Le verset ‘Hayé Sarah 23, 20 dit : «le champ, avec la grotte qu’il contient, s’éleva pour être la part d’Avraham, comme tombeau, de la part des fils de ‘Heth(1)». Ainsi, lorsque Sarah, notre mère quitta ce monde, Avraham se rendit chez les fils de ‘Heth, pour faire l’acquisition de la grotte de Ma’hpéla, se trouvant dans le champ d’Efron, afin de l’obtenir «en partage, comme tombeau»(2).

Efron proposa à Avraham de lui offrir tout le champ, avec la grotte qu’il contenait, mais Avraham insista pour lui en payer son prix(3), ainsi qu’il est dit : «j’ai donné l’argent du champ, prends-le chez moi»(4).

Au final, Efron en demanda un prix exorbitant, «quatre cents Shekels d’argent», mais Avraham versa à Efron l’intégralité de cette somme, «quatre cents Shekels d’argent acceptables par le commerçant». Concluant son récit, la Torah constate que : «le champ d’Efron s’éleva vers Avraham, comme acquisition»(5). Puis, ce passage répète ensuite, de nouveau, la même expression : «le champ, avec la grotte qu’il contient s’éleva pour être la part d’Avraham, comme tombeau»(6).

Que signifie l’expression : «le champ s’éleva(7)» ? Rachi explique : «il reçut une élévation, car il passa de la main d’un homme simple à celle du roi». Il s’agissait donc, en l’occurrence, d’une acquisition particulière(8), qui devait en transférer la propriété : «d’un homme simple à celle du roi».

Quand un homme du commun achète un objet à une autre personne, cet objet peut encore conserver le nom du vendeur(9). Il est, certes, acquis par l’acheteur et il lui appartient totalement, mais l’on garde l’idée qu’il appartenait au préalable au vendeur, lequel a accepté de le céder à l’acheteur.

Il n’en est pas de même, en revanche, quand celui qui acquiert l’objet est un roi. Tout le pays est placé sous l’autorité du roi(10) et c’est lui qui confère à ses sujets la capacité d’avoir une propriété privée(11). Aussi, quand c’est le roi lui-même qui acquiert un objet, la relation qui existait au préalable entre cet objet et le vendeur disparaît totalement. On ne se souvient plus du tout du propriétaire précédent(12).

Il en fut effectivement ainsi, lors de l’acquisition, par Avraham, du champ d’Efron et celui-ci, de la sorte, reçut clairement une élévation(13). Après avoir été, à l’origine, le bien d’un homme du commun, ce champ devenait, grâce à cette transaction, la propriété du roi, au point d’effacer le rapport préalable entre Efron et la grotte de Ma’hpéla, comme si elle avait toujours appartenu à Avraham.

La précision qui vient d’être donnée explique pour quelle raison Avraham s’entêta à ne pas recevoir le champ en cadeau et à payer pleinement son prix(14). Il voulait, de cette façon, supprimer tout rapport entre Efron et le champ, afin qu’il appartienne totalement à lui-même et aux autres Patriarches.

La grotte de Ma’hpéla est l’un des trois endroits desquels nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, disent(15) que : «les nations du monde ne peuvent pas abuser Israël et prétendre qu’ils ont été volés», les deux autres étant l’endroit du Temple, à Jérusalem et le tombeau de Yossef, à Che’hem(16).

Les commentateurs(17) justifient la particularité de ces trois endroits(18) en soulignant qu’ils conservent leur sainteté, de manière strictement identique, également pendant le temps de l’exil. Ainsi, nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, affirment que : «la Présence divine ne quitte pas le Mur occidental(19)» et, encore de nos jours, toutes les prières du peuple d’Israël doivent passer par la grotte de Ma’hpéla(20). Il en est de même également pour le tombeau de Yossef.

La particularité de la grotte de Ma’hpéla, premier endroit d’Erets Israël qui fut acheté pour le peuple d’Israël(21), est d’avoir été destinée, d’emblée, à la sépulture de Sarah, mère de Its’hak. Ce lieu est donc, depuis qu’il a été acheté, sans rapport avec Ichmaël(22). Il peut ainsi insuffler la force et la détermination, une puissance royale, pour qu’Erets Israël reste entre les mains du peuple d’Israël, jusqu’à la délivrance véritable et complète, par notre juste Machia’h, très bientôt et de nos jours.

 (Discours du Rabbi, Likouteï Si’hot, tome 35, page 82)

Notes :
(1) Qui en étaient les précédents propriétaires.
(2) ‘Hayé Sarah 23, 4.
(3) Afin de ne pas lui être redevable, comme le texte le dira par la suite et c’est pour la même raison qu’il le paya au prix fort.
(4) ‘Hayé Sarah 23, 13.
(5) ‘Hayé Sarah 23, 17.
(6) ‘Hayé Sarah 23, 20.
(7) Alors que l’on aurait attendu, simplement: «le champ changea de propriétaire».
(8) Non pas d’une vente ordinaire.
(9) Parce qu’il en a été le propriétaire pendant une longue période.
(10) Ainsi, commentant le verset: « placer, tu placeras au-dessus de toi un roi», nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, expliquent: « Tu le craindras».
(11) Tout comme il peut supprimer cette capacité et s’approprier un objet appartenant à l’un de ses sujets, s’il le juge nécessaire.
(12) Tant la renommée du roi est grande.
(13) Qui eut pour effet de faire disparaître le nom d’Efron.
(14) On consultera, à ce propos, le Sifteï Cohen sur les versets ‘Hayé Sarah 25, 9-10.
(15) Dans le Midrash Rabba, chapitre 79, au paragraphe 7.
(16) Dans ces trois cas, en effet, la Torah décrit la transaction qui a permis d’acquérir l’endroit. Nul ne peut donc prétendre qu’ils ont été confisqués aux autres nations.
(17) Notamment le Nezer Ha Kodech, à cette même référence du Midrash.
(18) De fait, pourquoi la Torah ne fait-elle état de la transaction que dans ces trois cas?
(19) Du Temple de Jérusalem, vers lequel tous se tournent encore, en prière et à partir duquel ces prières s’élèvent vers le Temple céleste.
(20) Afin d’être exaucées par le mérite des Patriarches, qui intercèdent en faveur de leurs descendants.
(21) Par notre père Avraham qui fut à l’origine de la constitution de notre peuple.
(22) Qui est le fils de Hagar, non pas de Sarah.