Samedi, 26 août 2017

  • Choftim
Editorial

 Le temps comme guide

Le fond de l’air n’a-t-il pas subtilement changé ? En ces jours de rentrée, c’est comme une atmosphère ou une lumière différente qui nous enveloppe. Sans bien savoir définir la nature de cette transformation – sans doute inattendue au retour de la parenthèse des vacances – nous en ressentons tous, plus ou moins consciemment, la réalité. Cela s’explique en un mot, à la fois simple et grand : Elloul. Le dernier mois du calendrier juif entre à présent dans le monde et rien n’est plus pareil.

On a coutume de dire que le judaïsme ne croit guère au hasard, imprégné qu’il est de la notion de providence Divine. Cette constatation trouve une application encore plus forte et évidente quand il s’agit d’une idée liée au calendrier. En effet, pour le peuple juif, celui-ci n’est pas qu’un instrument de mesure du temps, un simple outil utile pour suivre les jours qui passent. Il est un véritable guide de vie. Il nous indique un chemin du service de D.ieu. En ce qui concerne le mois d’Elloul, cela veut dire qu’il n’est pas question de le regarder uniquement comme le mois qui ferme le cycle annuel, avant le nouveau millésime. Il est ce mois irremplaçable de conclusion qui affirme ou restaure le sens de tout ce qui a été accompli jusqu’ici et ainsi prépare l’année à venir.

Le précédent Rabbi de Loubavitch décrit la période. Il souligne qu’alors même « les poissons tremblent dans les rivières. » Ce « tremblement » n’est manifestement pas l’expression d’une absurde terreur. C’est celle d’une conscience active : voici que chaque jour qui passe nous rapproche des grands rendez-vous d’automne, Roch Hachana et Yom Kippour. Comme de véritables retrouvailles – avec D.ieu, avec soi-même. Avant tout événement rare et précieux, il faut un temps de préparation. Nous y sommes : Elloul est parmi nous, comme le début d’un voyage de merveilles.

Aussi, à l’orée du mois, il faut entreprendre l’aventure. Il faut accepter la découverte. Ce voyage nous entraînera haut et loin. Il suffit que nous en soyons les dignes acteurs, le monde nouveau est à la porte. Pour une année bonne et douce.

Etincelles de Machiah

 Le parachèvement

Le Talmud (Traité Sota 13b) enseigne: “L’observance d’un commandement n’est appelée que du nom de celui qui le parachève”. En d’autres termes, c’est celui qui conclut une Mitsva qui en acquiert le bénéfice.

Cette notion s’applique également à la venue de Machia’h. Bien que l’œuvre accomplie par les générations précédentes, dont il est dit (traité du Talmud Chabbat 112b) “les premiers étaient comme des anges”, soit infiniment supérieure à la nôtre, cependant “la Délivrance est appelée du nom de celui qui la parachève”. Or, elle viendra par le mérite de notre génération car c’est elle qui, par son effort, porte à son point culminant l’œuvre des générations passées.

(d’après Likouteï Si’hot, vol. XX, p. 104)

Vivre avec la Paracha

 Choftim

Moché donne l’instruction de nommer des juges et des officiers de police dans chaque ville (chaque portail). La justice doit s’accomplir rigoureusement.

Dans chaque génération, des hommes seront chargés d’enseigner la loi. Il faudra les écouter scrupuleusement.

La Paracha comprend également l’interdiction de pratiquer l’idolâtrie et la sorcellerie, les lois de nomination du roi, l’obligation de construire des villes de refuge.

Sont précisées les lois régissant la guerre.

La Paracha se conclut par la loi concernant la découverte, dans un champ, d’un assassinat dont on ignore l’auteur et la responsabilité de la communauté dans ce cas.

Cette Paracha est lue le premier Chabbat du mois d’Elloul. C’est un mois au cours duquel il nous faut agir pour compléter notre service divin de l’année qui s’achève et préparer l’année qui arrive.

Chacun des jours du mois d’Elloul a une importance cruciale puisqu’il complète, compense et élève le service du jour de la semaine correspondant de chaque mois de l’année qui vient de s’écouler et prépare celui de l’année qui vient. Pour donner un exemple, le 1er Elloul est lié au premier jour de tous les mois des années passée et future, le 2 Elloul, au second jour, etc.

Selon le principe suivant lequel « nous devons vivre avec le temps », c’est-à-dire trouver un enseignement relatif à notre vie, dans la Paracha hebdomadaire, l’on comprend aisément qu’il existe une relation entre les principes évoqués plus haut et la Paracha Choftim.

