Semaine 53

  • Vayigach
Editorial

La lumière des livres
Cela se passait en 1987. Une histoire étonnante avait
depuis quelques temps éclaté à New York, chez le Rabbi
de Loubavitch. Quelqu’un s’était introduit dans la bibliothèque
où se trouvaient des livres amassés par le précédent
Rabbi, des ouvrages souvent rares et précieux, conservés
pour servir à l’ensemble de la communauté. Le Rabbi précédent
s’était personnellement beaucoup investi dans la collecte
de ces textes, leur conservation et leur passage aux Etats-
Unis, lorsqu’il avait dû quitter l’URSS de Staline. Pourtant,
s’était trouvé un homme qui n’avait pas pris ces faits élémentaires
en considération. Il s’était emparé de certains
ces livres et entendait les vendre à des collectionneurs privés,
arguant qu’il s’agissait de biens comme les autres
qu’il avait des titres suffisants pour en réclamer une partie
des fins personnelles.
C’était là sans doute trahir à la fois la pensée du précédent
Rabbi et la volonté de son successeur. Rien ne paraissait
cependant de nature à l’arrêter. Il est inutile de décrire
comme cette affaire préoccupa le Rabbi. Ces livres étaient
bien commun, un trésor appartenant à tous, indispensable
pour les générations à venir. Tous les moyens légaux
devaient donc être utilisés pour que le droit soit rétabli. C’est
ainsi que le litige fut porté devant les tribunaux civils, faute
d’autre solution possible.
C’est alors que des débats étranges résonnèrent devant des
cours normalement habituées à d’autres réflexions. Les
juges voulurent comprendre ce qu’était la philosophie
mouvement Loubavitch, ce que signifiait la notion de Rabbi
pour pouvoir trancher. Alors, chacun put entendre des enseignements
forts : Loubavitch agit pour le bien de l’ensemble
la communauté, le Rabbi n’a pas d’intérêt personnel,
qu’il possède appartient à tous. En un temps d’individualisme
forcené, ce discours sonnait haut et clair et les juges y furent
sensibles. Le 5 Tévet 5747 (1987), les livres revinrent à leur
emplacement naturel : la bibliothèque du Rabbi. Ils n’ont pas
cessé d’alimenter la connaissance du judaïsme.
C’était en 1987 et la joie éclatait partout dans le monde. Le
Tévet de chaque année, elle réapparaît avec une force grandissante.
La lumière des livres porte décidément loin.

Etincelles de Machiah

Par la puissance de la Torah

Décrivant les qualités de Machia’h, Maïmonide (Michné Torah, Lois relatives aux rois, chap. XI, Hala’ha 4) enseigne : “il se consacre à l’étude de la Torah”.
Cette précision est loin d’être anodine. En effet, c’est là la première des qualités de Machia’h car le pouvoir d’être le Libérateur d’Israël vient de la Torah. C’est précisément ce que veulent dire les Sages (Chemot Raba 2 :4) quand ils affirment : “Il est le premier libérateur et le dernier libérateur”. Ce principe pose question : le “premier libérateur”, lors de la sortie d’Egypte, était Moïse, qui appartenait à la tribu de Lévi, alors que le “dernier”, le Machia’h, appartiendra à celle de Yéhouda.
Mais , puisque la libération ne pourra se produire que par la puissance de la Torah de Moïse, le “dernier libérateur” est également “Moïse”.
(d’après Likouteï Si’hot, vol.XI, p. 8)

