Samedi, 28 avril 2018

  • A’hareï Mot - Kedochim
Editorial

 Des envies de guérison ?

Le mois d’Iyar, déjà presque en son cœur, déroule sa puissance devant nous. Et il convient véritablement de parler ici de puissance car il en porte la marque dans son nom même. Les commentateurs relèvent que les lettres qui le composent en hébreu sont les initiales des mots du verset : « Je suis l’Eternel Qui te guéris. » Cette guérison doit s’entendre dans tous les sens. Matérielle, spirituelle, morale, elle recouvre tous les domaines que connaissent les hommes. Et elle ne se réalise pas seulement au niveau individuel mais bien également pour le monde entier, justement en un temps où, sous de nombreux aspects, il a véritablement besoin de guérison !

C’est qu’il existe une différence essentielle entre la guérison accomplie par D.ieu et celle réalisée par un médecin. Ce dernier ne peut que combattre la maladie une fois qu’elle a été constatée et son rôle consiste uniquement à rétablir de bonnes conditions pour l’avenir, ce qui peut laisser en place les traces du passé. D.ieu, dit le texte biblique, anéantit la maladie rétroactivement de sorte qu’elle est comme n’ayant jamais existé. La guérison est si pleine et entière que rien ne subsiste des éléments négatifs anciens.

C’est précisément cette guérison du deuxième type qu’incarne le mois d’Iyar. Cela doit-il se lire – et se vivre – de façon purement symbolique ? En d’autres termes, y a-t-il une réalité concrète derrière les mots ? Dans la vision juive, le déroulement du temps n’est pas un événement automatique et anodin et le passage des mois au fil du calendrier n’est pas qu’une convention sociale. Chaque étape temporelle correspond à une révélation différente du Nom Divin, créateur de l’univers. C’est dire que le mois porte une lumière spirituelle particulière qu’il transmet au monde. En quelque sorte, son nom en est le vecteur. Cela signifie que le mois d’Iyar possède la force décrite ici et qu’il est possible de s’en saisir.

De fait, l’homme moderne sait de quelle manière et dans quelle mesure notre époque est malade. L’oubli de son humanité, la perte des repères, la destruction de notre environnement font partie des symptômes. Le mois d’Iyar apporte des ressources nouvelles pour retrouver une essence, pas aussi éloignée qu’on le croit.

Etincelles de Machiah

 Une attente juive

Un jour, à l’époque où le Tséma’h Tsédek, le troisième Rabbi de Loubavitch, était encore un jeune homme, il se trouvait avec un groupe de Hassidim. La discussion s’engagea entre les présents sur le thème: “Qui sait quand Machia’h viendra?”

Le Tséma’h Tsédek commenta: “Ce type de conversation rappelle le style du prophète non-juif, Bilaam. Celui-ci dit, à propos de la venue de Machia’h (Bamidbar 24: 17): “Je le vois mais pas maintenant: je le contemple mais il n’et pas proche”. Il décrit la Rédemption comme lointaine. En revanche, un Juif doit espérer ardemment et attendre chaque jour que Machia’h vienne ce jour-là”.

Vivre avec la Paracha

 A’haré

Après la mort de Nadav et Avihou, D.ieu donne un avertissement interdisant l’entrée non autorisée « dans le Saint des Saints ». Une seule personne, le Cohen Gadol (« le Grand Prêtre ») peut, une seule fois dans l’année, à Yom Kippour, pénétrer dans la pièce la plus intérieure du Sanctuaire pour y offrir à D.ieu le sacrifice des Ketorèt (« encens »).

Une des autres caractéristiques du service du Jour du Pardon est le « tirage au sort » exercé sur deux boucs, pour déterminer lequel sera offert à D.ieu et lequel sera envoyé dans le désert, chargé des péchés du Peuple d’Israël.

La Paracha A’haré avertit également contre le fait de n’apporter des Korbanot (offrandes animales ou alimentaires) nulle part ailleurs que dans le Saint Temple, interdit la consommation du sang et détaille les lois prohibant l’inceste et d’autres relations déviantes.

Kedochim

La Paracha Kedochim commence par le statut : « Vous serez saints car Moi, l’Eternel votre D.ieu, Je suis saint ». S’ensuivent des dizaines de Mitsvot (commandements divins) par l’intermédiaire desquels le Juif se sanctifie et se lie à la sainteté de D.ieu.

Elles comprennent : l’interdiction d’idolâtrie, la Mitsva de la charité, le principe d’égalité devant la loi, le Chabbat, la moralité, l’honnêteté dans les affaires, l’honneur et la crainte de ses parents et le respect de la valeur sacrée de la vie.

