Semaine 52

  • Vayigach
Editorial
D’aujourd’hui à demain

La fête de ‘Hanouccah est encore présente dans nos mémoires ; il est vrai que sa lumière est si puissante qu’on ne saurait l’oublier en si peu de temps tant son éclat est encore présent dans notre cœur. Du reste, ne nous accompagnera-t-elle pas durant toute l’année ? Il est donc encore temps de revenir sur un message de la célébration qu’il ne faudrait surtout pas considérer comme secondaire.
De fait, l’histoire de ‘Hanouccah nous offre une vision bouleversante : celle de ces enfants à qui l’occupant grec avait interdit d’étudier la Torah ou, encore plus clairement dit, de rester fidèles à eux-mêmes et à l’héritage du judaïsme. Ces enfants, est-il rapporté, refusèrent de plier. Ils trouvèrent refuge dans la campagne, dans les grottes ou les forêts et, là, ils continuèrent de faire, en secret, ce que tous les enfants devraient pouvoir faire librement : apprendre. C’est d’ailleurs là l’origine de la toupie de ‘Hanouccah, qui servait de prétexte à ces réunions d’enfants quand l’envahisseur les découvraient malgré les précautions prises. Il y a, ici, comme l’héroïsme d’une génération. Ce sont de jeunes enfants, ils doivent braver des interdictions sévères et, cependant, ils n’hésitent pas. Mais où est l’origine d’un tel courage, d’une telle fermeté, de cette force-là qui n’est rien d’autre que celle qui a soutenu le peuple juif tout au long de son histoire ? Un seul mot répond à cette question : l’éducation.
C’est là un mot d’une grandeur et d’une puissance inégalables. L’éducation est une œuvre de chaque instant, dont dépendent le maintien de notre peuple et, plus largement, celui de la société des hommes. De fait, c’est dans ses jeunes années de formation que, pour l’enfant, tout se joue. C’est alors qu’il se pénètre des valeurs qui conduiront ensuite toute sa vie. C’est à ce moment que la sagesse et la connaissance lui apparaissent pour ce qu’elles sont : les biens les plus précieux qui se puissent acquérir. Il n’est pas étonnant que le judaïsme y ait toujours accordé une si grande attention et que, inversement, ses ennemis se soient toujours attaqués à elle. Elle est l’enjeu majeur car c’est l’avenir de l’enfant et celui de notre peuple qui y sont liés.
Nous vivons des temps où ce thème résonne avec une force accrue. Car, comme au temps de ‘Hanouccah, certains ne veulent voir dans l’éducation juive qu’une image du passé, dérangeante par son insistance à traverser les siècles. L’histoire de la fête leur répond encore. C’est par la conscience et la mémoire transmises que le peuple juif sait poursuivre sa route.
Etincelles de Machiah
La Techouva pour les Tsadikim ?

La notion de Techouva peut également s’appliquer aux Tsadikim – aux Justes – si l’on se réfère à l’enseignement de nos Sages selon lequel un homme devrait «passer tous ses jours dans la Techouva».

En effet, dès qu’un Juif perd, ne serait-ce qu’un instant, de son niveau habituel du service de D.ieu, par la prière et l’étude de la Torah, cela est considéré, pour lui, comme une chute considérable. Cela appelle donc la Techouva la plus sincère. Devant l’intense lumière apportée par Machia’h, cette dernière sera d’autant plus nécessaire.
(d’après Or Hatorah, Chir Hachirim, p. 688) H.N.
Vivre avec la Paracha
La richesse des nations

Et le monde entier arriva en Egypte, chez Yossef, pour acheter de la nourriture, car la famine sévissait dans toutes les terres…
Et Yossef collecta tout l’argent qui se trouvait en terre d’Egypte et en terre de Canaan (et tout l’or et l’argent du monde) en échange des aliments qu’on achetait ; et Yossef apporta l’argent à la maison du Pharaon (Beréchit 41 :57 ;47 :14).

