Samedi, 1er juillet 2017

  • Houkat
Editorial

 3 Tamouz : un commencement

Un Tsaddik, un Juste, qui quitte ce monde n’en disparaît pas, il s’y trouve avec une intensité encore plus grande, nous enseigne le Zohar. Lorsque, au début de la semaine prochaine, reviendra le 3 Tamouz, jour où le Rabbi quitta matériellement ce monde, cette phrase, immanquablement, résonnera dans l’esprit et dans l’âme de chacun. Car, avec le déroulement du temps, chacun constate à quel point la présence du Rabbi semble être encore plus sensible avec les années. Par ses enseignements, par les actions croissantes qu’il suscite aux quatre coins du monde, le Rabbi continue de guider, conduire, vivifier des centaines de milliers de personnes, diverses tant par leur origine que par leur mode de vie, leurs opinions ou leur situation géographique.

Certains pourraient penser que la grandeur du 3 Tamouz se limite à ces considérations. Certes, ces idées expriment une actualité indéniable – et, en cela, elles sont essentielles. Toutefois, si cette date se contentait d’incarner cela, les années qui passent ne verraient rien se rajouter aux acquis antérieurs. On dirait alors que ce jour n’est qu’une commémoration, même importante, parmi toutes les autres. Or il représente bien autre chose et sans doute est-ce en cela qu’il révèle sa profondeur et son urgence pour chacun, car il est un jour d’élévation. Cela signifie que, lorsqu’il revient, d’année en année, il ne réapparaît pas au même niveau. Il entraîne toujours dans un degré plus haut et ce progrès est infini. C’est ainsi que le Rabbi lui-même s’élève également de degré en degré. Il ouvre un chemin toujours nouveau et chacun peut le suivre. Plus encore, il importe pour chacun de s’élever avec lui.

Le propre d’une voie qui monte, c’est d’exister et d’offrir le passage. Mais il appartient à l’homme de s’y engager et d’en suivre les avancées. Cette route-là est spirituelle, c’est spirituellement qu’il faut savoir l’emprunter. C’est dire que le 3 Tamouz n’est pas qu’une journée qu’il faut marquer, c’est un moment rare qu’il faut vivre par l’action et par l’étude, par le cœur et par l’esprit. Ce jour tombe en début de semaine, a-t-on dit, comme pour souligner qu’il est un signe de commencement. Parce que c’’est une période nouvelle qui s’ouvre et que notre âme sait y trouver les ressources du renouveau. Afin que l’ombre recule pour faire place à la Lumière, celle du temps de Machi’ah.

Etincelles de Machiah

 Quelle Techouva pour quel Tsaddik ?

Le Zohar (III, 153b) enseigne que « Machia’h viendra pour faire faire Techouva aux Tsaddikim ». Au-delà de l’explication qui veut que la Techouva étant une forme à part entière du service divin, elle doit exister à tout instant et chez chacun, il en existe une autre plus profonde.

Au temps de Machia’h, une révélation divine infinie apparaîtra. Pour D.ieu, qui est désigné comme « le Tsaddik du monde » (Rachi sur Beréchit 18:28), cette révélation sera une forme de « Techouva » pour avoir retenu cette lumière pendant toute la durée de l’exil.

(D’après Or Hatorah, Vayikra, p. 235)

Vivre avec la Paracha

 ‘Houkat

D.ieu enseigne à Moché les lois de la « Vache Rousse ».

Après quarante ans d’errance dans le désert, le Peuple juif arrive dans le désert de Tsin. Myriam quitte ce monde et le peuple, privé du puits de Myriam, réclame de l’eau. C’est alors que Moché va frapper le rocher pour qu’en jaillisse de l’eau (au lieu de lui parler). L’eau jaillit mais ni Moché ni Aharon ne pourront entrer en Terre Sainte.

Aharon meurt et lui succède alors son fils Eléazar. Le peuple parle encore une fois contre D.ieu et Moché. C’est alors que survient une épidémie qui sera enrayée par un serpent d’airain brandi par Moché.

