Samedi, 23 juin 2018

  • Houkat
Editorial

 Cette victoire est éternelle !

Vive la liberté ! C’est cette exclamation qui peut retentir à l’approche des 12 et 13 Tamouz, dates de la libération de Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le précédent Rabbi de Loubavitch, des prisons puis de l’exil soviétiques. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une liberté retrouvée qui ne concerna pas seulement son bénéficiaire, le Rabbi Précédent, mais qui fit souffler un vent nouveau dont les effets se firent encore sentir bien longtemps plus tard. A cette époque, le pouvoir stalinien avait imaginé que la violence pouvait venir à bout de l’éternel judaïsme. Il avait rêvé d’anéantir une vision par la force de l’arbitraire et le terrorisme des hommes sans morale. De fait, beaucoup crurent que la réussite de son entreprise était inévitable. Beaucoup se dirent qu’une poignée d’hommes ne peut résister durablement à un tel écrasement et que toute la grandeur du Rabbi Précédent ne pourrait rien y faire. Certes, il avait tenu tête à l’intimidation et, malgré la férocité de ses ennemis, avait réussi à maintenir un réseau clandestin d’écoles juives, de bains rituels etc. Mais pour combien de temps ? Son emprisonnement était la conséquence logique de cet entêtement irrationnel, pensa-t-on sans doute.

Le 12 Tamouz apporta sa réponse éclatante. Rien ne résiste à la justice, à la vérité, à la confiance en D.ieu et à l’assurance que tout cela donne. Pas plus que l’obscurité, aussi profonde soit-elle, ne peut espérer vaincre la lumière, la force et la violence – même totalitaires – ne peuvent espérer l’emporter sur de telles notions. Ce recul de l’immense puissance soviétique d’alors, la reconnaissance des implications de ce recul manifestèrent qu’une nouvelle époque était en train de naître. De fait, le Rabbi Précédent fut libéré de prison, relâché de son exil et autorisé à quitter le pays aux conditions que lui-même posa. Il continua son œuvre outre-atlantique et on sait aujourd’hui les résultats qu’elle produisit.

Cette histoire n’est pas seulement celle d’un héroïsme ancien ou d’une victoire du passé, qui nous intéresserait, au mieux, au titre d’une nostalgie de grandeur. Elle est d’abord, plus qu’un exemple, une leçon pour notre temps. Nous savons que bien souvent la violence, la barbarie aveugle, l’oppression sont les moyens choisis par ceux qui renient tout sentiment humain pour faire entendre leur voix, celle de la terreur. Et parfois on peut légitimement être inquiet : est-il possible de vivre ainsi, de continuer d’être des porteurs de lumière parmi les adorateurs de l’obscurité ? Aujourd’hui, c’est une conscience éclatante qui apparaît : la lumière vainc toujours et pour l’éternité.

Etincelles de Machiah

 Même pour les riches

La Torah (Ex. 22 : 24) enseigne qu’il est nécessaire de venir en aide au pauvre, certes sous forme de don mais également sous la forme d’un prêt, évidemment sans intérêt, qui lui permet de reprendre pied dans le cycle social : « Quand tu prêteras de l’argent à mon peuple, au pauvre ».

Cependant, de ce même verset, nos Sages déduisent qu’il convient également de prêter de l’argent au riche en tant que de besoin. En effet, le fait qu’il demande un prêt indique que, pour le moment, il a besoin d’argent et que, pour cela, il entre dans la catégorie de « pauvre ». Cette idée contient une leçon précieuse : parfois, même une situation favorable peut être considérée comme un état de dénuement par rapport à un avenir infiniment plus positif.

C’est exactement la différence entre toutes les années écoulées et celle de la Délivrance. Même les périodes les plus brillantes, comme celle du roi Salomon, celle du Temple, paraissent « pauvres » par rapport à la grandeur et à la richesse du temps de la Délivrance.

(Extrait d’un commentaire du Rabbi de Loubavitch -
Chabbat Parachat A’harei 5746)

Vivre avec la Paracha

 ‘Houkat

D.ieu enseigne à Moché les lois de la « vache rousse ».

Après quarante ans d’errance dans le désert, le Peuple juif arrive dans le désert de Tsine. Myriam quitte ce monde et le peuple, privé du puits de Myriam, réclame de l’eau. C’est alors que Moché va frapper le rocher pour qu’en jaillisse de l’eau (au lieu de lui parler). L’eau jaillit mais ni Moché ni Aharon ne pourront entrer en Terre Sainte.

