Mes parents étaient des Juifs traditionalistes. Bien sûr, ils me rappelaient de temps en temps que j’étais juif mais cela ne signifiait pas grand chose pour moi. Nous nous rendions à la synagogue pour les fêtes et célébrions le Séder le soir de Pessa’h ainsi que le jeûne de Yom Kippour. Mais pour moi, ce n’était que des formalités religieuses, familiales, sans réelle profondeur spirituelle.
Un dimanche, alors que je me promenais dans le fameux quartier du «Pletzel», rue des Rosiers à Paris, un jeune ‘Hassid me demanda si j’étais juif. Bien sûr, je répondis par l’affirmative. Il me proposa alors de mettre les Téfilines ; je refusai en haussant les épaules et je continuai ma route. 
De nature, je suis plutôt curieux. Mes collègues à l’Université prétendent que la phrase que j’utilise le plus souvent est : «Prouvez-le !» Mais la proposition du jeune homme m’avait intrigué. Au fond, que signifiait cette identité juive ? Quel était l’intérêt de pratiquer ces quelques rites qu’on m’avait enseignés s’ils n’avaient aucune signification profonde ? Soudain, je me demandai pourquoi moi, un intellectuel évolué, je continuai à participer à des cérémonies religieuses qui n’avaient aucun sens, à part le respect que je devais à mes parents.
Plus le temps passait, plus cette question de l’identité juive me tracassait. J’éprouvais véritablement une crise morale qui affectait ma vie de tous les jours. J’achetai de nombreux livres, je me renseignai à droite et à gauche mais sans trouver de réponses satisfaisantes.
Quelques mois plus tard, au printemps 1983, je retournai «par hasard» rue des Rosiers. Cette fois-ci, les Loubavitch disposaient d’un petit stand avec un magnétophone mais avec une seule cassette : celle-ci n’arrêtait pas de diffuser un chant ‘hassidique joyeux sur un verset des Psaumes (je sus plus tard que c’était le Psaume correspondant alors à l’âge du Rabbi cette année-là). Bien que mes connaissances en hébreu soient limitées, je finis par «enregistrer» dans ma mémoire les quatre mots du refrain : «Kouma Elokim, Chafta Haarets…» («lève-toi, Eternel, juge la terre…»).
De loin, j’observai assez longtemps ce qui se passait autour de ce stand. Les jeunes gens en charge s’appliquaient : ils étaient sérieux et sincères, animés d’une foi joyeuse. Je m’approchai de l’un d’entre eux, âgé d’environ vingt ans et il me proposa, en toute simplicité, des cours de ‘Hassidout. Mais l’idée ne m’enthousiasmait pas : «Si D.ieu existe, je veux y ‘parvenir’ par ma propre démarche et non parce que quelqu’un m’en aurait persuadé !» Pas découragé pour autant, le jeune homme qui continuait de mettre les Téfilines aux passants, me parla du Rabbi et me conseilla de lui écrire : «Il comprend le français et saura répondre à vos questions» ajouta-t-il en me tendant un papier avec l’adresse du Rabbi.
Je pris sa suggestion au sérieux et écrivis, quelques jours plus tard, une lettre longue et détaillée. Je mentionnai les questions qui m’avaient tracassé ces derniers mois depuis ma première rencontre avec les jeunes ‘Hassidim, rue des Rosiers. Je mentionnai mes doutes – si cartésiens et si typiquement français – quant à l’existence de D.ieu et à la nécessité de pratiquer des rites religieux. Je conclus en souhaitant que le Rabbi me procure une réponse toute intellectuelle qui apaiserait mes angoisses. J’envoyai la lettre et me sentis déjà un peu mieux.
Tous les jours, je guettais la réponse du Rabbi dans ma boîte aux lettres. Mais elle tardait et j’en étais fort déçu. Trois mois passèrent et je finis par me persuader qu’il n’y aurait pas de réponse.
Un matin – je sus plus tard que c’était le 13 Elloul 1983 – je me réveillai en pleine forme, contrairement à mon habitude ces derniers temps. A peine levé, je me mis à chanter et, tout étonné, je remarquai que les paroles n’étaient autres que «Kouma Elokim, Chafta Haarets…». Je n’étais plus assailli par mes propres questions et, tout en me rendant à mon travail, je continuai de chanter. De fait, j’avais tout simplement envie de prier et c’était les seuls mots que j’avais enregistrés en hébreu dans ma mémoire… Instinctivement je sus que ma vie ne serait plus la même…
Le même jour, je me procurai de la nourriture cachère et j’achetai le «Kitsour Choul’hane Arou’h» afin d’apprendre sérieusement les lois de la vie juive. Quelques jours plus tard, j’achetai des Téfilines et me promis de les mettre chaque jour. En rentrant chez moi, j’ouvris la boîte aux lettres : une lettre de Brooklyn ! Le Rabbi m’avait répondu, justement le 13 Elloul !
Le plus curieux, c’est que justement le Rabbi ne me répondait pas sur un mode intellectuel, bien que je sache que de nombreux livres contiennent les lettres qu’il a envoyées à différentes personnes à propos de leurs doutes sur la foi en D.ieu. Non, le Rabbi m’écrivait très brièvement : 1) il lirait ma lettre auprès du tombeau de son beau-père, le Rabbi précédent, ce que j’interprétai comme le fait que mes questions relevaient davantage de ma santé mentale - et donc du domaine de la prière - que de la discussion intellectuelle.
2) il m’assurait que je trouverai la réponse à mes questions grâce à la pratique scrupuleuse des Mitsvot.
Par la suite, les circonstances m’ont amené à fréquenter plutôt une Yechiva «lithuanienne», mais il est évident que c’est le Rabbi qui m’a ramené vers le judaïsme. 
Quand je pense qu’autrement, je serais devenu un professeur d’université assimilé de plus… 
Grâce au Rabbi, je suis maintenant à la tête d’une famille nombreuse et mes enfants étudient la Torah qu’ils vivent intensément et sincèrement.

Raconté par A. S.
Kfar Chabad
traduit par Feiga Lubecki