Je me souviens d’un après-midi, j’avais huit ans.
Je m’étais trouvé au domicile d’un ami, avec cinq
autre enfants juifs et l’un d’eux me dit: “Nous
savons que ton père n’est pas juif!”
Je rentrai à la maison en pleurant. Ma mère
m’avait réconforté: “Ne t’inquiète pas, tout ce que
tu dois savoir, c’est que tu es Juif puisque je suis
juive!”
Bien que ma mère soit issue d’une famille juive
traditionaliste, elle s’était mariée avec un non-Juif.
Mon père avait accepté que je sois circoncis, mais
l’opération s’était passée à l’hôpital, par un docteur
et non pas par un Mohel, selon la Hala’ha.
En grandissant, j’avais compris que j’étais juif
mais n’avais reçu aucune éducation en ce sens.
En 1973, je me mariai avec une femme juive.
Après la naissance de nos enfants, nous décidâmes
de leur offrir l’éducation que je n’avais
ja mais reçue. Mes en fa nts fr é quent è r ent une
école juive et, ce qu’ils apprenaient, nous l’apprenions
en même temps qu’eux. Petit à petit, ils nous
enseignèrent la Torah.
Je com mençais à fr é quenter la synagog ue
Chabbat. Cependa nt, qua nd j’étais appelé à la
Torah, je sentais qu’il me manquait quelque chose:
j’ignorais quel nom j’étais supposé donner à mon
père qui n’était pas juif. Cela m’angoissait véritablement
et j’avais décidé d’inventer un prénom juif
à mon père tout en me demandant si c’était vraiment
ainsi qu’il fallait agir.
Un jour, alors que ma femme était sortie, je
remarquai le fascicule Loubavitch qu’elle utilisait
chaque vendredi pour les horaires et la bénédiction
des bougies. Je décidais alors de contacter le
numéro de téléphone inscrit sur le feuillet. C’est
ainsi que je pus parler à Mme Esther Sternberg et
lui confier mon problème: “Ma mère était juive
mais pas mon père. Quand je suis appelé à la
Torah, je ne sais pas quel nom donner”.
Mme Sternberg me conseilla de m’adresser à
Rav Kasriel Kastel, ce que je fis immédiatement. Il
me répondit à la façon juive, c’est-à-dire par une
question: “Quel est le nom qui vous est attribué
sur votre Ketouba, votre acte de mariage?”
Maintenant qu’il posait la question, je me rendais
compte que nous n’ av ions pas reçu de
Ketouba lors de notre mariage. Et puisqu’on pouvait
se parler franchement, je lui dis aussi que je
n’avais pas célébré la Bar Mitsva et que ma circoncision
n’avait pas été effectuée selon la Hala’ha.
Avec tous ces éléments, le rabbin avait de quoi
effectuer des recherches! Une semaine plus tard,
il me rappela: il avait décidé d’entreprendre toutes
les démarches comme il se devait: “Vous devez
tout reprendre à zéro: la Brit Mila, la Bar Mitsva et
la Ketouba!”
Je décidai de tout faire en secret et d’en réserver
la surprise à ma femme et mes enfants quand tout
sera it accompl i. Le rabbin fixa la date: le 11
novembre 2004, qui était un jour férié.
La nuit d’avant, mon fils aîné me téléphona:
“Papa, je ne travaille pas demain, nous pouvons
sortir ensemble!”
J’hésitai mais finis par dire à mon fils que j’avais
des courses personnelles à faire. Peu satisfait de
ma réponse, il insista pour m’accompagner.
Tôt le lendemain matin, nous nous sommes rencontrés
et je lui dis que je devais m’arrêter à
C rown Heig hts pour un rendez -vous avec Rav
Kastel. Dans la salle d’attente, je confiai à mon fils
que j’avais décidé de procéder à une petite opération
pour que la circoncision soit conforme à la
Hala’ha, puis à la Bar Mitsva et enfin à la réécriture
de la Ketouba.
Rav Kastel m’avait demandé d’apporter des photos
des pier r es tom bales de mes ancêtr es et
d’autres documents afin de déterminer les noms
exacts et les liens de parenté. Un Mohel appelé par
Rav Kastel effectua la petite opération qui faisait
que la circoncision mérite le nom de Brit Mila. Puis
je me rendis à la synagogue où on m’appela officiellement
à la Torah, comme un jeune Bar Mitsva.
Quant à la Ketouba... on m’informa que je devais
procéder à un mariage en bonne et due forme à
cause des nombreuses incertitudes qui pesaient
sur notre cérémonie de 1973. Il me fallait donc
informer ma femme - et le reste de la famille – de
ce pas décisif.
Tous dansèrent littéralement de joie à l’annonce
de ma détermination à arranger tout cela. Nous
avons alors procédé une seconde fois à notre
mariage, mais cette fois-ci de façon orthodoxe,
avec les chants traditionnels, avec les sept tours
effectués par la mariée etc... sous les regards
attendris de nos fils et belles-filles. On me donna
alors tous les prénoms hébraïques dont j’aurai
besoin au long de ma vie.
Ma i ntenant je sais enfin quels noms don ner
lorsque je suis appelé à la Torah; ma femme et mes
enfants sont fiers de tout ce que j’ai fait pour
“cachériser” ma situation. Ce n’est pas si fréquent
que des enfants peuvent dire qu’ils ont assisté à
la Brit Mila, à la Bar Mitsva et au mariage de leur
père!
Oui, il y a un moment dans la vie où nous devons
remettre les choses en ordre. Même si tout n’avait
pas commencé comme il se doit dans mon enfance,
il n’est ja mais trop ta rd pour pr endre les
bonnes décisions. J’ai eu beaucoup de chance
d’avoir été mis en contact avec les personnes les
plus aptes à m’aider dans ce processus.
Bien que je désire rester anonyme, je tiens à
remercier toutes les personnes qui ont collaboré à
ces occasions joyeuses: le Mohel qui a accompli la
Brit Mila, le Rav qui a écrit la Ketouba, la dame qui
a aidé mon épouse en ce qui concerne le Mikvé
puis qui nous a hébergés pour notre “repas de
noces”, les Rabbanim qui nous ont servi de
témoins, les jeunes mariés qui nous ont permis de
nous marier en même temps qu’eux, afin que les
bénédictions ne soient pas - éventuellement –
prononcées en vain...
Et bien sûr, c’est à vous que je garde une place
spéciale dans mon coeur, Rav Kastel qui vous êtes
occupés de tout cela avec dévouement. Vous
m’avez pris en main comme un père le ferait pour
son fils. Vous m’avez aidé dans toutes les étapes.
Que D. ieu vous récompense au- delà de tou tes
limites.
Merci!
Traduit par Feiga Lubecki