Jeune étudiant dans les années soixante, je dus assister à un séminaire de formation à Bethel dans l’état du Maine aux États-Unis. Comme la cacherout y était inexistante, ma mère me prépara une grosse réserve de divers produits cachères, y compris salami et Matsot. J’achèterais sur place les fruits et légumes.

Quand j’arrivai, je remarquai que la majorité des trois cents étudiants étaient juifs mais j’étais le seul à porter la Kippa. Certains s’attroupèrent autour de moi avec une question : «D’où as-tu obtenu de la nourriture cachère ?». J’offris de partager mes provisions avec eux et, ensemble, nous avons mis au point une stratégie pour préparer des repas cachères dans la cuisine du séminaire.

D’autres étudiants s’intéressaient plutôt à des questions théoriques et me pressaient de répondre à leurs interrogations philosophiques. Connaissant la façon d’agir des ‘Hassidim de Loubavitch qui savaient trouver le chemin du cœur des Juifs les plus éloignés de toute tradition, j’avais emporté certaines de leurs brochures explicatives. Mais, quand je les eus toutes distribuées, j’écrivis une lettre à Rav Leibl Groner, un des secrétaires du Rabbi, pour lui en demander davantage. Dans ma lettre, j’écrivis que j’étais en contact avec de nombreux étudiants juifs qui n’avaient jamais vu un Juif pratiquant de leur vie. Je ne cachais pas mon pessimisme : même si je parvenais à leur parler sur place, une fois qu’ils rentreraient chez eux, ils auraient certainement vite fait de tout oublier !

Rav Groner montra ma lettre au Rabbi et, peu de temps après, il me téléphona pour me transmettre le message suivant du Rabbi : «Vous devez agir ; le reste, c’est D.ieu qui le fera !».

Dès que j’entendis cela, je me sentis gonflé à bloc ! Quand un étudiant juif m’approchait, j’en profitai pour lui parler de Torah et de Mitsvot ; ceci enthousiasmait tant mes camarades qu’à la fin du séminaire, ils dansèrent tous la Hora en mon honneur.

Quand je retournai à New York, je me rendis à un Farbrenguen (réunion ‘hassidique) du Rabbi. Le visage rayonnant, le Rabbi me remarqua, me félicita pour mon action positive dans le milieu estudiantin et m’invita à trinquer Le’haïm («A la vie»). A partir de ce moment, je ressentis comme si le Rabbi me proposait de devenir son ‘Hassid, son partisan et je me considérai comme tel.

Peu après, je m’inscrivis pour étudier la ‘hassidout dans une Yechiva Loubavitch, jusqu’à mon mariage en 1967.

Un an plus tard, nous n’avions toujours pas d’enfant : ma femme et moi sommes allés demander au Rabbi sa bénédiction et son conseil : devions-nous consulter un spécialiste ? Nous avons aussi écrit dans cette lettre que nous étions prêts à devenir des émissaires du Rabbi et à nous installer n’importe où dans le monde pour répandre le judaïsme. Le Rabbi répondit : «Après la naissance du bébé, vous recevrez votre mission !».

Nous étions heureux ! Le Rabbi nous avait promis un enfant et, ensuite, nous deviendrions ses émissaires !

Trois ans plus tard, quelques semaines après la naissance de notre petite ‘Hanna-Etka, nous l’avons présentée au Rabbi pour le remercier de sa bénédiction et pour lui demander de nous préciser où nous devions nous installer. Mais le Rabbi sourit et remarqua : «Pourquoi auriez-vous besoin de voyager ? Vous pouvez devenir mes émissaires ici, à Brooklyn !».

C’est exactement ce que nous avons fait : chaque semaine, ma femme et moi invitions des étudiants à partager notre repas de Chabbat et, inévitablement, cela les encourageait à en apprendre davantage sur leurs racines juives : je peux maintenant affirmer, sans exagérer, que nous avons ramené des centaines de jeunes juifs au judaïsme, grâce à la joie et la chaleur de notre foyer.

Quant à la Parnassa (le gagne-pain), le Rabbi me suggéra d’ouvrir un magasin… de fleurs !

Voici ce qui s’était passé : le mouvement Loubavitch s’était tellement développé qu’il avait dû acheter tout un building à côté de la modeste synagogue qui avait suffi aux premiers ‘Hassidim rescapés d’Europe et d’Union Soviétique mais qui ne convenait plus aux milliers de nouveaux venus. Le nouveau bâtiment avait abrité auparavant un petit magasin de fleurs et le quartier se retrouvait maintenant avec une synagogue spacieuse mais sans endroit où acheter des fleurs.

- Je souhaite, précisa le Rabbi, que les gens de la communauté puissent acheter des fleurs pour les occasions joyeuses et c’est à vous de vous en charger !

Le Rabbi m’expliqua en détail comment agir et réussir. Il suggéra de faire appel à mon beau-père pour commencer parce que celui-ci était fleuriste. C’était là une excellente proposition ! Il faut dire qu’à l’époque, je ne connaissais pas la différence entre une rose et un œillet…

Deux semaines plus tard, avec l’aide de mon beau-père, j’eu la joie d’annoncer au Rabbi que j’avais ouvert un magasin de fleurs sur Kingston Avenue, la grande rue commerçante du quartier de Crown Heights.

Plus tard, alors que ma femme était enceinte de neuf mois et sollicitait du Rabbi sa bénédiction pour un bon accouchement, le Rabbi demanda des nouvelles du magasin. Quand il apprit que c’était une toute petite échoppe, il nous offrit quelques centaines de dollars pour nous aider à acheter le bâtiment contigu et ainsi agrandir le magasin.

Les fleurs ne sont pas indispensables et, souvent, les magasins de fleurs périclitent mais le nôtre s’avéra très rentable : nous avions les conseils et la bénédiction du Rabbi et le succès fut assuré.

Gil Hirsch - JEM

Traduit par Feiga Lubecki