Vivre avec la Paracha

Le Midrach relate que toute l’histoire de Yossef et ses frères, la jalousie apparemment incontrôlable des frères, la vente, l’emprisonnement de Yossef, tout n’était qu’“un terrible complot” fomenté par D.ieu pour conduire Yaakov et sa famille en Egypte. Quand Yaakov envoya Yossef pour surveiller ses frères, une mission dont Yossef ne devait pas revenir et être perdu pour son père pendant vingt-deux années, la Torah nous raconte: “Et il l’envoya de la vallée (littéralement “la profondeur” de ‘Hevron et il arriva à Ch’hem”. Où se trouve la vallée de ‘Hevron demandent nos Sages? ‘Hevron est situé sur une colline! Mais expliquent-ils le sens de cette expression est allégorique: Yossef fut envoyé selon un itinéraire qui le sortait de “la profondeur de ‘Hevron”, des profondeurs du Plan Divin qui avait été confié à Avraham, le patriarche enterré dans la grotte de Ma’hpéla, à ‘Hevron. Lors de “l’alliance entre les parties”, D.ieu avait mis Avraham devant un choix: “Tes enfants souffriront-ils le Galout ( l’exil) ou le Gehinom (l’enfer)?”. Avraham avait choisi l’exil, envoyant par là Yossef sur la route de l’Egypte, pour qu’il y soit suivi par le reste de sa famille et que les enfants d’Israël puissent expérimenter quatre générations d’exil et d’esclavage, avant de se rendre au Mont Sinaï et y recevoir le statut de peuple choisi par D.ieu. Mais pourquoi tout cela devait-il être si compliqué? N’y avait-il aucune autre manière de faire venir en Egypte, Israël et sa famille? En guise d’explication, le Midrach offre la parabole suivante: Cela est comparable à une Le terrible complot vache sur laquelle on désire placer un joug mais la vache ne prête pas son cou au joug. Que font-ils ? Ils prennent son veau de son flanc et le conduisent au lieu où ils désirent que la vache marche pour labourer la terre. Le veau gémit et la vache se rend à cet endroit malgré elle, à cause de son enfant. Par le même jeu, Yaakov aurait du être conduit en Egypte sous le poids des chaînes mais alors D.ieu déclara: “Il est Mon premier-né, dois-Je donc le faire descendre dans la disgrâce? Mais si J’oblige Pharaon (à le faire descendre par force en Egypte), Je ne le ferai pas descendre déshonoré. C’est pour cela que J’attire son fils au devant et ainsi, malgré lui, il suivra. Cette explication semble toutefois soulever plus de questions qu’elle n’en résout. La façon dont Yaakov arriva en Egypte étaitelle plus agréable que s’il y avait été conduit comme prisonnier de Pharaon ? La douleur et le désespoir de ces vingtdeux années pendant lesquelles il pleura son fils bien-aimé étaient-elles préférables au désagrément de chaînes matérielles ? Il est sûr que Yaakov aurait été prêt à subir cette indignité pour épargner à Yossef ses années d’esclavage et d’emprisonnement et à ses autres fils leurs années de culpabilité et de remords ! Bien plus, en dernière analyse, Yaakov fut forcé de descendre en Egypte par le fait que D.ieu y avait envoyé Yossef. En quoi donc cela était-il moins coercitif que s’il y avait été physiquement contraint ? Et pourquoi en premier lieu devait-il y être forcé ? Pourquoi D.ieu n’aurait-Il pu lui apparaître un jour et lui dire: “Yaakov, prends toute ta famille et va en Egypte. Cela fait partie de Mon dessein pour peuple d’Israël”? Yaakov n’aurait-il pas obéi? Les enseignements de la ‘Hassidout nous expliquent que deux objectifs contradictoires devaient être atteints. Yaakov devait être obligé de se réinstaller en Egypte, une migration volontaire n’aurait pas été un exil! Le Galout, par définition, est un lieu où l’on ne veut pas être, un lieu qui est intrinsèquement contraire à sa personne et à sa volonté. Par ailleurs, le fait que Yaakov arrivât en Egypte avec honneur, gloire et une position de force, étant le père du dirigeant du pays, plutôt que comme un prisonnier enchaîné, signifiait que lui et ses descendants ne seraient jamais véritablement assujettis au pays qui les recevait. C’est pourquoi clé de la future libération d’Israël d’Egypte, était d’ores et déjà “programmée” dans les circonstances sous lesquelles commença le Galout. C’était cela le “complot terrible” de D.ieu forcer Yaakov à descendre en Egypte, mais le faire de telle façon que cela ne permette pas à l’Egypte de déployer sa force contre lui mais au contraire que sa force à lui se déploie contre l’Egypte. Ce qui conduisit Yaakov en Egypte était le fait que son fils en fût le dirigeant ; mais la chaîne des événements qui allait y aboutir devait se dérouler sans qu’il le sache et contrairement à sa volonté.

Le Coin de la Halacha

Qu'est-ce que le jeûne du 10 Tévet ?

Le 10 Tévet, cette année dimanche 4 janvier 2004, rappelle le début du siège de Jérusalem par Nabuchodonozor en l'an 3336 (-425). C'est l'un des quatre jeûnes institués par nos Sages en souvenir de la destruction du Temple.
Dans de nombreuses communautés, ce jeûne est aussi associé au souvenir des martyrs de la Shoah.
Rabbi Schnéour Zalman explique qu'un jour de jeûne est aussi un jour de bienveillance divine. Comme l'obligation de jeûner le 10 Tévet est, à certains égards, plus stricte que pour les autres jeûnes, on peut comprendre que la bienveillance divine est aussi plus forte ce jour-là. Donc la Techouva, le retour à D.ieu que doit amener le jeûne, sera aussi d'un niveau plus élevé.
Le jeûne commence à 7 h 00 (heure de Paris) et se termine à 17 h 55.

