Lettre n° 188

Par la grâce de D.ieu,
25 Nissan 5705,

Au grand et illustre Rav, 'Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Y. Leiner(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre, que j'ai reçue avec retard. Par la suite, ma réponse a été retardée jusqu'à maintenant, pour différentes raisons et vous voudrez bien m'en excuser.

Mon beau-père, le Rabbi Chlita, du fait de ses multiples activités, m'a transmis votre lettre, pour en prendre connaissance et pour vous répondre. Je vous communiquerai donc mon humble avis et je serais heureux de connaître vos réactions à ce que j'expose plus loin:

A) Vous écrivez: "J'ai été très peiné par la modification des textes sacrés figurant dans le Sidour Torah Or, paragraphe 14, à propos du Psaume "Prière de David" et il est une Mitsva d'en demander la rectification. Voici cette modification (qui est celle du Tséma'h Tsédek): «Réjouis le coeur de Ton Serviteur, car vers Toi, Eternel (Ado Naï), j'élève mon âme». Selon d'autres versions, il faut lire ici le Nom divin Avaya".

Le Chaar Hacollel, du Rav David Lawout, imprimé dans le second tome de ce Sidour, donne la référence de cette formulation: "C'est celle du Zohar Balak 195b. Le Mikdach Méle'h précise que ce Nom correspond aux quatre lettres du Nom Avaya".

Si je puis me le permettre, je ferais, néanmoins, remarquer que les corrections du Tséma'h Tsédek ont été recopiées de son propre Sidour. En l'occurrence, selon le Chaar Hacollel, il indique ici uniquement que, selon d'autres versions, le Nom Ado Naï doit être remplacé par le Nom Avaya. Mais, en réalité, le copieur a fait ici une erreur et la remarque du Tséma'h Tsédek s'appliquait à cet autre verset: "Nul ne T'est comparable, parmi ceux qui sont puissants, Eternel (Ado Naï)". Dans d'autres versions, on trouve bien ici le Nom Avaya, comme l'explique le Min'hat Chaï.

Si mon interprétation est la bonne,

1. On peut effectivement comprendre la correction du Tséma'h Tsédek, puisque le Zohar et le Mikdach Méle'h n'établissent pas clairement qu'il est fait usage, dans le verset, du Nom Avaya.

2. On peut justifier également que la correction du Tséma'h Tsédek n'ait pas été retenue à propos du verset "Nul ne T'est comparable", duquel il existe deux versions, l'une avec Ado Naï et l'autre avec Avaya. Bien plus, dans l'exemplaire du Sidour du Ari Zal qui appartenait au Tséma'h Tsédek et se trouve dans la bibliothèque de mon beau-père, le Rabbi Chlita, le verset "Réjouis le coeur de Ton serviteur" est écrit avec le Nom Ado Naï, comme dans toutes les versions courantes. Malgré cela, le Tséma'h Tsédek signale l'existence d'une autre version.

Le même Sidour porte le Nom Avaya, dans le verset "Nul ne T'est comparable", malgré l'affirmation du Min'hat Chaï et bien que le Nom soit, d'ordinaire, orthographié Ado Naï. Or, à ce propos, le Tséma'h Tsédek ne dit rien.

B) Vous dites que la recherche d'une référence aux propos de nos Sages(1), comme nous venons de le faire, est "un moyen de servir les Sages, c'est-à-dire d'expliquer et de justifier leurs propos, comme le dit Rachi, dans son commentaire du traité Bera'hot 47".

Il semble que cette affirmation manque de précision car, selon Rachi, celui qui a connaissance de la référence, mais n'en connaît pas l'explication et la logique est considéré comme n'ayant pas servi les Sages. C'est ce qu'indique son commentaire du traité Sotta 22a.

D'après Rachi, celui qui, ayant appris la Torah et la Michna, accède à la Guemara, doit, avant tout, connaître les raisons et les explications de la Loi. C'est alors qu'il sert les Sages, au sens des traités Bera'hot et Sotta.

Cette conception de Rachi trouve un très fort appui dans le traité Bera'hot qui parle de celui qui a appris le Sifra et le Sifri, mais n'est cependant pas considéré comme ayant servi les Sages. Or, les références de la majeure partie des Lois évoquées dans ces livres y sont précisées.

Néanmoins, le Rambam et le Choul'han Arou'h s'opposent à Rachi, sur ce point. Selon eux, connaître la référence fait partie intégrante de l'étude(...).

C) Vous considérez que la Mitsva d'honorer son père s'étend jusqu'à la quatrième génération(3). On peut s'interroger, à ce propos, surtout si la remarque vient, à l'origine de l'Admour Hazaken, ce qui veut dire qu'il y a une fille dans la succession des générations(4).

(...) Le Midrach parle, en effet, du "père du père", mais rien ne nous permet de remonter plus haut dans la filiation, dans l'application de la Mitsva d'honorer son père et sa mère(...).