Moché mène des batailles contre les rois Si’hon et Og, et conquiert leurs terres, à l’est du Jourdain.

Cette semaine, nous lisons le récit d’un miracle. Pour la dixième fois, le Peuple juif se plaint à Moché des conditions de vie dans le désert. D.ieu entend leurs récriminations et envoie des serpents venimeux qui les mordent et en tuent de nombreux. Moché prie pour eux et D.ieu lui ordonne de fabriquer un serpent de cuivre, de l’attacher à une longue perche. Tous ceux qui auront été mordus regarderont ce serpent et seront guéris. (C’est d’ailleurs là l’origine du « caducée » des médecins, symbole de la guérison, qui représente un serpent autour d’un mat).

Nos Sages commentent : Etait-ce le serpent qui apportait la guérison ? Non, mais lorsque les Juifs regardaient vers le haut, ils tournaient leur cœur vers D.ieu et étaient alors guéris.

Le serpent est, de toute évidence, une figure symbolique, qui nous renvoie au Jardin d’Eden, où il fut la cause de la faute originelle.

Cependant, le serpent possède également un certain nombre de connotations positives. En fait, le terme hébreu pour « serpent », Na’hach, a la même valeur numérique que le mot Machia’h. Et il est bien connu qu’en hébreu, les équivalences numériques ne tiennent pas au hasard mais qu’elles indiquent un concept commun.

Troisième remarque : le mot Na’hach, « serpent », a la même racine que le mot Ne’hochèt ; « cuivre ». Ce métal, s’il est apprécié, est considéré comme utile plutôt que précieux. Les pièces de monnaie en cuivre sont bien celles qui ont la plus petite valeur !

Le cuivre peut servir à fabriquer des objets. Ils ne sont pas précieux mais utiles. Contrairement à l’or ou à l’argent, ce métal n’est pas une fin en soi mais sert d’intermédiaire fonctionnel.

Les trois idées que nous venons de mentionner sont reliées.

Le serpent symbolise le désir de l’homme pour les satisfactions matérielles. Cela ressort, de façon évidente, de la réponse de ‘Hava (Eve) à la tentation du serpent : « Elle vit que l’arbre était goûteux et désirable à l’œil ». Le désir, en soi, n’est pas un défaut. Bien au contraire, le désir peut être positif parce qu’il nous sort de l’inertie et nous pousse à agir.

Mais par ailleurs, il ne fait aucun doute que le désir peut également être néfaste.

Quand les désirs de l’homme ne se concentrent que sur la matérialité, ils l’empoisonnent, tout comme le venin du serpent. Ils le détournent de sa véritable humanité et en font un esclave de ses penchants et passions naturels.

Le serpent, le désir, doit être attaché en haut d’une longue perche, de sorte que l’homme devra lever la tête et comprendre l’intention de D.ieu. Par ailleurs, les objets en cuivre sont utiles et lui permettent d’utiliser la matérialité qu’il désire dans un but spirituel. Il s’agit ici de l’œuvre de notre vie : ne pas rechercher la spiritualité transcendante qui nous élève au-dessus des contingences matérielles mais aspirer à une solide conscience de D.ieu qui nous engage dans des activités matérielles, afin de mieux encore accomplir Son intention.

L’achèvement de ce processus aura lieu à l’Ere de Machia’h qui élèvera le monde à un niveau de conscience supérieure même à celui que possédaient Adam et ‘Hava dans le Jardin d’Eden. Eux ne savaient comment concilier le matériel et le spirituel : c’était là le cœur de leur faute. Par contre, à l’Ere de Machia’h, la Divinité sera apparente dans chaque élément qui existe, même dans ce que nous considérons maintenant comme de la pure matérialité.

Perspectives

Dans l’une des prophéties concernant la période messianique, Maïmonide statue qu’alors, la maladie n’existera pas. L’absence de maladie sera, d’une part, la conséquence naturelle des progrès des connaissances et de la profusion de la bonté qui caractérisera les Temps Futurs.

Mais ce sera également une réponse à l’atmosphère spirituelle qui régnera alors.