Depuis plusieurs semaines, maintenant, nous suivons l’histoire de Yossef : sa vente comme esclave, son emprisonnement, son interprétation des rêves du Pharaon et sa désignation comme vice-roi d’Egypte ; son organisation des récoltes égyptiennes pendant les sept années d’abondance ; son contrôle sur toute l’alimentation pour fournir la région pendant les années de famine qui suivent, de telle sorte que la richesse de l’Egypte et des terres avoisinantes se trouve concentrée entre ses mains ; le voyage de ses frères vers l’Egypte pour y acheter du grain, les accusations qu’il monte contre eux et la détention qu’il fait subir à Chimon et Binyamine.

Cette semaine, la Paracha Vayigach (Béréchit 44-4 :18-47 :27) arrive à une apogée : Yossef révèle son identité à ses frères. Ils restent sans voix, bouleversés et pleins de remords mais il les calme et les presse de retourner en Canaan pour en ramener leur père. Père et fils ont des retrouvailles débordantes d’émotion, après vingt-deux ans de séparation. Yaakov et sa maisonnée, soixante-dix âmes en tout, s’installent en Egypte.

Dans cette Paracha, nous est également donnée la raison de tous ces événements. Yossef dit à ses frères : «Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais D.ieu… Dépêchez-vous et montez chez mon père et dîtes-lui : Ainsi a parlé ton fils Yossef : ‘D.ieu m’a placé dirigeant sur toute l’Egypte; redescendez chez moi, ne tardez pas. Vous vous installerez en terre de Gochen et serez proches de moi, vous, vos enfants et les enfants de vos enfants, votre bétail et vos troupeaux et toutes vos possessions’».
En d’autres termes, tout avait été programmé par D.ieu pour que les Enfants d’Israël s’installent en Egypte.
Mais n’y avait-il pas un autre moyen pour faire venir Yaakov en Egypte ? Le Talmud explique : «Yaakov aurait pu être amené en Egypte portant des chaînes mais il méritait que [cela arrive comme le décrit le prophète :] «Je les tirerai avec des liens humains, avec des cordes d’amour…». Cela explique pourquoi Yossef fut fait dirigeant d’Egypte : pour que la descente de Yaakov ne soit pas celle d’un exilé enchaîné mais comme celle du père de l’homme le plus puissant du pays. Mais pourquoi la montée au pouvoir de Yossef dut-elle emprunter cet itinéraire ? Pourquoi sept années d’abondance, les années de famine qui suivirent et la concentration de l’or et de l’argent du monde en Egypte, des événements qui affectèrent la vie de millions d’individus ?

Le but «commercial» de l’exil
Dans les écrits de nos Sages, le mot «Egypte» est le synonyme du phénomène même de l’exil. Car bien que l’exil égyptien n’ait duré que deux cent dix ans, il a été le plus significatif des quatre exils vécus par le Peuple Juif. L’Egypte représenta le «creuset» qui fit des descendants de Yaakov une nation. Ce fut l’ancêtre et le prototype de tous les exils qui allaient suivre, contenant les germes de toutes les expériences juives sous un règne étranger.
L’un des aspects étonnants à propos de l’exil égyptien est l’importance attachée à la richesse matérielle que le Peuple Juif allait sortir d’Egypte. Dans l’alliance faite entre D.ieu et Avraham, cet exil est ainsi décrit : «Sache que tes enfants seront étrangers sur une terre étrangère, (où) ils seront asservis et opprimés…et par la suite ils sortiront avec de grandes richesses».
La «grande richesse» promise à Avraham est un thème récurrent dans le récit de l’Exode, à tel point que l’on a l’impression que c’est là la raison du séjour d’Israël en Egypte. Dans la toute première communication de D.ieu à Moché, quand Il Se révéla au buisson ardent et le chargea de la mission de sortir le Peuple Juif d’Egypte, Il inclut encore la promesse que les Juifs sortiraient riches .Au cours de la plaie des ténèbres, D.ieu fit en sorte que les Juifs puissent faire un inventaire des richesses égyptiennes afin d’éviter que ces derniers nient les posséder. Avant la sortie d’Egypte, D.ieu dit à nouveau à Moché : «Je t’en prie, parle aux oreilles du peuple, que chaque homme demande à son prochain (égyptien) et chaque femme à sa prochaine des ustensiles d’argent et d’or». D.ieu, pour ainsi dire, supplie les Enfants d’Israël de prendre la richesse de l’Egypte !
Le Talmud explique que le Peuple Juif ne désirait pas retarder son départ d’Egypte pour prendre possession de ces richesses. D.ieu dut donc les en supplier afin de ne pas trahir la promesse qu’Il avait faite à Avraham. Mais Avraham n’aurait-il pas été prêt à renoncer à cette promesse pour hâter la rédemption de ses enfants ?

