Semaine 31

  • Matot
Editorial
Le nouveau temps de l’action

Le calendrier fait coïncider le début des “Trois
semaines”, cette période qui s’étend entre les
jeûnes du 17 Tamouz et du 9 Av, avec le temps
que nos so ciétés contempora i nes ont attr i bué aux
vacances. Cette occurrence ne peu que créer un sentiment
d’étrangeté: le temps spirituel est au souvenir tragique
de la destruction du Temple de Jérusalem tandis
que le temps social est au plaisir et, souvent, à l’oubli.
C’est alors que réapparaît ce qui pourrait s’appeler le
paradoxe de la judéité: peut-on vivre, à la fois, sur deux
rythmes qui semblent aussi éloignés l’un de l’autre que
deux planètes? Y a-t-il judéité en vacances ou vacance
de la judéité?
Il existe pourtant une troisième voie. C’est que ce temps
spirituel évo cateur de dra me et de destruction, ce
temps social où le monde matériel étale ses richesses
et son goût d’un bonheur éphémère, peuvent être aussi
l’époque de la reconstruction, l’époque où l’attente spirituelle
se concrétise en actes salvateurs. Le Talmud
l’enseigne qui fait dire à D.ieu: “Celui qui étudie le plan
du Temple, Je le considère comme s’il l’avait construit”.
Voici donc le moment venu. La description précise du
Temple de Jérusalem existe, y compris dans d’excellentes
traductions françaises. On la trouve notamment
da ns les “Lois relati ves à la Ma i son d’Election” de
Maïmonide, dans le traité “Midot”, dans la prophétie
d’Ezechiel. Ces textes sont comme des flambeaux allumés
sur une route souvent obscure. Elles nous indiquent
le chemin et permettent notre avancée.
Dans cette période des “Trois Semaines”, par l’étude, ils
effacent le désespoir et donnent un sens aux choses.
Décidément, le temps qui commence n’est ni celui de
l’abandon ni celui de l’oubli. Il est d’abord et avant tout
celui de l’action. Sur la route des vacances, sachons
nous en souvenir.
Etincelles de Machiah
Le regret de D.ieu

Nos Sages enseignent (Traité du Talmud Soucca 52b) qu’il existe quatre
choses que D.ieu regrette d’avoir créées.L’une d’entre elles est l’exil.Cette
idée porte un enseignement dont il est important de se souvenir à
chaque instant: l’exil n’est pas la situation que D.ieu souhaite pour Son peuple.
Les Sages indiquent deux raisons pour ce regret:
1/ afin que nous ne soyons pas satisfait de cet état et que nous nous souvenions
toujours qu’il n’est qu’une conséquence de nos actes: “A cause de nos fautes,
nous avons été exilés de notre terre” (Sidour);
2/ afin que nous ne soyons pas écrasés par l’obscurité de l’exil ou conduits au
désespoir car nous savons qu’il n’est pas une réalité définitive mais qu’au contraire
il est appelé à disparaître.
(d’après Likouteï Si’hot, vol.XXIV, p. 175) H.N.
Vivre avec la Paracha
La guerre contre la guerre

Moché parla au peuple en ces
termes: “armez vos hommes en
une armée, pour mener la guerre
contre Mid ia n... (des
hommes) de toutes les tribus
d’Israël vous enverrez au combat”
(Nombres 31 :3-4)
“De toutes les tribus d’Israël” y
compris la tr i bu de Lévi”
(Rachi)
La tribu de Lévi ne reçut “ni
part ni héritage parmi ses
frères” en terre d’Israël. Alors
que l’ensemble de la nation est
appelée à se battre contre les
défis de la vie mat é r iel le, la
tribu de Lévi est l’aile spirituelle
de l’armée d’Israël, “désignée
pour servir D.ieu et pour enseigner
Sa loi à la communauté...”.
Ils doivent donc être séparés
des lois du monde: ils ne doivent
pas faire la guerre avec le
reste du peuple d’Israël, ne doivent
pas hériter la ter r e, ni
obtenir quoi que ce soit par leur
force phys ique... D. ieu Luimême
subvient à leurs besoins
comme il est dit: “Je suis votre
portion et votre lot”.