Bien que ce ne soit pas une preuve absolue, on peut trouver une allusion à la nécessité d'honorer ses parents, même après plusieurs générations, dans le verset "et il plaça le trône de la mère du roi", c'est-à-dire de Ruth(5), selon l'interprétation qu'en donne le traité Baba Batra 91b. Bien entendu, il ne s'agit que d'une simple allusion.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

M. Schneerson

Le paragraphe A, ci-dessus, présente sans doute un intérêt pour le plus grand nombre. Je me permets donc de le faire imprimer dans le Kovets Loubavitch, dans la rubrique "questions et réponses". Par votre intermédiaire, un mérite sera ainsi offert aux lecteurs et à tous ceux qui s'intéressent à ces questions

Notes

(1) Le Rav Yerou'ham Leiner, de Londres.
(2) Le Rav Leiner disait que la question qu'il se posait et qui a été traitée au paragraphe A le conduisait à rechercher la référence des affirmations de nos Sages.
(3) Le Rav Leiner écrivait au précédent Rabbi qu'en trouvant une référence à l'affirmation du Tséma'h Tsédek, son arrière-arrière-grand-père, il accomplirait la Mitsva d'honorer son père.
(4) Puisque le Tséma'h Tsédek est le fils de la fille de l'Admour Hazaken.
(5) Que plusieurs générations séparaient pourtant du roi David.

Lettre N° Par la grâce de D.ieu,
4 Sivan 5705,

Au distingué 'Hassid, qui craint D.ieu,
monsieur Alexander Cohen(1),

Je vous salue et vous bénis,

Vous savez sans doute que notre ami, monsieur Stolman, nous a adressé un chèque pour le Merkaz Leïnyaneï 'Hinou'h(2). A cette occasion, je voudrais vous renouveler mes chaleureux remerciements pour votre intervention, vos efforts et votre travail, en la matière. Je vous remercie pour le passé, pour le présent, mais aussi, comme nous l'espérons tous, pour le futur. Et ce qui est accompli, ce qui peut se poursuivre grâce à ce don, constitue, pour vous, la meilleure expression de reconnaissance.

Lors du don de la Torah(3), le premier Commandement fut: "Je suis l'Eternel ton D.ieu, Qui t'ai fait quitter le pays de l'Egypte". Des commentateurs, par exemple, le Ibn Ezra, dans son analyse du verset Chemot 20, 1, s'interrogent, à ce propos. Pourquoi ne pas faire référence à un événement plus déterminant et dire: "Qui ai créé les cieux et la terre" ou bien "Qui t'ai créé"? La création des cieux et de la terre, outre son importance intrinsèque, apparaît à l'évidence pour toutes les générations, alors que la sortie d'Egypte constituait une référence uniquement pour ceux qui la vécurent.

La 'Hassidout apporte, à ce propos, l'explication suivante.

La création fut faite à partir du néant. Elle introduisit dans la matière l'éclairage de la Divinité que les mondes peuvent supporter. La sortie d'Egypte, en revanche, put être obtenue uniquement par des miracles et des merveilles, c'est-à-dire en plaçant la matière au dessus des principes et des limites qui lui ont été assignés, au sein de la création.

En ce sens, quitter l'Egypte signifie également se départir de ses limites et de ses contraintes. Il y a donc bien là une révélation divine beaucoup plus intense et c'est précisément pour cela qu'il a été fait référence à la sortie d'Egypte, lors du don de la Torah, car celui-ci transcenda également la création et ses limites.

Si l'on se permet cette comparaison, on peut vérifier qu'il en est de même chez les hommes. S'engager soi-même ou engager les autres, d'emblée, sur le droit chemin, est relativement aisé. A l'opposé, lorsque l'on doit modifier ses principes et se libérer de contraintes que l'on s'était soi-même imposées et qui, dans différentes situations, se sont révélées justifiées, mais qui n'en constituent pas moins un obstacle, cela est beaucoup plus difficile. Il est alors nécessaire de quitter l'Egypte.

Mon cher monsieur Kowen, j'ai bon espoir qu'en la matière, vous viendrez en aide à monsieur Stolman, afin qu'il puisse se libérer de ses limites et de ses principes, qu'il accepte pleinement ce que lui demande mon beau-père, le Rabbi Chlita(4). Dans ce domaine, vous connaîtrez sûrement le succès, comme cela a été le cas jusqu'à maintenant.

Avec mes salutations et ma bénédiction pour la fête,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif(5)

P. S. : Vous trouverez ci-joints:
1. une copie de la lettre que j'adresse à monsieur Stolman(6),
2. un extrait de compte supplémentaire,
3. les publications Chaloh et Chavouot.

Notes

(1) Qui est appelé, dans d'autres lettres, El'hanan Kowen.
(2) A la demande du précédent Rabbi.
(3) Cette lettre est écrite deux jours avant Chavouot.
(4) En complétant son don pour atteindre le montant indiqué par le Rabbi précédent.
(5) Du Merkaz Leïnyaneï 'Hinou'h.
(6) Qui était rédigé en anglais, alors que la présente lettre est en Yiddish.