L’éclat dans l’or
Le Talmud déclare que «le Peuple d’Israël fut exilé parmi les nations dans le seul but que des convertis se joignent à lui». Au niveau le plus littéral, cela fait référence aux nombreux non-Juifs qui, au cours des siècles de notre dispersion, sont entrés en contact avec le Peuple Juif et ont désiré se convertir. Mais la pensée ‘hassidique explique que le Talmud fait ici référence à des «âmes» d’une espèce différente, transformées et élevées au cours de nos exils : les «étincelles de sainteté» contenues dans toute la création matérielle.
Chaque objet, chaque force et chaque phénomène existant possèdent en eux une étincelle de Divinité, une étincelle qui donne un sens à leur rôle dans Son but suprême dans la Création et le désir divin de l’existence, un point de divinité qui constitue leur âme, leur contenu et leur dessein spirituels. Quand l’homme utilise quelque chose pour servir son créateur, il pénètre l’écorce de matérialité révélant et réalisant son essence divine. C’est à cette fin que nous avons été éparpillés sur les six continents : pour pouvoir entrer en contact avec les étincelles de sainteté qui attendent la rédemption dans les quatre coins du globe.
Chaque âme possède ses propres étincelles, qui forment une partie intégrante de son être. Aucune âme n’est complète avant d’avoir libéré ces étincelles liées à elle. Ainsi l’individu avance dans la vie, propulsé de lieu en lieu et d’occupation en occupation par des forces apparemment aveugles. Mais tout est voulu par la Providence Divine qui guide chacun vers ces possessions et ces occasions avec lesquelles il est essentiellement lié.

L’Exode en masse
L’exil égyptien fut l’ancêtre et le prototype de tous les exils. Ce fut une période historique extrêmement concentrée dans laquelle furent instaurés les fondements de tout ce qui allait se développer dans les siècles suivants. La Cabbale nous dit que le monde matériel comporte 288 étincelles «générales» dont 202 furent sorties d’Egypte lorsque le Peuple Juif emporta ces richesses, laissant l’Egypte comme «un silo vidé de son grain et un étang vidé de ses poissons». C’était pour permettre cette rédemption massive que Yossef concentra la richesse des nations avoisinantes.
La leçon que chacun d’entre nous doit tirer est que nous devons reconnaître les occasions et les ressources que nous donne D.ieu comme parties intégrantes de notre mission dans la vie. Ce n’est qu’en faisant face aux défis que la Providence divine envoie sur notre route, en utilisant chaque parcelle d’ «or» et d’ «argent» dans des buts divins que nous-mêmes pouvons extraire de leur exil les étincelles liées plus particulièrement à notre âme, parvenir à une rédemption personnelle et hâter la rédemption universelle quand «le grand Choffar sonnera» l’arrivée de Machia’h.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le jeûne du 10 Tévet ?

Le 10 Tévet - cette année dimanche 31 décembre 2006 - rappelle le début du siège de Jérusalem par Nabuchodonosor en l'an 3336 (-425). C'est l'un des quatre jeûnes institués par nos Sages en souvenir de la destruction du Temple.
Rabbi Schnéour Zalman explique qu'un jour de jeûne est aussi un jour de bienveillance divine. Comme l'obligation de jeûner le 10 Tévet est, à certains égards, plus stricte que pour les autres jeûnes, on peut comprendre que la bienveillance divine est aussi plus forte ce jour-là. Donc la Techouva, le retour à D.ieu que doit amener le jeûne, sera aussi d'un niveau plus élevé.
Le jeûne commence à 7h00 (heure de Paris) et se termine à 17h48.

