Lettre n° 196

Par la grâce de D.ieu,
19 Elloul 5705,

Au 'Hassid, érudit et craignant D.ieu,
le Rav I.(1), le Cho'het,

Je vous salue et vous bénis,

J'ai reçu votre lettre depuis bien longtemps et je vous demande de m'excuser de ma réponse si tardive, du fait de mes nombreuses activités. Vous trouverez, ci-joint, cette réponse, à mon humble avis.

Sur certains points, j'ai donné des explications qui, pour vous, sont sans doute inutiles, afin de rester fidèle à la présentation du Kovets, qui est également destiné à ceux qui possèdent uniquement une connaissance approximative de la 'Hassidout.

Je vous remercie de me confirmer que vous avez bien reçu cette lettre. Je suis surpris que vous n'utilisiez pas la rubrique des bonnes nouvelles fraternelles.

Vous recevrez un compte rendu de ce qui se passe ici par notre ami, monsieur Mindel(2).

Tous les 'Hassidim vous saluent. Je conclus en vous souhaitant d'être inscrit et scellé pour une bonne année, une Techouva immédiate et la délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif

Vous m'avez posé la question suivante:

"Dans le Torah Or Chemot, au discours intitulé «D.ieu lui dit: Qui a donné une bouche à l'homme?», l'Admour Hazaken écrit: «La bénédiction que l'on fait en accomplissant une Mitsva permet d'attirer la Lumière qui entoure(3), alors que l'accomplissement proprement dit révèle la Lumière profonde.

Ceci explique la différence entre la coutume des Sefaradim et des Achkenazim à propos des Tefilin de la tête, pour déterminer s'il faut, en les mettant, réciter une bénédiction spécifique. En effet, la Lumière qui entoure obtenue par les Tefilin de la tête est particulièrement élevée. La coutume Séfarade est donc de ne pas dire cette bénédiction, car il est impossible de mettre en évidence une telle Lumière. Pour les Achkenazim, en revanche, cela est possible.»

On peut s'interroger sur cette affirmation. En effet, comment justifie-t-elle que l'on dise la bénédiction des Tefilin de la tête si l'on s'est interrompu après avoir mis ceux du bras? S'il est impossible d'attirer cette Lumière, elle ne peut sûrement pas être obtenue à la suite d'une interruption."

* * *

Voici ma réponse. Pour l'introduire, je préciserai, au préalable, la controverse qui existe entre les Sefaradim et les Achkenazim, à ce propos.

Il nous faut, en effet, comprendre les deux avis. Les Achkenazim pensent que l'on peut réciter la bénédiction en mettant les Tefilin de la tête et ainsi révéler la Lumière qui entoure les mondes. Les Sefaradim, par contre, considèrent, que nous sommes incapables de mettre en évidence une telle Lumière. Ils ne récitent donc pas la bénédiction.

En fait, cette formulation n'est pas exacte. Les Sefaradim reconnaissent également que la Lumière qui entoure se révèle. Ils pensent, cependant, qu'un tel processus ne peut être déclenché par l'action des hommes, mais qu'il apparaît de lui-même, à l'initiative de D.ieu. En effet, cette lumière est si élevée qu'aucun effort des hommes ne pourrait permettre de l'obtenir. Et c'est donc pour cela que l'on ne dit pas la bénédiction.

Pour les Achkenazim, en revanche, une bénédiction est dite parce que l'effort des hommes peut, selon eux, mettre en évidence cette Lumière.

Le Chaar Hakavanot, second discours sur la prière du matin, dit: "Les Tefilin de la tête transforment le monde spirituel d'Atsilout. S'agissant de la bénédiction que l'on récite en les mettant, par contre, il y a bien une controverse. Selon un avis, la révélation d'une Lumière dans le monde d'Atsilout dépend également des efforts des hommes. Une bénédiction est donc récitée pour obtenir cette lumière. Selon l'autre avis, cette Lumière se forme d'elle-même, sans aucune intervention des hommes. Car, nous ne sommes pas capables de la réaliser".

Le Peri Ets 'Haïm, au cinquième chapitre de la porte de la prière, est plus précis: "Les Tefilin de la tête apportent la transformation aux trois Sefirot les plus inférieures du monde d'Atsilout(4), dans leur dimension superficielle. En effet, l'aspect profond n'a nul besoin d'une telle transformation et celui de Brya, lui-même, ne subit aucune emprise des forces du mal.

La Lumière entourant la dimension superficielle, elle-même, ne doit pas être transformée. Elle obtient l'élévation d'elle-même et aucune bénédiction ne doit donc être récitée. Certains Décisionnaires ont un avis divergent et demandent de réciter la bénédiction également sur les Tefilin de la tête, afin que nous dévoilions cette Lumière qui entoure, ce que nous pouvons faire".

