Samedi, 21 avril 2018

  • Tazria - Metsora
Editorial

 Le livre de l’été

Avec la hausse des températures, réelle ou attendue, une lecture revient. Ce n’est guère surprenant dans la tradition, le retour rituel n’en est-il pas une constante ? Pourtant, ici, quelque chose de subtilement différent est introduit. Il s’agit moins d’une lecture à caractère quasi liturgique que du livre qui doit accompagner la saison qui commence. Il porte le beau nom de « Pirkei Avot – Maximes des pères » et ce nom n’en exprime qu’imparfaitement la grandeur. Il est étudié chaque Chabbat de la période et, bien plus qu’une morale à laquelle il est souvent assimilé, il définit un chemin du meilleur service de D.ieu. La route peut sembler parfois difficile mais elle fait partie de ces voies balisées qui mènent à bon port avec certitude.

Cette étude en ce moment ne constitue pas un hasard mais une volonté déterminée. C’est à présent le temps du renouveau des forces de la nature. Le monde semble comme plus présent et il offre des ouvertures aux sens qui, bien souvent, ne sont que des impasses. Limitées à elles-mêmes, elles ne mènent qu’à l’oubli. Certes, le monde autour de nous, création Divine, ne doit pas être rejeté. Le judaïsme ne prône pas une quelconque forme d’ascétisme et une vie séparée du monde n’est pas son idéal. Mais le danger existe que cela ne soit dévoyé en une recherche constante et effrénée des plaisirs offerts, en particulier en notre époque si friande des choses éphémères et des satisfactions individualistes. C’est ici qu’interviennent les Maximes des pères. Elles nous invitent à aller plus loin que nous aurions pu l’envisager, à découvrir en nous des ressources insoupçonnées. Constitué d’enseignements de sages du Talmud, l’ouvrage nous fait entrer dans un monde où l’homme révèle en lui ce qu’il a de meilleur, son essence Divine.

A l’ainsi nommée « belle saison », la pratique sociale est de déclarer un texte « livre de l’été », comme pour dire qu’il est l’indispensable de ce temps. La mode veut que cela change d’année en année, ce qui est la logique même puisque, dans l’esprit de tous, il ne s’agit que d’un indispensable temporaire. Nous voici en face d’un indispensable éternel car l’homme et le monde présentent des constantes dont les évolutions ne se produisent souvent qu’en surface. Les Maximes des pères sont le guide d’une actualité profonde. Bien plus qu’un livre en fin de compte : une manière de vivre.

Etincelles de Machiah

 La raison de l’attente

Dans le Michné Torah (Hil’hot Mela’him, chap. 12, Hala’ha 4), Maïmonide décrit la réponse par laquelle les Sages ont, de tous temps, tant désiré la venue de Machia’h. Il précise alors : “Ils ne l’ont désiré que pour être libres pour se consacrer à la Torah”.

Cette formulation permet de comprendre un enseignement important : pour les Sages, la nouvelle ère n’est pas une simple récompense pour l’œuvre spirituelle accomplie pendant la période de l’exil. Bien au contraire, elle est la poursuite et l’aboutissement de ce long effort. C’est ainsi que la seule raison réelle de l’attente impatiente et ardente de Machia’h est la volonté d’atteindre alors une telle perfection et non de recevoir la récompense pour des actes passés.

Ce désir est, dès lors, un élément indissociable de l’effort présent.

(d’après Séfer Hasi’hot 5748, vol.I, p. 80)

Vivre avec la Paracha

 Tazrya Metsora

Dans le livre de Vayikra, la Torah parle de la Tsaraat, maladie qui se déclarait aux temps bibliques et que l’on traduit (souvent inadéquatement) par « lèpre ». Cette maladie n’affligeait pas seulement les êtres humains mais également les objets inanimés, y compris les murs des maisons.

Une honnêteté personnelle rigoureuse

« Et le prêtre observera la région affectée » (Vayikra :13,3)

Si l’on pensait avoir contracté cette maladie, il fallait subir un examen effectué par un Cohen qui se prononçait en déclarant le cas pur ou impur. Quelle que fut la décision du Cohen, elle s’imposait.