On peut également lire dans Kedochim la célèbre sentence, qualifiée par le grand Sage, Rabbi Akiba, de principe cardinal de la Torah, et dont Hillel disait : « Voilà toute la Torah, tout le reste n’est que commentaire », « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Ce Chabbat est lié à deux sections de la Torah : A’haré et Kedochim , jointes cette année en une seule section qu’on lit le matin et à Emor qu’on lit lors du service de Min’ha, l’après-midi du Chabbat. Puisque tout ce qui se produit est dirigé par la Providence Divine, et ce principe s’applique a fortiori aux lectures publiques de la Torah, nous pouvons en déduire que ces trois Parachiot partagent un facteur commun et que chacune apporte une contribution à l’autre.

Il s’agit en fait de l’expression de la relation entre la sainteté du Nom de D.ieu (la Mitsva de sanctifier le Nom de D.ieu) et la sainteté du Peuple juif.

Ce concept est communiqué dans A’haré qui commence avec une référence à la mort des fils d’Aharon, quand « ils se sont approchés de D.ieu ». Dans son commentaire du verset « Je sanctifierai ceux qui sont proches de Moi », Rachi explique : « Moché dit à Aharon : ‘Je savais que le Sanctuaire serait consacré par la mort de ceux qui sont proches de D.ieu’ ». La Paracha se poursuit sur un thème similaire, mentionnant le service du Grand Prêtre dans le Sanctuaire et dans le Saint des Saints, lors de Yom Kippour, le jour le plus saint de l’année.

De la même façon, comme cela est impliqué par son nom, Kedochim (« saints ») reflète ce concept de la sanctification du Nom de D.ieu. Cette Paracha renferme plusieurs commandements incitant les Juifs à se sanctifier. Et la fin de la Paracha conclut : « Et vous serez saints parce que Je suis saint ».

Nos Sages apportent sur ce verset le commentaire suivant : « Le Saint Béni soit-Il, dit à Israël : ‘Je suis sanctifié grâce à vous comme il est écrit, ‘…Israël, par lequel Je serai loué’ et vous serez sanctifiés grâce à Moi… Si vous vous sanctifiez, Je le considérerai comme si vous M’aviez sanctifié’ ».

Dans la même veine, la Paracha Emor inclut le verset : « Et Je serai sanctifié au sein des Enfants d’Israël ». Nos Sages en déduisent le commandement de sanctifier le Nom de D.ieu.

La même idée émerge du nom de la Paracha qui peut être interprété comme signifiant : « accorde des louanges et de la distinction », comme dans les versets « Tu as accordé de la louange et de la distinction à D.ieu, en ce jour… et D.ieu t’a accordé de la louange et de la distinction ».

Telle est la fonction du Peuple juif : louer le Nom de D.ieu en révélant Son unité à travers tout l’univers.

Tentons d’expliquer plus profondément ces concepts.

La mort des fils d’Aharon, mentionnée au début de la Paracha, est problématique. Dans une compréhension simple du récit de la Torah, il apparaît que leur mort venait en punition d’un péché. Et pourtant, cela est difficile à admettre : ils étaient d’un niveau spirituel extraordinaire, ce qui ressort de manière évidente, puisqu’ils étaient ces individus « proches de D.ieu », que D.ieu choisit pour consacrer le Sanctuaire. En fait, après leur mort, Moché dit à Aharon : « Maintenant je vois que leur niveau a surpassé le nôtre ». Il est sûr que ce n’était pas par humilité que Moché fit une telle déclaration mais plutôt selon une juste appréciation de leur niveau spirituel.

Le Or Ha’hayim tente de résoudre cette difficulté en expliquant que la mort des fils d’Aharon était le résultat d’un extraordinaire attachement à D.ieu.

Ils parvinrent à une extrême lumière d’amour saint et en moururent. C’est le mystérieux secret du baiser (de D.ieu) par lequel meurent les Justes… Bien qu’ils sentirent qu’ils en mourraient, ils ne se retinrent pas de s’approcher de ce doux (lien d’) amour… au point que leur âme quitta leur corps.

Ainsi leur péché (‘hèt en hébreu signifie également « manque ») consistait-il dans le fait qu’ils ne contrôlèrent pas leur attachement à D.ieu, s’autorisant consciemment à atteindre le point où leur âme quitta leur corps.

Cela n’est pas désirable parce qu’un Juif doit pouvoir ressentir une grande aspiration à s’approcher de D.ieu, un grand amour pour Lui mais il doit également se consacrer à accomplir Sa volonté dans ce monde et de le transformer en une résidence pour Lui.

C’est pourquoi la mort des fils d’Aharon peut être comparée à un sacrifice dans lequel ils renoncèrent à leur vie pour s’attacher à D.ieu. Et c’est ainsi qu’ils sanctifièrent Son Nom et consacrèrent le Sanctuaire.

