Le verset Pin'has 25, 11 dit que : «Pin'has, fils d'Eléazar, fils d'Aharon le Cohen calma Ma colère contre les enfants d'Israël» et la Parchat Pin'has est introduite par la récompense qui fut attribuée à Pin'has(1) parce qu'il avait «vengé la vengeance de D.ieu» et tué Zimri, qui avait commis une faute avec une femme de Midyan(2).

Quand II lui attribua cette récompense, D.ieu déclara : «Pin'has, fils d'Eléazar ; fils d'Aharon le Cohen(3) et Rachi énonce la raison pour laquelle le verset mentionne son ascendance d'une manière aussi précise : «les autres tribus le dénigraient : 'Voyez donc ce fils de Pouty ! Son grand-père maternel(4) a engraissé des chèvres pour l'idolâtrie et lui a tué un chef d'Israël ! C'est pour cela que le verset le rattache à Aharon(5)».

Plusieurs précisions sont encore nécessaires ici. Tout d'abord, pourquoi les enfants d'Israël humiliaient-ils Pin'has ? N'avaient-ils pas vu de leurs propres yeux ce que Zimri avait fait ? N'avaient-ils pas observé qu'après que Pin'has l'ait tué, l'épidémie qui frappait le peuple d'Israël était parvenue à son terme(6) ?

Si l'on avait dit que seuls les membres de la tribu de Chimeon l'avaient humilié, on aurait, certes, pu le comprendre. On aurait admis qu'ils voulaient venger leur chef. En revanche, pourquoi les autres tribus l'humilièrent-ils ?

Par ailleurs, s'ils voulaient rappeler le comportement de Yethro, grand-père de Pin'has, pourquoi firent-ils le choix de dire que : «il a engraissé des chèvres pour l'idolâtrie», au lieu de dire qu'il avait lui-même été le prêtre de toutes les formes d'idolâtrie qui existaient, à l'époque, dans le monde(7) ?

L'explication de tout cela est la suivante. La rancœur des enfants d'Israël, à l'encontre de Pin'has, s'expliquait par le fait qu'il avait été le seul à : «venger la vengeance de D.ieu», en présence de Moché, notre maître et de l'assemblée de tous les enfants d'Israël(8).

Ils retenaient donc contre lui l'argument suivant : il n'avait pas tué Zimri uniquement pour «venger la vengeance de D.ieu», mais à cause de la cruauté naturelle qui était implantée en son âme(9).

C'est la raison pour laquelle ceux qui lui tenaient rigueur mentionnèrent le fait que : «son grand-père maternel avait engraissé des chèvres pour l'idolâtrie(10) Car, il y avait bien là une marque de cruauté ! On donne à une chèvre une nourriture riche et choisie dans le but de la sacrifier, par la suite, pour l'idolâtrie. Les enfants d'Israël en déduisirent que Pin'has avait hérité de la cruauté de son grand-père et que c'est ce qui l'avait poussé à tuer Zimri.

De ce fait, D.ieu souligna, dans Ses propos : «Pin'has, fils d'Eléa-zar, fils d'Aharon le Cohen», affirmant ainsi que Sa vengeance, par l'intermédiaire de Pin'has, n'était en aucune façon la conséquence de sa cruauté, ce qu'à D.ieu ne plaise(11).

Bien au contraire, étant le petit-fils d'Aharon, Pin'has avait hérité de lui la qualité de : «poursuivre la paix et instaurer l'amour entre ceux qui étaient disputées(12). De ce fait, c'est lui qui prit l'initiative de rétablir la paix entre le peuple d'Israël et D.ieu. Il «calma Ma colère contre les enfants d'Israël».

La Torah révèle ainsi que la vengeance de Pin'has était bien une marque d'amour, une recherche de paix. Pin'has aimait profondément le peuple d'Israël et D.ieu. Il vengea donc la vengeance de D.ieu et, de cette façon, il supprima l'accusation qui avait été portée à l'encontre d'Israël, à cause de la faute des femmes de Midyan, qui atteignit son point culminant avec ce que fit Zimri.

Cet épisode délivre un enseignement éternel. Quand éclate une épidémie morale et qu'un Juif se dresse, pénétré du désir de «venger la vengeance de D.ieu», il n'y a pas lieu de remettre en cause la valeur de ce qu'il accomplit. Il n'y a pas lieu d'émettre le doute sur sa motivation et d'imaginer des intérêts personnels(13).

Dès lors qu'une action accomplie est judicieuse et bonne, il faut tout faire pour l'encourager, car nul ne sait réellement ce que son prochain porte en son coeur. Et, même s'il agit pour un motif intéressé, on connaît le principe selon lequel : «c'est en agissant de manière intéressée qu'on parvient à le faire en étant désintéressée(14).

C'est précisément grâce à cette vengeance de D.ieu que l'on instaure la paix véritable, ainsi qu'il est dit : «Je lui donne Mon alliance de paix»(15).

(Discours du Rabbi, Torat Mena'hem, tome 8, page 160)

Notes :
(1) Le titre de Cohen qu'il ne possédait pas au préalable.
(2) Le peuple qui incitait les enfants d'Israël à servir l'idole de Baal Peor.
(3) Selon les termes du verset Bamidbar 25, 11.
(4) Yethro.
(5) A son grand-père paternel.
(6) Les enfants d'Israël auraient donc dû éprouver de la reconnaissance pour Pin'has !
(7) Ce qui est infiniment plus grave. Rachi, commentant le verset Chemot 18, 11, d'après le Midrash Tan'houma, Parchat Yethro, à la même référence, dit que : «il n'y avait pas une seule idole qu'il n'ait servie». On verra aussi, en particulier, le Midrash Chemot Rabba, chapitre 1, au paragraphe 32 et le Midrash Tan'houma, Parchat Chemot, au chapitre 11, de même que le commentaire du Ramban sur le verset Chemot 2, 16. En revanche, Rachi donne une autre explication, à cette référence et dans son commentaire du verset Béréchit 47, 22.
(8) Ainsi, même si l'initiative était positive, elle n'en était pas moins, selon eux, une attitude arro-gante, un manquement au respect dû à Moché et aux anciens.
(9) C'est l'explication du Torah Or, à la page 19c, du Dére'h 'Hem, à partir de la page 81 b, du Dére'h Mitsvoté'ha, à la page 89b, du discours 'hassidique intitulé : «Tu as séparé», de 5706, au chapitre 21 et du Likouteï Si'hot, tome 1, à la page 134.
(10) Plutôt que de dire qu'il était le prêtre de tous les cultes idolâtres.
(11) Mais, bien le désir de venger D.ieu.
(12) Selon les termes du commentaire de Rachi sur le verset Bamidbar 20, 29.
(13) Chaque fois qu'un Juif agit positivement, il n'y a pas lieu de remettre en cause ses motivations. Il ne fait pas de doute que c'est alors l'amour naturel de D.ieu que chacun possède qui s'exprime en lui.
(14) Dans le traite Pessa'him 50b et l'on verra aussi les références indiquées, de même que les Lois de l'étude de la Torah, de l'Admour Hazaken, chapitre 4, au paragraphe 3 et dans le Kountrass A'haron, à la même référence.
(15) Bamidbar 25, 12.