Dans la mystique juive, il est expliqué que ‘Holé, le mot hébreu pour « malade » a une valeur numérique de 49. Il existe 50 portes de la Compréhension dans le monde, 50 niveaux de connaissance de D.ieu et de relation avec Lui. Par sa propre initiative, l’être humain ne peut en atteindre que 49. La cinquantième porte lui est inaccessible.

Quelle est la source de toutes les maladies dans le monde ? Notre incapacité à dépasser le 49ème niveau. Consciemment ou inconsciemment, notre âme est malade d’amour pour D.ieu. Cette aspiration intérieure, jamais satisfaite, le fait d’être « malade d’amour », crée un déséquilibre qui est la racine des maladies physiques.

A l’époque de Machia’h, « la terre sera remplie de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent le lit de l’océan ». Il n’y aura plus un tel manque car la conscience de D.ieu sera accessible à tous.

Le Coin de la Halacha

 Quelques coutumes liées au jour du mariage :

- Le jour du mariage est comparé à Yom Kippour car les fautes des mariés leur sont pardonnées. C’est pourquoi ils jeûnent jusqu’après la cérémonie de la 'Houpa - sauf les jours particuliers comme Roch ‘Hodech. Dans certaines communautés, les parents des mariés jeûnent également. Les mariés reviendront sincèrement à D.ieu et prendront de bonnes décisions.

- Il est d’usage que le fiancé s’immerge dans un Mikvé (bain rituel) le matin du mariage. Avant leur mariage, les mariés et leurs parents se recueilleront sur la tombe de Tsadikim et des parents disparus pour demander leurs bénédictions.

- On donnera davantage de Tsedaka (charité) le jour du mariage. On multipliera la récitation de Tehilim (Psaumes) – si possible tous les Tehilim. Avant la prière de Min’ha, le fiancé étudiera avec ferveur le chapitre 25 du Tanya. Pendant la prière de Min’ha, les fiancés récitent le Vidouy (confession) comme à Yom Kippour.

- Avant la ‘Houpa, le jeune homme vient couvrir le visage de la mariée : en effet, le visage de la jeune fille reflète à ce moment la Présence Divine et cela pourrait nuire à ceux qui la regardent. De plus, le marié démontre ainsi qu’il ne l’épouse pas pour sa beauté physique mais pour sa véritable beauté intérieure. La mariée ne porte pas de bijoux en or pour montrer qu’il ne l’épouse pas pour sa richesse mais pour sa véritable richesse intérieure. Le marié ne garde rien dans les poches.

- Les mariés sont amenés vers la ‘Houpa par deux couples mariés (si possible leurs parents).

- « Il est connu qu’au moment de la ‘Houpa, les âmes des ancêtres viennent du Monde de Vérité pour bénir leurs descendants ». (Séfer Hamaamarim de Rabbi Yossef Its’hak – d’après le Zohar).

- La ‘Houpa sera établie sous le ciel pour assurer aux mariés une descendance aussi nombreuse que les étoiles.

(d’après Cheva’h Hanisuin)

Le Recit de la Semaine

 Le meilleur moment

Cette semaine, nous avons hébergé un invité très spécial, Yarin Ashkenazi. Il faisait partie d’un groupe appelé Belev E’had. Cette organisation caritative offre aux soldats israéliens handicapés un voyage à New-York, avec toutes sortes d’attractions mises à leur portée : survol de la ville en hélicoptère, escapade en moto, visite des plus célèbres lieux touristiques…

Yarin est un sergent d’une unité d’élite, la Brigade Guivati. Il y a dix-huit mois, il a été blessé dans un attentat à la voiture bélier : un terroriste palestinien a jeté son véhicule sur lui à 100 km à l’heure. Malgré le choc terrible, Yarin a réussi à tirer sur la voiture qui se retourna sur elle-même mais le renversa encore une fois, le blessant horriblement à la tête et aux jambes.