Elle commence avec le commandement de « nommer des juges et des policiers » dans toutes les villes. Ce concept renvoie au service divin personnel de chaque Juif. Le concept de « juge », celui qui tranche la loi, fait allusion à l’étude de la Torah qui nous enseigne le comportement adéquat à adopter. La police, qui veille à l’application de la loi, renvoie à l’application des actes eux-mêmes.

En nommant des juges et des policiers pour lui-même, le Juif s’assure que son comportement suivra les directives de la Torah.

Ce concept prend une perspective encore plus profonde par l’interprétation de « rempart » (les villes), ce qui se réfère à nos organes sensoriels : nos yeux, nos oreilles, etc. Ces organes sont les portails par lesquels nous faisons pénétrer les informations émanant de l’environnement extérieur et par lesquels nous y répondons. Nous devons nommer « des juges et des policiers » pour contrôler notre appréciation de ces stimuli et la réponse que nous leur apportons, les dirigeant dans le sens des valeurs de la Torah.

Cela fait apparaître le lien avec le mois d’Elloul, le mois de l’inventaire. A cette occasion, l’on met une plus grande emphase sur le fait de juger et de contrôler notre comportement pour compenser tous les manquements éventuels dans le service de l’année précédente et préparer le service de l’année qui arrive.

Ce concept est également en relation avec la conclusion de la Paracha qui discute de la Mitsva de Eglah Aroufah (le fait de tuer une génisse comme amendement pour un meurtre resté irrésolu). Le fait de désigner des « juges et des policiers » a pour intention de prévenir des événements indésirables de cette nature. Quand toutefois ils se produisent, bien que cela ait lieu « dans un champ », à l’extérieur des limites de la ville, il faut procéder au service nécessaire pour apporter le pardon.

Cela est également lié au service du mois d’Elloul, associé à la repentance de Yom Kippour et la préparant. En fait, il est expliqué que le cycle de repentance et de pardon de ces jours prend sa source dans la période de quarante jours que Moché passa sur le Mont Sinaï, commençant à Roch ‘Hodech Elloul et s’achevant à Yom Kippour (cela renvoie à la repentance pour le péché du Veau d’Or et le pardon accordé par D.ieu).

Le fait qu’un corps soit découvert « dans le champ » peut également être compris comme une métaphore pour « le roi dans les champs » qui décrit le service du mois d’Eloul :

« Avant qu’un roi n’arrive à la ville, les gens de la ville sortent l’accueillir dans le champ. Il est alors permis (et la permission en est garantie) à tous ceux qui le veulent d’aller l’accueillir. Il les reçoit avec un abord plaisant et leur témoigne une attitude souriante. »

Sortir ainsi pour accueillir le roi apporte le pardon car les 13 Attributs de Miséricorde Divine se révèlent au cours du mois d’Eloul.

Le Coin de la Halacha

 Quelles sont les coutumes du mois d’Elloul ?

A partir du 1er jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année mardi 22 août 2017), on ajoute dans la prière du matin et de l’après-midi le Psaume 27 et ce, jusqu’à Hochaana Rabba (cette année mercredi 11 octobre 2017) inclus.

Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d’Elloul – cette année, à partir du mercredi 23 août 2017 – 3 Tehilim (Psaumes) et ce, jusqu’à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.

A partir du second jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année mercredi 23 août 2017), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.

Dans un discours ‘hassidique, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi explique que, durant tout le mois d’Elloul, « le Roi est dans les champs », c’est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d’entre nous, accueille chacun avec un visage bienveillant et nous pouvons tout Lui demander. C’est pourquoi il est plus facile d’opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.

On a l’habitude de faire vérifier par un Sofer (scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines.

On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d’être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.

Le Recit de la Semaine

 Trois preuves que D.ieu existe…

Un jour, le téléphone sonna chez Rav Amitai Yemini, responsable du programme Loubavitch en hébreu à Los Angeles. Son interlocuteur se présenta comme Moché Mordjovitz, un ancien Israélien installé en Californie.

- Au secours ! Ma fille veut se convertir au christianisme la semaine prochaine ! Aidez-moi !

Effectivement, Anat, sa fille appréciait beaucoup l’émission de télévision qu’animait un certain curé tous les dimanches matin et, bien qu’elle n’ait que dix-sept ans, sa décision était prise, elle était convaincue.

Le soir-même, Rav Yemini arriva au domicile de la famille, une maison où ne se trouvait aucun signe évident de judaïsme, pas même une Mézouza à la porte.