Quelle est l’importance des livres saints ?

Dans notre génération, il est particulièrement recommandé d’augmenter le nombre de bibliothèques, publiques et privées, où chacun pourra étudier les livres saints.
On placera et on utilisera des livres de Torah aussi bien dans le salon que dans la cuisine et dans les chambres des enfants. On veillera à posséder les livres de base que sont :
- le Sidour (livre de prières), le Ma’hzor (pour les jours de fêtes), la Haggada (pour Pessa’h) et la Méguilah (pour Pourim)
- le Téhilim (Psaumes)
- le ‘Houmach (Pentateuque)
- le Tanya (livre de base de la ‘Hassidout)
- ainsi que des livres concernant les lois de la vie quotidienne. On encouragera les enfants à consulter les livres, même s’ils risquent de les déchirer, auquel cas on en rachètera d’autres.
On offre des livres saints à toute occasion, aussi bien aux enfants pour leur anniversaire qu’aux jeunes mariés (la jeune fille offrira à son fiancé le Talmud et le jeune homme offrira à sa fiancée un “ Sidour Korbane Min’ha ” ainsi que des livres de base sur les lois gouvernant la vie juive (mariage, Chabbat, cacherout).
On encouragera l’édition d’un maximum de livres, on veillera à ce qu’ils ne comportent pas d’erreurs d’impression, qu’ils soient agréables à lire, aussi complets solides et beaux que possible afin d’encourager le public à s’en servir ; si possible, on y ajoutera un marque-page.
On respecte les livres, on les embrasse après usage ; on les empile soigneusement selon leur importance (toujours le ‘Houmach au sommet, puis les autres livres de Torah, puis les livres de prières etc…) et on les range à leur place, à l’endroit.
Dans ses derniers moments sur cette terre, Rabbi Chalom Dov Ber Schneersohn, le cinquième Rabbi de Loubavitch dit : “Je m’en vais mais mes livres restent avec vous”.