Il y eut pourtant une guerre à
laquelle la tribu de Lévi participa,
la guerre d’Is raël contr e
Midian, décrite en détails dans
le 31ème chapitre des Nombres.
Car il ne s’agissait pas d’une
guerre pour conquérir un territoire
ou pour aller à l’encontre
d’une menace, mais d’une guerre
pour “appuyer la vengeance
de D.ieu contre Midian” pour le
dommage moral qu’ils avaient
infligé au peuple juif.
La politique du coeur
“ Le monde éga lement Il l’a
placé dans leurs coeurs” dit le
plus sage des hommes. Chaque
être humain est un monde virtuel
de person na l ités et de
traits de caractère, un globe de
“nations” dans lequel les territoi
r es et les ressou rces du
corps et de l’âme sont
constamment en con f l it.
L’ a mour com bat l’orgueil, la colère combat l’empathie, la volonté combat
la paresse, l’esprit combat le coeur. Et là
aussi la guerre contre Midian est particulière,
une guerre diff é r ente de tou tes les
autres dans le champ de bataille de l’âme
humaine.
Le mot hébreu pour Midian signifie “combat”.
La guerre contre Midian n’est pas alors
un con f l it impl iquant quelque région de
l’univers humain; c’est une guerre contre la
g uerre elle- même, contre le phénom è ne
même de la dichotomie et de la discorde à
l’intérieur de l’homme. Car l’homme, par
essence, est un monde uni, harmonieux,
une com mu nauté intégrée avec un but
commun. C’est le “Midian” dans l’homme
qui est la source de toutes les disharmonies
et des combats, à l’intérieur et l’extérieur.
Midian est la frag mentation de l’âme
hu ma i ne, la rupture de ses mu lti ples
“nations” et “factions” de leur source unificatrice
dans la quintessence de l’homme.
La guerre brise le coeur de l’homme quand
ses différents composants perdent de vue
l’objectif unique qui leur donne naissance,
de sorte que chacun assume un ego et un
programme de lui-même.
La même chose s’applique au niveau interi
nd i v iduel. Nos Sages pa r lent de “ha i ne
sans fondement”. Les ra i sons av a n c é es
par les hommes pour se détruire et se haïr
ne sont que les façades multiples du “moi”
de Midian, l’ego qui dénie la source commune
et le but de l’humanité et considère
l’ex i stence d’autrui com me une menace
pour lui-même.
En règle générale, la tribu de Lévi reste
étrangère aux combats prosaïques pour la
vie. Il en va de même pour le Lévi dans
chaque individu, ce sanctuaire de spiritualité
que chacun de nous arbore dans l’essen
ce de son âme. Alors qu ’ aucu ne vie
n’est dénuée de
combat, nous maintenons
une île inviolable
de sa i nte t é
da ns notre vie, qu i
ne doit ja mais êtr e
souillée par la matérialité.
Mais qua nd
v ient la guer r e
contre Mid ia n,
chaque tr i bu et
chaque face tte de
l ’ â me doi vent
pr endre les armes.
C’est d’ailleurs grâce à la seule participation
du Lévi intérieur, de l’élément de la
personne le plus profond de l’âme individuelle
que cette guerre contre la guerre
peut être victorieuse.
Pour remporter cette guerre, il nous faut
nous concentrer sur chaque individu, ses
différences mais au lieu de les nourrir dans
le sens de la division, les utiliser dans la
construction d’un monde harmonieux par
sa richesse et sa diversité.
Il nous faut introduire dans le monde un
é l é ment fonda mental: l’ha r mon ie. Nous
pouvons évoluer de la singularité ultime
(de D.ieu) à la pluralité et la diversité, mais
la diversité n’a pas besoin de se désintégrer
en guerre. Elle doit au contraire former
les ing r é d ients différents de l’ha r monie,
une harmonie qui reflète la singularité qui
a permis la naissance de ce processus.
Les Sages s’interrogent sur la phrase qui
constitue la pierre angulaire de la foi juive:
la pr emière ph rase du Chema: “Ecou te
Israël l’Eternel notre D.ieu, l’Eternel est Un”.