- Comment espérez-vous que votre fille reste juive si votre maison ne possède même pas une Mézouza ? s’étonna-t-il.

Le père accepta que Rav Yemini en fixe une à la porte d’entrée et reconnut :

- Vous êtes le premier rabbin que je rencontre de toute ma vie. Personnellement, j’ai grandi dans un kibboutz appartenant au mouvement Hachomer Hatsaïr, c’est-à-dire la gauche israélienne la plus antireligieuse. Mon épouse et moi-même n’avons aucun lien avec le judaïsme. Un jour, notre fils a voulu fixer une Mézouza à la porte et je l’ai averti : « si tu agis ainsi, moi j’accrocherai un crucifix ! » Il a cédé. Mais… que ma fille se convertisse ? Jamais !

J’ai tenté de lui expliquer que, sans éducation juive, il n’y avait absolument aucune garantie que ses enfants ne s’assimilent pas au courant ambiant. Il ouvrit des yeux ronds :

- Que voulez-vous dire ? J’ai enseigné à mes enfants le meilleur de la littérature israélienne : Bialik, Tchernichovsky et bien d’autres… (des écrivains prestigieux certes mais peu portés sur la tradition juive authentique).

Je lui ai gentiment fait remarquer que la Torah s’apprenait dans d’autres livres, qu’il fallait donner à sa fille d’autres valeurs que celles qu’il préconisait… J’ai invité Anat à passer un Chabbat chez nous. Cela lui plut et elle est revenue chaque Chabbat. Petit à petit, elle s’intéressa à la Torah et pratiqua quelques Mitsvot.

Puis je reçus un autre coup de téléphone de son père :

- Rav Yemini ! Cela suffit ! Vous êtes allé trop loin ! Vous avez réussi à lui extirper cette folie de la conversion et je vous en remercie. Mais n’allez pas la rendre pratiquante ! Je ne l’accepterai pas !

J’ai dû passer des heures à le convaincre, des jours et des nuits pour qu’il ne l’empêche pas de suivre la nouvelle route qu’elle venait de choisir et la laisser acquérir une véritable culture juive à l’école de jeunes filles Beth Rivka de New York.

Les années passèrent. Un jour, ce fut Mme Mordjovitz qui téléphona à Rav Yemini :

- Moché mon mari doit subir une opération à cœur ouvert. La situation est très grave et les médecins ne nous laissent guère d’espoir ! Demandez pour nous une bénédiction au Rabbi !

Elle avait souvent entendu Anat raconter des récits miraculeux sur le Rabbi. Une heure plus tard, le Rabbi envoya sa bénédiction pour une guérison complète.

Après l’opération, les chirurgiens ne purent dissimuler un sourire de satisfaction devant le résultat positif absolument inattendu :

- Vous avez de la chance, M. Mordjovitz, vous êtes aussi fort qu’un taureau ! Quelle belle santé ! C’est incroyable !

« La même semaine, continue Rav Yemini, M. Mordjovitz me téléphona lui-même. Je supposais qu’il voulait me remercier. Je décidais de profiter de l’occasion pour aller le voir chez lui et discuter encore de judaïsme. Quand j’arrivai, le couple s’assit face à moi, ne sachant comment aborder le sujet :

- Voilà ! Cela fait dix ans que nous sommes mariés (il s’agissait du second mariage de M. Mordjovitz) et nous n’avons pas encore d’enfants. Depuis longtemps, nous avons perdu espoir, surtout que les médecins ont levé les bras devant notre situation. Mais maintenant, alors que nous avons vu de nos yeux l’accomplissement de la bénédiction du Rabbi… alors qu’auparavant, nous ne parvenions pas vraiment à croire mais peut-être… si cela ne vous dérange pas, nous pourrions demander une autre bénédiction au Rabbi, pour avoir des enfants…

Bien entendu, j’ai envoyé au Rabbi leur demande et, un mois plus tard, Moché me téléphona pour m’annoncer que sa femme était enceinte.

Quand, il y a quelque temps, il est retourné en Israël, il vint chez moi pour prendre congé. En me serrant les mains avec beaucoup d’émotion, il avoua :

- D.ieu existe ! Vous pouvez annoncer au monde entier que Mordjovitz du Kibboutz Hachomer Hatsaïr affirme que D.ieu existe ! Il m’est arrivé ici trois miracles : ma fille a trouvé sa voie, j’ai subi avec succès une opération délicate et nous avons mis au monde des enfants après dix ans de stérilité ! D.ieu existe !

Aharon Dov Halperin – Moussaf Pessa’h de Kfar Chabad

Traduit par Feiga Lubecki