A une heure tardive, le téléphone sonna au domicile de Rav Mordechai Dubinsky à New York : à l’autre bout du fil, son ami Rav Dov Fried l’appelait depuis Israël pour lui demander un grand service : l’épouse d’un de ses amis souffrait d’un problème cardiaque rare et devait être opérée à Houston, au Texas. Lui était-il possible d’accorder l’hospitalité à ce couple en attendant qu’une place se libère à l’hôpital de Houston ? C’était une question de jours, deux semaines maximum. Bien entendu, Rav Dubinsky et son épouse acceptèrent avec empressement d’héberger M. Amos Heguiv et sa femme Madeleine : ils leur procurèrent d’ailleurs tout ce dont ils avaient besoin, sans se mêler de leur vie privée.

L’attente pour l’opération se prolongea, les jours devinrent des semaines, les semaines devinrent deux mois !

Un jour, Rav Dubinsky remarqua que son hôte avait l’air soucieux : il semblait très inquiet. Rav Dubinsky n’osa pas lui en demander la raison. Mais les jours passaient et M. Amos semblait de plus en plus angoissé ; il demanda à parler en tête à tête à Rav Dubinsky. A l’abri des regards, M. Amos expliqua : «Mon épouse vient de se rendre compte qu’elle est enceinte. C’est un événement que nous attendons depuis longtemps ! Le problème, c’est qu’elle doit subir une très grave opération cardiaque : les médecins à New York nous conseillent de recourir à un avortement thérapeutique ! Nous n’avons pas encore d’enfants et nous sommes placés devant une situation dramatique : que faire ? Devons-nous obéir aux médecins ou devons-nous tenter l’opération et mettre en danger la mère et l’enfant ? »

M. Amos décida de demander l’opinion du plus grand décisionnaire à cette époque, le regretté Rav Moché Feinstein. Celui-ci répondit, au vu des éléments qu’on lui présenta, qu’il fallait obéir aux recommandations des médecins. Cependant, même après avoir entendu cette décision, M. Amos hésitait à la mettre en pratique, pour une raison évidente : cela faisait si longtemps qu’ils attendaient cette naissance !

Rav Dubinsky déclara : «Nous sommes des ‘Hassidim du Rabbi de Loubavitch et, dès qu’il y a une décision importante à prendre, nous lui écrivons. Faites de même et, quoi qu’il vous conseille, écoutez-le !». Au début M. Amos refusa en arguant qu’on ne demandait pas au Rabbi de trancher des points de Hala’ha (loi juive) et, en l’occurrence, il avait déjà reçu une réponse de Rav Moché Feinstein. Mais Rav Dubinsky insista que cela n’avait rien à voir, il fallait décrire la situation dans tous ses détails devant le Rabbi en mentionnant la décision de Rav Moché Feinstein.

Effectivement, M. Amos écrivit une lettre au Rabbi et la transmit à son secrétaire, Rav Binyamin Klein. Un jour passa, il n’y avait toujours pas de réponse. Un autre jour, une semaine… Chaque jour, Rav Dubinsky faisait les cent pas devant le secrétariat du Rabbi, insistait auprès des secrétaires qui l’assuraient qu’ils avaient bien déposé la lettre sur le bureau du Rabbi… Trois semaines se passèrent ainsi dans une tension à peine supportable pour le couple en détresse…

Puis le coup de téléphone tant attendu de l’hôpital texan arriva : ils devaient se rendre d’urgence à Houston ! Rav Dubinsky encouragea le couple à se rendre à Houston.

Le lendemain de leur départ… surprise ! La réponse tant attendue arriva enfin ! Rav Binyamin Klein téléphona à Rav Dubinsky : le Rabbi avait répondu : «En ce qui concerne l’avortement – (qu’ils agissent) selon le conseil des médecins au Texas. Je le mentionnerai auprès du tombeau du Rabbi (précédent)». Rav Dubinsky téléphona immédiatement au Chalia’h (émissaire) du Rabbi au Texas, Rav Chimon Lazaroff afin qu’il localise le couple d’Israéliens qui n’avait pas laissé d’adresse ou de numéro de téléphone. Après bien des efforts, Rav Lazaroff les localisa et leur transmit la réponse du Rabbi. Leur stupéfaction était double : d’une part, recevoir une réponse du Rabbi après une si longue attente et justement le jour où ils avaient été convoqués par l’hôpital ; d’autre part, contrairement à tous les autres médecins, le chef du département de chirurgie de l’hôpital avait conclu : «Si vous tenez tellement à l’enfant, on peut prendre le risque de retarder l’opération jusqu’à la naissance et de l’effectuer après l’accouchement !».

Bien entendu, l’enfant leur était particulièrement précieux – leur premier enfant après une si longue attente – et la réponse du Rabbi leur était parvenue juste au bon moment !

Le couple revint à New York pour la période d’attente. M. Amos se confia alors à Rav Dubinsky : «Le fait est que nous n’avons pas obéi à Rav Moché Feinstein dont nous avions demandé l’avis…». M. Amos était un Juif pratiquant, soucieux de se conformer à l’opinion d’un si grand décisionnaire. Rav Dubinsky le rassura : «J’ai un très bon contact avec des gens proches de Rav Feinstein, nous allons tous les deux lui demander ce qu’il en pense !». Effectivement, tous deux furent admis chez Rav Moché Feinstein qui les écouta attentivement puis expliqua : «Ma décision avait été prise avant que le fœtus n’ait quarante jours et il était donc possible de permettre l’avortement dans un cas pareil. Mais après quarante jours, la Hala’ha est différente, beaucoup plus stricte !».

Maintenant M. Amos comprenait pourquoi la réponse du Rabbi avait tellement tardé : ces trois semaines avaient été critiques pour l’existence et la survie de l’embryon et le Rabbi attendait que quarante jours se passent depuis la conception de l’enfant.

Le couple loua un appartement à Flatbush, M. Amos travailla temporairement à El Al, le temps de son séjour à New York afin de subvenir aux besoins de sa famille ; le couple manifesta une très grande reconnaissance à Rav Dubinsky pour son hospitalité et ses efforts en leur faveur.

Les cardiologues et les gynécologues refusèrent de s’occuper d’un cas si compliqué. Rav Dubinsky les força à entrer en contact avec le spécialiste du Texas et, finalement, tous coopérèrent, sans même exiger d’honoraires ! D.ieu merci, l’enfant naquit en bonne santé, la Brit Mila fut célébrée avec faste et l’enfant fut nommé Nissim Netanaël car il était né miraculeusement, comme un cadeau de D.ieu. Deux mois plus tard, la jeune maman fut opérée avec succès au Texas et la famille put enfin commencer une vie normale…

Rav Yossef Hartman – Kfar Chabad N° 1529

Traduit par Feiga Lubecki