Rav Berel Lazar, le Grand-Rabbin de Russie m’avait proposé de m’installer à Novossibirsk et d’inciter au renouveau de la vie juive dans cette très grande ville de Sibérie.

Pour moi qui suis Israélien, la Sibérie était hors de question ! Tout ce que je savais de cet endroit, c’était la distance de tout endroit habité, le froid et les ours polaires ! J’ignorais qu’il y avait dans cette ville de deux millions d’habitants non seulement des centres de recherche technologiques très influents mais aussi un centre d’affaires et surtout quelques vingt mille Juifs. La température moyenne y est de moins 35 degrés !

Non, c’était vraiment le dernier endroit sur terre où j’avais envisagé de m’installer avec mon épouse ! Surtout que nous ne parlions pas le russe, ni elle ni moi !

Mais Rav Lazar insista et nous acheta deux billets pour que nous passions deux semaines sur place avant de nous faire une opinion. Nous sommes arrivés avant Pourim 1999 en plein hiver sibérien, terrible. Nous avons pris une chambre d’hôtel (ah, les déportés de Staline et du communisme n’avaient pas eu cette chance et avaient dû se contenter de baraques exposées aux tempêtes glacées, soumis qu’ils étaient à la loi du Goulag… !) Je me suis rendu à la « synagogue » qui n’était qu’une maison délabrée, avec une hygiène déplorable : pour nous, il était évident qu’au vu de ces conditions, notre réponse au Rav Lazar serait un Niet définitif.

Mais puisque nous étions déjà présents sur place, même pour quelques jours, nous devions organiser une fête de Pourim. Nous avons invité les gens de la communauté, je leur ai lu la Méguila et nous avons fait connaissance au cours d’une petite réunion dans la synagogue. Le lendemain matin, alors que je m’apprêtais à retourner en Israël, je suis d’abord retourné à la synagogue pour ranger les affaires et quand je suis entré, j’ai eu un choc : un véritable pogrome avait eu lieu durant la nuit ! Des croix gammées peintes sur les murs, le Séfer Torah déchiré et jeté à terre et l’Arche sainte détruite !

Ma première réaction a été toute naturelle : j’ai pleuré. Puis je suis allé prévenir la communauté et la police. Des journalistes sont arrivés sur place, de tous les médias russes. On m’a collé devant la figure des dizaines de micros et on m’a posé toutes sortes de questions en me demandant quelle serait notre réaction. J’ai fait venir immédiatement un traducteur puisque je ne connaissais pas du tout le russe. Puis on m’a demandé de me présenter : « Vous êtes le rabbin de Novossibirsk ? ». Que pouvais-je répondre ? Que je n’étais qu’un touriste présent «par hasard», avec le look d’un rabbin ? J’ai répondu que oui, j’étais bien le rabbin de la ville !

Cette interview a paru dans toutes les chaînes d’information mondiales. (Un de mes oncles au Canada a téléphoné ce jour-là à mon père en demandant : «Que fait ton fils à Novossibirsk ?»).

Le même jour, je suis rentré en Israël. Après ce pogrome, il était encore plus évident que notre place n’était pas là-bas !

Quelques jours plus tard, j’avais bien réfléchi et j’ai annoncé à mon épouse : «Le monde entier nous a déclarés comme étant les émissaires du Rabbi à Novossibirsk. C’est donc qu’il s’agit bien de l’endroit où nous devons nous installer !». Nous avons donc décidé d’y retourner !

Si les instigateurs de ce pogrome avaient réalisé les conséquences de leur action criminelle, ils auraient réfléchi à deux fois !

La première chose que nous avons faite à notre arrivée a été de réparer l’ancienne «synagogue» et, sur la proposition de Reb Lev Leviev, nous avons ouvert une école qui compte actuellement une centaine d’élèves et un jardin d’enfants avec une quarantaine d’inscrits. La synagogue abrite maintenant une salle de fêtes, un Mikvé (bain rituel), un restaurant, des salles de classe pour les cours de Torah, une salle de sports et d’ordinateurs, une salle à manger et une immense cuisine. Tout ceci a été financé par des caisses juives de l’étranger mais aussi des donateurs locaux.

Un de ces donateurs était très éloigné de toute pratique juive. Un jour, il a décidé de se présenter aux élections et m’a demandé d’écrire pour lui une demande de bénédiction au Rabbi. J’ai envoyé cette lettre au Ohel du Rabbi à New York et, D.ieu merci, cet homme a été élu. Reconnaissant, cet homme a désiré que nous nous rendions ensemble au Ohel pour remercier le Rabbi. Ensuite, il a demandé à être circoncis. Maintenant, il fait partie intégrante de notre communauté, se trempe au Mikvé tous les matins avant d’étudier ‘Hassidout et de prier.

Lors de l’inauguration du centre communautaire, il a déclaré qu’au Ohel, il avait demandé la richesse. A sa sortie du Ohel, il avait reçu un coup de téléphone : on lui proposait une affaire très sérieuse. «Au début, dit-il, je ne pensais pas que cette affaire était intéressante mais finalement, elle a donné des résultats si fructueux que j’ai décidé d’octroyer un cinquième des bénéfices à cette construction !»

D’ailleurs, à l’occasion de cette inauguration, j’avais décidé de rencontrer le gouverneur et maire de la ville en compagnie de Rav Lazar. Mais le maire n’a pas voulu venir, de peur d’être considéré comme un ami d’Israël et de perdre les élections. Deux mois plus tard, le fonctionnaire qui avait accepté de nous rencontrer et de nous honorer de sa présence a été élu maire ; l’ancien maire a été reconnu coupable de corruption et doit rendre des comptes devant les tribunaux pour des chefs d’accusation très graves.

Le bon D.ieu se charge de notre réponse aux pogromes !

Rav Shneur Zalmen Zaklos – Kfar Chabad N° 1570

Traduit par Feiga Lubecki