L’interprétation traditionnelle de cette loi a trait à un cas où la personne concernée est elle-même un Cohen. L’on pose la question suivante : peut-il lui-même analyser sa propre condition ? La réponse sans ambiguïté est qu’il ne le peut pas. Il doit être examiné par quelqu’un d’autre pour savoir si son affection est un symptôme de la maladie suspectée ou celui d’une autre maladie.

Dans les termes de notre développement spirituel, nous pouvons appliquer la même loi à tous types de maladies spirituelles. Nous ne sommes pas ceux qui posons le diagnostic final sur nos propres fautes ou manquements. Notre subjectivité ne nous permet pas d’émettre le jugement adéquat et jusqu’à ce que nous nous laissions examiner par un « prêtre », un guide spirituel ou un mentor de confiance, nous n’avons aucun moyen fiable de connaître la véritable nature du problème. Bien plus encore, en règle générale, l’orgueil et l’amour de soi rendent impossible un jugement sur soi objectif. C’est également pour cette raison qu’il est impératif que nous montrions les signes de notre maladie spirituelle à quelqu’un d’autre.

Notre voyage vers la guérison demande une honnêteté personnelle rigoureuse. Nous devons nous forcer à un face-à-face avec nous-mêmes tel que nous n’en avons jamais fait. Toutefois, notre introspection n’est pas suffisante pour nous préserver. Nous devons également admettre devant une personne extérieure la nature exacte de nos erreurs.

Parler à quelqu’un d’autre, généralement à notre guide spirituel, n’est pas seulement le moyen de nous soulager après avoir admis nos erreurs. C’est en fait la manière de réaliser concrètement tout un processus. Si nous devions ne jamais nous présenter à l’examen d’autrui, notre mise au point personnelle ne serait pas suffisante pour nous permettre d’avancer et guérir les défauts de notre caractère. En parler, nous ouvrir, montrer notre âme nue nous permet réellement de vérifier nos découvertes et avoir une image entièrement vraie de ce que nous sommes. Nous risquons de déclarer pur ce qui ne l’est pas et, ce qui est aussi dommageable, impur ce qui est pur.

Enfin, il est tout à fait possible qu’en parlant à notre mentor, ce dernier nous aide à découvrir certaines vérités qui nous ont échappé lors de notre examen personnel.

Comme dans les jours passés, où la déclaration du prêtre était suivie de moyens de traitement et de guérison, nous sommes également immédiatement engagés sur le chemin de l’amélioration de nos défauts et de notre personne.

Des trésors cachés

« Quand tu pénétreras en terre de Canaan que Je te donne en possession et que J’infligerai un cas de Tsaraat dans une maison… » (Vayikra 14 :34)

Comme nous l’avons dit précédemment, la maladie de la Tsaraat pouvait également toucher les murs de la maison. Lorsque ce cas se présentait, toute la partie atteinte devait être enlevée, ce qui impliquait de grosses dépenses pour le propriétaire.

Cette maladie étrange n’était pas une maladie physique ou concrète mais plutôt une manifestation physique ou concrète d’une maladie spirituelle. Quand une personne était spirituellement malade, D.ieu l’alertait de son état en touchant d’abord ses possessions puis son corps, pour qu’elle soit incitée à opérer un changement dans son comportement et faire ainsi Techouva (un retour vers D.ieu).

Cependant, très souvent, un homme qui n’avait rien fait de mal découvrait que les murs de sa maison étaient infectés. Pourquoi les innocents souffraient-ils également ?

La réponse à cette question est que de nombreux Juifs vivaient dans des maisons qui avaient été construites par les Cananéens, occupants précédents de la terre. Nombreux parmi eux étaient ceux qui avaient caché leurs trésors dans les murs de leurs maisons. Si bien que lorsqu’une maison d’un Hébreu se trouvait envahie par la Tsaraat, il lui fallait démolir les murs et il trouvait le trésor caché.

Ce qui donc avait paru être un mauvais coup du sort ou une punition injustifiée d’En Haut s’avérait être une grande bénédiction.