Quelle est l’importance des livres saints ?

Dans notre génération, il est particulièrement recommandé d’augmenter le nombre de bibliothèques, publiques et privées, où chacun pourra étudier les livres saints.
On placera et on utilisera des livres de Torah aussi bien dans le salon que dans la cuisine et dans les chambres des enfants. On veillera à posséder les livres de base que sont :
- le Sidour (livre de prières), le Ma’hzor (pour les jours de fêtes), la Haggada (pour Pessa’h) et la Méguilah (pour Pourim)
- le Téhilim (Psaumes)
- le ‘Houmach (Pentateuque)
- le Tanya (livre de base de la ‘Hassidout)
- ainsi que des livres concernant les lois de la vie quotidienne. On encouragera les enfants à consulter les livres.
On offre des livres saints à toute occasion, aussi bien aux enfants pour leur anniversaire qu’aux jeunes mariés (la jeune fille offrira à son fiancé le Talmud et le jeune homme offrira à sa fiancée un «Sidour Korbane Min’ha» ainsi que des livres de base sur les lois gouvernant la vie juive (mariage, Chabbat, cacherout).
On encouragera l’édition d’un maximum de livres, on veillera à ce qu’ils ne comportent pas d’erreurs d’impression, qu’ils soient agréables à lire, aussi complets solides et beaux que possible afin d’encourager le public à s’en servir ; si possible, on y ajoutera un marque-page.
On respecte les livres, on les embrasse après usage ; on les empile soigneusement selon leur importance (toujours le ‘Houmach au sommet, puis les autres livres de Torah, puis les livres de prières etc…) et on les range à leur place, à l’endroit.
Dans ses derniers moments sur cette terre, le Rabbi Rachab (Rabbi Chalom Dov Ber Schneersohn, cinquième Rabbi de Loubavitch) déclara : «Je m’en vais mais mes livres restent avec vous».

