Samedi, 14 juillet 2018

  • Mattot - Massé
Editorial

 Joli mois de juillet !

Le beau mois de juillet, rien ne peut jamais lui retirer sa magie particulière ! Bien sûr, quand le soleil est au rendez-vous, les choses sont plus faciles, comme plus évidentes. Mais, même si n’est pas obligatoirement le cas, il y brille une autre lumière et c’est une autre chaleur qui pénètre chacun. C’est cette lumière et cette chaleur-là qui naissent dans le cœur et s’y développent jusqu’à emplir tout ce que l’on est et aussi ce qui nous entoure. Et cela porte un nom : Gan Israël. De fait, les centrés aérés ont commencé à présent et quelque chose a changé dans le monde.

Il est vrai que l’événement n’est pas nouveau, que, d’année en année, les enfants retrouvent cette espèce de chemin du paradis que sont les Gan Israël. Mais la répétition ne fait rien à l’affaire. La joie est toujours renouvelée et peut-être porte-t-elle encore plus haut et plus fort. Un Gan Israël – au nom si évocateur « jardin d’Israël » – c’est un lieu où, pendant tout un mois, les enfants rient, vivent, apprennent, ressentent. Ils renforcent, et parfois redécouvrent, la conscience que le judaïsme leur appartient comme il a appartenu à leurs ancêtres et comme il sera la propriété pleine et entière de leurs descendants. Tout cela devient le tissu même de leur existence. Les centres existent dans toute la région parisienne et ailleurs et ils ont ouvert leurs portes, prêts à accueillir tous ceux et celles que le bonheur attire, et avec raison.

En ces temps de mondialisation – d’uniformisation des cultures – où l’on s’interroge parfois sur la pérennité de notre manière de voir le monde et d’y vivre sereinement, les Gan Israël constituent une réponse. Etre fidèle à son histoire, ne pas oublier, sans bâtir un monde clos et sclérosé. Construire un avenir dont les profondes racines garantissent la solidité en gardant la voie ouverte à tous les possibles. Quand des enfants croient en ce dont ils sont les porteurs, quand ils s’engagent dans les jours qui passent avec toute l’assurance qu’ils expriment, quand la joie éclaire tous les visages, c’est plus qu’un combat qui est gagné. C’est une victoire qui s’avance. Belle victoire, obtenue par la paix, qui est, pour cela, un gage de paix, pour soi et pour le monde. Bienvenue aux Gan Israël.

Etincelles de Machiah

 L’attente confiante

Dans son Michné Torah, Maïmonide (Hil’hot Mela’him, chap. 11) expose les lois relatives à Machia’h. Il y souligne notamment l’importance de l’attente de la venue de Machia’h et relève : « Celui qui ne croit pas en lui ou n’attend pas sa venue, renie non seulement les autres prophètes mais également la Torah et Moïse notre maître ».

L’insistance sur Moïse est chargée de sens. En effet, sa prophétie présente une solidité particulière dans la mesure où elle fut confirmée par le fait qu’au mont Sinaï, où elle retentit, chacun fut le témoin direct de la révélation Divine. Comme Maïmonide le souligne : « Chacun vit et entendit ». Ce fait confère à la prophétie de Moïse une « fiabilité qui dure éternellement » et donne à tous une confiance absolue dans l’avènement final de Machia’h.

(d’après Likoutei Si’hot, vol. XVIII, p. 281)

Vivre avec la Paracha

 Matot Massé

Matot

Moché transmet les lois concernant l’annulation des vœux.

Une guerre est engagée contre Midian pour son rôle dans la dégradation morale d’Israël.

La Torah fait le compte-rendu du butin et de son partage.

Les tribus de Réouven, Gad et plus tard la moitié de Ménaché demandent des terres à l’est du Jourdain. Moché finit par accepter cette requête à condition qu’ils se joignent d’abord au reste du peuple dans sa conquête d’Israël.

Massé

Sont listés les quarante-deux voyages et campements du Peuple juif, depuis son départ d’Egypte.

Sont données les limites de la Terre Promise et sont désignées des villes de refuge.

Les filles de Tsélof’had se marient dans leur propre tribu pour préserver l’héritage paternel.

