Qui ne connaît le nom de David Chase, président de la banque “Chase Manhattan Bank”, à New York ? Ce survivant de la Shoa, devenu un géant de la finance, a côtoyé bien des personnalités. C’est pourtant le Rabbi de Loubavitch qui l’a le plus marqué.

En 1989, on me suggéra de retourner en Pologne, ma terre natale, où soixante membres de ma famille avaient été exterminés. On me dit que je devrais tenter de rencontrer Lech Walesa, qui était alors à la tête du syndicat Solidarnosc.
Bien que je n’eus aucune raison d’y aller et surtout aucune envie, j’en parlais avec le Rabbi lors d’une audience privée. Le Rabbi me répondit que, puisqu’il restait encore de nombreux Juifs en Pologne, une telle visite pourrait leur être utile. Cependant, il insista pour que je n’encourage aucun Juif à retourner s’y établir.
Là-bas, je rencontrai Lech Walesa. Tout en l’assurant que j’étais heureux de le voir, je déclarai que je n’avais pas l’intention de faire des affaires en Pologne, là où mon père, ma mère, mes frères, sœurs et grands-parents avaient été exécutés pendant la Shoa, alors que les Polonais continuaient de se montrer antisémites.
Sa réponse me surprit: il me regarda très sincèrement et dit: “Votre D.ieu est mon D.ieu !”.
Je me souviens très clairement de ses mots.
A mon retour aux Etats-Unis, je fis un rapport au Rabbi. Il me donna un certain nombre de billets d’un dollar et me dit de les distribuer à des Juifs qui se sentent Juifs et veulent rester Juifs tout en vivant en Pologne. Il me demanda également d’en donner à des non-Juifs qui le mériteraient. Comme il ne mentionna aucun nom, je demandai comment pourrais-je reconnaître à qui distribuer les dollars. Le Rabbi répondit: “Vous le saurez le moment venu”.
Je rencontrai assez souvent Lech Walesa. Un jour il m’annonça qu’il allait se présenter aux élections présidentielles. Je décidai de lui donner un dollar: “Voici un dollar que vous devez garder, lui dis-je. Quand vous deviendrez président – et je suis sûr que vous deviendrez président – je vous dirai qui m’a confié ce dollar pour vous le remettre. Ne me demandez pas son nom maintenant”. Il prit le dollar, le plia et le glissa dans sa poche. Je sais qu’il le porte sur lui encore aujourd’hui partout où il va.
Il gagna les élections et devint président. Sentant que le billet qu’il portait sur lui l’y avait aidé, il me demanda: “David, qui est la personne qui m’a donné ce dollar ?”. Je lui expliquai que c’était le Rabbi de Loubavitch; je lui racontai la grandeur du Rabbi et le profond respect que je lui portais, son dévouement pour les autres, sa conduite exemplaire, sa vision du monde et ses connaissances encyclopédiques. Je lui dis que le Rabbi m’avait spécifiquement recommandé de confier un dollar à des non-Juifs qui pourraient aider, en toute amitié, le peuple juif.
Walesa fut très touché et exprima une profonde admiration pour le Rabbi.

* * *

Deux ans après son élection, j’encourageai Lech Walesa à se rendre en Israël pour normaliser les relations entre les deux pays. Il accepta et me proposa de l’accompagner dans l’avion présidentiel avec dix de ses ministres.

Lors d’un entretien, le Premier Ministre Shamir demanda à Walesa ce qu’il comptait faire pour stopper l’antisémitisme en Pologne: pour prouver ses dires, il mentionna le bureau de l’OLP qui avait pignon sur rue à Varsovie et les ventes d’armes de la Pologne vers l’Irak, l’Iran et la Syrie. En réponse, Walesa se tourna vers M. Shamir et dit: “Monsieur le Premier Ministre, je vous demande, au nom du peuple polonais, pardon pour le sang juif qui a été versé en Pologne !”.
Nous étions stupéfaits. C’était là une déclaration de repentance sans précédent. Nul d’entre nous ne s’était attendu à une telle déclaration.
Walesa affirma: “Dès mon retour en Pologne, je procéderai à la fermeture du bureau de l’OLP et mettrai fin à la vente d’armes avec les pays ennemis d’Israël”.
En entendant cela, j’estimai que ce serait là un suicide politique pour ainsi dire: avec un taux de chômage de 25 %, la Pologne ne pouvait s’offrir le luxe de se priver d’un commerce fort lucratif !
Mais il tint parole. Il fit fermer immédiatement le bureau de l’OLP, j’en fus témoin. Puis il arrêta de fournir des armes à la Syrie, l’Irak et l’Iran.

Je sais que la bénédiction du Rabbi fut le moteur de cette transformation.

Traduit par Feiga Lubecki