Le terroriste parvint à sortir de sa voiture et, animé d’une haine furieuse, se mit à poursuivre d’autres soldats avec une hache ! Heureusement, un des soldats eut la présence d’esprit de tirer et le neutralisa, l’empêchant ainsi de faire d’autres victimes.

A la fin de son séjour à New York, je demandai à Yarin quel avait été le moment le plus marquant de sa visite, celui dont il se souviendrait toujours avec joie et inspiration. Je supposai qu’il me répondrait que c’était une des attractions dont New-York est remplie et qui font la joie des nombreux touristes. Mais sa réponse me surprit car je sais qu’en tant que véritable Sabra (né en Israël donc connu pour son franc-parler), Yarin a l’habitude d’exprimer tout haut ce qu’il pense :

- Ce qui m’a le plus impressionné, c’est l’heure que nous avons passée au Ohel du Rabbi, au cimetière Montefiore de Queens. J’ai été très ému !

- Tu as prié là-bas ? Pourquoi ?

- J’ai prié pour une bénédiction.

- Quelle bénédiction ?

- J’ai demandé au Rabbi de pouvoir me renforcer dans l’étude de la Torah et la pratique des Mitsvot !

- Et… As-tu ressenti que tu avais reçu une réponse ?

- Oui, affirma Yarin d’un ton assuré. C’est la première fois, depuis que j’ai été blessé, qu’au cours de ce voyage avec l’association Belev E’had, j’ai entièrement respecté Chabbat ! Je n’ai pas répondu au téléphone et je n’ai pas regardé mes e-mails ! J’ai passé un véritable Chabbat !

J’étais stupéfait !

Voilà un homme, jeune, qui a souffert énormément ces quelques dix-huit mois. Quand il avait été transporté à l’hôpital après l’attentat, les médecins avaient tenté de le ranimer par trois fois sans succès. Le médecin-chef avait déclaré qu’ils essaieraient encore une fois avant d’abandonner : cette tentative ultime l’avait ramené à la vie. Mais après cela, il avait dû subir une opération extrêmement périlleuse : les chirurgiens avaient recousu son crâne. Puis il avait dû réapprendre à marcher, à parler, à manger, à rire, à sourire et retrouver ces milliers de petites fonctions de base que tout enfant pratique instinctivement.

Mais quand il avait eu la possibilité de prier auprès du tombeau du Rabbi et de solliciter une bénédiction, qu’avait-il demandé ? Il avait demandé d’avoir la force d’accomplir la Torah et les Mitsvot !

Il y a 49 ans, le jour de Sim’hat Torah, le Rabbi de Loubavitch avait raconté une histoire. Il avait reçu une lettre d’un jeune étudiant russe. A l’époque, ce jeune homme était encore de l’autre côté du Rideau de Fer, opprimé par la dictature communiste, persécuté parce que juif et manquant cruellement des objets de base. Dans sa lettre, il n’avait présenté au Rabbi qu’une seule requête : il n’avait pas demandé une amélioration de sa situation financière ou la possibilité de quitter l’Union Soviétique : il avait supplié le Rabbi de le bénir afin qu’il puisse mieux se concentrer dans sa prière !

Quand le Rabbi avait raconté cette histoire, il avait pleuré, beaucoup pleuré. Et il avait remarqué : ce jeune homme n’avait pas demandé une amélioration de sa situation. Bien qu’il fût soumis à de nombreuses privations et humiliations en Union Soviétique, il n’avait pas demandé la liberté. Tout ce qui lui importait, c’était de pouvoir mieux servir D.ieu !

En repensant à cet épisode, je crois sincèrement que le Rabbi a reçu une seconde lettre de ce genre avec la requête de Yarin la semaine dernière ! Yarin n’avait demandé que d’avoir la force – non pas de vivre normalement – mais de mieux respecter le Chabbat !

A nous maintenant de remercier Yarin pour son courage en tant que soldat d’Israël prêt à protéger son peuple ! A nous d’émuler son exemple en demandant sincèrement au Rabbi sa bénédiction pour mieux comprendre la Torah et respecter ses commandements !

Rav Uriel Vigler - COLlive

Traduit par Feiga Lubecki