Pourquoi le mot “E’had” (Un) est-il utilisé
pour évoquer l’unité de D.ieu? “Un” peut
impliquer une série (un, deux, trois...) ou
une unité composée de plusieurs éléments
(un morceau de pain, un être humain, une
com mu nauté...). N’ au ra it-il pas été pl us
judicieux d’utiliser le mot “Ya’hid” (singulier,
unique)?
Mais la singularité est une unité qui peut
être obscurcie par l’émergence de la pluralité.
Cependant le Juif accomplit le but de
sa vie en permettant une véritable expression
de l’unité de D.ieu, celle du “E’had” qui
ne nie pas la pluralité mais au contraire utilise
cette pluralité du monde qu’Il a créé. Et
en dernier ressort se manifeste l’Harmonie
Divine par une synthèse et une unanimité
du projet divin dans une création diversifiée.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le 17 Tamouz?
Cette année, le jeûne du 17 Tamouz est le dimanche 24 juillet 2005.On
ne mange ni ne boit depuis le matin (à 3h57, heure de Paris) jusqu’à la
tombée de la nuit (22 h 34 à Paris).
C'est ce jour que Moché Rabbénou (Moïse notre Maître) brisa les premières
Tables de la Loi à la suite de la faute du veau d'or.Bien plus tard,
le sacrifice quotidien fut interrompu lors du siège de Jérusalem. Une
première brèche apparut ce jour-là dans les murailles de la ville sainte.
Enfin Apostomos installa une idole dans le Temple et brûla un rouleau
de la Torah, toujours un 17 Tamouz.
Durant les trois semaines suivantes jusqu’au 9 Av (dimanche 14 août
2005) on augmente les dons à la Tsedaka.On évite d’acheter de nouveaux
vête m e nts et on ne pro n o n ce pas la bénédiction
“Chéhé’héyanou” (par exemple pour un fruit nouveau). On ne se
coupe pas les cheveux et on ne célèbre pas de mariage.
Suite à l'appel du Rabbi, à partir du 17 Tamouz, nous intensifions
l'étude des lois de la construction du Temple (dans le livre d'Ezéchiel,
le Traité Talmudique Midot et le Maïmonide).
F. L.
De Recit de la Semaine
Malgré tous ses efforts...

Habitant actuellement à Ch i koune Viz n itz à
Bné Brak, Reb Bi nya m i ne Ablass est né à
Kofovar en Hongrie. Durant la Seconde Guerre
Mondiale, il fut enrôlé dans l’Armée hongroise et,
comme tant d’autres, il fut incorporé dans une
unité affectée à de durs travaux. Un jour, il décida
avec trois de ses compagnons juifs de s’enfuir,
de déserter. De nom br euses foi s, il fut
confronté à la mort à laquelle il n’échappa que
par une suite constante de miracles. Voici pourtant
ce qui lui arriva après la guerre.
“L’un d’entre nous était un professeur (juif)
d’histoire qui con na i ssa it de nom br euses
langues étrangères. Mais c’était un communiste
fanatique. Quelques années avant la guerre, il
s’était rendu en Terre Sainte mais n’y avait pas
apprécié l’ambiance - trop juive à son goût - et
était revenu en Hongrie.
D u ra nt les long ues heu r es où nous étions
cachés da ns des bunkers sou ter ra i ns, nous
avions souvent eu l’occasion de discuter de religion
et de foi. Ce professeur tenait fermement à
ses opinions communistes et refusait de reconnaître
toute ingérence divine dans ce qui nous
a r r i v a it. Même qua nd nous échappions pa r
miracle à des dangers certains, il prétendait que
tout était le fait du hasard.
Il avait une femme et une fille qui se cachaient
sous la protection des communistes. Le professeur
constatait avec amertume que les Juifs
étaient chassés et opprimés et soupirait qu’il
valait mieux se séparer complètement de ce
peuple. Il affirmait même que si, après la guerre,
il lui naissait un fils, il ferait tout pour qu’il ne
sache pas qu’il était juif.
Après la guer r e, le professeur retrouva sa
femme et sa fille; il retrouva également un poste
honorable de professeur à l’Université. Il était
considéré comme un spécialiste du socialisme
et reçut même un prix pour ses travaux dans ce
domaine.
