Passer Pourim à Medziboz, auprès du Baal Chem Tov Ce n’était pas simplement un repas de fête, ni l’intense esprit de camaraderie qui régnait parmi les milliers de ‘Hassidim réunis auprès de leur Rabbi, ni même la sincérité et la joie avec lesquelles chaque Mitsva de la fête était accomplie. C’était bien plus que tout cela à la fois, c’était surtout le bonheur d’écouter les enseignements profonds de la ‘Hassidout révélée par Rabbi Israël Baal Chem Tov.
Chaque année, il expliquait la personnalité d’Haman, l’ennemi séculaire du peuple juif et son ancêtre Amalek, petit-fils d’Esaü. « Amalek a la même « Guematria » (valeur numérique) que « Safek », le doute. Il représente la confusion, il pose des questions sur D.ieu et Son omnipotence dans nos vies, aujourd’hui, déclarait le Baal Chem Tov. Nous devons complètement annuler le souvenir d’Amalek dans notre relation à D.ieu, nous devons avoir une confiance totale, joyeuse et sincère en notre Créateur ! »
Ce Pourim-là, le Baal Chem Tov appela un jeune garçon, Chaoul, le fils de Rav Meïr Margolis de Lembourg. Chaoul n’avait que cinq ans, mais possédait une voix extraordinaire. « Chaoul, lui dit le Rabbi, chante pour nous ! Montre-nous comment nous rapprocher sincèrement et joyeusement de D.ieu ! »
Chaoul entonna alors « Chochanat Yaakov », le refrain qu’on chante après la lecture de la Méguila, le rouleau d’Esther. Au fur et à mesure qu’il chantait, les ‘Hassidim se sentaient transportés dans un autre monde, dans lequel nul doute ne subsiste, un monde si simple, si joyeux et si confiant. Le Baal Chem Tov demanda alors au père de Chaoul de bien vouloir laisser l’enfant à Medziboz pour Chabbat : l’enfant enchanté rassura son père, il se comporterait bien et ne pleurerait pas.
Le Chabbat se passa normalement et, après la cérémonie de Havdala, le Baal Chem Tov demanda à deux de ses ‘Hassidim de monter avec lui dans le chariot pour ramener l’enfant à ses parents.
En route, le petit groupe s’arrêta dans une auberge. A l’intérieur, les paysans s’étaient réunis pour chanter des airs folkloriques et s’amuser. Le Baal Chem Tov entra dans la pièce, frappa dans ses mains et dit d’une voix forte : « Silence ! » Surpris, les paysans se turent instantanément !
« Voulez-vous entendre ce qu’est un vrai chant ? » demanda le Baal Chem Tov. Il appela Chaoul, le mit debout sur une chaise et lui dit de chanter « Chochanat Yaakov ». Malgré le décor inhabituel pour ce genre de prestation, Chaoul obéit et chanta de façon encore plus merveilleuse qu’il ne l’avait fait dans la synagogue de Medziboz. Quand il termina, même les paysans les plus ives avaient dans les yeux une leur d’admiration et de respect.
Le Baal Chem Tov s’approcha alors de trois garçons qui jouaient dans un coin : « Comment vous appelez-vous ? » Ils répondirent l’un après l’autre : « Ivan », « Stephan » et « Anton ».
« Avez-vous apprécié la façon de chanter de mon ami Chaoul ? » demanda le Baal Chem Tov.
Les garçons hochèrent la tête.
« Aimez-vous Chaoul ? » leur demanda encore Rabbi Israël.
Une fois de plus, ils hochèrent la tête en signe d’agrément. « Je voudrais que vous trois, vous vous souveniez toujours du chant de Chaoul et que vous soyez toujours son ami ! » dit le Baal Chem Tov sur un ton amical. Les trois garçons acceptèrent.
Alors le Baal Chem Tov prit la main de Chaoul, fit signe à ses deux ‘Hassidim de le suivre et tous les quatre reprirent la route et ramenèrent Chaoul dans la maison de ses parents.

***

Des dizaines d’années plus tard, Chaoul était devenu un riche homme d’affaires très versé dans l’étude de la Torah. Un jour, Chaoul se dirigeait vers sa ville après un voyage d’affaires qui avait été couronné de succès. Il se faisait tard et il devait encore traverser une épaisse forêt avant d’arriver chez lui, juste à l’heure pour écouter la Méguila de Pourim.

Soudain un bandit surgit d’un buisson et s’empara des rênes du cheval. Deux autres voleurs tirèrent Chaoul hors de son chariot et trouvèrent son argent dans ses poches. De tels bandits ne laissaient jamais leur victime en vie. Chaoul supplia qu’on lui laisse le temps de réciter le « Vidouy », la prière de confession. Ses ravisseurs ironisèrent que cela ne l’aiderait pas mais le laissèrent.
Chaoul se mit à réciter les fautes, comme le demande la tradition ; en esprit, il revivait les moments les plus marquants de sa vie, le discours du Baal Chem Tov, quarante ans plus tôt : « Amalek a la même « Guematria » que « Safek » ! Il représente la confusion et le doute par rapport à l’existence de D.ieu et Son action dans notre vie, aujourd’hui. Nous devons totalement éradiquer Amalek de notre pensée et avoir pleinement confiance en D.ieu avec joie et sincérité ». Chaoul décida alors que ses derniers moments dans ce monde seraient empreints de joie et de confiance en D.ieu. Les yeux fermés, il entonna même le chant de « Chochanat Yaakov » que le Baal Chem Tov aimait tant.
Quand Chaoul termina, il ouvrit les yeux et aperçut les trois bandits qui le regardaient, stupéfaits. Il les considéra alors fixement : « Toi, tu es Ivan, n’est-ce pas ? Et toi, tu es Stephan et certainement, toi tu es Anton ! » dit Chaoul en les désignant chacun du doigt.
« Et toi, tu es Chaoul ! Nous avions promis de rester toujours tes amis ! »
Ils lui rendirent tout son argent et l’aidèrent à retrouver son chemin dans la forêt afin qu’il arrive à temps dans la ville pour écouter la Méguila. Pendant tout le trajet, Chaoul parla du Baal Chem Tov, dont les enseignements visaient à établir la paix dans le monde. Les bandits décidèrent alors de se repentir et de devenir des hommes dignes de ce nom, honnêtes et travailleurs.
Encore un miracle de Pourim…

« Le’haïm »
Traduit par Feiga Lubeck