Aharon meurt et lui succède son fils Eléazar. Le peuple parle encore une fois contre D.ieu et Moché et une épidémie le frappe, enrayée par un serpent d’airain brandi par Moché.

Moché mène des batailles contre les rois Si’hon et Og, conquiert leurs terres, à l’est du Jourdain.

Dans la Paracha de cette semaine, nous découvrons que les Juifs se plaignirent à D.ieu et à Moché des aléas qui se produisaient au cours de leur périple : « Pourquoi nous as-tu sortis d’Egypte pour mourir dans le désert ? » Pour les punir, D.ieu envoya des serpents venimeux, qui mordirent à mort de nombreux hommes. Le peuple s’adressa alors à Moché : « Nous avons péché en parlant contre D.ieu et toi ; prie D.ieu pour qu’il fasse fuir de nous les serpents ». Le texte nous dit alors que « Moché pria pour le peuple ». Rachi, dans son commentaire des mots « Moché pria », explique : « D’ici (nous apprenons) que celui à qui l’on demande pardon ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

Les mots de Rachi impliquent que c’est spécifiquement ce verset qui nous donne cet enseignement. Et pourtant, la Torah nous apporte plusieurs exemples de situations où les Juifs protestèrent contre Moché et ce dernier n’en pria pas moins pour eux. Pourquoi donc Rachi écrit-il que c’est « d’ici (que nous apprenons) » à adopter une telle conduite ?

La question se renforce encore lorsque nous examinons la source du commentaire de Rachi : le Midrach Tan’houma. Après avoir énoncé ce qui précède, le Midrach poursuit : « Cela est comparable à ce qui est dit (Beréchit 20 :17) : ‘Avraham pria D.ieu et D.ieu guérit Avimélè’h et sa femme, etc.’ » Cela se réfère à l’épisode au cours duquel Avimélè’h avait enlevé Sarah et fut en conséquence atteint d’une plaie. Avimélè’h donna alors des présents à Avraham pour qu’il prie pour lui, ce que fit Avraham. Nous voyons donc qu’Avraham avait pardonné à celui qui lui avait adressé des excuses.

Pourquoi Rachi se sert-il donc de cet épisode avec les serpents pour affirmer que : « d’ici (nous apprenons) que celui à qui l’on demande pardon ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

Allons encore plus loin. L’emphase sur une telle conduite est bien plus importante dans le cas d’Avraham que dans celui de Moché. L’insulte portée à Avraham par l’enlèvement de Sarah était plus grave que l’affront infligé à Moché et pourtant Avraham pria pour Avimélè’h.

Par ailleurs, Avimélè’h fut guéri sans conditions alors que dans le cas de notre Paracha, la guérison ne survint que sous une condition : « L’Eternel dit à Moché : fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux et place-le sur un poteau ; et tous ceux qui auront été mordus le regarderont et vivront ».

Pour répondre à la question, il nous faut analyser un autre point. Après que Moché eut prié pour le peuple, D.ieu lui dit « fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux ». Pourquoi est-il enjoint : « fabrique pour toi » et non simplement « fabrique… » ?

Nous trouvons un autre exemple d’une telle expression, dans la Paracha Beaalote’ha (Bamidbar 10 :2). D.ieu dit à Moché : « Fabrique pour toi deux trompettes d’argent » et Rachi de commenter que « fabrique pour toi » signifie : « de ce qui t’appartient ».

Ainsi « fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux » signifierait que le matériau (l’airain) à partir duquel le serpent serait forgé devrait provenir des ressources personnelles de Moché (« de ce qui t’appartient »).

Cependant, les trompettes avaient pour destination : « qu’ils soufflent devant toi dans les trompettes, comme (pour) un roi ». Et elles ne pouvaient être utilisées que pour Moché. Il est donc compréhensible que l’argent utilisé pour ces trompettes vienne des richesses personnelles de Moché. Mais dans le cas du serpent d’airain, il ne semble pas y avoir de justification pour que Moché aille puiser dans ce qui lui appartient. En fait, ce serpent avait pour but de guérir ceux qui avaient été mordus parce qu’ils avaient parlé contre Moché. N’aurait-il donc pas été plus approprié que l’airain soit donné par toute la communauté et non par Moché !