C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre une interprétation positive du verset : « et ils apportèrent à D.ieu un feu étranger qui ne leur avait pas été commandé ». L’amour pour D.ieu des fils d’Aharon était « un feu étranger », qui sortait de l’ordinaire, « qui ne leur avait pas été commandé », c’est-à-dire dépassant les limites de ce qui pouvait être ordonné au Peuple juif. En fait, c’était le premier exemple de Juifs renonçant à leur vie par amour pour D.ieu (Kiddouch Hachem).

Cette expression infinie d’amour pour D.ieu donna au Peuple juif le potentiel de sanctifier le Nom de D.ieu, par le biais d’une vie dans ce monde, dans toutes les générations qui allaient suivre. C’est pour cela que ce passage a été choisi pour introduire la partie qui décrit le service de Yom Kippour. La sanctification du Nom de D.ieu par les fils d’Aharon généra le potentiel pour Aharon, et à sa suite pour tous les Grands Prêtres, d’accomplir le service de Yom Kippour.

C’est sur cette base que nous pouvons comprendre le lien entre la Paracha A‘haré et celles qui suivent. Kedochim contient le commandement de nous sanctifier, un service qui peut être accompli grâce à l’influence du service des fils d’Aharon. Et par la suite, Emor exprime le commandement de sanctifier le Nom de D.ieu et de révéler Son unité dans le monde.

Ces trois portions peuvent ainsi être comprises pour exprimer trois différentes phases dans ce service de sanctification :

Tout d’abord, il s’agit de sanctifier le Nom de D.ieu à travers un service qui appartient au domaine de ce qui est saint.

Ensuite, sanctifier le Nom de D.ieu en se coupant des influences négatives du monde.

Enfin, se sanctifier soi-même par le biais des éléments matériels du monde, en les utilisant pour une sainte finalité.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que Lag Baomer (cette année jeudi 3 mai 2018) ?

Le 33ème jour du compte de l’Omer rappelle la Hiloula (décès) de Rabbi Chimone Bar Yo’haï qui avait demandé que cette date soit célébrée comme un jour de joie (puisqu’il y avait achevé de façon parfaite sa mission sur terre). Ce jour marque une pause dans la période de deuil instituée à cause d’une terrible épidémie qui avait frappé les disciples de Rabbi Akiba).

- On ne récite pas les prières de Ta’hanoune (supplications), même pas la veille (mercredi après-midi 2 mai 2018).

- Nombre de gens ont la coutume de se rendre sur le tombeau de Rabbi Chimone Bar Yo’haï à Meron, près de Tibériade en Galilée ; on y procède à la première coupe de cheveux des garçons qui ont atteint l’âge de 3 ans depuis Pessa’h.

- On organise des réunions ‘hassidiques joyeuses.

- On a la coutume de manger des caroubes, en souvenir de ces fruits dont se nourrissaient Rabbi Chimone et son fils Rabbi Eléazar quand ils se cachaient dans une grotte à cause des Romains. Certains ont aussi la coutume de manger des œufs durs dont la coquille serait devenue marron durant la cuisson.

- On donne davantage de Tsedaka (charité).

- Les enfants sortent et défilent tous ensemble fièrement dans la rue avec des drapeaux et des pancartes les encourageant à étudier la Torah et accomplir les Mitsvot : le but de la descente de l’âme dans le corps est de « marcher », d’avancer dans la vie. Ces défilés donnent chaleur et vitalité à l’étude formelle et prolongent l’enthousiasme des enfants dans leur éducation.

- Lag Baomer est un moment propice pour prier pour la naissance d’enfants et leur bonne éducation.

 (d’après Hamitsvaïm Kehala’ha)

Le Recit de la Semaine

 Cadeau d’anniversaire…

On était en été 1981 et Rav H., directeur de plusieurs institutions scolaires en Israël, reçut une lettre recommandée de la banque : on le mettait en demeure de rembourser une somme considérable d’ici trente jours sous peine de mesures légales drastiques.

Réalisant que la banque était sérieuse et soupirant qu’effectivement, il n’était pas raisonnable de dépasser presque constamment le découvert autorisé, Rav H. décida à contrecœur qu’il n’avait d’autre choix que de se rendre pour un mois aux États-Unis afin de ramasser des fonds auprès de la communauté juive américaine réputée pour sa générosité. Il téléphona à quelques amis à New York en leur demandant de l’aider à sauver les institutions dont dépendaient tant de personnes.