 

Au début de la Paracha Matot, nous sommes initiés aux lois d’annulation des vœux. Ici, les tribus d’Israël, habituellement appelées Chevatim, sont désignées par le terme Matot.

Pourquoi ce changement et quel rapport y a-t-il avec l’annulation des vœux ?

Bien que ces deux mots, Chévèt et Maté, aient le même sens, signifiant littéralement « bâton » ou « morceau de bois », ils présentent des différences fondamentales.

Chévèt se réfère à une branche toujours attachée au tronc ou récemment coupée. Elle est toujours humide à l’intérieur. C’est du bois vert.

Mais un Maté a été détaché depuis un certain temps et a eu le temps de sécher et durcir.

Un sculpteur sur bois qui désire créer un objet de qualité a besoin de connaître la qualité d’humidité du bois qu’il va utiliser. Les conditions auxquelles a été soumis ce bloc de bois auront un impact sur la qualité de la sculpture.

Pour donner un exemple : le bois de récupération (vieux de dizaine d’années et ayant servi dans le bâtiment, etc.) est très prisé parce qu’il a des qualités qu’on ne trouve pas dans un bois récemment coupé.

Par la suite, l’artiste va utiliser ses outils pour scier, percer, ciseler et polir, faisant ainsi ressortir sa beauté naturelle originelle et sa fonction.

Revenons aux vœux. Pourquoi quelqu’un ferait-il un vœu ? Peut-être parce qu’il possède une certaine faiblesse qui le pousse à pécher. Faire un vœu d’abstinence peut être utile tout simplement par la peur qu’il suscite de le briser. Toutefois, le vœu ne change pas la personne et faire annuler ce vœu serait contreproductif puisque la personne a conservé sa faiblesse.

C’est alors qu’intervient le Sage pour annuler ce vœu. Son travail consiste à aider celui qui a fait le vœu à travailler sur lui-même pour se renforcer, à faire surgir des profondeurs de son être l’énergie qui l’aidera à surmonter sa faiblesse. Le vœu devient alors inutile et peut être annulé.

Chacun d’entre nous est un Maté. D.ieu nous fait passer par toutes sortes de situations, certaines heureuses, certaines douloureuses, certaines empreintes de joie pure et d’autres de souffrance. Cependant, nous savons que D.ieu est le Sculpteur ultime, que c’est Lui qui nous met dans ces situations et qu’Il nous aide à surmonter tous les obstacles. Nous savons qu’Il va faire surgir notre plus grand potentiel.

Il en va de même pour la nation juive. D.ieu nous a placés dans toutes sortes de conditions difficiles. Bien que nous en ignorions la raison, nous savons qu’Il a un plan et qu’Il agit pour le bien.

La Paracha Massé est toujours lue le Chabbat où l’on bénit le mois d’Av. Par ailleurs, il y est explicitement fait mention de Roch ‘Hodèch Av puisque c’est le jour où disparut Aharon : « le cinquième mois, au premier jour du mois ».

En tant que Cohen (prêtre), l’aspect fondamental du service d’Aharon consistait à attirer la Divinité dans ce monde. Le jour où un Tsaddik quitte ce monde, la source spirituelle de son âme se manifeste ici-bas et suscite d’extraordinaires révélations divines. Elles affectent les niveaux inférieurs de notre monde, niveaux pour lesquels même les sacrifices n’avaient aucun impact.

Le même concept peut se dégager de la position du mois d’Av dans le calendrier hébreu. Av est le cinquième mois. La Cabbale explique que le monde entier est structuré dans une séquence de quatre. Il y a quatre mondes spirituels, quatre moyens d’interpréter la Torah, quatre lettres dans le Nom de D.ieu.

Le chiffre 5 est considéré comme au-dessus ou au-dessous de cet ordre. En effet, ces deux extrêmes sont liés. Les profondeurs les plus abyssales ont leur source dans les sommets les plus élevés et c’est justement à cause de cette origine sublime qu’elles sont si basses.  De la même façon, ce n’est que par le biais de niveaux supérieurs que peuvent être raffinés les plus bas.

