéfaite par sa remarque courtoise mais ferme, puissante et juste.
L’un des Australiens inscrivit sur un papier le numéro de téléphone de la synagogue Loubavitch la plus proche et me conseilla d’aller y prendre des cours. «Désolés, nous devons nous dépêcher !» s’excusa celui de Brooklyn et nous les regardâmes disparaître de la rue Arbat.
Je ne les ai jamais revus depuis mais cette remarque me hanta pendant des mois. Durant la colonie, elle me revenait à mon réveil, m’accompagnait le jour et résonnait en moi la nuit.
Deux semaines plus tard, je me rendis, avec natacha, à la synagogue. Elle était pleine de monde. Il s’avéra qu’il s’y tenait la conférence européenne des rabbins Loubavitch !
Dans la section réservée aux femmes, Natacha et moi tenions des livres de prières entre les mains mais sans savoir dans quel sens les porter. A côté de moi une jeune Russe, juive, priait de tout son cœur, se balançant, s’inclinant, avançant et reculant… Nous avons essayé de lui poser des questions mais elle indiqua son livre de prières, signifiant qu’elle ne pouvait pas parler. Je l’enviais : comment elle, élevée en Russie communiste, avait-elle réussi à apprendre à lire et à prier en si peu de temps alors que moi, née et élevée aux Etats-Unis, pays de la liberté, je ne connaissais rien ?
Je crois que notre visite à la synagogue marqua le tournant de ma vie.
«Je suis juive. Et moi aussi je veux savoir ce que cela signifie, comme cette jeune femme qui prie à côté de moi !»
Le chemin a été long et a connu des hauts et des bas. Mais cette rencontre rue Arbat et cette visite à la synagogue Loubavitch ont marqué le début d’un long voyage vers une vie juive complète dans laquelle j’évolue maintenant avec mon mari et mes enfants.
La semaine dernière, comme la plupart d’entre nous, j’ai utilisé des boîtes et des boîtes de mouchoirs pour lire les nouvelles à travers mes larmes. A 29 et 26 ans, Rav Gavriel Noa’h et Rivka Holtzberg auraient pu faire passer leur vie de famille avant les besoins des milliers de touristes, hommes d’affaires et autres Jenny Freedman qui se sont arrêtés un Chabbat dans leur centre ‘Habad de Bombay.
Mais nous savons déjà qu’ils avaient choisi de poursuivre leur mission car ils faisaient passer les besoins du peuple juif avant les leurs afin de répandre la lumière du judaïsme vers tous les Juifs, promeneurs ou autres.
Tandis que je repense sans cesse à ce jeune couple héroïque, je réalise que le moment est venu pour moi de dire enfin un mot à tous les Chlou’him, émissaires du Rabbi. Un mot que j’aurais dû prononcer il y a bien longtemps, aux Holtzberg, à ces étudiants de Yechiva croisés sur la rue Arbat et au Rav du Beth ‘Habad de Boston chez qui j’ai passé mes premiers Chabbatot.
Je pense que c’est le mot auxquels la plupart des Juifs de par le monde pensent et ressentent après que nous ayons suivi les tragiques événements de Bombay.
Merci !

‘Hanna (Jenny) Weisberg – Jérusalem
www.chabad.org
traduit par Feiga Lubecki