Tous acceptèrent : chacun contacta des amis et connaissances et l’agenda de Rav H. se remplit de rendez-vous. Comme prévu, les contributions furent généreuses : il avait réussi à ramasser 64 000 dollars, ce qui était appréciable mais, trois jours avant son retour en Israël, il manquait encore une somme importante. Il partagea sa préoccupation avec son hôte qui l’avait si gentiment hébergé jusque-là et celui-ci réfléchit :

- Si j’étais à ta place, j’irais demander un conseil et une bénédiction au Rabbi de Loubavitch !

- Comment ? Mais je n’ai aucun lien avec le Rabbi ! Je n’ai rien contre son mouvement mais tu le sais bien, je suis d’origine marocaine alors que les Loubavitch sont ashkénazes etc. Nous avons nos propres coutumes et institutions…

- Moi non plus je ne suis pas Loubavitch et d’ailleurs je ne suis pas non plus marocain. Mais je sais que le Rabbi a aidé de nombreuses institutions en crise – quelles que soient leur orientation. Je vais t’arranger un rendez-vous.

Rav H. se sentait très gêné : mais avait-il le choix ? Il avait épuisé toutes les solutions et, de plus, cet ami l’avait tellement aidé jusque-là qu’il ne pouvait se permettre de rejeter son conseil. Il écrivit au Rabbi, décrivit les institutions qui dépendaient du succès de sa mission, entra dans le bureau et annonça combien il avait réussi à récolter mais aussi combien il lui manquait.

Le Rabbi lui souhaita de réussir dans sa mission et ajouta qu’il devait se rendre à Montréal !

Quand il rejoignit son ami devant la synagogue du 770 Eastern Parkway, Rav H. ne cacha pas sa déception : « Le Rabbi m’a dit d’aller à Montréal ! Pourquoi ? Chez qui ? Dois-je rester assis là-bas dans l’aéroport et attendre les bras croisés ? Je ne comprends pas ! ».

L’ami le rassura : « Si le Rabbi t’a parlé clairement de Montréal, je te paie le billet pour y aller. Connais-tu quelqu’un là-bas ? »

Oui, il connaissait Rav David Cohen, un Loubavitch d’origine marocaine. Il lui téléphona, lui raconta son histoire et Rav Cohen accepta tout de suite de l’héberger pour ces deux jours et de l’aider. Pendant que Rav H. voyageait, Rav Cohen réfléchit : il était Sofer (scribe) et se souvenait qu’un Juif avait une fois évoqué la possibilité de commander l’écriture d’un Séfer Torah mais n’avait pas donné suite à cette idée. C’était peut-être le moment de le contacter et de lui demander s’il ne voulait pas, plutôt, soulager financièrement ce directeur d’institution.

Effectivement, le « client » éventuel du Sofer se montra intéressé et proposa à Rav Cohen et son invité de venir le rencontrer à son domicile. Arrivé sur place, Rav H. décrivit ses activités en Israël, soulignant combien elles étaient indispensables à la collectivité et ajouta qu’il s’était rendu au Canada à la demande du Rabbi de Loubavitch – bien qu’il n’en comprenne pas la raison.

L’hôte écouta attentivement puis ouvrit son tiroir et signa plusieurs chèques. Il les tendit à Rav H. en précisant qu’il pouvait encaisser immédiatement le premier d’un montant de 8000 dollars et les trois suivants aux dates indiquées. Il précisa qu’il était persuadé qu’en présentant ces trois chèques à d’autres personnes, il obtiendrait qu’on lui fasse confiance et qu’on lui prête la somme manquante.

Rav H. était plus que soulagé de la tournure des événements ! Cet inconnu lui avait donné l’argent dont il avait désespérément besoin sans qu’il ait dû insister – et tout cela grâce au fait qu’il avait suivi exactement la consigne incompréhensible du Rabbi !

- Il me reste une question si je puis me permettre, demanda-t-il respectueusement après un premier moment de sidération. Il est évident que vous ne disposez pas actuellement de toute cette somme : alors pourquoi vous engagez-vous pour des institutions à l’étranger que vous ne connaissez même pas ?

- Aujourd’hui, déclara l’homme après une profonde respiration, c’est mon 36ème anniversaire. Vous m’avez précisé que le Rabbi vous avait envoyé à Montréal alors que vous n’y connaissez personne à part Rav Cohen. Or celui-ci n’est ni un notable ni un collecteur de fonds et je ne pense pas qu’il connaisse beaucoup de donateurs potentiels. Donc j’ai compris que le Rabbi vous avait dirigé vers moi, le jour de mon 36ème anniversaire pour que je vous aide justement avec 36 000 dollars. J’ai décidé d’accéder à la demande muette du Tsadik en entier et je suis persuadé qu’il me bénira afin que je puisse accomplir ma promesse dans la largesse et ainsi vivre de mon mieux cette trente-sixième année !

Rav Avtzon – Jewish News - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Traduit par Feiga Lubecki