De fait, ces trois éléments sont interdépendants. Une telle Lumière, une telle influence que l'homme peut attirer, souligne que l'action des hommes est importante, qu'elle peut exercer une influence considérable. Et, si une bonne action est à ce point importante, une faute, une mauvaise action permet elle-même d'emprisonner cette influence dans le lieu du mal, de la placer sous l'emprise des forces impures. S'abstenir d'agir, par contre, fait qu'aucune Lumière ne se révèle.

Il est deux formes de révélations obtenues à l'initiative de D.ieu:

A) Certaines révélations peuvent être obtenues en tout endroit, que celui-ci soit capable ou non de les contenir.

On peut citer un exemple, à ce propos. Un homme peut être saisi d'un intense désir de Techouva, sans aucune réflexion préalable, sans aucune préparation. Ceci peut arriver également à un impie.

B) A l'opposé, certaines révélations, bien qu'à l'initiative de D.ieu, apparaissent uniquement en un lieu apte à les contenir.

La perfection de l'endroit n'implique nullement la révélation de cette Lumière, alors que, par exemple, la bénédiction sur les Tefilin du bras, déclenche, si l'on peut ainsi s'exprimer, la Lumière qui entoure, issue du monde de Brya. La perfection rend seulement la révélation possible, mais, lorsque celle-ci se produit, elle est un don de D.ieu et non un processus qui va de soi(5).

On peut citer un exemple, à ce propos. La prophétie, telle que la définit le Rambam, appartient à cette seconde catégorie. Celui-ci écrit: "Les prophètes ne prophétisent pas à n'importe quel moment, chaque fois qu'ils le désirent. Ils doivent se concentrer, s'isoler et solliciter la révélation prophétique. Malgré toutes ces préparations, elle pourra se révéler ou ne pas se révéler"(6).

Comme on l'a dit, la Lumière qui entoure, issue du monde d'Atsilout, se dévoile d'elle-même, selon l'avis des Sefaradim. Pour autant, il reste nécessaire qu'un Juif mette les Tefilin de la tête, parce que cette révélation appartient à la seconde catégorie et elle est effective uniquement lorsque la perfection est obtenue.

Il est clair qu'une telle perfection, indispensable pour que puisse se révéler la Lumière qui entoure, doit, dans une certaine mesure, avoir un point commun avec elle, puisqu'elle est à l'origine de son dévoilement. Ainsi, pour recevoir la prophétie, il faut se concentrer, s'isoler et la demander à D.ieu.

On récite donc la bénédiction sur les Tefilin de bras et l'on obtient ainsi une Lumière qui entoure, issue du monde de Brya, le plus proche de celui d'Atsilout, comme l'établissent les écrits du Ari Zal. Ceci peut être comparé à la concentration et à l'isolement.

En disant la bénédiction sur les Tefilin du bras, on pensera également à celles de la tête, on espérera que la Lumière qui entoure, venant du monde de Brya, prépare la révélation de celle d'Atsilout. Ceci peut être comparé au fait de demander la révélation prophétique.

Une telle préparation est directement liée à la Lumière qui entoure, issue du monde d'Atsilout, qui peut se révéler, d'elle-même, par la suite.

Mais, tout ce qui vient d'être dit concerne uniquement celui qui n'a fait aucune interruption entre les Tefilin du bras et celles de la tête. Si, par contre, on a fait une telle interruption ou bien si l'on ne possède que les Tefilin de la tête, la perfection est remise en cause. Une nouvelle bénédiction doit alors être récitée sur les Tefilin de la tête.

Cela ne veut pas dire que la Lumière qui entoure, provenant du monde d'Atsilout, se révélera nécessairement car, selon l'avis des Sefaradim, l'obtenir n'est pas en notre pouvoir. Cette bénédiction, néanmoins, rétablit la perfection. Dès lors, la Lumière peut se révéler par la suite.

Notes

(1) Le Rav Its'hak Doubov, de Manchester, en Angleterre.
(2) Le Rav Nissan Mindel qui, après la guerre, visita l'Europe et en particulier l'Angleterre.
(3) Le Rabbi note, en bas de page: "Cela ne veut pas dire que cette Lumière entoure la création en transcendant la notion d'espace, ce qu'à D.ieu ne plaise. En effet, cette notion n'a aucun sens, dans la dimension spirituelle. En fait, elle entoure la création dans le sens où elle ne s'y révèle pas. Elle y reste cachée et les mondes ne la perçoivent pas. Elle ne s'y introduit donc pas et ne fait que l'entourer".
(4) Le Rabbi note, en bas de page: "Le Michnat 'Hassidim, traité sur la pose des Tefilin 3, 3, précise qu'il s'agit des Attributs de Netsa'h, Hod et Yessod d'Atsilout".
(5) Le Rabbi note, en bas de page: "Tout cela est expliqué dans le Likouteï Torah Chir Hachirim, au discours intitulé «pour comprendre le sens de l'effort réalisé ici-bas», au paragraphe 5".
(6) Le Rabbi note, en bas de page: "On consultera, à ce propos, le Le'hem Michné. On verra également le Guide des égarés".