Cette idée se reflète également dans les événements qui se produisirent au mois d’Av. D’une part, c’est le mois lié à Ticha béAv (le 9 av), le moment du paroxysme de la destruction. Mais par ailleurs, le 15 Av était une fête à propos de laquelle la Michna déclare : « le Peuple juif ne célébra jamais de fêtes aussi grandes que le 15 Av et Yom Kippour ».

Ce qui précède suggère une leçon concrète.

Quand arrive le mois d’Av, le Yetser Hara (inclination vers le mal) tente d’attrister les Juifs, voire de les désespérer. Malgré tout le service des grands Tsaddikim, de par les âges, le mois d’Av est là et la Délivrance ne s’approche toujours pas.

La Torah nous apporte la réponse : le mois d’Av est lié à la Hiloula d’Aharon, le Cohen Gadol (le Grand Prêtre), et en ce jour, toutes ses bonnes actions sont complètement accomplies. Quand nous prenons conscience de ces faits, nous servons D.ieu avec joie et nous bénissons le mois en priant que ce soit un mois de vie, de paix, de joie, de bonheur, de délivrance et de consolation.

Ces bénédictions s’accompliront par nos efforts pour intensifier notre étude de la Torah et augmenter nos dons à la Tsédaka. Alors, avec bonheur et joie, nous accueillerons le Machia’h, rapidement et de nos jours.

Le Coin de la Halacha

 Quand commencent « les neuf jours » ?

A partir de Roch ‘Hodech Av (cette année vendredi 13 juillet), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin (sauf Chabbat) en souvenir des jours terribles qui aboutirent à la destruction du Temple de Jérusalem.

On ne fait pas de couture, on ne lave pas de linge (sauf pour les petits enfants ou les grands malades) et on ne repasse pas. On ne met pas de vêtements fraîchement lavés et repassés, sauf s’ils ont déjà été portés quelques instants avant cette période. On ne prend pas de bain et on évite les pratiques sportives dangereuses (par exemple la baignade en piscine ou à la mer).

On évite de passer en jugement.

Qu’est-ce qu’un Siyoum ?

Un « Siyoum » est une fête qu’on organise lorsqu’on a achevé l’étude d’un traité talmudique. Le Rabbi avait demandé qu’on organise un Siyoum pendant chacun des « neuf jours » puisqu’une telle joie sainte est permise durant cette période. On peut participer à un Siyoum sur de nombreux sites Internet ou en écoutant chaque jour (jusqu'au 15 Av - vendredi 27 juillet) sur la radio juive (94.8 FM) une personne qui achève l’étude du traité Midot ou Moëd Katane par exemple.

Restez à l'écoute !

Le Recit de la Semaine

 Mazal Tov !

Quand nous avons décidé de nous marier, en 1990, nous avons rencontré des obstacles de taille. Barou’h, mon futur mari, avait perdu sa citoyenneté soviétique car il avait exprimé le désir de quitter le pays et il nous était donc impossible de célébrer un mariage civil. Or j’avais besoin d’être légalement sa femme pour pouvoir quitter le « paradis soviétique » avec lui qui avait déjà acheté son billet pour Israël. Le « rideau de fer » s’était entrouvert mais pouvait tout aussi bien se refermer à n’importe quel moment. Quand aurions-nous une deuxième chance ? Un ami nous conseilla de nous rendre à Moscou : Israël n’y possédait pas d’ambassade mais ses représentants travaillaient dans les locaux de l’ambassade de Hollande. Nous étions en plein hiver mais à six heures du matin, nous avons pris place dans la longue queue devant l’ambassade qui n’ouvrit qu’à huit heures. La foule se précipita à l’intérieur et nous avons encore patienté jusqu’à ce qu’on annonce, devant nous, qu’aucun autre visiteur ne serait plus admis !

Résignés, les gens quittèrent les lieux mais nous étions trop choqués pour bouger. Un fonctionnaire sortit le nez d’une porte et nous demanda :

- Vous venez pour une affaire personnelle ?

- Oh oui !

- Très personnelle ? insista-t-il.

- Oui, très, très personnelle !

- Entrez !