F. L.
(d’après Rav Yossef-Sim’ha Guinzbourg et Rav Morde’haï Menaché Laufer)

De Recit de la Semaine

Le Minyane volant

Voyager réserve parfois des surprises, pour ne pas dire des difficultés quand on est dans l’année de deuil pour un parent et qu’on doit réciter le Kaddich matin, après-midi et soir en présence d’un Minyane (dix hommes juifs âgés de plus de treize ans).
Cela faisait déjà dix mois et demi que, depuis le décès de ma mère, je n’avais pas raté un seul Kaddich. En route pour la Terre Sainte, je devais d’abord me rendre à l’aéroport d’Orlando (en Floride) et changer d’avion à New York. Certainement, durant l’escale, je pourrais me rendre au Ohel (au tombeau du Rabbi, non loin de l’aéroport Kennedy), où je trouverais certainement un Minyane. J’avais même demandé à mon frère Rav Lévi Konikov de trouver quelqu’un qui pourrait m’y emmener en voiture sans que j’aie besoin d’attendre un taxi. Mais un proverbe yiddish affirme : “ L’homme pense et D.ieu rit ”. Rien ne se passa comme prévu…
Dès que nous eûmes pris place dans l’avion de la compagnie Jet Blue, à 16h15, le pilote annonça que tous les vols à destination de New York étaient retardés de quatre-vingt-dix minutes et, en attendant, nous devions rester assis.
Il serait donc trop tard pour prier Min’ha (la prière de l’après-midi) à New York.
Pas de panique : là où j’habite, à Satellite Beach, Floride, j’avais toujours réussi à trouver les neuf hommes nécessaires, même s’il fallait les chercher à la sortie d’un cinéma le vendredi soir. Mais ici, j’étais en quelque sorte prisonnier et, malgré mes demandes insistantes, le personnel de l’avion ne pouvait me laisser descendre de l’appareil.
L’hôtesse distribua des boissons. Puis le pilote proposa aux passagers d’utiliser son téléphone s’ils avaient des appels urgents à passer. Trente minutes s’étaient déjà écoulées... Soudain j’eus une idée : peut-être y avait-il neuf Juifs dans cet avion ? Après tout, nous nous rendions à New York et il y avait des chances de trouver des Juifs à bord.
Je me levai et cherchai : “ Etes-vous Juif ? ” demandai-je aux passagers qui me semblaient pouvoir répondre oui. J’expliquai mon problème et, en quelques minutes, j’avais déjà quatre “ clients ” potentiels, d’accord pour m’aider si j’arrivais à en trouver d’autres. Un couloir, puis un autre et des réponses du genre : “ Moi non, mais mon ami oui ” ou “ Oui, mais je ne sais pas prier ”. Le steward proposa de m’aider avec son micro, mais je préférai ne pas trop attirer l’attention. Un autre passager s’excusa : “ Non, je ne suis pas juif, mais ma grand-mère l’était ! ”
- La mère de votre mère ?
- Oui, mais cela ne me rend pas juif, n’est-ce pas ?
- Mais si !
- Eh bien ! Voilà que je me découvre juif ! Après tout, peut-être que cela valait la peine d’être en retard rien que pour ce scoop !
Encore quelques “ interviews ” et nous étions neuf. Le pilote me demanda où j’en étais. Quand je lui répondis qu’il m’en manquait un, il demanda au personnel de l’avion : “ Y-a-t-il un Juif parmi vous ? ” Non, il n’y en avait pas.
Quelqu’un proposa d’appeler au téléphone un de ses amis juifs en Georgie qui participerait par téléphone interposé. Mais cela ne m’était d’aucun secours.
Désespéré.
C’est alors qu’un passager juste à côté de moi s’éclaircit la gorge et avoua : “ Je suis désolé, mais tout à l’heure je vous ai dit que je n’étais pas juif. Mais c’est faux. J’étais juste intimidé. En fait je suis juif ! ”
Voilà qui paraissait suspect. Je me résignai à l’interroger davantage : oui, sa mère était juive, elle s’appelait d’ailleurs Horowitz et il connaissait même des bénédictions qu’il se mit à chantonner gaiement.
“ Nous sommes dix ! ” criai-je, tout excité, au pilote. On aurait cru que j’avais gagné au loto !
Le steward nous guida au fond de l’appareil. L’atmosphère était électrique. Tous mes “ fidèles ” se saluèrent joyeusement. J’expliquai brièvement ce qu’il fallait faire. Ceux qui n’avaient pas de couvre-chef mirent une serviette sur leur tête. Comme j’avais besoin qu’ils répondent à ma prière, même s’ils n’y comprenaient pas grand-chose, nous avons convenu que dès que je lèverai le doigt, ils sauraient qu’il faut répondre Amen.
L’hôtesse demanda si elle pouvait prendre une photo. J’acceptai, bien sûr. La scène était mémorable. J’ai rarement prié avec une telle ferveur, en remerciant D.ieu vraiment avec chaque mot. Les “ Amen ” étaient loin d’être timides. D’un coup, j’eus l’impression d’être à nouveau un moniteur de colonie de vacances, quand tous les enfants crient et chantent à tue-tête leur prière. Ces Juifs-là n’étaient ni timides ni honteux de leur héritage.
Même si l’humeur était joyeuse, les hommes étaient émus. Ils restèrent concentrés durant la prière (entre sept et huit minutes…). Je remerciai chacun du fond du cœur et nous retournâmes nous asseoir.
C’est à ce moment-là que le pilote annonça le départ !
Durant le vol, plusieurs de mes “ fidèles ” vinrent me voir, un à un, pour discuter du judaïsme… Une Mitsva mène à une autre Mitsva…

* * *

Par la suite, j’ai raconté cette histoire à ma femme qui l’a racontée à ses sœurs qui l’ont racontée à leurs maris… L’un d’entre eux, Rav Lévi Baumgarten s’occupe du camion (“ Tank ”) des Téfilines à Manhattan. Un des hommes d’affaires qu’il contacte régulièrement lui raconta que son associé revenait justement d’Orlando et : “ Savez-vous ce qui lui arrivé dans l’avion ? ”
- Oui je sais ! Il a complété un Minyane !
- Mais comment le savez-vous ?
- Voyons ! Tous les Juifs sont connectés. Le monde juif en général (et le monde Loubavitch en particulier) est très petit. Nous sommes tous frères. Au fait le rabbin qui avait besoin d’un Minyane sur l’avion Jet Blue était mon beau-frère… ”

Rav Zvi Konikov
Traduit par Feiga Lubecki