F. L.
(d’après Rav Yossef Ginsburgh et Rav Mordechai Menashe Laufer)
De Recit de la Semaine
Votez !

Chaque fois que j’entends parler d’élections, je pense à mon père pour qui voter était plus qu’un privilège et une obligation : c’était un acte sacré. Je me souviens particulièrement ce qui lui était arrivé en 1944, le jour des élections alors que la guerre faisait rage en Europe et que Franklin D. Roosevelt briguait un quatrième mandat présidentiel.
Né en Pologne – où les autorités avaient imposé de sévères restrictions au développement économique des Juifs, avaient limité leurs droits civiques et menaçaient même souvent leurs vies – mon père avait fui ce pays pour commencer une nouvelle vie aux Etats-Unis. Profondément religieux, talmudiste émérite, il veillait scrupuleusement à l’observance du Chabbat et des autres Mitsvot, même dans les circonstances les plus extrêmes, même dans des pays dont il ne connaissait pas le langage et les mœurs.
Quand il était enfin arrivé aux Etats-Unis, il débordait de reconnaissance et de joie. Cette nouvelle patrie, il la chérissait de tout son cœur. Le fait que le gouvernement du peuple soit élu par le peuple et pour le peuple était un idéal auquel il avait longtemps rêvé. Il avait fait encadrer ses papiers d’identité qui trônaient fièrement dans la pièce où il étudiait chaque jour le Talmud. Le drapeau américain était posé sur la table les jours de fêtes nationales et il écoutait les discours du Président Roosevelt à la radio avec la même ferveur qu’il étudiait une page de Guemara.
Il avait embrassé le rêvé américain et, au prix de longues heures de travail, il avait réussi à monter un commerce de fourrures à East Broadway. Un seul jour dans l’année, il consentait à une entorse dans son emploi du temps : le premier mardi de novembre, il rentrait tôt à la maison. Voter était pour lui un acte rituel qui requérait une préparation soigneuse, presque autant que la venue du Chabbat. Il se changeait : ma mère avait choisi pour lui une chemise blanche avec des boutons de manchettes en or et son meilleur costume avec cravate en soie. Mon grand-père – qui habitait au rez-de-chaussée de notre immeuble – avait ciré ses chaussures et brossé son chapeau. Tous les adultes se mettaient sur leur trente et un pour l’accompagner au bureau de vote.
Je courrai devant cette petite procession pour leur ouvrir la porte de mon école : c’était aussi mon moment de gloire.
L’officier municipal, plastronnant dans son uniforme majestueux, se tenait à côté du drapeau et observait les votants. C’était un homme imposant, mais il saluait avec respect mon professeur d’anglais, Madame Cunigham. Elle m’avait remarquée et souriait : «C’est la petite fille qui a écrit le poème à propos du drapeau !» dit-elle à l’officier en montrant ma rédaction affichée sur le mur. Il hocha la tête, satisfait, puis aperçut mon père et mon grand-père qui s’apprêtaient à signer le registre.
- Messieurs ! Vous devez ôter vos chapeaux !
Mon père le regarda, incrédule.
- Pourquoi devrais-je enlever mon chapeau ?
- En signe de respect pour le drapeau, Monsieur ! rétorqua le fonctionnaire.
Mon père se raidit, se contint mais ses yeux lançaient comme des éclairs derrière ses épaisses lunettes. Il parlait peu mais quand il parlait, sa voix portait au loin car animée d’une profonde conviction : «Je porte le chapeau parce que je suis juif. Je me couvre la tête par respect pour D.ieu !» déclara-t-il dans son anglais hésitant au fort accent européen.
Ma grand-mère tremblait. Les uniformes la terrorisaient. Elle regarda mon grand-père comme si elle le suppliait silencieusement de ne pas provoquer de scandale mais il l’ignora. Elle parlait bien cette nouvelle langue et prit la parole : «Mon mari est un homme pratiquant. Il a mis plus d’un an pour quitter l’Europe et parvenir jusqu’ici sans jamais enfreindre les lois religieuses…»
- Une minute, Madame ! s’exclama l’officier. Je ne lui demande pas de manger du porc mais simplement d’enlever son chapeau par respect ! Il est maintenant citoyen américain !
Mon père hocha la tête. Il souriait comme il le faisait parfois quand il jouait aux échecs et que son partenaire commettait une faute décisive : «C’est justement parce que je suis américain que je n’ai pas besoin d’enlever mon chapeau ! expliqua-t-il le plus simplement du monde. Nous sommes dans un pays libre. Le drapeau nous enseigne que nous sommes libres. Dans un pays de liberté, un Juif peut porter le chapeau. C’est par ce chapeau que je témoigne du plus profond respect que j’éprouve pour ce pays et cette liberté. C’est ainsi que je signe ce registre et c’est ainsi que je vote !»
L’officier réfléchit à la pertinence de cet argument et ne sut plus que répondre.
Il échangea un regard avec Mme Cunigham et tous deux choisirent de dédramatiser la situation.
Ma mère, ma grand-mère et mon grand-père s’avancèrent et signèrent eux aussi le registre, le visage brillant de fierté. Un par un, ils disparurent dans les isoloirs ; j’entendis le bruit de leurs enveloppes tombant dans l’urne. La mine réjouie, mon père tendit la main à l’officier qui la serra vigoureusement.
Chaque année, alors que je fais la queue pour aller voter, je pense à mon père, au fonctionnaire qui se prénommait Pat et à Mme Cunigham. C’est alors que je regrette de ne pas m’être habillé plus dignement pour cette occasion solennelle. Mais je n’ai jamais manqué une élection. L’héritage de mon père – son respect des valeurs républicaines – demeure intact.

Gloria Goldreich
Hadassa Magazine – Lehaim
traduit par Feiga Lubecki