Il écouta notre histoire puis conseilla : « Procédez à une ‘Houppa ! La prochaine fois que vous venez au consulat, apportez votre Ketouba ! En Israël, c’est considéré comme un document officiel et vous serez enregistrés comme un couple marié. La prochaine fois, brandissez juste votre Ketouba au-dessus de vos têtes et vous n’aurez pas besoin d’attendre votre tour ! ».

Ni Barou’h ni moi-même ne savions ce qu’étaient une ‘Houppa ou une Ketouba. Que devions-nous faire ? Est-ce que cela faisait mal ? Nous ignorions absolument tout du judaïsme, nous étions ces ossements desséchés qui espéraient revivre. L’homme du consulat nous conseilla de contacter une synagogue où on nous expliquerait tout cela. Nous avons appelé celle d’Odessa puis celle de Kiev. Mais on nous répondit unanimement : « Nous n’organisons de ‘Houppa que pour les couples mariés civilement ! ». Bref nous tournions en rond. Finalement quelqu’un nous conseilla : « N’allez surtout pas dans une synagogue officielle ! Allez à Marina Rochtsa ! ».

Ce fut donc la première synagogue dans laquelle nous sommes entrés, plutôt une baraque en bois datant d’il y a au moins deux siècles. Quelques vieillards aux barbes grises et blanches y étaient penchés sur de vieux livres ; leurs vêtements étaient usés jusqu’à la corde, les bancs craquaient de partout. On aurait dit des mendiants attendant la distribution d’une soupe populaire.

Le rabbin David Karpov écouta notre histoire, posa quelques questions puis déclara qu’il était prêt à nous marier même si c’était contraire à la loi : « Un mariage juif est très important ! C’est la volonté de D.ieu ! ». Nous, qui n’avions pas la force de prononcer le mot juif sans baisser la voix, nous avons été stupéfaits de l’entendre parler ainsi. Nous vivions encore sous le régime communiste mais lui parlait librement de D.ieu, de ce qu’Il exige de nous ! Et il n’avait pas peur ! Il me tendit un paquet enveloppé d’un élastique. Non, ce n’était pas des photos, c’était un livre sur la Pureté Familiale. A cette époque, tout livre religieux était interdit en Union Soviétique ; même les photocopieuses étaient surveillées, bien qu’on fût en 1990 : le gouvernement parlait de changement et de démocratie mais les fonctionnaires étaient encore en place et on ne change pas si facilement les mentalités. Rav Karpov me recommanda de faire très attention à ce livre : si j’en perdais une seule page, de nombreuses personnes connaîtraient des ennuis. Si j’acceptais de me conformer à tout ce qui était écrit dans ce livre, nous pourrions fixer la date du mariage. Bien que les concepts évoqués dans ce livre me semblaient d’un autre âge, je le lus jusqu’au bout, en acceptai les conditions et le mariage fut fixé pour le 4 février.

La ‘Houppa fut dressée dans la cour arrière de Marina Rochtsa, entre des congères de neige. Il faisait si froid que j’avais revêtu d’épaisses bottes et une pelisse de mouton peu élégante sur ma robe de mariée. Nous étions entourés de gens que nous ne connaissions pas : pour eux aussi, c’était la première fois qu’ils assistaient à un mariage ‘hassidique ! Tous tenaient des bougies allumées, les étoiles scintillaient dans le ciel et nos cœurs scintillaient sous la ‘Houppa.

Vingt-cinq ans plus tard, nous avons rencontré à nouveau Rav Karpov, à San Francisco. Nous avons été si fiers de lui présenter nos fils portant la Kippa et nos filles habillées de façon pudique, tous fréquentant des écoles juives. Nous lui avons montré une photo du mariage de notre fille aînée qui s’était déroulé devant le 770 Eastern Parkway, la synagogue du Rabbi. L’arrière-grand-père de son mari avait contribué à la construction de la petite synagogue en bois Marina Rochtsa et avait donné sa vie pour maintenir vivante la flamme du judaïsme russe.

Je tendis à Rav Karpov un livre sur la Pureté Familiale, imprimé en toute légalité, que j’avais écrit en russe et qui a depuis été traduit en hébreu et en anglais : « Entre vous et moi… ».

La boucle était bouclée.

Luba Ahuva Perlov – N’shei Chabad Newsletter N° 7805

Traduite par Feiga Lubecki