Quand nous jetons un regard sur tous les soucis qui se sont présentés dans notre vie, il n’est parfois pas difficile de prendre son parti des problèmes qui se sont solutionnés. Nous réalisons que D.ieu nous a envoyé des signes visibles pour nous forcer à prendre conscience de nos véritables manquements d’alors. Mais qu’en est-il lorsque la vie nous frappe en pleine face, même lorsque nous sommes innocents, même lorsque nous faisons ce qui se doit ? Quand cela arrive, nous nous demandons ce que nous avons fait pour mériter de tels problèmes.

Ce dont nous prenons conscience est que les trésors cachés de la vie ne sont parfois découverts qu’à travers des difficultés et les pertes. Ces difficultés que nous jugeons si vite comme un signe que D.ieu nous donne du « fil à retordre » peuvent être, en fait, Sa manière de nous envoyer des cadeaux qui vont au-delà de nos rêves. Nous pouvons maudire nos soucis et ignorer totalement le trésor qui a été prévu pour nous, bien plus abondant que le montant de notre perte. Bien sûr, si seulement nous savions ce qui se cache derrière le mur, nous serions heureux de le détruire. Mais nous ne le savons pas. Et c’est là qu’intervient la foi, pour se sentir serein, en sécurité, reconnaissant et heureux même quand nous ignorons ce qui arrive. Quand nous craignons les difficultés et les changements, non seulement manquons-nous de foi mais inconsciemment, nous renonçons aux grandes bénédictions qui nous attendent juste de l’autre côté de nos ennuis.

Le Coin de la Halacha

 Quelques lois sur l’obligation d’éduquer son enfant

- Il est recommandé que l’enfant voit le parent accomplir une Mitsva (commandement de la Torah). Le parent doit habituer l’enfant à accomplir des Mitsvot et à maîtriser son caractère.

- Si la Torah recommande au père d’éduquer son enfant, il est évident que la mère – du fait qu’elle peut avoir une influence plus grande sur l’enfant – peut et donc doit elle aussi s’occuper de l’éducation de l’enfant.

- Même un enfant handicapé a droit à une éducation juive dans la mesure du possible.

- On habituera le garçon, même tout petit, à garder la tête couverte. On ne donnera que des aliments cachères à l’enfant car leur effet est bénéfique tout au long de la vie. On veillera à ce que chaque enfant se lave les mains rituellement le matin.

- Le père a l’obligation d’enseigner la Torah à son fils. S’il n’en a pas le temps ou les compétences, il peut payer des professeurs qui seront ses émissaires pour cela.

- Dès que l’enfant peut parler, on lui apprendra à répéter le verset : « Torah Tsiva Lanou Moché, Moracha Kehilat Yaakov » (« La Torah que Moïse nous a ordonnée est un héritage pour tous les descendants de Jacob » - Devarim – Deutéronome 33 : 4).

- Dès la naissance de l’enfant, garçon ou fille, on lui procurera ses propres livres de Torah : Siddour (livre de prières), Houmach (Bible), Tehilim (Psaumes), Tanya, Ma’hzor (prières pour les fêtes) et Haggadah (pour Pessa’h). On lui apprendra à respecter les livres saints et on l’emmènera à la synagogue pour qu’il embrasse le Séfer Torah.

(d’après Hamivtsaïm Kehil’hatam - Rav Shmuel Bistritzky)

Le Recit de la Semaine

 Le charretier et l’étranger

C’était un riche homme d’affaires, un ‘Hassid du Rabbi Tséma’h Tsédek. Avant d’entreprendre quoi que ce soit, il recherchait le conseil et la bénédiction de son Rabbi. D’expérience, il avait appris à écouter attentivement ses directives et évita ainsi de contracter des affaires prometteuses qui se révélaient ensuite décevantes et même ruineuses.

Un jour, à la fin d’une entrevue, le Rabbi demanda : « La prochaine fois, amenez donc votre charretier ! » en citant le prénom de l’homme qu’il désirait rencontrer.

Le visiteur en fut très surpris : jusqu’à présent, son Rabbi ne s’était jamais mêlé de sujets aussi triviaux que le prénom de son charretier qui n’avait d’ailleurs rien de spécial. Mais il savait qu’on ne pose pas de question au Rabbi.

Les mois passèrent et il retourna à Loubavitch. Le Rabbi lui demanda d’amener son conducteur. L’homme se précipita vers l’auberge où son cocher se reposait et lui annonça la bonne nouvelle :

- Qui suis-je pour mériter d’entrer dans le bureau du Rabbi ? s’étonna-t-il.