En réponse à cette question, Rachi commente les mots « Moché pria » en disant : « d’ici (nous apprenons) que celui à qui l’on demande pardon ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

« D’ici » signifie que tout le passage concernant la prière de Moché pour les Juifs, y compris le commandement de D.ieu : « fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux » nous apporte un nouvel enseignement : nous ne devons pas être cruels au point de ne pas pardonner à celui qui nous adresse ses excuses.

Le fait que l’on ne refuse pas le pardon à celui qui le demande n’est pas le nouveau concept tiré de ce passage. Comme nous l’avons vu, Avraham l’avait fait. Mais ce qui est ici inédit est : « il ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

Il est possible, quand l’on nous demande pardon, que nous disions que nous pardonnons et que nous soyons même prêts à rendre service (par exemple prier pour la personne). Et pourtant, nous ressentons toujours du ressentiment dans notre cœur. Un tel pardon est qualifié de « cruel » : si celui qui a été blessé n’agit pourtant pas de la même manière à l’encontre de son agresseur et qu’il est même prêt à prier pour lui, pourquoi ne se débarrasserait-il pas également du ressentiment de son cœur ? Garder de la rancune est un comportement cruel !

Telle est la leçon de l’épisode des serpents. Le commandement de D.ieu à Moché : « fabrique pour toi… », « de ce qui t’appartient », nous enseigne à quel point il est important d’enlever de notre cœur toute trace de ressentiment, de rancœur et d’amertume. Le serpent d’airain, dont le but était de guérir ces Juifs qui avaient mal parlé de Moché Rabbénou, devait provenir précisément des possessions de Moché pour prouver qu’il ne leur tenait en aucune façon rancune pour leurs agissements.

Le Coin de la Halacha

 Quelles sont les qualités d’un professeur d’éducation juive ?

- La première Mitsva de la Torah est « Croissez et multipliez-vous ». Ceci doit également se comprendre dans son sens spirituel, comme l’expliquait Rabbi Chnéour Zalman : « L’ordre des versets dans la Torah est aussi un enseignement. Donc la fondation de la Torah est qu’un Juif doit faire un autre Juif » et s’efforcera donc de donner à d’autres une éducation juive authentique.

- Quand on enseigne à un enfant, on ne sait pas qui bénéficie de qui. Il est possible que l’enfant enseigne davantage au professeur que le contraire !

- Avant d’enseigner, l’éducateur réfléchira qu’il s’apprête à accomplir une œuvre sainte. De ses paroles dépendront la vie spirituelle de l’enfant et sa façon d’envisager le monde et il transmettra avec sincérité la Vérité. Tout dépend du libre arbitre de l’homme et s’il est déterminé à réussir, il y parviendra.

- Le professeur s’efforcera d’abord d’inculquer à l’enfant l’amour et la crainte de D.ieu en lui racontant des récits de la Torah avec flamme et enthousiasme. Il sera conscient de sa responsabilité, surtout de nos jours où l’ambiance générale n’est pas caractérisée par une trop grande conscience de la Présence de D.ieu…

- La mère transmet l’identité juive à son enfant et donc aussi l’éducation à la pleine conscience de l’existence de D.ieu.

- L’éducation commence avec deux principes essentiels :

1) « Ne pas craindre les moqueurs » (première loi du Choul’hane Arou’h, le Code de Lois juives), en particulier en ce qui concerne les lois de la Tsniout (pudeur).

2) « Kabbalat Ol », la soumission à la Volonté de D.ieu exprimée dans la Torah et transmise par les parents et les professeurs.

Ceux-ci veilleront à la propreté et la précision de leur langage. Ils consacreront chaque jour du temps pour réfléchir honnêtement et prier pour l’éducation de leurs enfants et élèves.

 (d’après Hamivtsaïm Kehil’hatam - Rav Shmuel Bistritzky)

Le Recit de la Semaine

 Ne pas attendre !

En 1961, j’étais encore un jeune étudiant de Yechiva. Durant l’été, j’avais sillonné le Tennessee pour apporter un peu de judaïsme à des Juifs habitant loin des grandes villes. Quand je retournai à New York, j’arrivais à une heure du matin devant la synagogue du 770 Eastern Parkway. C’était un jeudi soir, veille du 20 Av, anniversaire du décès du père du Rabbi. La grande salle était vide. Comme j’étais très fatigué à cause du voyage et de la chaleur, j’ai posé la tête sur une table et je me suis endormi immédiatement.