Quant à moi, je ne désirais qu’une chose: monter
en Israël. Pour cela, il me fallait un papier
prouvant que, pendant la guerre, je n’avais pas
collaboré avec les fascistes hongrois. Je demandai
donc à mon ami, le professeur, de bien vouloir
me signer un document attestant de ma bonne
conduite. A ma grande surprise, il refusa catégoriquement:
“Je sais bien, me dit-il, que ton cas
personnel est désespéré et que tu resteras attaché
à tes croyances moyen-âgeuses. Mais certainement
tu te marieras et tu auras des enfants:
je ne veux pas être responsable du fait qu’ils
seront élevés en Israël et y subiront un “lavage
de cerveau” qui leur causera une sou ffra n ce
é ternel le!” Tou tes mes suppl ications furent
v a i nes, il n’éta it pas prêt à “agir contre sa
conscience” affirmait-il très sincèrement!
Mais D.ieu m’a aidé et, malgré le refus du professeur,
je réussis à immigrer en Israël. Je me
mariai et élevai une belle famille, dans l’esprit du
judaïsme.
Des dizaines d’années ont passé. Un jour, je
décidai de retourner en Hongrie, pour revoir ma
maison natale, pour me recueillir sur les tombes
de mes parents, pour prier dans mon ancienne
synagogue. Ce voyage fut à la fois éprouvant et
gratifiant. La veille de mon retour, je tentai de
téléphoner à mon ancien ami, le professeur. Ce
fut sa femme qui me répondit: elle m’annonça
tristement que son mari était décédé quelques
temps auparavant mais qu’elle serait heureuse
de faire ma connaissance. J’expliquai que je n’en
avais pas le temps car je repartais le lendemain.
“Où habitez-vous?” me demanda-t-elle.
“En Israël” répondis-je en me souvenant combien
son mari aurait été énervé de cette réponse.
“Ah, très bien! Mon fils habite aussi en Israël”
déclara-t-elle.
Je n’en croyais pas mes oreilles. Son fils habitait
en Israël! Après le premier moment de surprise,
je lui demandai le numéro de téléphone de
son fils, je voulais lui parler. Elle me le donna
avec plaisir. Et dès que j’arrivai en Israël, j’appelai
le fils du professeur qui accepta volontiers de
me rencontrer.
En arrivant sur le lieu du rendez-vous, je me
demandais à qui ce fils pouvait bien ressembler.
Sans doute à un “ Kiboutznik”, un membre d’un
Kiboutz, animé d’un idéal proche du communisme
de son père... Jamais je n’aurais pu imaginer
que le jeune homme barbu, coiffé d’une grande
“Kippa” noire qui s’avançait vers moi était le fils
de mon ami! Passé le premier moment de surprise,
je lui demandais de me raconter sa vie, ce
qu’il fit volontiers: né après la guerre, il n’avait
r e çu absol u ment aucu ne éducation ju i ve,
comme l’avait juré son père. Dans son enfance, il
apprit par hasard – sans doute par une injure
lancée par un camarade – qu’il était juif: “Ne t’occupe
pas de cela, dit le professeur, épouse une
femme non-juive et ainsi tu ne seras pas coupable
de continuer ce peuple persécuté!” Ce qu’il
fit.
“Un jour, sa femme déclara qu’elle s’intéressait
aux religions du monde et en était arrivée à la
conclusion que le judaïsme représentait la vérité.
Elle conti nua ses recherches et annonça
qu’elle avait décidé de se convertir. Après avoir
contacté un rabbin libéral, elle avait constaté
que le judaïsme qu’il lui proposait était édulcoré
et elle avait décidé de se convertir de façon
orthodoxe. Pour cela, elle partit s’installer avec
son mari en Israël où elle adopta sincèrement le
judaïsme et sa conversion fut acceptée par les
rabbins orthodoxes.
C’est ainsi que, malgré tous les efforts de mon
camarade communiste pour s’enfuir et abandonner
la religion, son fils fut reconduit de façon
inattendue, à retrouver en Israël un judaïsme
entier, engagé et sans compromis!”
Binyamine Ablass
Si’hat Hachavoua
Traduit par Feiga Lubecki

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