La Sidra de cette semaine décrit Avraham, le premier Juif. Il était un homme, seul face au monde entier, jusqu’à ce qu’il devint évident que D.ieu le soutenait dans tout ce qu’il entreprenait. C’est alors que le roi des Philistins lui demanda d’établir une alliance et c’est ce qui lui permit de vivre en sécurité sur la terre de ce peuple.

A propos de la période où Avraham vécut sur la terre des Philistins, la Sidra de cette semaine nous dit : «Et Avraham planta un échèl, un tamaris (arbre)… et là, il invoqua le Nom de D.ieu, Seigneur du Monde». En d’autres termes, il fit connaître la présence de D.ieu, «…Et Avraham vécut sur la terre des Philistins pendant une longue période». Et c’est après ces versets que la Torah relate le sacrifice d’Its’hak.

Une question se soulève : quelle leçon peut-on tirer du fait qu’Avraham plantât un tamaris ? La Torah a précédemment décrit la grandeur d’Avraham étant donné qu’il était un seul et unique Juif et qu’il diffusait la foi en un D.ieu unique. Après de tels sommets de dévotion, qu’ajoute ce qui paraît un détail : il planta un tamaris ? Et quel rapport cet acte a-t-il avec le sacrifice d’Its’hak ?

Le tamaris est un grand arbre possédant de larges branchages. Puisqu’Avraham vivait dans un désert, il planta cet arbre pour permettre aux voyageurs de s’y abriter du soleil torride. Le Talmud élargit l’interprétation du mot hébreu échèl jusqu’à avancer qu’il ne se réfère pas à un seul arbre mais à un verger. Avraham planta donc un verger pour que les voyageurs puissent se rafraîchir en consommant des fruits.

Le Talmud propose également une seconde interprétation, déclarant que échèlévoque une auberge. Avraham donnait donc aux passants du pain, de la viande, des boissons et le gîte. En fait, le Midrach indique qu’il mettait aussi à la disposition de ses invités une cour de justice où ils pouvaient régler tous les conflits qui se soulevaient, le cas échéant.

Avraham ne se contentait donc pas de fournir le pain, le sel et l’eau pour assouvir les besoins primordiaux de ses hôtes. Il ne leur donnait pas le strict minimum mais il leur offrait des éléments qui leur apportaient du plaisir : des fruits, du vin, des délicatesses et le logis. Il leur permettait même de disposer d’une cour de justice pour gérer leurs difficultés.

Et pour qui avait-il tous ces égards ? Pour de parfaits étrangers.

Cela nous enseigne une leçon. Au cœur de chaque Juif a été implanté l’attribut de la miséricorde et le désir d’accomplir des actes de bonté. Tel est notre héritage de notre patriarche Avraham, pas seulement aider autrui en comblant ses besoins essentiels mais lui permettre d’éprouver du plaisir, un plaisir matériel et la satisfaction personnelle qui surgit lorsque ses problèmes sont résolus.

Cette approche concerne particulièrement les parents dans leurs relations avec leurs enfants. Les parents possèdent le désir inhérent de donner à leurs enfants tout ce dont ils ont besoin (sans même se poser la question de savoir si les enfants le leur rendront). Et ils leur donnent plus que ce qui est nécessaire. Par exemple, dans le domaine de l’éducation, les parents s’efforcent de tout leur donner pour qu’ils puissent s’épanouir et développer tout leur potentiel, à la fois dans les domaines spirituel et matériel.

Pour les Juifs, cette attitude ne se limite pas à leurs propres enfants mais elle se déploie également vis à vis des autres. Dans chaque cœur Juif existe une tendance inhérente à partager avec de parfaits étrangers même ce qui a été gagné par un dur labeur et des efforts intenses. Et cela n’implique pas simplement de les aider matériellement mais également de s’intéresser à eux et les soutenir dans leurs problèmes personnels.

Cette approche transcende les limites de la raison.

Notre esprit admet que nous devions aider une autre personne dans ce qu’elle manque. Cela fait de la peine de la voir souffrir. Mais la volonté de donner à quelqu’un quelque chose dont il n’a pas besoin, quelque chose qui lui fera plaisir, émerge d’un type de générosité qui dépasse les impératifs intellectuels. Ce qui motive la personne dans sa quête du bien-être ultime de l’autre est son attribut de générosité.

Si ces concepts s’appliquent aux objets matériels, ils concernent également le domaine spirituel. Car une déficience spirituelle, un manque ressenti par l’âme, suscite bien plus de souffrances et est bien plus difficile à corriger qu’une déficience matérielle.

C’est la raison pour laquelle quand les Juifs s’installent dans un lieu nouveau, que ce soit un pays libre ou un pays qui les oppresse, la première de leurs préoccupations est d’établir des yechivot et des écoles où l’on étudie la Torah. Et cette démarche n’a pas seulement pour but de donner aux étudiants le minimum mais de développer tout leur potentiel, «de rendre la Torah grande et glorieuse».

La source du sacrifice de soi

C’est sur cette base que nous pouvons comprendre le lien entre la plantation du tamaris (et de toutes les implications du mot échèl) et le sacrifice d’Its’hak.

La force du messirout néfech (sacrifice de soi) qui motiva Avraham et Its’hak pour accomplir la Akéda (le sacrifice) venait de l’attribut de bonté qui transcende la raison. Bien qu’ils aient vécu librement de nombreuses années, sur la terre des Philistins, et qu’ils n’aient souffert d’aucune oppression, leur bonté illimitée leur permit de mobiliser en eux le sacrifice de leur personne pour la Akéda, avec joie.

Ce qui est nécessaire aujourd’hui

Cette leçon s’adresse aux générations suivantes. Aujourd’hui, ce qui est demandé au Peuple Juif est le messirout néfech, le sacrifice de notre personne, et tout particulièrement dans le domaine du ‘hinoukh, l’éducation. Toutes les ressources dont nous disposons, pour lesquelles nous sommes engagés dans de durs labeurs doivent être consacrées à l’éducation des enfants, les nôtres et ceux des autres.

Bien plus encore, notre intention doit être non de leur donner ce qui est nécessaire, mais de les engager au mieux, de la façon la plus complète qui soit, dans le domaine du judaïsme, de la Torah et des Mitsvot.

C’est de cette manière que nous élèverons une génération de Juifs possédant lemessirout néfech, des Juifs prêts à se sacrifier pour le judaïsme. Bien qu’ils vivent dans des pays libres, ils seront prêts à se donner, offrant leurs possessions et si nécessaire leur vie pour la foi dans la Torah et ses Mitsvot et pour tout ce qui est lié à l’héritage juif.

Si’ha du Rabbi 17 ‘Héchvan 5719