Au bout de quelques instants, j’ai senti que quelqu’un me tapotait l’épaule. Au début je n’ai pas réagi mais on continuait à tapoter et j’ai failli réagir de façon désagréable : j’étais épuisé et, a priori, je ne dérangeais personne. Mais j’ai fini par ouvrir les yeux : ce n’était autre que le regretté Rav Mordehai Aizik Hadakov, le secrétaire personnel du Rabbi ! Je me suis réveillé immédiatement et je me suis levé d’un bond, un peu honteux de m’être conduit ainsi et de ne pas lui avoir manifesté le respect qui lui était dû. Il me demanda d’où je revenais et quand j’étais revenu. Je répondis que j’avais agi comme Chalia’h (émissaire) du Rabbi au Tennessee et il me demanda si j’étais prêt à accomplir une autre mission. J’ai accepté sans hésitation bien sûr. Il était évident que, si Rav Hadakov me réveillait à cette heure-ci pour me confier une mission, c’était qu’il s’agissait d’une initiative du Rabbi.

Je l’ai suivi dans son bureau. Il me tendit une paire de Téfilines et expliqua : « Il y a un Juif du nom de Louis Shilder qui habite à Long Beach, à Long Island, à une heure d’ici. Tu dois te tenir devant sa maison à 6 heures du matin. Six heures pile. Ni avant, car il ne sera pas réveillé, ni après car il se rend à son travail. Quand tu seras chez lui, tu lui mettras les Téfiline et tu lui montreras bien comment les mettre par la suite tout seul. Ensuite tu lui laisseras les Téfiline en cadeau de la part du Rabbi ».

A l’évidence, ma nuit était terminée. Je me mis en route, arrivai devant la maison, attendis quelques instants et, à six heures pile, je frappai à la porte. On m’ouvrit de suite et l’homme qui se tenait là ne cacha pas son étonnement. Je me présentais comme envoyé par le Rabbi de Loubavitch pour lui mettre les Téfiline. L’homme se remit de sa stupeur, me fit entrer et tendit son bras pour que je lui mette les Téfiline tout en lui expliquant exactement tous les détails de la Mitsva. Quand ce fut fini, je voulus partir mais il me demanda de l’accompagner dans son trajet en métro. Et il me raconta ce qui s’était passé. « Votre Rabbi est un homme très intelligent ! Cette nuit, à minuit exactement, je suis entré dans son bureau pour une entrevue privée. Nous avons évoqué divers sujets, il m’a posé des questions sur ma famille, sur mon travail…

Puis il m’a demandé si je mettais les Téfiline et j’ai répondu que non. Il n’a pas réagi à cela et a continué à parler d’autre chose. Ensuite, il est revenu à la charge : pourquoi ne mettais-je pas les Téfiline ? J’ai répondu en toute bonne foi que je n’en possédais pas ! Il n’a pas réagi et a continué la conversation. Il s’intéressa beaucoup à mon emploi du temps quotidien, à quelle heure je me levais, à quelle heure je sortais de chez moi pour aller travailler etc. Au bout d’un quart d’heure, il me demanda mon adresse et, encore dix minutes plus tard – sans lien avec ce dont nous discutions, il demanda : « Si vous possédiez des Téfiline, les mettriez-vous tous les jours ? » Je répondis honnêtement que jamais on ne m’avait appris comment accomplir cette Mitsva. Alors le Rabbi ajouta : « Si on vous montrait comment agir et si vous aviez des Téfiline, les mettriez-vous ? » et j’ai haussé les épaules : « Cela ne me dérangerait pas ! »

Votre Rabbi s’est conduit avec une grande finesse et beaucoup d’intelligence ! Il a « lancé » ses questions mine de rien et, au bout de deux heures de conversation, à deux heures du matin, je suis sorti de son bureau. Comme vous le constatez, quand le Rabbi a reçu une réponse positive de ma part et a entendu – en passant – à quelle heure il était possible de « m’attraper » déjà ce matin, il a agi avec zèle sans attendre un jour de plus ! Il vous a envoyé chez moi quatre heures après que je sois sorti de chez lui, exactement à six heures du matin pour que je mette les Téfiline dès que je me suis levé et juste avant que je me rende au travail ! »

Rav Zalman Lipsker, Philadelphie (Pennsylvanie)

Kfar Chabad N° 1759

Traduit par Feiga Lubecki