- Peu importe si mérite il y a ou non ! Viens sinon je prendrai quelqu’un d’autre pour le retour !

Craignant de perdre sa place, l’homme le suivit. Le Rabbi l’accueillit chaleureusement :

- Chalom Alé’hem ! La paix soit sur vous ! sourit le Rabbi.

Le cocher était surpris ; mais il le fut encore davantage quand le respectable Rabbi l’invita à dîner chez lui le lendemain.

Quand le visiteur sortit, le Rabbi se tourna vers son épouse, la Rabbanit ‘Haya Mouchka et lui demanda de préparer pour le lendemain un repas plus élaboré que d’habitude en l’honneur de l’invité !

Entretemps, la nouvelle s’était répandue parmi les ‘Hassidim et des jeunes gens plus audacieux que d’autres entourèrent le cocher pour apprendre ce qui lui valait un tel honneur :

- Je ne sais pas ! Je ne suis ni un Rabbi ni un saint !

- Essayez néanmoins de vous rappeler un incident marquant…

- Ah oui, peut-être… Et il raconta :

« Durant mes nombreux voyages, il m’arrive de me rendre dans des villages éloignés où réside parfois une seule famille juive. Plus d’une fois, on m’a demandé si je connaissais un Mohel parce qu’un petit garçon venait de naître et personne n’était capable de circoncire l’enfant le huitième jour. J’ai donc décidé d’apprendre les lois et la pratique sous l’autorité d’un expert. Où que j’aille, j’emporte toujours avec moi mon matériel et il m’est effectivement arrivé d’effectuer un certain nombre de circoncisions.

Il y a quelques mois, je me trouvais dans une forêt et j’ai perdu mon chemin. Soudain, j’ai entendu des pleurs à fendre l’âme. Je me suis approché et suis arrivé dans une cabane appartenant à un forestier juif. Sa femme m’apprit qu’il était tombé malade et était incapable de bouger de son lit. Il avait été supposé voyager dans la ville la plus proche pour chercher un Mohel car leur fils venait d’avoir huit jours.

- Ne pleurez pas, Madame, lui dis-je : je suis Mohel !

Vous auriez dû voir comment elle parut soulagée !

Mais il fallait maintenant trouver un Sandak pour tenir le nourrisson car le père était trop faible pour tenir ce rôle. Je me rendis sur la grande route dans l’espoir fou de trouver un Juif dans cette région déserte. Et soudain, alors que le soleil allait se coucher, j’ai aperçu un Juif ! Vous n’imaginez pas combien je fus heureux et, quand il refusa d’abord de m’aider, je le suppliais : « Un enfant juif attend d’entrer dans l’alliance de notre père Avraham ! Son père a déjà un pied dans le Monde de Vérité et sa mère pleure ! Comment pouvez-vous être insensible à cette situation ? ».

J’avais trouvé l’argument et il accepta. Après la circoncision, je proposai à l’homme de participer au repas de fête traditionnel. Mais il n’y avait rien à manger dans cette maison délabrée. Je pris du pain et du fromage dans ma besace et nous avons partagé ce « festin » avec la maman. Ensuite le Sandak suggéra que j’appelle le père de l’enfant pour procéder au Zimoun qu’on récite quand trois hommes participent à un repas. Je le regardais avec incrédulité : le père était presque dans l’autre monde ! Mais l’invité se rendit au chevet du malade et, une minute plus tard, celui-ci se leva et prit part à la Mitsva ! Je n’en croyais pas mes yeux !

Quand nous avons achevé la prière après le repas, je me suis rendu dehors pour prendre quelque chose dans mon charriot et, quand je revins, le Sandak avait disparu !

C’est toute mon histoire ! soupira le cocher.

Le lendemain, il se rendit à la table du Rabbi et se régala d’un repas de fête. Un des fils du Rabbi raconta alors l’épisode extraordinaire qu’il avait entendu et le Rabbi conclut : « Moi aussi je voulais manger avec un Juif qui a mérité de manger à la même table qu’Avraham notre père… ».

Rav Zalman Ruderman (Ben Daguim Lizmirot) - Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki